Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Gaudreault c. Savard

2022 QCTAL 20541

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Saguenay

 

No dossier :

612354 02 20220214 G

No demande :

3460788

 

 

Date :

21 juillet 2022

Devant la juge administrative :

France Tremblay

 

Nathalie Gaudreault

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Jules Savard

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le Tribunal est saisi d’un recours produit le 14 février 2022, par lequel la locataire réclame des dommages-intérêts totalisant 10 000 $ et des dommages moraux au montant de 3 980 $, le tout avec les intérêts et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec (C.c.Q.) et le remboursement de ses frais.

[2]         Au soutien de sa demande, la locataire allègue que le locateur a contrevenu à son obligation légale de lui procurer la pleine jouissance de son logement en procédant au changement de la serrure donnant accès au logement et en disposant de tous ses effets personnels sans obtenir au préalable son consentement.

CONTEXTE

[3]         Initialement, les parties étaient liées par un bail de logement du 1er avril 2019 au 30 juin 2020, au loyer mensuel de 500 $.

[4]         Le 3 avril 2020, le locateur a produit une demande relative au non-paiement du loyer de la locataire (demande numéro 516974), laquelle a été rayée par le Tribunal en date du 28 juillet 2020, considérant l’absence des parties à l’audience.

[5]         Le 18 janvier 2021, le locateur a produit une nouvelle demande relative au non-paiement du loyer de la locataire (demande numéro 552889). Un jugement a été prononcé le 30 mars 2021, lequel résilie le bail et ordonne à la locataire de verser au locateur les arrérages de loyer dus jusqu’au mois de mars 2021 inclusivement.

[6]         Or, il appert que la locataire a évité la résiliation du bail ou que le locateur a renoncé à l’exécution de la décision susmentionnée, car le 17 août 2021, ce dernier a produit une autre demande relative au non-paiement du loyer de la locataire (demande numéro 584091), laquelle a été rayée par le Tribunal en date du 5 octobre 2021, considérant l’absence des parties à l’audience. À l’époque, le locateur alléguait que le bail des parties avait été reconduit au 30 juin 2022, au loyer mensuel de 510 $.


[7]         Enfin, en date du 7 février 2022, le Tribunal a prononcé un jugement, en l’absence de la locataire à l’audience, sur la demande en recouvrement de loyer du locateur produite le 10 décembre 2021, par lequel la résiliation du bail est, entre autres, constatée, suivant la preuve soumise à l’effet que la locataire avait déguerpi du logement au cours du mois de décembre 2021.

[8]         La locataire n’a pas requis la rétractation de la dernière décision prononcée entre les parties, pas plus qu’elle en a interjeté appel.

[9]         Cela dit, il appert du plumitif du Tribunal administratif du logement que le déguerpissement de la locataire a déjà fait l’objet d’un jugement.

Chose jugée

[10]     L'article 2848 C.c.Q. définit l'autorité de la chose jugée comme suit :

« L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.

(...) »

[11]     L'autorité de la chose jugée vise à préserver l'ordre public, à protéger les intérêts privés, à empêcher le renouvellement de la continuation des litiges, à assurer la stabilité des rapports sociaux et à éviter des jugements contradictoires[1].

[12]     De plus, le Tribunal ne peut pas, dans une procédure subséquente entre les mêmes parties, considérer les faits qui sous-tendent la procédure antérieure et qui ont fait l'objet d'une décision.

Biens laissés dans le logement

[13]     Bien que le bail soit résilié de plein droit en raison du déguerpissement de la locataire (article 1975 C.c.Q.), le locateur doit, suivant la théorie et la jurisprudence constante, suivre la procédure édictée aux article 939 et s. C.c.Q. qui prescrivent notamment un avis de 90 jours comme condition préalable à la disposition des biens de la locataire laissés dans le logement, et ce, même si le locateur est tenté de considérer ceux-ci d’aucune valeur.

[14]     Ainsi, le locateur est bien avisé de faire l’inventaire des biens retrouvés, de les photographier et de les conserver pendant un délai raisonnable, en vue de parer à une éventuelle réclamation à cet égard.

DÉCISION

[15]     En l'instance, il apparaît clair pour le Tribunal que le locateur a disposé de tous les effets laissés dans le logement par la locataire, sans possibilité pour elle de pouvoir récupérer, notamment, certains souvenirs.

[16]     Or, en l’absence de preuve justificative établissant la valeur réelle des biens disposés par le locateur, le Tribunal ne peut statuer sur la réclamation de la locataire, à titre de dommages matériels.

[17]     Cependant, le Tribunal estime le préjudice moral de la locataire bien réel. En effet, bien que difficile à chiffrer d’une manière exacte ou même approximative, il est facile d’imaginer le désarroi vécu par la locataire lorsqu’elle a constaté qu’elle ne pourrait récupérer l’ensemble de ses souvenirs, dont ses photos et les objets ayant jadis appartenus à sa grand-mère, car le locateur les avait délibérément jetés aux ordures.

[18]     En somme, le Tribunal juge bouleversant que le locateur ait disposé ainsi des biens d'autrui sans avoir préalablement obtenu une autorisation à cet effet, ce qui le justifie d'user de sa discrétion judiciaire afin d'octroyer à la locataire la somme arbitraire de 1 000 $ pour compenser tous les troubles, ennuis et inconvénients subis.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19]     ACCUEILLE, en partie, la demande de la locataire;

[20]     CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 1 000 $, plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à compter du 14 février 2022, plus les frais de justice prévus par règlement de 89,75 $.

 

 

 

 

 

 

 

 

France Tremblay

 

Présence(s) :

la locataire

le locateur

Date de l’audience : 

14 juin 2022

 

 

 


 


[1] Ilôt St-Pierre c. Turcotte, R.D.L., 2019-09-26, 2019 QCRDL 31094, SOQUIJ AZ-51632896.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.