Tremblay c. McNutt |
2011 QCRDL 6027 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
||
Bureau de Rouyn-Noranda |
||
|
||
No : |
12 080603 003 G 12 100427 002 G |
|
|
|
|
Date : |
18 février 2011 |
|
Régisseure : |
Danielle Dumont, juge administratif |
|
|
||
Carole Tremblay
Jacqueline Tremblay
Line Aubé
Gaston Tremblay
Nathalie Tremblay |
|
|
Locateurs - Partie demanderesse (12 080603 003 G) Partie défenderesse (12 100427 002 G) |
||
c. |
||
Robert Mcnutt |
|
|
Locataire - Partie défenderesse (12 080603 003 G) Partie demanderesse (12 100427 002 G) |
||
|
||
D É C I S I O N
|
||
[1] Les locateurs demandent le recouvrement d’une somme de 13 300 $ en loyer dû, tout le loyer dû au moment de l’audience.
[2] Ils demandent également la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.
[3] Le locataire, pour sa part, demande le recouvrement d’une somme de 69 999,99 $ et de statuer sur la compétence de la Régie du logement.
[4] Ces
demandes conformément à l’article
[5] Gérald Tremblay était le propriétaire de l’immeuble situé au [...], quartier Évain, Rouyn-Noranda.
[6] Le 3 juillet 2003, Gérald Tremblay est décédé. Il a légué en parts égales à ses 5 enfants, cet immeuble actuellement occupé par le locataire.
[7] Par une déclaration de transmission, les présents locateurs sont devenus propriétaires de l’immeuble.
[8] Le 19 mai 2005, Serge Tremblay, frère des locateurs, est décédé. Il a légué à sa conjointe, Line Aubé, sa partie indivise (1/5) de l’immeuble.
[9] Les locateurs ont confié la gestion et l’administration de l’immeuble occupé par le locataire à la colocatrice Carole Tremblay.
[10] Le 14 septembre 2005, la locatrice Carole Tremblay et le locataire signaient ce document :
« Moi Robert McNutt d’Authier, s’intéresse à l’achat de la propriété situé au [...] Évain [...]. Ceci inclus la maison et entrepôt pour une somme de 100,000 $.
Par contre due au fait qu’il y a des contraintes temporaires qui empêche la vente de la propriété. Moi Carole Tremblay (vendeuse) et (acheteur) Robert McNutt on accepte de signer un bail de location pour une période d’un ans dès le premier octobre 2005 au premier octobre 2006, pour la somme de 700.00 $ par mois.
En faisant ainsi moi Robert McNutt, réserve le droit d’être le premier acheteur pour cette période. Que ce soit entendu que ce bail peux être modifier où même annullé dans le but de créer un contrat d’achat où d’achat par location (sur une période de deux ans). Dans ce bail, seulement le garage avec un plancher de ciment annexé à l’est de l’entrepôt est inclus dans la location. Par contre, la propriétaire ce réserve le droit de passage au garage pour gagner accès à son entrepôt. De quoi la propriétaire s’engage à donner un avis de 24 hrs au locataire. Un droit de passage pour accès à la terre.
Entente temporaire dans l’attente du bail qui confirme l’entente écrite ci-haut.
Carole Tremblay 14-09-2005
Robert McNutt 14-09-2005
Reçu : Robert McNutt
Loyer octobre 2005 au montant de 700 $ cash. Pour le [...] à Évain, Qc [...].
Carole Tremblay [...] » (sic)
[11] Les parties admettent que le document a été rédigé par le locataire et que la locatrice n’a fait qui ajouter les deux derniers paragraphes y apparaissant ainsi que la portion « Reçu » :
« Un droit de passage pour accès à la terre. Entente temporaire dans l’attente du bail qui confirme l’entente écrite ci-haut. Reçu : Robert McNutt Loyer octobre 2005 au montant de 700 $ cash. Pour le [...] à Évain, Qc [...].»
[12] Le locataire a payé le loyer convenu de 700 $ par mois jusqu’au 31 octobre 2006.
[13] Depuis le 1er novembre 2006 et malgré qu’il occupe toujours les lieux, le locataire a cessé de payer le loyer.
[14] Les locateurs ont acquitté depuis le début du bail le paiement des taxes municipales, scolaires, taxes d’eau ainsi que les assurances.
La demande des locateurs
[15] Les locateurs réclament la somme de 35 700 $ représentant le loyer impayé du 1er novembre 2006 au 31 janvier 2011.
[16] Ils demandent également la résiliation du bail et l’éviction du locataire.
[17] Carole Tremblay allègue qu’avant de conclure cette entente avec le locataire, les locateurs avaient mis en vente la maison, le garage et l’entrepôt situés sur une partie du terrain, d’une dimension d’environ 300 pieds X 300 pieds.
[18] Les locateurs désiraient conserver le reste du terrain pour éventuellement le développer.
[19] Le locataire s’est dit intéressé mais incapable de procéder à son achat immédiatement.
[20] Il a donc été convenu de lui louer la maison avec accès au garage. La section « entrepôt » de cet immeuble était exclue de la location.
[21] La locatrice explique qu’elle ne pouvait louer cet accessoire qui aurait été considéré par ses assureurs comme un local commercial engendrant une responsabilité et des frais additionnels.
[22] Or, à la fin 2006, début 2007, le locataire a demandé de conclure une nouvelle entente voulant inclure cet entrepôt.
[23] Son intention était de sous-louer cet espace et de pouvoir alors avec ces revenus, payer aux locateurs un loyer mensuel de 900 $, soit 700 $ pour la location des lieux et 200 $ comme mise de fond pour l’achat.
[24] La locatrice a refusé cette offre après s’être informée à un notaire, un comptable et à ses assureurs.
[25] Elle produit cette lettre que lui adressait la compagnie d’assurance :
« La présente est pour confirmer que l’assureur AXA contrat #[...] accepte le risque (au [...] Évain) en autant que la bâtisse (entrepôt garage) sur les lieux assurés soit d’utilité personnelle (aucune activité commerciale). L’assureur refuserait de couvrir si cette bâtisse était d’utilité commerciale. »
[26] La locatrice a alors proposé au locataire « de louer une autre année » et de voir par la suite si sa situation financière lui permettrait d’acheter l’immeuble.
[27] Le locataire a refusé cette offre. Il est toutefois demeurer dans les lieux sans payer le loyer.
[28] La locatrice dit n’avoir reçu aucune offre d’achat de la part du locataire par la suite.
La demande du locataire
[29] Le locataire mentionne que l’immeuble a été mis en vente à la fin de l’année 2004, début 2005.
[30] Il explique que sa conjointe et lui étaient à la recherche d’une maison où ils pourraient s’installer « à vie » et offrir une stabilité à leur fille.
[31] En se promenant, il a vu que cette maison avec garage et entrepôt étaient à vendre.
[32] Ils ont visité les lieux et la locatrice leur a dit qu’elle devait faire cadastrer le terrain afin de le délimiter.
[33] Ne pouvant faire l’acquisition de l’immeuble, il a offert de louer la maison avec option d’achat.
[34] Il a donc préparé le document cité et l’a présenté à la locatrice qui y a fait les ajouts.
[35] Le locataire allègue avoir régulièrement demandé à la locatrice de conclure la vente de l’immeuble mais qu’elle retardait constamment ce moment.
[36] Puis en raison de ses difficultés, sa conjointe l’a quitté obtenant la garde de leur enfant.
[37] Le locataire dit avoir fait une dépression et ne plus avoir eu suffisamment de revenus pour payer le loyer.
[38] Il aurait, par la suite, offert 1 800 $ à la locatrice, celle-ci lui aurait répondu qu’elle ne voulait plus lui vendre l’immeuble.
[39] Puis, en octobre 2009, il s’est trouvé un nouvel emploi dans le Grand Nord.
[40] Durant cette période et bien qu’il ait barricadé les portes du garage, il se serait fait voler des effets lui appartenant.
[41] Il dit ne pas savoir si les locateurs ont été impliqués dans ce vol mais il trouve étrange les circonstances entourant ce vol.
[42] Le 21 décembre 2006, cette lettre était transmise aux locateurs par son avocat :
« …
Nous sommes les représentants de Monsieur Robert McNutt, lequel nous a mandaté afin de faire valoir ses droits relativement à un contrat intervenu le 14 septembre 2005 entre Monsieur Robert McNutt et Madame Carole Tremblay, relativement à une propriété, comprenant une maison, un entrepôt et un terrain portant l’adresse civique suivante : [...] à Évain, [...].
Ce contrat accorde la location de la maison et de l’entrepôt de ladite propriété pour une somme de 700,00 $ par mois, et ce, à partir du 1er octobre 2005. Ce contrat stipule également que notre client Monsieur Robert McNutt désire se porter acquéreur de la propriété mentionnée ci-haut, pour une somme de 100 000,00 $. Ledit contrat stipule de plus que le bail de location peut être modifié ou annulé dans le but de créer un contrat d’achat ou un contrat d’achat par location, lequel contrat d’achat par location pouvant s’étaler sur une période de deux (2) ans, et ceci en majorant le loyer mensuel de 200,00 $, pour un total de 900,00 $ par mois.
Au mois de juin 2006, notre client Monsieur Robert McNutt a désiré se prévaloir du droit d’achat par location prévu dans ledit contrat du 14 septembre 2005 et, à cet effet, a contacté Madame Carole Tremblay, afin de réaliser l’entente. À ce jour, notre client est toujours en attente d’une réponse de la part de Madame Tremblay.
Par ailleurs, Madame Carole Tremblay, a dans ce contrat, désiré se réserver un droit de passage pour accéder à la terre, se situant à l’arrière de la maison, située sur la propriété du [...] à Évain, [...]. Ce droit d’accès devait être précédé d’un avis de 24 heures au locataire, tel que prévu dans le contrat du 14 septembre 2005. Cependant, notre client Monsieur Robert McNutt nous informe qu’en aucun moment il n’a été avisé selon les termes du contrat, et qu’il n’a jamais reçu de préavis à l’effet qu’une quelconque personne désirait passer pour avoir accès à la terre, alors que dans les faits, plusieurs personnes y ont accédé.
En conséquence, vous êtes par les présentes mis en demeure, Madame Carole Tremblay et Monsieur Serge Tremblay, de respecter l’entente conclue le 14 septembre 2005 et de faire droit à la demande de notre client, Monsieur Robert McNutt de se prévaloir du contrat d’achat par location de la propriété portant l’adresse civique [...] à Évain, [...]. Par ailleurs, vous êtes également mis en demeure de respecter l’obligation de donner un préavis de 24 heures afin d’accéder aux terres situées derrière la résidence au [...] à Évain, [...], le tout dans les 10 jours de la présente, à défaut de quoi nous entreprendrons les procédures appropriées sans autres avis, ni délais.
… »
[43] Il réclame 69 999,99 $ pour ne pas avoir pu acheter la propriété en raison du refus inexpliqué de la locatrice alors qu’il aurait pu l’acheter puisque sa mère l’aurait financé.
[44] À l’audience, il déclare qu’il ne veut pas de cet argent mais bien devenir propriétaire de l’immeuble.
[45] Il fait entendre comme témoin sa mère, Rita Labbé.
[46] Celle-ci déclare avoir discuté avec le locataire de la possibilité d’acheter cette maison.
[47] Elle aurait pu alors fournir à son fils le financement nécessaire à l'achat de la maison concernée.
[48] Elle explique qu'elle était la propriétaire d'un immeuble avec sa mère.
[49] Elles avaient l'intention de rénover l'immeuble et le revendre avec profit.
[50] Cependant, ce projet ne s'est pas réalisé comme souhaité. À court d'argent, elle a dû vendre en décembre 2006 sa part dans l'immeuble à son conjoint et elle n'en a retiré aucun profit.
[51] Elle a donc été dans l'impossibilité de fournir au locataire l'argent nécessaire à l'achat de la maison.
[52] C'est alors qu'ils ont pensé que si l'entrepôt était un accessoire au bail, le locataire pourrait le sous-louer et obtenir suffisamment de revenus pour conclure une nouvelle option d'achat.
Analyse et décision
[53] La Régie du logement
tire sa compétence de l’article
« 28. La Régie connaît en première instance, à l'exclusion de tout tribunal, de toute demande :
1° relative au bail d'un logement lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l'intérêt du demandeur dans l'objet de la demande ne dépasse pas le montant de la compétence de la Cour du Québec;
2° relative
à une matière visée dans les articles 1941 à 1964,
3° relative à une matière visée à la section II, sauf aux articles 54.5, 54.6, 54.7 et 54.11 à 54.14.
Toutefois,
la Régie n'est pas compétente pour entendre une demande visée aux articles
[54] Le présent Tribunal a donc compétence sur toute demande relative au bail d’un logement. Il n’est pas compétent pour décider d’une action en passation de titre ou de dommages reliés au non-respect d’une offre d’achat.
[55] En l’espèce, les parties ont conclu un bail assorti d’une option d’achat.
[56] Or, l’option d’achat n’a pas été exercée au terme du bail mais le locataire a continué d’occuper les lieux.
[57] En vertu de l’article
[58] Ainsi, le loyer a été de 700 $ par mois pour chacune des périodes de reconduction du 1er novembre 2006 au 31 octobre 2007, 1er novembre 2007 au 31 octobre 2008, du 1er novembre 2008 au 31 octobre 2009, du 1er novembre 2009 au 31 octobre 2010 et enfin, du 1er novembre 2010 au 31 octobre 2011.
[59] La réclamation de la locatrice, au contraire de celle du locataire, découle de ce bail ou est relative aux droits et obligations découlant du bail.
[60] En effet, les articles
« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.»
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
[61] Quant à la réclamation du locataire, le présent tribunal n'a pas compétence pour en décider puisqu'elle est fondée sur le fait qu'il n'a pu exercer l'option d'achat. Il ne s'agit pas d’une demande relative au bail du logement.
[62] Par conséquent, la demande des locateurs est maintenue puisque la preuve a démontré que le locataire doit la somme de 35 700 $ représentant le loyer pour les mois de novembre 2006 à janvier 2011.
[63] Le locataire est donc
en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer et la demande de
résiliation du bail pour ce motif est bien fondée (art.
[64] Vu le retard important dans le paiement du loyer et la somme en souffrance, l’exécution provisoire de l’ordonnance d’expulsion même s’il y a appel est ordonnée à compter du 11e jour de la présente.
[65] Et en vertu du Tarif des frais, les locateurs ont droit au paiement des frais engagés de 64 $ pour la production de la demande et des frais de signification de 6 $.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[66] ACCUEILLE la demande des locateurs ;
[67] CONDAMNE le
locataire à payer aux locateurs la somme de 35 700 $, avec intérêts
au taux légal, plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[68] RÉSILIE le bail conclu entre les parties et ORDONNE l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement ;
[69] ORDONNE l’exécution provisoire de l’ordonnance d’expulsion à compter du 11e jour de sa date, même s’il y a appel ;
[70] DÉCLARE ne pas avoir la compétence matérielle pour instruire la demande du locataire.
|
Danielle Dumont |
|
|
||
Présence(s) : |
les locateurs Me Bernard Barrette, avocat des locateurs le locataire |
|
Date de l’audience : |
25 janvier 2011 |
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.