Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Parisien c. Gestion Giovanni d'Amico inc.

2022 QCTAL 19779

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

619455 31 20220316 G

No demande :

3489856

 

 

Date :

15 juillet 2022

Devant la juge administrative :

Pascale McLean

 

Elcie Parisien

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Gestion Giovanni d'Amico Inc.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par une demande déposée le 16 mars 2022, la locataire demande l’exécution en nature, une diminution de loyer de 85 $ par mois à compter de janvier 2022, en plus de l’exécution provisoire et du paiement des frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 au loyer mensuel de 685 $, reconduit au 30 juin 2022, au même loyer.

Preuve de la locataire

[3]         Au soutien de sa demande d’exécution en nature et de diminution de loyer, la locataire témoigne vivre différents problèmes diminuant la jouissance des lieux.

[4]         La locataire demande de remettre la séparation qui se trouve entre les deux logements sur le balcon, le locateur l’ayant retirée.

[5]         Au mois de décembre 2021, le locateur a installé de nouvelles fenêtres et une porte-patio. Or, le cadre de la fenêtre de cuisine a été coupé en partie. La fenêtre de la chambre principale n’est pas installée correctement et laisse passer le froid.

[6]         Quant à la porte-patio, elle n’est pas complètement installée, ce qui permet à l’air froid d’entrer. Des joints sont manquants. Puis, en exécutant les travaux de la porte-patio, les travailleurs n’ont pas refixé le calorifère. Elle demande que ces problèmes soient réglés.

[7]         La locataire affirme que la boîte aux lettres a été vandalisée et que la serrure a alors été brisée. Ainsi, elle a perdu du courrier. Elle en demande la réparation.

[8]         Elle déplore de plus le manque d’eau chaude au logement. Elle demande que le locateur remédie à la situation.


[9]         Tous ces manquements lui ont occasionné une perte de jouissance des lieux, car le froid est désormais constant dans son logement.

[10]     Une mise en demeure est transmise au locateur le 17 janvier 2022, demandant de remédier à la situation[1]. Une seconde mise en demeure est expédiée au locateur le 17 février 2022[2].

[11]     La locataire demande ainsi une ordonnance afin d’apporter les réparations nécessaires. Elle demande de plus une diminution de loyer de 85 $ par mois, rétroactivement au mois de janvier 2022, car elle ne peut jouir de son logement étant donné la non-exécution des travaux et en raison de la façon irrespectueuse dont le locateur s’adresse à elle.

[12]     Elle demande de plus une ordonnance afin que le locateur lui parle de façon plus civilisée.

Preuve du locateur

[13]     Le locateur témoigne que le balcon arrière est commun et comprend une sortie de secours pour tous les locataires. En installant une séparation entre les deux logements, la locataire tente de s’approprier une plus grande part du balcon et nuit à l’espace pour accéder à l’escalier de secours. Il nie avoir endommagé la séparation qui s’y trouvait.

[14]     Le locateur admet que le cadre de la fenêtre a été coupé par erreur par l’installateur de fenêtre. Il accepte de le réparer.

[15]     Quant à la fenêtre de la chambre principale, il affirme pouvoir ajouter du silicone et remettre la moulure pour éviter que le froid pénètre au logement.

[16]     Pour la porte-patio, il accepte d’ajouter du silicone et remettre la moulure.

[17]     Il accepte de réinstaller le calorifère.

[18]     En ce qui concerne le manque d’eau chaude, il a fait venir un plombier. Il n’y a pas de problème, affirme-t-il.

[19]     Quant à la boîte aux lettres, il ne voit pas la nécessité de la réparer, celle-ci se trouvant à l’intérieur de l’immeuble.

[20]     Il affirme qu’il donne un préavis de 24 heures pour effectuer les travaux. Il souhaite toutefois que la locataire collabore et laisse accès au logement afin que les travaux puissent être exécutés. Des problèmes ont été rencontrés dans le passé à cet égard, soutient-il.

[21]     À ce sujet, le tribunal tient à rappeler aux parties les articles suivants du Code civil du Québec concernant les accès au logement :

« 1931. Le locateur est tenu, à moins d'une urgence, de donner au locataire un préavis de vingt-quatre heures de son intention de vérifier l'état du logement, d'y effectuer des travaux ou de le faire visiter par un acquéreur éventuel. »

« 1933. Le locataire ne peut refuser l'accès du logement au locateur, lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux.

Il peut, néanmoins, en refuser l'accès avant 7 heures et après 19 heures, à moins que le locateur ne doive y effectuer des travaux urgents. »

[22]     Ainsi, le locateur doit donner un préavis de 24 heures pour effectuer les travaux. Une fois un tel préavis donné, la locataire doit y donner accès si ceux-ci sont effectués entre 7 heures et 19 heures.

PRINCIPES GÉNÉRAUX

Fardeau de la preuve

[23]     Il est pertinent de rappeler que selon les dispositions des articles 2803, 2804 et 2845 du Code civil du Québec, il revient à la partie demanderesse de faire la preuve des faits allégués dans sa demande, et ce, de façon prépondérante, la force probante du témoignage et des éléments de preuve étant laissée à l'appréciation du Tribunal.


[24]     Si une partie ne s'acquitte pas de son fardeau de convaincre le Tribunal ou que ce dernier soit placé devant une preuve contradictoire, c'est cette partie qui succombera et verra sa demande rejetée.

Obligations du locateur

[25]     Les obligations du locateur se retrouvent, entre autres, aux articles suivants du Code civil du Québec :

« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.

Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »

« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure. »

[26]     L'article 1910 du Code civil du Québec précise que le « locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail. »

[27]     Lorsque le locateur ne respecte pas ses obligations, le locataire peut exercer les recours prévus à l'article 1863 du Code civil du Québec :

« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »

ANALYSE ET DÉCISION

Exécution en nature

[28]     La preuve prépondérante révèle des réparations à effectuer au logement. Notamment, des travaux devront être effectués à l’égard des fenêtres, de la porte-patio et du calorifère. Les photos déposées en preuve à ce sujet démontrent la nécessité d’effectuer de tels travaux et le locateur accepte d’apporter des corrections. Une ordonnance sera rendue afin que les travaux soient effectués.

[29]     La preuve démontre également que la boîte aux lettres devra être réparée. Une ordonnance sera rendue à ce sujet.

[30]     En ce qui a trait au manque d’eau chaude, la preuve est insuffisante pour conclure à une ordonnance. Il s’agit d’une affirmation générale, sans précision et qui est niée par le locateur, lequel affirme avoir effectué les vérifications appropriées.

[31]     Concernant la séparation réclamée entre les deux logements sur le balcon, la preuve est contradictoire. De plus, rien n’est prévu au bail à ce sujet. Cette demande est donc rejetée.

[32]     Quant à l'impolitesse reprochée au locateur, il ne s'agit pas d'une faute relevant de ses obligations contractuelles, mais bien d'un manquement aux règles de la civilité, lequel pourrait se situer dans le champ délictuel, donc hors de la compétence du Tribunal administratif du logement. Le Tribunal ne peut donc pas se prononcer à ce sujet.

Diminution de loyer

[33]     La diminution de loyer vise à évaluer la valeur objective de la perte locative subie par le locataire en raison de l'inexécution des obligations du locateur.


[34]     Ainsi, pour obtenir une diminution de loyer, le locataire doit, par preuve prépondérante, prouver un défaut d'exécution des obligations du locateur ayant résulté en une perte réelle, sérieuse, significative et substantielle de jouissance des lieux.[3]

[35]     Ce recours permet de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail. Lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations du locateur parce que le locataire n'a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

[36]     En l’instance, le Tribunal considère que la locataire n'a pas la pleine jouissance des lieux loués et qu’elle en subit une perte réelle, significative et substantielle, étant donné les travaux non effectués.

[37]     Le Tribunal retient le témoignage sincère et crédible de la locataire, laquelle a convaincu la soussignée de la perte de jouissance réelle et significative des lieux.

[38]     Malgré l’envoi d’une mise en demeure au cours du mois de janvier 2022 et le dépôt du présent recours, les réparations ne sont pas effectuées au logement.

[39]     Par conséquent, afin de rétablir l'équilibre entre les prestations respectives des parties, le Tribunal accordera une diminution de loyer de 25 $ par mois, à partir du 1er février 2022, jusqu’à ce que le locateur effectue les réparations et changements requis par la présente décision.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[40]     ORDONNE au locateur d’exécuter les travaux suivants:

-  Réparer les fenêtres de la chambre et de la cuisine;

-  Réparer la porte-patio;

-  Réparer le calorifère;

-  Réparer la boîte aux lettres;

[41]     Le tout, selon les règles de l’art et dans un délai de trente jours de la signature de la présente décision;

[42]     CONDAMNE le locateur à payer à la locataire une diminution de loyer de 25 $ par mois, à compter du 1er février 2022, et ce, jusqu’à ce que l’ensemble des travaux soient exécutés;

[43]     REJETTE la demande de la locataire quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pascale McLean

 

Présence(s) :

la locataire

Me Marc-André Groleau, avocat de la locataire

le mandataire du locateur

Date de l’audience : 

26 mai 2022

 

 

 

 


[1] Pièce L-3.

[2] Pièce L-5.

[3] Baril c. Habitations Van Horne, R.D.L., 2009-10-08, SOQUIJ AZ-50787617.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.