Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Décision

Habitat Métis du Nord - Accès Logis c. Ouellet

2019 QCRDL 28950

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Sept-Îles

 

No dossier :

435578 10 20181220 S

No demande :

2807301

 

 

Date :

05 septembre 2019

Régisseure :

Isabelle Normand, juge administrative

 

Habitat Métis Du Nord - Accès Logis

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Jean-Louis Ouellet

 

Locataire - Partie défenderesse

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]      Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire ne respecte pas l’ordonnance du 30 avril 2019.

[3]      Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 339 $, payable le premier jour de chaque mois, reconduit jusqu'au 30 juin 2020 au loyer mensuel de 343 $.

[4]      La preuve est à l'effet que le locataire a contrevenu à de trop nombreuses reprises à l’ordonnance : le loyer des mois de mai à août 2018 n'a pas été payé le 1er jour de chaque mois, de l'aveu même du locataire qui, pour des raisons administratives, se borne à ne pas faire en sorte de payer le loyer le 1er jour de chaque mois, tel qu'ordonné.

[5]      La mandataire du locateur est exaspérée de l’attitude non responsable du locataire, ce qui lui cause des préjudices : il n’a même pas payé au locateur les frais judiciaires de d’autres décisions le condamnant à le faire.

[6]      Cependant, le locateur a accepté sans protester ou sans condition les loyers reçus du locataire pour cette période.

[7]      Le locataire n'est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n'est donc pas justifiée par l'application de l'article 1971 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

L'analyse et le droit

[8]      Le locateur fonde son recours sur les dispositions de l'article 1973 C.c.Q. qui stipule :

« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.

Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »


[9]      La preuve est à l'effet que le locataire a contrevenu à l'ordonnance lui ordonnant de payer son loyer le 1er jour de chaque mois.

[10]   Au moment des contraventions, cette ordonnance est toujours en vigueur.

[11]   En vertu des dispositions de l'article 1973 C.c.Q. précité, la sanction de ces contraventions est la résiliation du bail.

[12]   À cet effet, la jurisprudence et la doctrine sont constantes: la discrétion judiciaire ne peut s'appliquer si le défaut de respecter telle ordonnance est constaté.

[13]   Cependant, tel qu'analysé par la juge administrative Chantale Bouchard dans la décision Coopérative d'habitation Habitatou c. Akande[1] :

« [23] Aussi, cette constatation ne pourra se faire au détriment d'autres concepts de droit, tels que la prescription extinctive, la confirmation, la transaction ou la renonciation, lesquels concepts devront être pris en compte pour s'assurer de la vigueur de l'ordonnance dont on veut assurer la sanction. »

[14]   La preuve est à l'effet que le locateur a encaissé le paiement des loyers d'octobre et partiellement de novembre 2018, sans réserve et sans protester.

[15]   Le locateur a couvert cette contravention en encaissant le paiement de ces loyers. Il a implicitement renoncé à demander la résiliation du bail pour défaut de respect de l'ordonnance du 3 octobre 2018.

[16]   Le Tribunal appuie son raisonnement sur plusieurs décisions de jurisprudence.

[17]   Ainsi, la Cour du Québec, dans 9249-5571 Québec inc. c. Konyukhovskiy[1], conclut que le locateur a implicitement renoncé à la résiliation du bail en encaissant des chèques pour payer des mois de loyers courants, et ce, sans protester.

[18]   Le juge François Bousquet, j.c.q., précise :

« [25] Dans l'affaire Rozansky c Andrade, la résiliation du bail avait été prononcée en août 2001 et la Cour a conclu que "l'encaissement des chèques du 1 er septembre ainsi que du 1er octobre n'a d'autres explication que celle à l'effet que Stan Rozansky acceptait l'occupation du locataire Marc-David Andrade et renonçait de fait à la résiliation du bail". »

[19]   Dans l'affaire Lapointe c. Verdieu[2], la Cour écrivait ce qui suit :

« En acceptant le paiement des mois de décembre 2004 et janvier 2005, sans aucune indication ou prestation, ni réserve, il y a eu transaction en vertu de l'article 2631 C.c.Q. Il acceptait l'occupation du locataire, Jacques Verdieu, renonçait de fait à la résiliation du bail et faisait renaître un lien juridique entre les parties. »

[20]   Dans l'affaire Fehri c. Appartements Le Carillon inc.[3], la Cour écrivait ce qui suit :

« [21] Le 3 mars 2008, Fehri remet son argent comptant et Le Cariilon lui remet un reçu (pièce P-5).

[22] Ce reçu, pour un montant de 865 $, précise Loyer mars apt. 101 et parking P1-01 et il est signé par un représentant de Le Carillon.

[...]

[30] [...] Lorsque Fehri fait son paiement le 3 mars 2008, elle ne paie pas un arrérage de loyer, mais elle paie le loyer du mois courant. Cette différence est importante.

[31] Il est difficile pour un locataire de plaider transaction lorsque le locateur ne fait qu'accepter ce qui lui est dû, soit le paiement du loyer en retard que le locataire doit parce qu'il a occupé le logement durant cette période.

[32] Vraisemblablement, Le Carillon considère tardif le paiement du loyer le 3 au lieu du 1er mars et, malgré ce paiement, elle a toujours l'intention de demander la résiliation du bail. Or, Le Carillon devait à ce moment, soit refuser ce paiement ou indiquer clairement à Feuri qu'elle l'acceptait mais sans renoncer à son droit de demander la résiliation du bail. Fehri a raison de dire que, l'acceptation de ce paiement, équivaut à transaction. »


[21]   Considérant la preuve et ces principes jurisprudentiels, le Tribunal considère que la demande de résiliation de bail basée sur le non-respect de l'ordonnance du 3 octobre 2018 ne peut être accueillie, car le locateur a accepté de recevoir le paiement du loyer mentionné précédemment sans protêt et avis contraire de sa part.

[22]   Considérant la preuve, l'ordonnance du 30 avril 2019 est reconduite pour une période additionnelle de 24 mois, selon les circonstances.

[23]   Le préjudice causé au locateur ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision, comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur la Régie du logement[4].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]   ACCUEILLE en partie la demande du locateur;

[25]   RECONDUIT l'ordonnance ordonnant au locataire de payer le loyer payable le 1er jour de chaque mois pour une durée de 24 mois à compter de cette décision;

[26]   CONDAMNE le locataire à payer au locateur la somme de 950 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 1er mars 2019, plus les frais judiciaires de 121,40 $;

[27]   RÉSERVE ses recours au locateur;

[28]   REJETTE la demande quant aux autres conclusions.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Normand

 

Présence(s) :

la mandataire du locateur

le locataire

Date de l’audience :  

28 août 2019

 

 

 


 



[1] 2013 QCCCQ 6135.

[2] (C.Q., 2005-03-09), SOQUIJ AZ-50309981, B.E. 2005BE-1135, [2005] J.L. 170.

[3] 2010 QCCCQ 974.

[4]    RLRQ, c. R-8.1.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.