Décision

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Campanella c. Bourgela

2024 QCTAL 12946

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

675919 31 20230126 T

No demande :

4197382

 

 

Date :

19 avril 2024

Devant la juge administrative :

Suzanne Guévremont

 

Giovanni Campanella

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Nathalie Bourgela

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par un recours introduit le 12 février 2024, le locateur demande la rétractation de la décision de la juge administrative Stella Croteau rendue le 31 janvier 2024 à la suite d’une audience tenue le 15 novembre 2023 et à laquelle il était absent.

[2]         La procédure ne dit pas quand le locateur a pris connaissance de la décision attaquée. De plus, elle ne contient aucun moyen sommaire de défense.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

[3]         Le locateur est hors du pays. Il a mandaté son fils Rosario Campanella pour le représenter et parler en son nom. Son témoignage est succinct et peut aisément se résumer ainsi : De ce que lui a dit son père, ce dernier justifie son absence à l’audience du 15 novembre 2023 par la non-réception de l’avis l’y convoquant.

[4]         La locataire s’oppose à la demande de rétractation et s’en remet à la loi.

[5]         Cela résume la preuve et les arguments des parties.

ANALYSE ET DÉCISION

[6]         Pour accueillir la demande du locateur, le Tribunal doit interpréter et appliquer l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement et l’article 44 de son Règlement de procédure portant sur le recours lui-même et ses conditions d’exercice.

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.


La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

« 44. La demande de rétractation d’une décision doit contenir non seulement les motifs qui la justifient mais, si elle est produite par le défendeur à la demande originaire, elle doit également contenir les moyens sommaires de défense à la demande originaire. »

[7]         Ainsi donc, trois conditions doivent être remplies.

[8]         Premièrement, l'article 89 précité stipule qu'une partie peut demander, dans un délai de 10 jours de sa connaissance, la rétractation d'une décision rendue contre elle.

[9]         Deuxièmement, il lui faut démontrer avoir été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autres causes jugées suffisantes.

[10]     Troisièmement, sa requête doit présenter, prima facie, des moyens de défense sérieux.

[11]     Ces conditions sont cumulatives et elles doivent toutes exister en même temps[1].

[12]     Qu’en est-il en l’instance?

[13]     La première condition est remplie, et ce, bien que la procédure soit muette quant à la date de connaissance de la décision par le locateur. En effet, il appert du dossier du Tribunal que la décision a été expédiée aux parties le 2 février 2024. Dix jours plus tard, la demande de rétractation était introduite.

[14]     Il en va autrement des autres conditions.

[15]     Le 26 septembre 2023, un avis d’audience a été expédié au locateur à l’adresse apparaissant au dossier, en vue de la séance du 15 novembre 2023. Cet avis n’a pas été retourné au Tribunal.

[16]     L’article 2 de la Loi sur la Société canadienne des postes stipule :

« […] Pour l’application de la présente loi, le destinataire d’un envoi est censé en avoir reçu livraison si s’est effectuée, selon les modalités de distribution habituellement appliquées à son égard, l’une des opérations suivantes : a) remise de l’envoi à son lieu de résidence ou de travail ou à son établissement; […] »

[17]     De plus, selon l'alinéa 2 de l'article 16 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, l'attestation d'expédition de l'avis fait preuve, en l'absence de preuve contraire, de sa réception par le destinataire.

[18]     Ces dispositions créent une présomption de réception ou de livraison de l’avis d’audition que le locateur ne renverse pas. En effet, le Tribunal n’accorde aucune valeur probante au témoignage de Rosario Campanella quant à la non-réception de l’avis, puisqu’il repose sur du ouï-dire.

[19]     Par conséquent, la preuve n’établit pas que le locateur a été empêché de se présenter à l’audience qui a mené à la décision attaquée.  

[20]     Et il y a plus.

[21]     En effet, la demande en rétractation n'est pas conforme à l'article 44 du Règlement précité, car elle ne comporte pas de motifs de défense.

[22]     Dans l’affaire Legendre c. Comtois[2], l’Honorable Daniel Bourgeois, de la Cour du Québec, a statué que cette omission est fatale puisqu’une telle demande doit contenir non seulement le rescindant, mais aussi le rescisoire, c’est-à-dire les moyens de défense à la demande originaire.

[23]     En l’instance, force est de constater les graves lacunes dans la demande du locateur, lacunes qui justifient à elles seules le rejet de la demande.


[24]     Il faut garder à l’esprit que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l’irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d’appel du Québec :

« Le principe de l’irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d’où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation.  La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l’exception et ne pas devenir la règle[3]. »

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[25]     REJETTE la demande du locateur;

[26]     MAINTIENT la décision rendue le 31 janvier 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

Suzanne Guévremont

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

la locataire

Date de l’audience : 

29 février 2024

 

 

 


 


[1] Saint-Pierre c. Pépin, 37031119-055 T, RL Longueuil,7 mars 2006; Larose c. L’Occident, 31 20191028 T, RL Montréal, 21 février 2020.

[2] 2020 QCCQ 518.

[3] Entreprises Roger Pilon inc et al c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

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