Décision

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Locaux 360 inc. c. Roy-Jalbert

2023 QCTAL 16814

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Joliette

 

No dossier :

683427 29 20230222 G

No demande :

3812834

 

 

Date :

30 mai 2023

Devant la juge administrative :

Linda Boucher

 

Locaux 360 Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Jonathan Roy-jalbert

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice demande la résiliation du bail et l'expulsion du locataire, le recouvrement du loyer (525 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel.

[2]         La locatrice demande de plus la résiliation du bail au motif que le locataire paie fréquemment son loyer en retard.

[3]         Il s'agit d'un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 525 $, payable le premier jour de chaque mois.

[4]         Le locataire a payé le loyer dû avant l'audience, la locatrice réclame le remboursement des frais de justice, soit 84 $, plus 23 $ représentant les frais de notification ou de signification prévus au règlement et la résiliation du bail sur le second motif.

[5]         Le mandataire de la locatrice fait valoir des retards constants pour les 12 mois précédents l’audience, et ce, malgré plusieurs rappels qui n’ont quultimement convaincu le locataire de payer ses arrérages.

[6]         Il affirme que les retards de paiement du locataire causent un préjudice sérieux à la locatrice qui doit consacrer un temps excessif à la gestion de ce bail.

[7]         Pour sa part, le locataire admet les retards qu’on lui reproche et les impute à la maladie.  Malheureusement, le tribunal ne peut retenir cette défense étrangère à la locatrice.  Cette dernière était en droit de s’attendre au respect du bail en dépit des difficultés personnelles que rencontre le locataire.

[8]         Il promet toutefois être en mesure de payer son loyer le premier jour du mois à l’avenir.


[9]         La soussignée fait sienne l'analyse de la juge administrative Francine Jodoin dans l'affaire Coop d'habitation la petite cité (Montréal) c. Johnson ([1]) :

« [17] Ainsi, pour obtenir la résiliation du bail sur le deuxième motif invoqué, soit les retards fréquents, la loi exige la preuve de retards fréquents qui sont généralement démontrés par le caractère régulier et chronique des retards.

[18] Il faut, de surcroît, la preuve que les retards causent un préjudice sérieux. Il n'y a aucune présomption à cet égard et il ne peut évidemment s'agir de simples inconvénients résultant de la gestion d'un immeuble locatif.

[19] Dans l'affaire Allaire c. Bourdeau, la Cour du Québec précise :

[57] La jurisprudence enseigne que le préjudice sérieux dont il est question ne se limite pas à une perte ou une menace pécuniaire. D'ailleurs, dans le contexte de l'application possible de l'article 1971 C.c.Q., le fait de payer les arrérages de loyer en tout temps avant jugement n'est pas pertinent. Il faut, mais il suffit que les retards soient fréquents et que la situation cause un préjudice sérieux au locateur.

[58] Le préjudice sérieux dont il est question peut être d'une nature autre que pécuniaire :

alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, multiplicité des démarches auprès du locataire ou du tribunal pour percevoir les loyers ou coûts supplémentaires[21];

soucis et tracas causés par l'entêtement du locataire à retenir son loyer, temps et énergie consacrés pour les vacations devant la Régie du logement, notes comptables et suivi des démarches effectuées[22];

démarches constantes et multipliées pour se faire payer, demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer, gestion de trois décisions de la Régie du logement[23];

nombreux avis envoyés au locataire pour lui rappeler ses retards, remise du dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et frais ainsi engagés[24];

multiplication des démarches pour obtenir les loyers dus et paiement de frais bancaires pour de nombreux chèques retournés[25];

impossibilité de disposer des sommes dues, procédures de recouvrement et pertes d'intérêts sur l'argent non reçu[26];

[20] On constate donc que la preuve du préjudice sérieux doit être complète et documentée.

[21] La résiliation du bail étant une conséquence grave de tels manquements, la loi exige la démonstration d'un préjudice sérieux avant de résilier le bail qui constitue, somme toute, la sanction ultime d'un manquement contractuel.

[22] Bien que le Tribunal n'exige pas la preuve d'un péril financier, une incapacité de rencontrer ses obligations financières ou une situation économique précaire, la preuve doit, à titre d'exemple, révéler, par prépondérance, un alourdissement anormal de la gestion de l'immeuble, la multiplicité des démarches auprès du locataire ou du Tribunal, des coûts supplémentaires.

[23] En soi, la seule déclaration du mandataire de la locatrice en l'instance est insuffisante pour permettre au Tribunal d'apprécier la gravité du préjudice subi.

[24] Aussi, la preuve ne peut uniquement se fonder sur une simple allégation d'inconvénients subis ou de dépenses à faire. Le préjudice doit être prouvé par une preuve documentaire, le cas échéant, et fondé sur des faits objectifs et précis. »

[Nos soulignements] [Références omises]

[10]     En l’instance, si la preuve du retard fréquent est avérée et même admise par la partie défenderesse.  La preuve du préjudice sérieux est lacunaire puisque le mandataire de la locatrice s’est contenté d’une déclaration générale nullement circonstanciée ni appuyée d’une preuve matérielle.

[11]     Le Tribunal met en garde le locataire contre d'autres retards dans le paiement de son loyer qui pourraient lexposer à un nouveau recours en retard fréquent favorable à la locatrice et à la résiliation du bail si sa preuve démontre alors le préjudice sérieux qu'elle en subit.  Elle l’invite à respecter son engagement à payer son loyer comme il s’y est librement engagé à le faire au bail.

[12]     Considérant l’article 1596 du Code civil du Québec, la locatrice assume les frais de sa demande. ([2])


[13]     Sur le second motif invoqué, le Tribunal estime que la preuve du préjudice est insuffisante pour justifier la résiliation du bail.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[14]     REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Linda Boucher

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le locataire

Date de l’audience : 

5 mai 2023

 

 

 


 


[2] 1596 C.c.Q. La demande en justice formée par le créancier contre le débiteur, sans que celui-ci n'ait été autrement constitué en demeure au préalable, lui confère le droit d'exécuter l'obligation dans un délai raisonnable à compter de la demande. S'il y a exécution de l'obligation dans ce délai, les frais de la demande sont à la charge du créancier.

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