Michaud c. Senécal Perier | 2022 QCTAL 31908 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield | ||||||
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No dossier : | 652743 27 20220908 G | No demande : | 3659517 | |||
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Date : | 09 novembre 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Danielle Deland | |||||
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Éric Michaud |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Carolane Senecal Perier |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur demande la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (4 200 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, les intérêts et les frais.
[2] Le locateur demande de plus la résiliation du bail au motif que la locataire paie fréquemment son loyer en retard.
[3] La locataire a accepté que l’audience soit tenue en dépit du fait que le locateur n’a pu prouver que la demande avait été notifiée.
[4] Les parties sont liées par un bail verbal à durée indéterminée au loyer mensuel de 1 200 $, payable le premier jour de chaque mois.
[5] La preuve démontre que la locataire doit 5 400 $, soit le loyer des mois de juin (600 $), juillet, août, septembre et octobre 2022.
[6] La locataire admet devoir cette somme et témoigne qu’elle avait déjà consenti à la demande du locateur de quitter le logement. Cependant, elle explique que les prestataires de l’IVAC lui demandent une preuve de résidence afin de pouvoir possiblement l’aider à payer les frais d’arrérages de loyer et ses frais de déménagement, mais que le locateur a toujours refusé de lui fournir un bail, tout comme il refuse de lui remettre des relevés 31.
[7] La soussignée a rappelé au locateur les dispositions de l’article
[8] Puis, la locataire fait valoir une défense d’exception d’inexécution telle que prévue à l’article
[9] L’article
« 1591. Lorsque les obligations résultant d'un contrat synallagmatique sont exigibles et que l'une des parties n'exécute pas substantiellement la sienne ou n'offre pas de l'exécuter, l'autre partie peut, dans une mesure correspondante, refuser d'exécuter son obligation corrélative, à moins qu'il ne résulte de la loi, de la volonté des parties ou des usages qu'elle soit tenue d'exécuter la première. »
[10] Dans l’affaire Fadlallah c. Gagnon[1], la juge administrative Francine Jodoin écrivait :
« La jurisprudence bien établie ne reconnaît pas à une partie le droit unilatéral de se faire justice à elle-même et de retenir le loyer pour forcer une autre partie à exécuter ses propres obligations ou pour se compenser des inconvénients subis (8). Il n'appartient pas au locataire de décider de l'octroi de cette compensation ni de son montant. »
[11] L'auteur Pierre‑Gabriel Jobin écrit quant à lui :
« 186. Louage résidentiel. Dans le louage résidentiel, la retenue de loyer, pour exercer l'exception d'inexécution, doit obligatoirement être exercée en suivant la procédure spéciale du dépôt de loyer au tribunal. »[2]
[12] Le Tribunal ne peut pas retenir la défense de la locataire d’autant plus que d'une part, la locataire n'a jamais mis le locateur en demeure d'exécuter ses obligations et que d'autre part, la retenue de loyer effectuée par la locataire n'a pas été faite dans une mesure correspondante.
[13] Le Tribunal rappelle enfin à la locataire les dispositions suivantes concernant les dépenses faites par les locataires et qui pourraient éventuellement lui donner un recours en remboursement si elles ont toutes été suivies :
« 1867. Lorsque le locateur n'effectue pas les réparations ou améliorations auxquelles il est tenu, en vertu du bail ou de la loi, le locataire peut s'adresser au tribunal afin d'être autorisé à les exécuter.
Le tribunal, s'il autorise les travaux, en détermine le montant et fixe les conditions pour les effectuer. Le locataire peut alors retenir sur son loyer les dépenses faites pour l'exécution des travaux autorisés, jusqu'à concurrence du montant ainsi fixé. »
« 1868. Le locataire peut, après avoir tenté d'informer le locateur ou après l'avoir informé si celui-ci n'agit pas en temps utile, entreprendre une réparation ou engager une dépense, même sans autorisation du tribunal, pourvu que cette réparation ou cette dépense soit urgente et nécessaire pour assurer la conservation ou la jouissance du bien loué. Le locateur peut toutefois intervenir à tout moment pour poursuivre les travaux.
Le locataire a le droit d'être remboursé des dépenses raisonnables qu'il a faites dans ce but; il peut, si nécessaire, retenir sur son loyer le montant de ces dépenses. »
« 1869. Le locataire est tenu de rendre compte au locateur des réparations ou améliorations effectuées au bien et des dépenses engagées, de lui remettre les pièces justificatives de ces dépenses et, s'il s'agit d'un meuble, de lui remettre les pièces remplacées.
Le locateur, pour sa part, est tenu de rembourser la somme qui excède le loyer retenu, mais il n'est tenu, le cas échéant, qu'à concurrence de la somme que le locataire a été autorisé à débourser. »
[15] Le locataire doit donc démontrer pour chacune des réparations dont il réclame le remboursement qu’il avait avisé le locateur ou au moins tenté de le faire.
[16] Dans d’autres cas, le locataire pourra obtenir l'autorisation du Tribunal afin d’exécuter lui‑même les réparations ou améliorations auxquelles le locateur est tenu (article
[17] Dans la décision Ouellet c. Structures métropolitaines du Canada[3], le Tribunal, sous la plume de la juge administrative Luce de Palma, concluait comme suit :
« …. si le locataire est d'avis que le locateur n'a pas rempli adéquatement ses obligations à son égard, faisant défaut, selon lui, de maintenir les lieux en bon état d'habitabilité et d'effectuer les réparations qui s'imposaient eu égard aux planchers, il lui appartenait non pas de se faire justice lui-même en faisant faire les travaux, mais de s'adresser au tribunal en intentant les recours prévus par la loi.
Seule une situation d'urgence peut justifier un locataire d'entreprendre lui-même une réparation et de soumettre ensuite la facture de celle-là au locateur et ce, tel que le prévoit l'article
[18] La locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail est donc justifiée par l'application de l'article
[19] Si le loyer dû, les intérêts et les frais ont été payés avant la date de signature de la présente décision, le bail ne sera pas résilié, conformément aux dispositions de l'article
[20] En ce qui concerne les retards fréquents, le Tribunal conclut de plus que la preuve soumise par le locateur est suffisante pour démontrer, par prépondérance de preuve, que les retards de la locataire lui ont causé un préjudice pouvant être qualifié de sérieux. Ce motif de résiliation de bail est par conséquent accueilli.
[21] Cependant, le Tribunal considère qu'il y a lieu de surseoir à la résiliation du bail et d'y substituer une ordonnance selon l'article
« 1973. Lorsque l'une ou l'autre des parties demande la résiliation du bail, le tribunal peut l'accorder immédiatement ou ordonner au débiteur d'exécuter ses obligations dans le délai qu'il détermine, à moins qu'il ne s'agisse d'un retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer.
Si le débiteur ne se conforme pas à la décision du tribunal, celui-ci, à la demande du créancier, résilie le bail. »
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[22] RÉSILIE le bail et ORDONNE l'expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement;
[23] CONDAMNE la locataire à payer au locateur la somme de 5 400 $, plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[24] En cas de paiement avant jugement, ORDONNE à la locataire de payer le loyer le premier jour de chaque terme. Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er décembre 2022 et demeurera en vigueur jusqu'au terme du bail et d'une prochaine éventuelle reconduction.
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Danielle Deland | ||
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Présence(s) : | le locateur la locataire | ||
Date de l’audience : | 26 octobre 2022 | ||
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[1] Fadlallah c. Gagnon,
[2] Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2ième édition, Collection Traité de droit civil, 1997, Éditions Yvon Blais.
[3] 31-020225-160 G, 20 novembre 2003, Me Luce De Palma.
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