Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Bynoe c. 10219533 Canada inc.

2023 QCTAL 22555

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

656797 31 20220930 T

656797 31 20220930 T

Nos demandes :

3808607

3851639

 

 

Date :

20 juillet 2023

Devant la juge administrative :

Leyka Borno

 

Gervase Bynoe

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

10219533 Canada Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le demandeur requiert la rétractation de la décision rendue le 20 mars 2023, à la suite d’une audience tenue le 15 mars 2023 à laquelle il était absent.

[2]         Le locataire a pris connaissance de cette décision le 23 mars 2023 et a déposé sa demande le 31 mars 2023.

[3]         Par cette décision, le Tribunal rejette une première demande de rétractation, déposée par le locataire à l’encontre d’une décision du 8 décembre 2022, faute de preuve puisque le locataire est absent à l’audience.

[4]         La décision du 8 décembre 2022 résilie le bail, ordonne l’expulsion du locataire ainsi que tous les occupants du logement, condamne le locataire à payer à la locatrice la somme de 4 804 $ et le condamne aux frais de justice.

[5]         Le Tribunal est donc saisi d’une deuxième demande de rétractation.

[6]         Au soutien de sa deuxième demande de rétractation, le locataire explique qu’il a été empêché de se présenter à l’audience du 15 mars 2023, car il s’est rendu au Tribunal administratif du logement situé au centre-ville par erreur.

[7]         Le locataire témoigne à l’audience qu’il a cru à tort, dit-il, que l’audience devait avoir lieu au centre-ville. À son arrivée, il est informé qu’il s’est trompé d’adresse. Il a donc rebroussé chemin pour se rendre au bon endroit, soit au Village Olympique. Il est arrivé à 9 h 30 et est avisé que la cause avait procédé en son absence[1].

[8]         Il ressort du dossier que la cause a été entendue entre 9 h 05 et 9 h 09[2].


[9]         Quant à sa première demande de rétractation, le locataire mentionne qu’il ne s’est pas présenté à l’audience du 29 novembre 2022, n’ayant jamais reçu l’avis d’audition.

[10]     Le locataire déclare qu’il n’a non seulement pas reçu l’avis d’audition, mais il n’a pas reçu la demande de non-paiement de la locatrice.

[11]     Le locataire explique qu’il ne demeure plus à cet endroit depuis juin 2021 à ce logement, soit avant que la locatrice introduise son recours le 30 septembre 2022. Par conséquent, il ne peut être responsable du loyer, dit-il.

[12]     En ce qui concerne son moyen sommaire de défense, le locataire déclare qu’il a avisé la locatrice de la non-reconduction de son bail pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023.

[13]     De son côté, la locatrice s’oppose à la demande de rétractation.

ANALYSE ET DÉCISION

[14]     La présente demande se fonde sur l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement qui prévoit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[15]     À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle[3]. »

[16]     L’absence d’une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy[4] :

« Le seul fait qu’une partie soit absente à l’audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande de rétractation. En vertu de l’article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »

[17]     À la lumière de ces principes et de la preuve, le Tribunal estime qu’il y lieu de faire droit aux demandes de rétractation du locataire.

[18]     En ce qui concerne la deuxième demande de rétractation, le Tribunal croit sincère le témoignage du locataire, relativement à son erreur dans l’adresse du bureau du Tribunal administratif du logement et au retard qui en découle. Le Tribunal est convaincu qu’il s’agit d’une erreur de bonne foi.

[19]     Quant à la première demande de rétractation, il ressort de la preuve et du dossier que la demande originaire de la locatrice, l’avis d’audience et la décision du 8 décembre 2022 ont été envoyés à l’adresse du logement concerné, endroit où le locataire ne vit plus depuis juin 2021.

[20]     De l’avis du Tribunal, le locataire a fait la preuve d’un motif sérieux de rétractation.


[21]     En ce qui concerne le moyen de défense sommaire allégué par le locataire, sans se prononcer quant au mérite de ce moyen, le Tribunal estime que celui-ci peut constituer un motif valable de défense à la demande de résiliation du bail.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[22]     ACCUEILLE les demandes de rétractation du locataire qui en assume les frais;

[23]     RÉTRACTE la décision rendue le 20 mars 2023;

[24]     RÉTRACTE la décision rendue le 8 décembre 2022;

[25]     DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties, sur un rôle civil, pour enquête et audition au mérite de la demande originaire relative au non-paiement du loyer.

 

 

 

 

 

 

 

 

Leyka Borno

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

24 avril 2023

 

 

 


 


[1] Pièce L-1.

[2] Tel qu’il appert du procès-verbal du 15 mars 2023.

[3] Entreprises Roger Pilon Inc et al. c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[4] Le bail de logement : analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur Ltée (1989) Montréal, p. 307.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.