Laterreur c. Brind'amour |
2011 QCRDL 8716 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Québec |
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No : |
18 100803 008 G |
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Date : |
09 mars 2011 |
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Régisseure : |
Micheline Leclerc, juge administratif |
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Marc Laterreur |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Julien Brind'Amour |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur demande la résiliation du bail et l’éviction du locataire en raison de son comportement, l’exécution provisoire de la décision et la condamnation aux frais.
[2] Au début de l’audience du 9 février 2011, le locataire a demandé une remise de l’audience au motif que son avocat n’était pas disponible. Or, le locataire n’a contacté un avocat que le matin de l’audience, alors que la demande du locateur est introduite depuis le mois d’août 2010 et que les locataires de l’immeuble se sont déplacés pour l’audience. La demande de remise a donc été refusée.
LA PREUVE
[3] Les parties ont conclu un bail pour la période du 1er juin 2009 au 30 juin 2010, reconduit jusqu’au 30 juin 2011 au loyer mensuel de 500 $.
[4] Le mandataire du locateur explique que plusieurs plaintes ont été reçues des locataires, à l’effet que le locataire était bruyant et les dérangeait. Il produit les plaintes reçues (P-3) et les mises en demeure transmises entre le mois de novembre 2009 et le mois d’avril 2010 (P-2). Les rapports policiers ont déjà été produits.
[5] Monsieur Bilodeau occupe le logement #1 depuis trois ans, lequel est situé au-dessus du logement du locataire. Il explique qu’au début, il y avait un peu de musique et de bruit la nuit et qu’il en a discuté avec le locataire. Les bruits ont recommencé la nuit auxquels se sont ajoutés des engueulades avec sa copine, des coups dans les murs, des conversations dans le corridor la nuit et de la musique de plus en plus forte. Une fois, la copine criait tellement fort qu’il a contacté les policiers. Après leur départ, le locataire s’est mis à cogner dans le plafond.
[6] Il dit que la situation s’est calmée entre Noël et le Jour de l’An, pour recommencer avec des cris très forts, au point qu’il a enregistré les voix du locataire et de sa copine qui se disputent dans le logement qu’il a fait entendre à l’audience.
[7] Selon lui, il y a surtout des bruits de disputes quelques fois plus forts que d’autres. Il a même dû débrancher sa sonnette parce que le locataire ou sa copine aurait sonné à sa porte la nuit. Il dit ne pas avoir vu la copine du locataire depuis une semaine.
[8] En contre-interrogatoire, il admet avoir joué de la batterie un matin parce qu’il était fâché de ne pas avoir dormi de la nuit. Il nie toutefois avoir «vargé» dans les murs le matin mais qu’il lui est arrivé d’échapper des casseroles.
[9] Madame Deslandes habite avec monsieur Bilodeau depuis le mois de juin 2010. Elle corrobore sa version quant aux bruits la nuit de claquage de porte, de musique forte et d’engueulades très fortes à raison de 2 à 3 fois par semaine. Elle a même contacté les policiers une fois au mois d’août et au mois d’octobre, le locataire a sonné à leur porte et il y a eu une grosse engueulade.
[10] En contre-interrogatoire, elle admet que monsieur Bilodeau a «vargé» dans le plancher une seule fois à sa connaissance et que les policiers sont allés à leur logement à la fin du mois de décembre dernier ou début janvier 2011 suite à l’altercation entre le locataire et son conjoint. Ils lui ont dit de laisser la poussière retomber.
[11] Elle dit que le locataire n’est pas là depuis deux semaines mais qu’il est allé la fin de semaine du 4 février et qu’il l’a réveillée à deux reprises alors qu’il parlait avec sa copine.
[12] Madame Beaulieu occupe le logement #3, situé au-dessous du logement de monsieur Bilodeau, depuis une dizaine d’années. Elle lui reproche de parler au cellulaire dans le passage, en pleine nuit, qu’il rentre la nuit et fait du bruit en descendant l’escalier menant à son logement, qu’il y a beaucoup de chicanes avec sa copine alors qu’elle les entend de son logement.
[13] Elle a écrit au gestionnaire de l’immeuble le 20 janvier 2011 après avoir laissé monsieur Bilodeau se plaindre. Selon elle, il y a eu du bruit aussi de 2009 à 2010. Elle ajoute qu’elle est gênée et mal à l’aise devant le locataire qui manque de respect en se promenant en bobette dans le passage.
[14] En contre-interrogatoire, elle reconnaît que le locataire va maintenant parler au cellulaire à l’extérieur mais dit qu’elle l’entend de son logement malgré cela. Elle admet toutefois que c’est plus tranquille depuis deux semaines.
[15] Madame Gravel occupe le logement #4, situé au deuxième étage à côté du logement de madame Beaulieu, depuis 17 ans. Elle dit ne jamais avoir eu de problème de bruit avant l’arrivée du locataire et corrobore la version des autres, quant aux bruits de criage, de chicane, de hurlage, d’une à deux fois par semaine, la nuit et qu’elle s’est fait réveiller. Elle a même dû consulter son médecin parce qu’elle est stressée.
[16] En contre-interrogatoire, elle dit que le bruit a cessé depuis 15 jours et que, quand le locataire était seul, elle n’entendait rien.
[17] Monsieur Chevalier occupe le logement #6, situé au dernier étage, depuis 13 ans. Il confirme des bruits de crises, de claquages de porte, de chicanes, de cris dans le passage, ce qui aurait débuté quelques mois après l’arrivée du locataire. Les chicanes avec sa copine se sont produites à trois reprises l’été dernier et elle est allée s’excuser. Il pense à s’en aller parce que c’est devenu invivable et qu’il n’est plus capable de vivre sous tension.
[18] En contre-interrogatoire, il dit que le locataire «gueulait» autant qu’elle et qu’il n’a pas eu à se plaindre lorsque le locataire était seul.
[19] Madame Chabot est la conjointe de monsieur Chevalier et elle corrobore toutes les versions entendues, tout en précisant que le locataire est bruyant «quand mademoiselle est avec lui».
[20] Le locataire travaille de soir ou de nuit mais rarement le jour et, avant d’occuper le logement, il demeurait chez sa mère. Il est arrivé seul au logement et quelques mois plus tard, sa copine a peu à peu commencé à aller chez lui. Il admet qu’ils se chicanaient souvent parce qu’ils avaient de la difficulté à se faire confiance. Il admet aussi avoir claqué la porte une fois, et qu’il a parlé fort dans le passage parce que son cellulaire ne fonctionne pas dans son logement. Il dit toutefois aller parler à l’extérieur depuis qu’il a eu des plaintes, qu’il a coupé les ponts avec sa copine Alexandra et qu’elle ne remettra plus jamais les pieds dans le logement, lequel il a vidé de tous ses effets. Il termine en disant qu’il n’y avait pas de plainte lorsqu’il était seul et qu’il n’y aura plus de problème parce que leur relation est terminée.
DÉCISION
[21] L’article
« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.
Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.
Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.»
[22] Le Tribunal a rappelé les principes applicables dans l’affaire Fata c. Chaouqui [1] :
« En matière de bruit, le tribunal ne peut fonder son appréciation sur des considérations subjectives et doit chercher à déterminer si le locataire plaignant vit une situation qui, par sa répétition, insistance et ampleur, constitue une atteinte grave, excessive ou déraisonnable justifiant la résiliation du bail. Cette analyse doit se fonder sur des critères objectifs et probants. Ce qui est incommodant pour certains peut ne pas l’être pour d’autres et, ainsi, le tribunal est appelé à se prononcer uniquement sur une situation extraordinaire et inhabituelle. »
[23] La preuve a révélé que le locataire et sa copine ont grandement dérangé les autres locataires par des bruits de chicanes et des cris, de la musique forte et des conversations téléphoniques. Les rapports policiers font état d’un appel le 22 mars 2010 pour de la chicane ainsi que le 30 mars à 3h20 du matin, le 6 avril à 3h00 du matin, le 30 juillet à 4h30 du matin, le 27 août 2010 à 4h41, le 9 septembre à 2h25, le 14 décembre à 23h09 pour de la musique forte et des cris, le 16 décembre à 2h50 pour des cris et de la chicane et le 26 janvier à 15h35.
[24] De l’avis du Tribunal, il s’agit « (…) de comportements et d’attitudes qui par leur répétition et insistance agacent, excèdent ou importunent gravement les autres locataires du même immeuble, troublant ainsi la jouissance normale des lieux à laquelle ils ont droit. » [2] De tels comportements justifient la résiliation du bail.
[25] Toutefois, suivant
l’article
[26] Il ressort de la preuve que la source des troubles de comportement du locataire a été sa relation avec sa copine Alexandra, relation à laquelle il dit avoir définitivement mis fin tout en affirmant qu’il n’y aura plus de problème dorénavant. D’ailleurs, trois personnes témoignent qu’elles n’avaient pas à se plaindre du locataire lorsqu’il était seul.
[27] Ainsi, le Tribunal est d’avis qu’il y a lieu de lui donner une dernière chance.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[28] REJETTE la demande en résiliation de bail;
[29] ORDONNE au locataire de ne plus donner accès au logement et à l’immeuble à Alexandra E-H.;
[30] ORDONNE au locataire de ne pas faire jouer de la musique forte;
[31] ORDONNE au locataire de ne pas parler au cellulaire dans le passage;
[32] CONDAMNE le locataire aux frais judiciaires et de signification de 72 $.
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Micheline Leclerc |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur le locataire |
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Date de l’audience : |
9 février 2011 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.