Deschênes c. Alarie |
2018 QCRDL 2535 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
||||||
Bureau dE Laval |
||||||
|
||||||
No dossier : |
244050 36 20151028 T |
No demande : |
2387748 |
|||
|
|
|||||
Date : |
22 janvier 2018 |
|||||
Régisseure : |
Lucie Sabourin, juge administrative |
|||||
|
||||||
Carole Deschênes
Stéphane Larochelle |
|
|||||
Locataires - Partie demanderesse |
||||||
c. |
||||||
Éric Alarie
Jennifer Guillot-B |
|
|||||
Locateurs - Partie défenderesse |
||||||
et |
||||||
Dominic Di Battista Deschênes |
|
|||||
Locataire - Partie intéressée
|
||||||
|
||||||
D É C I S I O N
|
||||||
[1] Les locataires demandent la rétractation d'une décision rendue le 9 novembre 2017, laquelle rejette leur recours vu leur absence à l'audience tenue le 31 octobre 2017.
[2] Les locataires affirment qu’ils n’ont pas reçu l'avis de convocation.
[3] Selon le dossier du Tribunal, les avis de convocation ont été expédiés aux parties et à l’avocat des locataires le ou vers le 8 septembre 2017.
[4] Les locataires indiquent à la demande de rétractation qu’ils ont eu connaissance de la décision le 4 décembre 2017. Toutefois, questionnés par le Tribunal, les locataires ne peuvent spontanément indiquer à quelle date ils ont eu connaissance de cette décision.
[5] Le locataire précise que la décision lui a été transmise à l’adresse d’une écurie où il se rend régulièrement.
[6] Questionnés par le Tribunal, les locataires reconnaissent qu’ils n’ont pas procédé à la mise à jour de leur adresse respective. Ils invoquent des ennuis de santé. Toutefois, aucune preuve quant à leur état de santé et l’impact de celui-ci, s’il en est un, sur leur capacité à procéder à un changement d’adresse n’a été soumise au Tribunal.
[7] Par ailleurs, il appert du dossier de la Régie du logement que les locataires ont, à deux reprises en 2016, effectué un changement d’adresse. Ainsi, ils sont familiers avec cette procédure.
[8] De plus, les locataires étaient représentés par un avocat jusqu’au 25 octobre 2017. Ils affirment que ce dernier ne les aurait pas avisés de la réception d’un avis d’audition, bien qu’ils confirment qu’ils ont les mêmes coordonnées téléphoniques depuis l’introduction de la demande originaire.
[9] Les locateurs contestent la demande de rétractation.
[10] Ils invoquent que les locataires ont été négligents en ne faisant pas leur changement d’adresse. De plus, ils précisent que les parties se sont rencontrées le 8 août 2017, étant convoquées dans le cadre d’une audience devant une autre instance, ce qui, selon les locateurs, ne pouvait que remémorer aux locataires qu’une demande était toujours pendante devant le tribunal de la Régie du logement.
[11] La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement[1] qui prévoit :
89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.
La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.
[12] Dans une affaire similaire[2], la juge administrative Francine Jodoin s’exprime comme suit :
[6] Comme on peut le voir, la simple absence d'une partie à l'audience ne peut justifier à elle seule la rétractation de la décision rendue(2). Pour obtenir la rétractation de la décision rendue, le locataire doit donc établir avoir été empêché de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante.
[7] Lorsque le motif de rétractation repose sur le fait qu'une partie n'a pas reçu l'avis d'audience, cela ne permet pas d'accueillir d'emblée la demande sans autre vérification. Il faut quand même s'assurer de la véracité d'une telle affirmation et vérifier que la négligence n'est pas en cause.
[8] En effet, le droit d'être entendu n'est pas absolu et est balisé par l'obligation d'une partie de prendre les moyens nécessaires pour recevoir les avis de convocation qui lui sont adressés.
[9] Dans la décision Lettrage Graphico-Tech inc. c. Quden inc., le juge François Marchand de la Cour du Québec énonce ce qui suit :
« En matière de rétractation de jugement, il faut trouver un juste équilibre entre deux principes qui s'affrontent, soit celui de la stabilité des jugements rendus et celui du droit à une défense pleine et entière. Il est donc essentiel de déterminer si la négligence de la partie défenderesse de protéger adéquatement ses droits est excusable ou non. La jurisprudence la considère excusable lorsqu'elle a été en quelque sorte causée par des circonstances extérieures à la partie elle-même, soit parce qu'elle a été induite en erreur ou surprise par la partie adverse ou par des tiers dont elle ne répond pas. La situation est fort différente, lorsque la partie défenderesse a fait preuve d'un manque de sérieux flagrant dans la conduite de ses affaires, en ne faisant pas un suivi adéquat de son dossier. »
[10] Bien qu'il puisse se présenter des circonstances particulières, il fut décidé, à plusieurs reprises, que le fait de ne pas communiquer son changement d'adresse en sachant que des procédures judiciaires étaient en cours constitue de la négligence et ne peut justifier une demande en rétractation(3). Les tribunaux refusent de cautionner, dans le cadre d'une demande en rétractation, la négligence grossière d'une partie.
[11] Dans l'affaire Charest c. Régie du logement, la Cour supérieure rejette une requête en révision judiciaire au motif suivant :
« [26] Le régisseur conclut que les requérants devaient entre autres avoir des motifs sérieux de rétractation et ne devaient pas adopter un comportement négligeant dans la défense de ses droits. Le défaut des requérants d'être présents le jour de l'audience, parce qu'ils n'ont pas effectué leur changement d'adresse pouvait être assimilé à de la négligence. Les conclusions tirées par le régisseur ne constituent pas une erreur révisable en fonction de la norme applicable. »
[12] Le Tribunal est en accord avec ces principes. Le locataire a laissé cheminer cette affaire sans s'en préoccuper davantage et n'ayant pu justifier son absence à l'audience par la surprise, la fraude ou une autre cause jugée suffisante, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande.
[13] Le Tribunal partage l’opinion exprimée dans cette affaire.
[14] Il importe de préciser que le témoignage des locataires est apparu à plus d’un égard évasif et imprécis, minant par le fait même leur crédibilité
[15] En conséquence, le Tribunal rejette la demande de rétractation des locataires.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[16] REJETTE la demande de rétractation des locataires.
|
|
|
|
|
Lucie Sabourin |
||
|
|||
Présence(s) : |
les locataires les locateurs |
||
Date de l’audience : |
5 janvier 2018 |
||
|
|||
|
|||
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.