Décision

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Bakopoulos c. Mundele

2025 QCTAL 7028

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

842114 31 20250110 G

845914 31 20250124 G

Nos demandes :

4580115

4597801

 

 

Date :

28 février 2025

Devant le juge administratif :

Jean Gauthier

 

Anna Bakopoulos

 

Tom Kouris

 

Locateurs - Partie demanderesse

(842114 31 20250110 G)

Partie défenderesse

(845914 31 20250124 G)

c.

Cordie Mundele

 

Locataire - Partie défenderesse

(842114 31 20250110 G)

Partie demanderesse

(845914 31 20250124 G)

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Ces deux dossiers sont réunis pour audience et décision communes.
  2.          Le 10 janvier 2025, les locateurs déposent au Tribunal une demande afin de déclarer impropre le logement et subsidiairement, de résilier le bail au motif que la locataire a provoqué par sa négligence un incendie dans la cuisine du logement.
  3.          Le 24 janvier 2025, la locataire dépose au Tribunal une demande dont l’objet se lit :

« Ordonner à la partie défenderesse d'exécuter son obligation de réparer la cuisine.

Condamner le défendeur à payer au demandeur à titre de dommages et intérêts la somme totale de 2477,00 $ le tout avec les intérêts et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec.

Diminuer le loyer de 50% par mois à compter du 1 janvier 2025 jusqu'au ce que la cuisine sera réparer.

Condamner la partie défenderesse au paiement des frais.

Ordonner l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel. »


Pour les motifs suivants

« Le locateur néglige ou refuse de corriger le ou les problèmes suivants: réparer la cuisine après un incendie survenu le 29 décembre 2024.

Si le propriétaire avait installé un système d'alarme incendie, l'incendie aurait pu être éteint beaucoup plus tôt.

La somme de 2477 $ à titre de dommages moraux pour les troubles et inconvénients suivants: Je dois consulter un psychologue car je n'arrive plus à dormir,

Je souffre de crises de panique et je prends des médicaments pour l'insomnie-2145 $, je n'ai pas non plus une poêle pour cuisiner et c'est pourquoi je dois acheter des plats préparés-332 $, J'ai dû réduire ma charge de travail car psychologiquement je ne pouvais pas travailler.

De plus la partie défenderesse visite le logement constamment sans avis préalable. » (SIC)

  1.          Le 10 février 2025, les locateurs amendent leur demande et ajoutent comme objet l’expulsion de la locataire Pour les motifs suivants :

­       musique forte, présence d’invités et bruits à toute heure du jour et de la nuit;

­       usage illégal de la plate-forme Airbnb;

­       atteinte à la quiétude des autres locataires.

Les faits pertinents :

  1.          Les parties sont liées par le bail d’un logement de quatre pièces et demie au loyer mensuel de 1500 $ qui se termine le 30 juin 2025, situé au rez-de-chaussée d’un immeuble de trois étages qui comporte 15 logements.

La demande des locateurs :

Le témoignage de leur fille :

  1.          Ils sont âgés de plus de 75 ans et maîtrisent peu le français c’est elle qui témoigne pour eux à l’audience puisqu’elle connaît très bien personnellement la situation.

L’incendie :

  1.          Le 29 décembre 2024, un feu de friture s’est déclaré sur la cuisinière. La locataire était présente mais elle a négligemment laissé un chaudron d’huile sur un rond. L’incident a nécessité une intervention active des pompiers et a causé des dommages.

Le bruit :

  1.          La locataire écoute de la musique forte. Elle a parfois des invités jusqu’à tard dans la nuit. Plusieurs locataires se sont plaints et l’un d’entre eux a même menacé de déménager.

Le Airbnb :

  1.          En contravention au bail, le logement est très souvent loué à court terme à des personnes qui dérangent les autres occupants.

La négligence :

  1.      Le logement est très sale et mal entretenu, particulièrement depuis l’incendie.


Le témoignage de la locataire :

L’incendie :

  1.      Elle admet que l’incendie s’est déclaré mais elle soutient que c’est à cause de l’absence de détecteurs de fumée que les dommages sont survenus.

Le bruit :

  1.      Elle prétend qu’elle demande la permission aux voisins immédiats lorsqu’elle met de la musique forte. Ses invités se comportent toujours convenablement.

Le Airbnb :

  1.      Elle nie catégoriquement qu’elle utilise cette plate-forme. Ce n’est qu’exceptionnellement que le logement a été occupé par un tiers en son absence puisqu’elle est agente de bord et s’absente fréquemment.

La négligence :

  1.      C’est plutôt les locateurs qui entretiennent mal le logement alors qu’elle leur en a donné souvent l’accès pour faire les réparations dans la cuisine à la suite de l’incendie.

La demande de la locataire :

L’ordonnance :

  1.      Elle requiert que les travaux de réparation de la cuisine soient effectués et finalisés le plus rapidement possible. Elle est tout à fait disposée à donner l’accès au logement pour ce faire.

Les dommages :

  1.      Ils sont de deux ordres : elle a dû consulter un psychologue puisqu’elle souffre d’insomnie depuis l’incendie à cause du comportement harcelant des locateurs et des nombreuses visites qu’ils effectueraient sans préavis. Elle a également réduit sa charge de travail à cause de son état psychologique. Enfin, elle a déboursé la somme de 332 $ pour des repas préparés.

La diminution de loyer :

  1.      Elle prétend que la cuisine est inutilisable depuis l’incendie. Elle est donc empêchée de cuisiner des repas convenables. Sa demande de diminution de 50 % serait selon elle justifiée.

Analyse et décision :

La demande des locateurs :

  1.      À la lumière de la preuve contradictoire qui lui a été présentée, le Tribunal considère que la locataire contrevient à plusieurs obligations que lui impose la loi :

L’incendie :

  1.      L’article 1855 du Code civil du Québec se lit :

«1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence.»

  1.      La locataire était présente dans le logement et sa négligence n’a heureusement pas causé atteinte à la sécurité des lieux à cause de l’intervention rapide du service d’incendie. Malgré sa prétention, l’absence d’un détecteur de fumée fonctionnel n’aura rien changé au geste qu’elle a posé et qui a provoqué l’incendie.


Le bruit :

  1.      L’article 1860 du Code civil du Québec se lit :

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l'usage du bien ou l'accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

  1.      Le Tribunal est satisfait de la preuve présentée quant au bruit causé par la musique forte, lequel a d’ailleurs été admis par la locataire. Il est tout à fait plausible que la présence d’invités ait exacerbé la situation.

Le Airbnb :

  1.      L’article 1856 du Code civil se lit :

«1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.»

  1.      Le fait que la locataire loue partiellement ou entièrement le logement lorsqu’elle s’absente pour le travail constitue un changement de destination et revêt un caractère commercial.
  2.      Pour toutes ces raisons, les locateurs ont démontré l’existence de plusieurs manquements qui constituent un préjudice sérieux qui justifie la résiliation du bail.

La demande de la locataire :

L’ordonnance :

  1.      La preuve démontre que les locateurs ont pris toutes les dispositions possibles afin de remettre en état la cuisine et qu’ils se sont heurtés au manque de collaboration de la locataire. Aucune ordonnance n’est donc émise.

Les dommages-intérêts :

  1.      La locataire ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer que le stress qu’elle a subi et ses problèmes d’insomnie étaient causés directement par une quelconque faute commise par les locateurs. Leur insistance à accéder au logement était justifiée dans les circonstances.
  2.      Par ailleurs, les frais de repas préparés sont injustifiés puisque la cuisine était quand même fonctionnelle.
  3.      Cette demande est rejetée.

La diminution de loyer :

  1.      Un locateur a l’obligation de fournir un logement en bon état d’habitabilité et d’en procurer la jouissance paisible au locataire (1854 du Code civil du Québec). Il s’agit d’une obligation de résultat et advenant contravention, ce dernier a droit à une diminution de loyer sans égard à une quelconque faute ou manque de diligence du locateur.
  2.      Ce recours permet de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail. Le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie lorsque son montant ne représente plus la valeur de la prestation des obligations du locateur parce que le locataire n’a plus la pleine jouissance des lieux loués. La perte d’usage doit cependant être significative, ce qui n’a pas été prouvé ici.
  3.      Cette demande est rejetée.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Sur la demande des locateurs :

  1.      RÉSILIE le bail et ORDONNE l’expulsion de la locataire et de tous les occupants du logement dans les 30 jours des présentes;
  2.      CONDAMNE la locataire à payer aux locateurs les frais de justice et de notification de 100,50 $;

Sur la demande de la locataire :

  1.      REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean Gauthier

 

Présence(s) :

les locateurs

la mandataire des locateurs

la locataire

Date de l’audience : 

25 février 2025

 

 

 


 

AVIS :
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