Skierka c. Singh | 2025 QCTAL 7656 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
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No dossier : | 831526 31 20241107 G | No demande : | 4523493 |
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Date : | 28 février 2025 |
Devant la juge administrative : | Suzanne Guévremont |
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Peter Skierka | |
Locateur - Partie demanderesse |
c. |
Amritbir Singh Gurpreet Singh | |
LocataireS - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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- Le locateur demande la résiliation du bail pour retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer et l’expulsion des locataires, le recouvrement du loyer (4 500 $), ainsi que le loyer dû au moment de l’audience, l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel et les frais.
LA PÉREMPTION DE LA DEMANDE
- Le locateur a omis de déposer au Tribunal la preuve de notification de la demande dans les 45 jours de son introduction, soit au plus tard le 23 décembre 2024.
- Qu’elle en est la conséquence?
- La réponse se trouve à l’article 56.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement
« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu’une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n’ont pas été déposés.
Si la preuve de notification n’est pas déposée dans les 45 jours suivant l’introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu’il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l’audience sous peine du rejet de la demande. »
- En l’occurrence, le locateur a produit la preuve de notification le 30 décembre 2024. Il a donc agi trop tard.
- Ayant été adopté en août 2020, le locateur peut difficilement invoquer l’ignorance de la loi. Ce moyen de défense est révolu.
- Qui plus est, déjà en 2004 la juge administrative Anne Morin rappelait qu’en vertu de l’article 39 al.2 de la Loi d’interprétation, toute personne est tenue de prendre connaissance des lois publiques et doit s'informer des droits et obligations qui la concernent. Ce principe a maintes fois été repris par la suite par notre Tribunal en matière de délai non respecté[1].
- Il s’avère également que l’article 56.2 précité est repris presque mot pour mot dans l’accusé de réception acheminé au locateur le 12 novembre 2024 à l’adresse courriel utilisée par lui pour introduire sa demande en ligne.
- Il incombait donc au locateur de s’informer à défaut par lui de lire attentivement la correspondance transmise par le Tribunal.
- Faire preuve de souplesse et permettre au locateur de produire la preuve de notification au-delà du délai de 45 jours en raison d’une mauvaise compréhension ou de l’ignorance de la loi banalise l’article 56.2 LTAL et ouvre la porte à l’arbitraire.
- Dans l’affaire Vasilevich c. Anna[2], la Cour supérieure refuse de prolonger le délai prévu à l’article 738 du Code de procédure civile (C.p.c.). Le juge Yergeau s’exprime comme suit sur l’irrespect du délai de cinq jours qui n’en est pas un de rigueur, comme en l’espèce :
« Si la souplesse en matière procédurale est la règle (art. 2 C.p.c.), elle ne doit pas devenir synonyme de laxisme. Le prolongement des délais qui ne sont pas de rigueur n’est pas et ne peut être un automatisme, auquel cas il vaudrait mieux rayer d’un trait le délai de cinq jours prévus à l’article 738 C.p.c. »
- Le même raisonnement s’applique ici. Sinon, pour paraphraser l’Honorable juge Yergeau, aussi bien rayer d’un trait le délai de quarante-cinq jours, prévu à l’article 56.2 LTAL.
- En adoptant l’article 56.2 LTAL., le législateur a considéré nécessaire dorénavant pour tout demandeur de produire la preuve de notification au dossier du Tribunal dans un délai précis, ici le 23 décembre 2024. Il a aussi prévu les conséquences qu’entraîne son inobservance. La demande est alors périmée et le Tribunal la rejette. Par conséquent, c’est le sort réservé à celle-ci.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- REJETTE la demande du locateur.
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| Suzanne Guévremont |
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Présence(s) : | le locateur |
Date de l’audience : | 23 janvier 2025 |
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[1] Desfosses c. Béland, 15-040503-002T040608, (RDL) 31 août 2004; Brisson c. Camping à la Claire Fontaine Inc., 2018 QCRDL 2281.