Willems c. Babin |
2020 QCTAL 7640 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Gatineau |
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No dossier : |
537189 22 20200917 G |
No demande : |
3068303 |
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Date : |
17 novembre 2020 |
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Devant la juge administrative : |
Anne A. Laverdure |
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Eric Willems |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Françoise BabinNord |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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CONTEXTE
[1] Le locateur demande l'autorisation pour reprendre le logement à compter du 1er février 2021 afin de s'y loger. Un avis de reprise a été transmis en ce sens le 28 juillet 2020 et la locataire n'a pas répondu à cet avis, laissant présumer qu'elle s'y oppose, d'où la présente demande déposée le 17 septembre 2020.
[2] Les parties sont liées par bail du 1er février 2020 au 31 janvier 2021 au loyer mensuel de 900 $.
Questions EN LITIGE
[3] Les avis et le dépôt de la demande ont-ils été transmis dans les délais légaux et sont-ils complets ?
[4] Les critères permettant la reprise de logement sont-ils satisfaits ?
[5] Dans l’affirmative, à quelles conditions peut-il reprendre son logement ?
ANALYSE ET DÉCISION
[6] Le contenu de l’avis à la locataire ainsi que les délais légaux pour l’avis et l’inscription du présent recours ont été respectés, ce qui permet au Tribunal d’entendre le recours du locateur.
[7] Le locateur ne possède pas d'autres logements disponibles à la date de la reprise. Il explique qu’il a vendu sa maison principale et qu’il est actuellement installé à son chalet. Ce chalet, il le louait habituellement à court terme sur des plateformes comme Airbnb, mais avec la venue de la pandémie, il ne pouvait plus compter sur ces revenus.
[8] Il témoigne que le chalet est trop petit et ne répond pas à ses besoins. Il a l’intention de le vendre.
[9] Le logement est une maison entièrement payée. Cela convient à sa nouvelle condition de retraité.
[10] La locataire conteste l'intention du locateur de reprendre le logement. Elle fait valoir que lorsqu’elle a signé le bail, elle a insisté sur le fait qu’elle voulait pouvoir s’installer à long terme.
[11] Elle ne croit pas à l’urgence alléguée par le locateur et souhaiterait, à tout le moins, ne pas avoir à déménager en hiver.
[12] Le Tribunal considère que le locateur respecte les prescriptions et exigences de la loi quant à son intention de reprendre le logement pour les fins mentionnées. Le Tribunal estime qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.
[13] Le Tribunal examine maintenant à quelles conditions il permet la reprise du logement, conformément à l’article 1967 du Code civil du Québec qui prévoit :
« 1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l'éviction, il peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d'une indemnité équivalente aux frais de déménagement. »
[14] Lors de la reprise d'un logement par le locateur, deux droits importants se rencontrent et s'opposent. Le droit du propriétaire d'un bien de jouir de celui-ci comme bon lui semble et le droit de la locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit de la locataire que le législateur impose des conditions au locateur.
[15] Quant à l'indemnité, la loi donne pleine discrétion au Tribunal qui doit, s’il décide d’attribuer une indemnité, tenir compte de plusieurs facteurs. La jurisprudence a cependant établi qu'il doit se limiter aux dépenses et inconvénients ayant trait directement à la reprise de possession, au départ de la locataire et à son emménagement dans un autre logement[1]. De plus, cette indemnité ne doit pas servir à enrichir injustement la locataire, en lui payant, par exemple, des dépenses déraisonnables considérant son style de vie.
[16] Dans l'affaire Carlin[2], la Cour du Québec a aussi énuméré les critères à considérer dans l'évaluation de cette indemnité. Ainsi, l'âge de la locataire, sa condition physique, la durée d'occupation, son enracinement dans le logement et la valeur de son mobilier sont des critères pertinents.
[17] Comme fait particulier, la locataire mentionne son âge : 77 ans.
[18] Elle indique que son déménagement, il y a 2 ans, lui a coûté 2 500 $.
[19] Le Tribunal estime, à la lumière de la preuve, qu'une indemnité de 2 700 $ est raisonnable pour compenser les frais de déménagement et autres inconvénients reliés au départ. La locataire est autorisée à déduire le montant de cette indemnité sur les derniers loyers exigibles.
[20] Quant à la date de reprise du logement, le Tribunal considère qu’il y a lieu de repousser la date au 1er mai 2021. Il prend en considération la difficulté augmentée de trouver un logement en pleine crise sanitaire, surtout pour une personne de 77 ans.
[21] Les parties pourront convenir d’une date moins lointaine si cela sied aux 2 parties.
[22] À titre d'information, il convient d'ajouter que l'article 1968 du Code civil du Québec prévoit un recours en faveur du locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi. De plus, l'article 1970 du Code civil du Québec, précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation du tribunal, être reloué ou utilisé pour une autre fin que pour celle pour laquelle le droit a été exercé.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[23] ACCUEILLE la demande du locateur qui en supporte les frais judiciaires;
[24] AUTORISE le locateur à reprendre possession du logement concerné afin de s'y loger à compter du 1er mai 2021 ou à toute autre date convenue entre les parties;
[25] ORDONNE à la locataire et à tout occupant du logement de quitter les lieux loués au plus tard le 1er mai 2021;
[26] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 2 700$ à titre d'indemnité;
[27] AUTORISE la locataire à déduire le montant de l'indemnité accordée sur les derniers loyers exigibles, le cas échéant.
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Anne A. Laverdure |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
27 octobre 2020 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.