Décision

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Ménard c. Auger

2022 QCTAL 8648

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

591275 36 20211005 T

No demande :

3442400

 

 

Date :

24 mars 2022

Devant la juge administrative :

Louise Fortin

 

Georges Ménard

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Christianne Auger

 

Michel Danis

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande la rétractation de la décision rendue le 23 décembre 2021, laquelle a rejeté sa demande en dommages.

[2]         Le locateur soutient avoir pris connaissance de la décision vers le 14 janvier 2022.

[3]         En ce qui concerne sa demande de rétractation, il soutient qu’il a été pris par surprise le jour de l’audience, alors que son témoin, un technicien en extermination, n’avait pas apporté un rapport d’extermination.

[4]         Questionné par le Tribunal, il reconnaît qu’il n’a pas demandé de rapport de l’audience pour produire ce document.

[5]         De plus, il soutient que la juge administrative a commis des erreurs de faits et de droit.

[6]         Le locataire présent à l’audience conteste la demande. Il soutient que le locateur devait s’assurer d’avoir ses preuves lors de l’audience.

ANALYSE

[7]         La rétractation d'une décision est prévue à l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement qui se lit ainsi :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation

Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.


La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d'aviser de son changement d'adresse conformément à l'article 60.1 ne peut demander la rétractation d'une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu'elle n'a pas reçu l'avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[8]         À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[1]

[9]         Le Tribunal est d'avis que les motifs invoqués par le locateur ne donnent pas ouverture à la rétractation souhaitée.

[10]     Le Tribunal estime que le locateur n'a pas fait la preuve qu'il a été empêché de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, alors qu’il connaissait l’existence du rapport en question et qu’il était de sa responsabilité de s’assurer que lui et/ou son témoin l’ait le jour de l’audience.

[11]     Une partie ne peut profiter du recours en rétractation afin de contester une décision ou afin de présenter une meilleure preuve, de compléter ou de bonifier celle faite lors de l'audience. Il a été décidé à de nombreuses reprises que :

« La rétractation n'a pas pour but de permettre à une partie de suppléer à une insuffisance de preuve ou de contester une décision pour laquelle il est insatisfait; le recours dans ce contexte demeure l'appel. »[2]

[12]     Pour ce qui est des erreurs de droits et de faits qu’il invoque, il s’agit manifestement de motifs d’appel.

[13]     Ainsi, le Tribunal n'a pas à juger du déroulement de l'audience, ni décider si les conclusions contestées sont conformes au droit applicable et/ou si l'appréciation de la preuve par la juge administrative est erronée, comme semble le prétendre le locateur.

[14]     Ce rôle ne peut être assumé par un tribunal de même niveau, mais relève plutôt de l'appel. Le recours en rétractation ne saurait servir ou tenir lieu de forum d'appel.

[15]     Le recours en rétractation en est un, d'exception, au principe de la stabilité des jugements et les critères y donnant ouverture doivent être appliqués avec rigueur.

[16]     Dans leur ouvrage, Le bail de logement, les auteures Thérèse Rousseau -Houle et Martine De Billy énoncent :

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence : celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer. »[3]

[17]     Il ressort des arguments soumis par le locateur que celui-ci est totalement insatisfait de la décision contestée.

[18]     Par conséquent, force est de constater que les éléments dénoncés ne constituent pas des motifs de rétractation, mais bien des motifs d'appel, recours qui ne doivent pas être confondus.


[19]     Le Tribunal fait également siens les propos de Me Francine Jodoin, juge administrative dans une décision du Tribunal administratif du logement :

« Tel qu'expliqué lors de l'audience, la demande en rétractation ne doit pas constituer un appel déguisé de la décision rendue. Le tribunal n'a pas à juger de la justesse de celle-ci ni s'interroger sur les erreurs de faits ou de droit commises puisqu'il ne s'agit pas d'un appel de la décision rendue. Il s'agit plutôt de s'interroger sur l'application de l'article 89 précité et chercher à déterminer si la partie qui en fait la demande a pu démontrer un des motifs prévus à cette disposition.

(...)

Il apparaît clair au tribunal que le locataire remet maintenant en cause la preuve soumise à l'audience en raison des conclusions de la décision. Il a donc plutôt été pris par surprise par la décision et il appert qu'ayant connu d'avance ses conclusions, il se serait préparé différemment. Il demande d'ailleurs la possibilité d'avoir une nouvelle audience pour lui permettre d'apporter des preuves additionnelles. »[4]

[20]     CONSIDÉRANT les principes ci-dessus énumérés, le Tribunal est d'avis que le locateur n'a pas établi, par preuve prépondérante, un motif de rétractation.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]     REJETTE la demande en rétractation du locateur qui en assume les frais;

[22]     MAINTIENT la décision rendue le 23 décembre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

Louise Fortin

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

9 mars 2022

 

 

 

 


[1] Entreprises Roger Pilon Inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 21.

[2] Isabelle Tessier c. Wilson St-Jean, 26 050405 008 T 070914, 5 novembre 2007, Luc Harvey j.adm.; Howard Szalacvetz c. Fedor Kaspoutine, 31 050112 065 T 050310, 24 avril 2005, Claudine Novello j.adm.; Ernest Davance c. Moishe Zvionov, 31 030228 157 T 050127, 29 mars 2005, Gérald Bernard j.adm.

[3] Rousseau-Houle, Thérèse et Martine de Billy, Le bail du logement, Montréal, 1989. Wilson et Lafleur, p. 310.

[4] O'Callaghan c. Fattal (R.D.L., 2003-05-27), SOQUIJ AZ-50194102, [2003] J.L. 265.

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