Saint-Vil c. Doyon |
2019 QCRDL 13488 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
439236 31 20190125 G |
No demande : |
2675307 |
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Date : |
24 avril 2019 |
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Régisseure : |
Marie-Ève Marcil, juge administrative |
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Francel Saint-Vil |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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Monique Doyon |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le 25 janvier 2019, une demande en reprise de logement est déposée par le locateur, afin d’y loger sa mère, Marie-Mériale Bellora, dans le logement concerné à compter du 1er juillet 2019, conformément à l'article 1963 du Code civil du Québec.
[2] Les parties sont liées par un bail reconduit au 30 juin 2019 au loyer mensuel de 690 $. La locataire habite le logement depuis 2008.
[3] Le logement concerné est situé au deuxième étage d'un duplex comptant deux étages, le locateur habitant le rez-de-chaussée. Le locateur est propriétaire unique de l’immeuble depuis novembre 2018 et indique ne pas posséder d'autres immeubles.
[4] La preuve révèle qu'un avis de reprise du logement a été reçu par la locataire le 17 décembre 2018 pour une reprise au 1er juillet 2019.
[5] La locataire a répondu refuser de quitter le logement, d'où la présente demande déposée dans le délai imparti par la Loi.
[6] La locataire précise être en désaccord avec la reprise mais elle ne désire plus la contester, supposant la bonne foi du locateur de rependre le logement afin d’y loger sa mère âgée.
[7] Par contre, elle demande au Tribunal de statuer sur l'indemnité à lui être accordée. Elle réclame un montant de 5 000 $, soit 2 000 $ pour les frais de déménagement et 3 000 $ pour les inconvénients subis.
[8] La locataire, âgée de 67 ans, explique au Tribunal habiter le logement depuis plusieurs années et y avoir ses habitudes de vie. Elle ajoute que ce déménagement lui impose beaucoup de stress et d’inconvénients.
[9] Elle présente au Tribunal différentes soumissions obtenues pour un déménagement au 1er juillet 2019 et celles-ci se situent entre 1 500 $ et 2 000 $. La locataire réclame aussi le remboursement des divers frais relatifs aux divers branchements par Hydro-Québec, Vidéotron et Poste Canada. Des preuves relatives à ces frais sont soumises.
[10] Ainsi, tel que convenu à l'audience et comme la locataire ne conteste pas la reprise, le Tribunal se prononcera que sur l'indemnité et la date de la reprise.
Analyse
[11] L'article 1967 prévoit que le Tribunal, lorsqu'il autorise une reprise, peut imposer des conditions à celle-ci. La disposition se lit comme suit :
« 1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l'éviction, il peut imposer les conditions qu'il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d'une indemnité équivalente aux frais de déménagement. »
[12] Le Tribunal a une certaine discrétion pour fixer l'indemnité payable à la locataire et prévue à l'article 1967 du Code civil du Québec, mais il doit tenir compte de ce droit du locateur et il ne peut pas condamner le locateur à une indemnité équivalente aux dommages-intérêts découlant d'une reprise de logement abusive.
[13] Dans l'affaire Boulay c. Tremblay, l'honorable Juge Jacques Lachapelle précise la nature de l'indemnité applicable en matière de reprise de logement de la façon suivante :
« Dans les cas d'éviction du locataire pour subdivision du logement ou changement d'affectation, le législateur a prévu une indemnité de trois mois de loyer et des frais de déménagement et même une somme supérieure si le locataire le justifie. (Art. 1660.4 C.c.) Cependant, en matière d'éviction pour reprise de possession, le législateur n'a déterminé aucune indemnité précise. Il laisse au Tribunal le soin de fixer les conditions justes et raisonnables et notamment l'indemnité de déménagement.
Pierre-Gabriel Jobin conclut à l'examen des dispositions de l'article 1659.7 :
« ... Il serait sage d'indemniser le locataire victime d'une reprise de possession; celui-ci devrait avoir droit à l'indemnité, sauf quand son déménagement n'est pas provoqué en réalité, par la reprise de possession, mais qu'il obéit à d'autres préoccupations personnelles du locataire ».
Le juge aux termes de l'article 1659.7 a donc discrétion pour fixer les conditions justes et raisonnables et le montant de l'indemnité. Comme le signale le juge Pigeon, lorsque le juge a une telle discrétion, il « doit en user « judiciairement », ce qui signifie qu'il doit le faire pour un motif valable » (Rédaction et interprétation des lois, Éditeur Officiel du Québec, Québec, 1965-1978, p. 30).
Ainsi, il doit justifier tout autant son refus d'accorder que de ne pas accorder une indemnité de déménagement de même que des conditions justes et raisonnables. Il doit prendre sérieusement en compte la demande du locataire et contrairement à ce que certains prétendent, ne refuser cette demande qu'exceptionnellement.
Il convient ici de rappeler que la reprise de possession est une exception au droit du maintien dans les lieux du locataire et qu'elle est provoquée par le locateur. Il est en conséquence légitime que le locataire se voie indemniser pour les dépenses et les inconvénients qu'il a subis. Ce droit est cependant balisé par le droit du locateur de disposer de ses biens et par conséquent, de son droit à la reprise de possession. Si le Tribunal a discrétion pour déterminer le montant, il doit tenir compte de ce droit du locateur et ne peut certes pas condamner aux dommages-intérêts qui découlent d'une reprise de possession abusive »[1].
[14] Ainsi, en l'instance, compte tenu du type de logement et de la preuve soumise, le Tribunal estime juste et raisonnable d'accorder à la locataire un montant de 2 000 $ relié à ses frais de déménagement, incluant les frais de transport des meubles et divers branchements.
[15] Par contre, compte tenu de la jurisprudence exposée, aucune indemnité relativement au stress ou autres inconvénients ne sera accordée.
[16] Aussi, compte tenu de la date prévue sur l’avis de reprise, le Tribunal autorise la reprise à compter du 1er juillet 2019.
[17] À titre informatif, il convient d'ajouter que l'article 1968 du Code civil du Québec prévoit un recours en faveur du locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi.
[18] De plus, l'article 1970 du Code civil du Québec précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation de la Régie, être reloué ou utilisé pour une autre fin que celle pour laquelle le droit a été exercé.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] ACCUEILLE la demande du locateur;
[20] AUTORISE le locateur à reprendre le logement occupé par la locataire, au [...] à Montréal-Nord afin d’y loger sa mère, Marie-Mériale Bellora, et ce, à compter du 1er juillet 2019;
[21] ORDONNE l'éviction de la locataire et des occupants du logement à compter du 30 juin 2019;
[22] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 2 000 $ au jour de son départ;
[23] Le tout, sans remboursement des frais judiciaires.
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Marie-Ève Marcil |
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Présence(s) : |
le locateur la locataire |
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Date de l’audience : |
28 mars 2019 |
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AVIS :
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