Gestion Laberge inc. c. Aghasieyed Jamal Razavi | 2025 QCTAL 3777 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau de Montréal |
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No dossier: | 695470 31 20230328 F | No demande: | 3861053 |
RN : | 4037994 |
Date : | 05 février 2025 |
Devant la greffière spéciale : | Me Nathalie Bousquet |
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Gestion Laberge Inc. |
Locatrice - Partie demanderesse |
c. |
Asieyeh Aghasieyed Jamal Razavi |
Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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Aperçu
- La locatrice demande au Tribunal administratif du logement d’ajuster le loyer, selon l’article 1947 C.c.Q., et de condamner la partie adverse au remboursement des frais.
- Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023, à un loyer mensuel de 735,00 $.
- En vertu de l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1], les dossiers concernant les locataires de cet immeuble sont réunis pour l’audition.
Mise en contexte de l’ajustement du loyer
- L’article 1942 du Code civil du Québec prévoit le droit du locateur de suggérer des modifications aux conditions du bail lors de son renouvellement.
- L’article 1945 du Code civil du Québec prévoit le droit du locataire de refuser les modifications suggérées et l’article 1947 du Code civil du Québec permet au locateur de présenter une demande afin que le Tribunal statue sur les modifications suggérées pour le renouvellement du bail.
- L’article 1953 du Code civil du Québec prévoit alors que le Tribunal, saisi d’une demande pour ajuster le loyer, applique les critères prévus au Règlement sur les critères de fixation du loyer[2].
- Ces articles se lisent ainsi :
1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.
Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.
Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre.
1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.
Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail.
1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures.
1953. Le tribunal saisi d'une demande de fixation ou de réajustement de loyer détermine le loyer exigible, en tenant compte des normes fixées par les règlements.
Le loyer qu'il fixe est en vigueur pour la même durée que le bail reconduit ou pour celle qu'il détermine, mais qui ne peut excéder 12 mois.
S'il accorde une augmentation de loyer, il peut échelonner le paiement des arriérés sur une période qui n'excède pas le terme du bail reconduit.
- Suivant ce Règlement, l’ajustement du loyer est déterminé selon la méthode générale de fixation du loyer qui prévoit un ajustement, lequel est calculé à partir du loyer payé au terme du bail, en tenant compte de la part attribuable du logement et en fonction de certaines dépenses précises encourues par le locateur durant l’année de référence, notamment de la variation des taxes municipales, des taxes scolaires et des assurances, le coût encouru pour les frais d’énergie, les frais d’entretien ainsi que des dépenses pour les réparations majeures.
- Les articles 2803, 2804, 2805 et 2857 du Code civil du Québec précisent :
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
2805. La bonne foi se présume toujours, à moins que la loi n'exige expressément de la prouver.
2857. La preuve de tout fait pertinent au litige est recevable et peut être faite par tous moyens.
- Ainsi, en tant que demanderesse, la locatrice a donc le fardeau de prouver, selon la règle de la prépondérance de la preuve et de la balance des probabilités, les dépenses et les montants inscrits dans le formulaire de renseignements nécessaires afin de permettre au Tribunal de calculer l'augmentation du loyer selon les critères prévus audit règlement.
- La locatrice doit aussi pouvoir présenter une preuve prépondérante quant à la nature des dépenses qu’elle a catégorisées à son formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer.
- La locatrice a présenté les pièces justificatives et la preuve est prépondérante quant aux dépenses admissibles pour l’ajustement du loyer de la période de 2023-2024 dont l’année de référence est 2022[3].
- Le Tribunal a retenu la somme de 617 212,17 $ en frais d’entretien de l’immeuble.
- En 2002, l’immeuble a fait l’objet de réparations majeures diverses. Le total retenu applicable pour les 303 logements de l’immeuble à titre de réparations majeures est de 5 720 692,01 $.
- À ceci, il faut ajouter la somme de 567 661,10 S pour les balcons. Cette dépense est prise en compte pour le calcul de 256 logements sur les 303 logements de l’immeuble, puisque 47 logements ne sont pas concernés par cette dépense.
- En conséquence, cette somme de 567 661,10 $ n’est pas retenue pour le calcul de l’ajustement du loyer des dossiers suivants pour lesquels le Tribunal est saisi d’une demande de fixation de loyer puisque ceux-ci n’ont pas de balcons : 684918, 689853, 689924, 692174, 695718, 695727, 695733, 699085, 701499, 706733, 707009, 710477, 713572, 713575, 717132, 730317, 734510, 734512, 742764 et 742781.
- L’un des locataires a porté à l’attention du Tribunal que les fenêtres de l’immeuble ont été achetées auprès d’une compagnie qui appartiendrait, comme son nom l’indique, à la famille Laberge et qu’il soit possible que certains matériels puissent avoir été achetés auprès de Canac, toutes deux entreprises qui appartiendraient à des membres de la famille Laberge.
- La preuve présentée par la locatrice a donc été considérée sous ces aspects soulevés par le locataire et le Tribunal juge la preuve crédible et prépondérante.
- Ces allégués, même s’ils étaient prouvés, ne constituent pas en soi une raison de refuser de considérer les dépenses.
- Il s’agit d’entités juridiques distinctes l’une de l’autre, chacune avec des officiers et des actionnaires qui peuvent être différents d’une compagnie à l’autre et chacune de ces compagnies doit déclarer ses revenus et payer les impôts sur ses revenus.
- Le Tribunal ne peut inférer ni conclure que ces factures présentées et vérifiées en audience par le Tribunal et certains locataires ne sont pas véridiques ni qu’elles seraient de fabrication mensongère, d’une manigance ou d’un montant exagéré dans un but malicieux d’obtenir un ajustement de loyer plus élevé.
- D’une part, le montant retenu pour les fenêtres inclut l’achat des fenêtres, mais aussi la main‑d’œuvre qui, elle, a été assurée par l’entrepreneur général n’ayant pas de lien familial avec des membres de la famille Laberge et la locatrice. Le Tribunal ne peut conclure de la somme de 567 661,10 $ dépensée pour l’achat et l’installation de fenêtres pour 256 logements que cette dépense n’a pas été supportée par la locatrice.
- D’autre part, tel qu’expliqué en audience, les locataires qui souhaitent faire statuer par le Tribunal quant à des diminutions de jouissances des lieux pour les inconvénients subis durant les travaux ou pour des défauts d’entretien, de réparations ou d’obligations relatives au bon état d’habitabilité de leur logement ou afin d’obtenir une ordonnance pour obliger la locatrice à exécuter des travaux devront se prévaloir de leurs droits en introduisant auprès du Tribunal le ou les recours appropriés convenant à leur situation et selon les conclusions précisées qu’ils recherchent.
Résultats du calcul
- Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[4] est de 82,00 $ par mois, s’établissant comme suit :
Taxes municipales et scolaires | 3,44 $ |
Assurances | 2,56 $ |
Gaz | 14,85 $ |
Électricité | 0,37 $ |
Mazout | 0,00 $ |
Frais d’entretien | 6,98 $ |
Frais de services | 0,00 $ |
Frais de gestion | 1,29 $ |
Réparations majeures, améliorations majeures, mise en place d’un nouveau service | 44,82 $ |
Ajustement du revenu net | 7,69 $ |
TOTAL | 82,00 $ |
- Lors de l’audience du 19 décembre 2024, la locatrice a renoncé à sa demande visant à faire condamner les locataires à lui rembourser les frais de sa demande, il n’y a donc pas lieu pour le Tribunal de débattre de cette question.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 817,00 $ par mois du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.
- Les autres conditions du bail demeurent inchangées.
- La locatrice assume les frais de la demande.
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| Me Nathalie Bousquet, greffière spéciale |
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Présence(s) : | le mandataire de la locatrice |
Dates des audiences : | 19 décembre 2024 17 juin 2024 |
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