Fernand Croisetière ESQ (Fiducie FPC) c. Dhaher | 2024 QCTAL 19328 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 708599 31 20230519 F | No demande : | 3910387 | |||
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Date : | 10 juin 2024 | |||||
Devant la greffière spéciale : | Me Chantal Houde | |||||
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Fernand Croisetière esq de fiduciaire de la Fiducie FPC |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Manel Dhaher |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Le locateur a produit une demande de fixation de loyer conformément aux dispositions de l’article
[3] Considérant la connexité entre les demandes relatives à l’immeuble du […] à Montréal, celles-ci ont été réunies afin de favoriser la tenue d’un processus efficace et ainsi être entendues et jugées sur la même preuve, conformément à l'article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [1].
[4] Le Tribunal rendra cependant une décision distincte pour chaque logement concerné.
[5] Les locataires, dans les deux dossiers, soulèvent plusieurs objections préliminaires. Elles soutiennent que leurs demandes ont été déposées hors délai, puisque le locateur disposait d’un mois de la réception de leurs refus pour faire fixer le loyer.
[6] De plus elles affirment ne pas avoir reçu le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer (ci-après : « Formulaire RN »). À cet effet, madame Daher produit un échange courriel indiquant au locateur qu’elle a reçu la demande « sans compléments d’informations ».
[7] Le locateur a soumis une demande de fixation le 19 mai 2023, tel qu’il apparait au timbre judiciaire apposé sur celle-ci. La preuve révèle que dans chacun des dossiers, la date de réception du refus de l’augmentation est le 11 avril 2023.
[8] L’article
[9] Le locateur témoigne que durant cette période il était à l’extérieur pour affaires et qu’il a subi une opération au genou.
[10] Une des locataires rétorque qu’à cette même date elle a reçu un diagnostic de cancer et a quand même respecté les délais.
[11] Le locateur allègue que le Formulaire RN a été déposé au TAL le 31 juillet 2023. Le Tribunal questionne le locateur sur la preuve de réception du formulaire par les locataires et non le TAL. D’autant plus que le formulaire est signé en date du 30 juillet 2023 et que les seules preuves de notifications au dossier sont du 6 ou 8 juin 2023. Le locateur n’a malheureusement pas ces preuves.
[12] Le locateur doit soulever un motif raisonnable afin de justifier les retards dans la gestion de ses dossiers afin d’être relevé du défaut.
LE DROIT
[13] Les dispositions légales pertinentes sont les articles
« 1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.
Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail. »
«1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s’adresser au Tribunal dans le mois de la réception de l’avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s’il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »
[14] L’article 56.3 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, lequel se lit comme suit, énonce que le locateur a 90 jours pour notifier le formulaire et qu’à l’expiration de ce délai, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
« 56.3. Lorsque le Tribunal est saisi d’une demande de fixation de loyer, le locateur doit, dans les 90 jours suivant la date de la transmission, par le Tribunal, du formulaire relatif aux renseignements nécessaires à la fixation, déposer au dossier ce formulaire dûment complété.
Il doit également, dans le même délai, notifier une copie de ce formulaire complété au locataire et produire au dossier du Tribunal la preuve de cette notification. Lorsque le demandeur est le locateur et qu’il fait défaut de produire au dossier du Tribunal cette preuve de notification dans le délai requis, la demande est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Malgré les articles 56.1 et 56.2, le demandeur n’a pas à notifier les pièces ni une liste des pièces au soutien de sa demande et il n’a pas à déposer une telle liste au dossier du Tribunal.
Le présent article ne s’applique pas à une demande de révision du loyer d’un logement à loyer modique au sens de l’article 1984 du Code civil. »
[15] L’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement prévoit qu’une partie peut être relevée de son défaut de respecter un délai, si elle a des motifs raisonnables à faire valoir.
« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »
L’ANALYSE
[17] La juge administrative Jocelyne Gascon dans sa décision [3] conclut que bien que le refus du locataire ait été donné en retard que d’une seule journée, il dépasse le délai prévu par la loi :
[22] L’article est clair, le jour qui marque le point de départ n’est pas compté, mais celui de l’échéance l’est. Ainsi, l’avis donné le 19 mars appelait une réponse dans le mois la réception de l’avis de modification du bail. La réponse donnée le 20 avril dépasse donc de toute évidence le délai prévu à la loi, bien que ce soit d’une journée.
[23] Le Tribunal estime que le locataire ne peut être relevé de son défaut d’agir à l’intérieur du délai. Ce dernier n’a tout simplement pas fait diligence en ne remettant pas son avis de refus à l’intérieur du délai d’un mois de la réception de l’avis d’augmentation.
[18] Dans une autre cause [4], l’avis de modification donné par le locateur deux jours plus tard a été déclaré irrecevable :
« [12] Le locateur plaide essentiellement l’ignorance de la loi. Or, il a été confirmé à maintes reprises par la jurisprudence du Tribunal [4] qu’il ne pouvait s’agir d’un motif raisonnable pour relever une partie du défaut d’avoir respecté un délai prescrit.
[13] En l’espèce, le Tribunal ne peut donc relever le locateur de ce défaut.
[14] Les critères de l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement étant cumulatifs, il n’est pas nécessaire de se pencher sur la question du préjudice grave pour le locataire au sens de cet article.
[15] L’avis de modification du bail est inopposable au locataire et la demande de fixation de loyer est, conséquemment, irrecevable ». (Les références sont omises)
[19] Enfin, dans l’affaire de 4103815 Canada inc. (3315 Maréchal) c. Nawel [5], le juge administratif rejette la demande de fixation de loyer introduite 3 jours plus tard.
[20] Concernant les motifs pouvant être invoqués, la juge administrative Claudine Novello [6] énumère dans sa décision plusieurs justifications que le Tribunal ne peut pas retenir comme motifs raisonnables, dont l’absence à l’extérieur :
« À maintes reprises, la locataire a soulevé son erreur et manque de vigilance dans la gestion de son dossier. Toutefois, à sa défense, elle oppose son horaire chargé, son absence à l’extérieur du pays, les difficultés à lire et répondre dans la langue anglaise, l’ignorance de la loi et les mauvaises informations reçues de la Régie du logement, autant de motifs que le Tribunal ne peut retenir. »
[21] Dans l’affaire Van c. Eddarissi [7], la juge administrative Francine Jodoin s’exprime ainsi sur la négligence :
« L'omission de respecter une exigence légale dans la mise en œuvre d'un droit lorsqu'elle résulte de la négligence, d'une mauvaise compréhension ou ignorance de la loi n'est pas retenue comme motif raisonnable permettant de justifier la prolongation du délai. »
[22] En conséquence, il incombe au locateur d’agir avec diligence de manière à se conformer à la loi et à protéger ses droits et que les voyages d’affaires et certains ennuis de santé durant cette période ne peuvent être retenus comme motifs raisonnables.
[23] Soulignons que si les locataires avaient elles-mêmes exercé leurs droits de refus en contravention des délais légaux imposés, elles auraient été liées par une augmentation qu’elles auraient été réputées avoir accepté.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[24] ACCUEILLE les objections des locataires.
[25] CONSTATE la péremption de la demande de fixation du loyer.
[26] REJETTE la demande du locateur qui en supporte les frais.
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Me Chantal Houde, greffière spéciale | ||
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Présence(s) : | le locateur la locataire | ||
Date de l’audience : | 18 mars 2024 | ||
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[1] RLRQ, c. T-15.01.
[2] RLRQ, c. T-15.01.
[3] Rusu c. Mikati,
[4] 9222-2330 Québec inc. (Domaine Joly-Mont) c. St-Hilaire,
[5] 4103815 Canada inc. (3315 Maréchal) c. Nawel,
[6] Manouchehr Memari c. RyshpanManouchehr, 2011 CanLII 127659 (QC RDL).
[7] Van c. Eddarissi, R.D.L., 2015-02-19,
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