Gilbert c. Gilbert |
2011 QCRDL 27386 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Québec |
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No : |
18 110125 017 G 18 110329 020 G |
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Date : |
19 juillet 2011 |
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Régisseure : |
Claire Courtemanche, juge administratif |
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Manon Gilbert |
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Locataire - Partie demanderesse (18 110125 017 G) Partie défenderesse (18 110329 020 G) |
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c. |
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Richard Gilbert |
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Locateur - Partie défenderesse (18 110125 017 G) Partie demanderesse (18 110329 020 G) |
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D É C I S I O N
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[1] Le 25 janvier 2011, la locataire saisissait le Tribunal d'une demande en diminution du coût du loyer de 300 $ par mois à compter du 5 août 2010, dommages-intérêts moraux au montant de 2 000 $ et dommages-intérêts matériels pour une somme de 2 941,25 $. Le 14 mars 2011, la demande est amendée pour y inclure des motifs supplémentaires. (Dossier 18 110125 017G)
[2] Le 29 mars 2011, le locateur saisissait le Tribunal d'une demande en résiliation du bail et éviction de la locataire. (Dossier 18 110329 020 G)
[3] Conformément
à l'article
[4] Au soutien de sa demande, la locataire allègue que le locateur a coupé l'électricité ainsi que l'eau au logement, elle allègue aussi des problèmes au niveau du stationnement, du câble du téléviseur qui lui a été retiré, de la salle de bains désuète, de la hotte du poêle défectueuse ainsi que des problèmes de harcèlement. Suite à son amendement du 14 mars, elle allègue que le dossier est devenu urgent puisqu'un inspecteur des incendies a fait une inspection dans le logement et celui-ci a déterminé qu'il y avait danger pour la sécurité au niveau de l'électricité et qu'il pourrait y avoir un risque d'incendie. Elle allègue aussi un problème de vandalisme sur sa voiture et des menaces de plus en plus fréquentes par le locateur ainsi que le déneigement qui n'est pas effectué.
[5] Quant au locateur, celui-ci allègue que la locataire a plusieurs appareils électriques branchés dans des prises de courant qui sont surchargées entraînant ainsi une surcharge sur la boîte électrique principale. Selon le locateur il y a danger de feu. Le locateur allègue aussi le bruit, les pas lourds, cris, chicanes de couple, chicanes avec les autres locataires, fenêtres cassées, coup de pied dans la porte, va-et-vient continuel au logement, dommages causés par la locataire et problème de stationnement. Il allègue aussi le retard fréquent dans le paiement du loyer.
LES FAITS
[6] Il ressort des faits mis en preuve que les parties sont liées par un bail verbal à durée indéterminé au loyer mensuel de 650 $ pour un local d'habitation situé au [...], Saint-Joseph de Beauce. Concernant ce logement, il s'agit d'un logement de six pièces et demie dont le locateur assume les frais de chauffage et d'éclairage. La locataire est entrée à ce logement le 7 janvier 2010.
[7] La locataire déclare que le 5 août 2010, le locateur lui a coupé les services du câble et à compter du 6 août 2010, les coupures d'électricité ont commencé et ce n'est qu'à compter du 18 octobre 2010 que le courant sera rétabli. Outre l'électricité, le locateur a aussi coupé l'eau à son logement. Le 25 août 2010, il y a une coupure de l'eau chaude et le 31 août, le locateur coupait à la fois l'eau chaude et l'eau froide. Ce n'est que le 29 septembre 2010 qu'il y aura rétablissement du service de l'eau chaude et de l'eau froide au logement.
[8] Dû à l'interruption du service de l'électricité, la locataire allègue avoir perdu la nourriture qui se trouvait dans son congélateur et pour s'éclairer et subvenir à ses besoins, son ami M. Henri Jacques lui a prêté temporairement une petite génératrice, et par la suite, elle a dû en louer une, ce qui a entraîné à la fois des coûts de location et des coûts élevés pour l'achat d'essence pour faire fonctionner la génératrice en question.
[9] La locataire allègue aussi être harcelée, insultée et même menacée par le locateur. Au cours de l'hiver, il y a eu de nombreux problèmes de stationnement puisqu'elle ne pouvait avoir de place, il y a eu de vandalisme sur sa voiture, des déchets ont été mis devant sa porte en plus de devoir assumer des problèmes de musique à tue-tête venant d'un logement vacant.
[10] Quant au locateur, celui-ci justifie son geste d'avoir coupé l'électricité par le fait que la locataire surcharge les prises électriques. De ce fait, à plusieurs occasions, elle a fait sauter le disjoncteur. Il admet avoir coupé l'électricité jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'elle ne peut surcharger une prise électrique puisque c'est dangereux.
[11] Quant aux réparations réclamées par la locataire, il allègue que si le prélart de cuisine porte des traces de brûlures de cigarettes, ces brûlures ont été causées lors des soûleries au logement de la locataire. Il allègue aussi que l'ami de la locataire, M. Henri Jacques, a défoncé la porte avant du logement parce que la locataire lui en refusait l'accès. L'ex-conjoint de la fille de la locataire a cassé une des vitres du logement et la locataire a, quant à elle, fait éclater une autre vitre en y installant une lampe trop près. Il allègue aussi être menacé par la locataire. Quant aux autres réparations réclamées, il allègue qu'il lui est difficile de faire des réparations à ce logement puisqu'il ne peut y aller sans être accompagné de témoins. S'il se retrouve seul à ce logement avec la locataire, celle-ci déposera assurément une plainte contre lui auprès des policiers.
DÉCISION
[12] Concernant les parties en cause, le Tribunal tient d'abord à souligner que dans le présent dossier, le locateur et la locataire sont frère et soeur. Selon le locateur, c'est à la demande expresse de sa mère qu'il a accepté de louer le logement à sa soeur. N'eût été que de lui, il ne lui aurait jamais loué ce logement.
[13] Le 8 septembre 2010, tant le locateur que la locataire ont saisi le Tribunal d'une première demande. Dans le cas de la locataire, elle demandait l'émission d'une ordonnance enjoignant au locateur de remettre le chauffage, l'électricité et l'eau chaude en fonction dans le logement. Quant au locateur, celui-ci demandait la résiliation du bail pour retard de plus de trois semaines dans le paiement du loyer et le recouvrement de loyers dus au montant de 2 600 $.
[14] Le 28 septembre 2010, les parties ont été convoquées concernant ces deux dossiers. Par jugement en date du 12 octobre 2010, ordre a été donné au locateur de rétablir l'électricité ainsi que l'eau au logement. Quant à sa demande, elle a été rejetée. Suite à cette décision, l'électricité a été rétablie au logement de la locataire. Quant aux présents dossiers, ceux-ci sont la suite de cette saga entre la locataire et le locateur.
[15] Concernant l'atmosphère régnant à cet immeuble au cours de l'été 2010, le Tribunal a entendu Mme Karine Ruel, policière à la Sûreté du Québec. Concernant l'adresse des lieux loués, Mme Ruel déclare que cette adresse est très bien connue de leurs services. Depuis le 3 août 2010, date de la première plainte, ils se sont déplacés à 34 reprises aux lieux loués. Sur ces 34 déplacements, 21 déplacements ont été effectués chez la locataire et, à sa demande, 14 dossiers ont été rédigés et 13 déplacements ont été effectués chez le locateur et 7 dossiers ont été rédigés. Sur les 34 plaintes, quatre dossiers ont été soumis au procureur pour étude, soit deux pour chacune des parties. Un seul dossier a été retenu, soit celui de vol de courrier par Mme Gilbert.
[16] Ils ont dû intervenir à une reprise pour une engueulade entre la locataire et Henri Jacques, trois appels ont été logés par le locateur pour le bruit de la génératrice, deux pour méfait, soit les vitres cassées et le coup de pied dans la porte au logement de la locataire. Il n’y a eu aucune intervention pour cris ou hurlements au logement de la locataire.
[17] En ce qui concerne les plaintes pour menace, Mme Ruel déclare qu'il s'agit plutôt d'injures que les parties s'échangent réciproquement. Quant aux méfaits allégués, il n'y avait aucun témoin.
Dommages causés à la locataire par l'interruption de l'électricité.
[18] Dans son témoignage, le locateur allègue qu'il a interrompu l'électricité au logement de la locataire puisque celle-ci en faisait un usage abusif. Selon la preuve, il appert que la locataire possède de nombreux accessoires électriques à son logement. Sur ce point, le Tribunal a entendu M. Maxime Roy, technicien en prévention des incendies à la MRC Robert Cliche. Lors de sa première intervention au logement le 3 mars 2011, il constate qu'il n'y a aucun avertisseur de fumée au niveau de la cuisine et du second étage. Il constate aussi que la locataire a deux réfrigérateurs et deux congélateurs en fonction. Il constate aussi que la locataire utilise en tout temps des rallonges, ce qui n'est pas recommandé. Le 26 mai, il se présente à nouveau au logement et constate la même situation.
[19] Quant au locateur, celui-ci dépose des photographies qu'il a prises dans le logement où l’on peut constater que la locataire utilise des prises multiples pour pouvoir brancher ses nombreux accessoires électriques dans la cuisine. Dans son témoignage, la locataire elle-même mentionne que lorsqu'elle veut se servir de son four micro-ondes, elle doit débrancher le réfrigérateur puisque si le compresseur du réfrigérateur se met en marche, le disjoncteur saute. Elle admet aussi se servir de barre à prises multiples. Elle justifie ce geste par le fait qu'il y a peu de prises électriques au logement. Elle admet aussi qu'à une reprise, elle a vu des étincelles sortir d'une des prises de courant car cette prise serait mal ajustée. Actuellement, elle a branché une rallonge sur la fixture de la lumière de la cuisine.
[20] Suite au témoignage de la locataire, du locateur et du technicien en prévention des incendies, il est manifeste que la locataire n'utilise pas de façon prudente l'électricité. Dans sa cuisine, elle a une multitude d'appareils électriques qui sont tous branchés sur une prise multiple. Bien que la barre à prises multiples qu'elle utilise permette le branchement de plusieurs appareils électriques, il n'en demeure pas moins que cette barre est alimentée par une simple prise électrique et non par six prises électriques différentes.
[21] Bien que l'usage que fait la locataire de l'électricité à son logement puisse être non recommandée, le locateur n'était pas, de ce fait, autorisé à couper l'électricité au logement.
[22] Sur l'utilisation d'une génératrice suite à la coupure de courant à compter du 6 août 2010, la locataire déclare qu'au début c'est son ami M. Henri Jacques qui lui a prêté une génératrice. Cette génératrice était dans son camion. M. Jacques explique que cette génératrice était utilisée par lui dans le cadre de son travail. C'est un montant de 500 $ qu'il lui réclame pour l'utilisation de sa génératrice entre le 6 août et le 7 octobre. La locataire réclame aussi la somme de 519,23 $ pour la location d'une génératrice de 6600 W, génératrice louée au Garage Lacombe. Elle réclame aussi des frais de transport au montant de 150 $ et 1 158,39 $ pour l'achat d'essence pour le fonctionnement des génératrices. Un montant de 385 $ est aussi réclamé pour la perte de nourriture, 2 000 $ pour perte de jouissance des lieux, 105 $ pour le lavage et séchage et 123,63 $ pour diverses dépenses.
[23] Sur l'achat d'essence, la preuve de la locataire consiste en une facture provenant de Dépanneur Lambert à Beauceville. La locataire explique que ce commerçant est le seul à accepter de lui faire crédit pour l'achat d'essence. Elle dépose aussi des reçus pour l'achat d'essence payée comptant cette fois-ci. Le procureur du locateur s'est objecté à la production de la facture de Dépanneur Lambert. Concernant cette facture, le Tribunal retient l'objection du procureur du locateur et refuse la production de ce document. Ce document ne peut être considéré comme la meilleure preuve que la locataire doit offrir concernant l'achat d'essence
[24] Cependant, suite au témoignage de Mme Denise Lacombe, concernant la consommation d'une génératrice de 6600 W, il appert de son témoignage qu'une génératrice de cette nature consomme environ 20 litres d'essence pour une utilisation entre 5:30 et 6:00. Cette génératrice ayant été en fonction du 7 octobre au 13 octobre selon la facture, le Tribunal accorda à la locataire la somme forfaitaire de 560 $ concernant la consommation d'essence de cette génératrice ainsi que les frais de location de celle-ci.
[25] Quant à la perte de nourriture, la locataire a déposé une liste de divers aliments qui se trouvaient à l'intérieur de son congélateur, aliments qu'elle allègue avoir entièrement perdus suite au dégel du congélateur par manque d'électricité. Concernant la perte de nourriture, le locateur allègue quant à lui qu'il n'y a jamais eu aucune perte de nourriture puisque c'est la fille de la locataire qui se serait présentée au logement de sa mère pour récupérer la nourriture qui se trouvait au congélateur. Sur la perte de nourriture, à l'audience, la locataire ne dépose aucune photographie quant à la perte de cette nourriture et en ce qui concerne la rédaction de la liste, les circonstances dans lesquelles cette liste a été rédigée est sujet à caution. De plus, selon Marcel Gagné qui, à la première audience a témoigné pour la locataire et, par la suite, à la seconde audience pour le locateur, celui-ci déclare qu'il n'a jamais été témoin de nourriture jetée par la locataire. La locataire avait le fardeau de la preuve de démontrer de façon prépondérante la perte de nourriture. Le Tribunal considère que sur ce point, la locataire n'a pas relevé son fardeau de preuve.
[26] Quant aux troubles et inconvénients reliés à cette situation, le Tribunal accorde à la locataire la somme forfaitaire de 500 $ puisque la locataire est en partie responsable du geste illégal du locateur par son usage dérogatoire de l'électricité.
[27] Quant aux autres dommages réclamés par la locataire pour les problèmes relatifs au stationnement, la locataire avait le fardeau de la preuve de convaincre le Tribunal que le locateur ne respecte pas ses obligations telles que prévu au bail. Or, la preuve offerte par la locataire ne convainc pas le Tribunal d'un manquement du locateur à ses obligations à ce sujet.
[28] Quant à la diminution du coût du loyer, puisque le locateur n'effectuent pas les réparations, le Tribunal rejette cette partie de la demande de la locataire. Il appert qu'il est excessivement difficile pour le locateur de faire des réparations à ce logement puisque la situation est à ce point tendue entre les deux parties que lorsqu'ils sont en présence l'un de l'autre, des plaintes sont déposées auprès des autorités policières. D'ailleurs, en date du 21 octobre 2010, la locataire a déposé une plainte contre le locateur pour harcèlement criminel et menace de mort, plainte qui n'a pas été retenue.
[29] Quant à la demande en résiliation de bail, le Tribunal considère que la situation entre les parties est rendue à ce point critique que la résiliation du bail est non seulement justifiée mais est aussi la seule solution possible au litige entre la sœur et le frère. Entre le locateur et la locataire, tout est sujet à dispute entre eux. Lorsque les deux parties se rencontrent, n’importe quel motif est valable pour faire intervenir les policiers qui, actuellement, sont même excédés par cette attitude de ces deux belligérants.
[30] La locataire allègue recevoir des menaces de mort de la part du locateur, se faire harceler, être victime de vandalisme sur sa voiture, des sacs d'ordures sont mis à sa porte, elle reçoit des œufs dans ses fenêtres mais malgré tout, elle allègue être prête à demeurer sur les lieux. Cette attitude de la locataire est pour le moins surprenante si on considère son témoignage sur les problèmes que lui cause le locateur qui habite le même immeuble qu’elle.
[31] Suite à la preuve, le Tribunal accueillera la résiliation du bail en faveur du locateur mais aucune réserve de recours ne lui sera accordée puisqu'il est en partie l'artisan de cette situation entre les parties.
[32] CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[33] ACCUEILLE en partie la demande de la locataire;
[34] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire la somme de 1 579,23 $ à titre de dommages-intérêts;
[35] ACCUEILLE en partie la demande du locateur;
[36] RÉSILIE le bail intervenu entre les parties et ORDONNE l'éviction de la locataire et de tous les occupants du logement.
[37] REJETTE la demande de réserve de recours;
[38] Le tout chaque partie payant ses frais.
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Claire Courtemanche |
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Présence(s) : |
la locataire Me Lindsay Lefebvre, avocate de la locataire le locateur Me Roch Baillargeon, avocat du locateur |
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Date de l’audience : |
23 juin 2011 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.