Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Singh c. Danab

2025 QCTAL 299

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

767936 31 20240222 G

No demande :

4215748

 

 

Date :

08 janvier 2025

Devant la juge administrative :

Marie Dominique

 

Manjit Singh

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Ali Danab

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N    I N T E R L O C U T O I R E

 

 

  1.          Par une demande introduite le 22 février 2024, le locateur demande l’autorisation de reprendre le logement de monsieur Ali Danab en date du 30 juin 2024 pour s’y loger (dossier 767936). À la même date, le locateur demande l’autorisation de reprendre le logement de monsieur Fabio Pace (dossier 767756).
  2.          À l’audience du 15 novembre 2024, le locateur demande la suspension des deux dossiers dans l’attente de la décision dans les dossiers 789590 et 789592.
  3.          L’avocate des locataires soumet quant à elle que les demandes de reprises devraient être rejetées, car il y a litispendance avec des demandes de reprises antérieures. Elle allègue également que les demandes sont abusives.
  4.          Le Tribunal rend une décision interlocutoire dans chaque dossier.

CONTEXTE

  1.          Le 6 février 2023, le locateur demande l’autorisation au Tribunal de reprendre le logement du locataire pour le 30 juin 2023 (dossier 679590). À la même date, il demande également l’autorisation de reprendre le logement de monsieur Pace au bénéfice de sa sœur et de son beau-frère (dossier 679574).
  2.          Le 28 juillet 2023, les demandes de reprises (dossier 679574 et 6709590) sont reportées et fixées avec le dossier 635053 (demande du locataire en exécution en nature des obligations du locateur, en dommages-intérêts et en diminution de loyer) du consentement des parties.
  3.          Le 26 avril 2024, le locateur demande au Tribunal de ratifier une entente intervenue entre les parties le 7 février 2024 et de résilier le bail en date du 30 juin 2025 (dossier 789592). À la même date, le locateur demande les mêmes conclusions à l’égard de monsieur Pace (dossier789590).
  4.          Le 3 mai 2024, les demandes de reprise dans les dossiers 679574 et 679590 sont remises sine die dans l’attente du dénouement de l’instance dans les dossiers 789590 et 789592.

  1.          Le 13 novembre 2024, les dossiers 789590 et 789952 sont ajournés après que le juge administratif eu soulevé d’office la question de la compétence du Tribunal d’entériner l’entente entre les parties.
  2.      À l’audience du 15 novembre 2024, le locateur demande de suspendre l’instance dans les dossiers 767756 et 767936 dans l’attente de la décision relativement à l’entente entre les parties dans les dossiers 789590 et 789952.

Analyse et décision

  1.      L’avocate du locataire demande le rejet de la demande de reprise. Elle soumet que cette demande est abusive et qu’il y a litispendance avec le dossier 679590. Elle soumet que la demande porte sur la même cause, a le même objet et est mue entre les mêmes parties. Elle soumet que le locateur multiplie les demandes et engorge le système judiciaire. Cela entraîne un préjudice pour ses clients qui sont contraints de faire des représentations à la cour. Elle demande donc le rejet de la demande de suspension, de la demande subsidiaire de remise de l’instance et de la demande originaire.
  2.      L’avocat du locateur soumet quant à lui qu’il n’y a pas litispendance entre la demande de reprise de logement pour le 30 juin 2023 (dossier 679590) et la demande visant à reprendre le logement pour le 30 juin 2024. Considérant les demandes dans les dossiers 789590 et 789952, il demande la suspension de l’instance et subsidiairement, la remise sine die des dossiers.
  3.      Une partie peut opposer l’irrecevabilité de la demande et demander son rejet lorsqu’il y a litispendance[1].
  4.      Le moyen préliminaire de litispendance est régi par les mêmes principes que ceux qui s’appliquent à celui de la chose jugée[2].
  5.      Il y a litispendance lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même[3].
  6.      La cour du Québec a déjà statué que deux demandes de reprise d’un même logement pour deux années différentes n’avaient pas la même identité de cause ni le même objet. D’une part, l’intention à l’origine de la demande ne peut être la même d’une année à l’autre. D’autre part, les deux demandes ne visent pas la même année[4].
  7.      Comme l’indique notre collègue Anne Mailfait dans la décision Drouin c. Salinas[5] :

« [8] La trame factuelle d’une reprise de logement se limite à la période temporelle débutant par le dépôt de l’avis de reprise et se terminant à la date prévue de la reprise. Le Tribunal saisi d’une telle demande se doit d’en évaluer le bien-fondé qu’en regard des faits se situant dans cet espace temporel durant lequel la bonne foi doit se cristalliser.

[…]

[11] Une fois la date de la reprise passée, ou une fois la demande rejetée, le droit d’exercer un recours en reprise de logement survit de nouveau, alimenté par l’évolution nécessaire des faits et motivations la soutenant. »

  1.      Ajoutons qu’en matière de reprise de logement, les faits peuvent différer grandement d’une année à l’autre. Par exemple, un locateur peut être le principal soutient d’un membre de sa famille pour un période donnée. Cette réalité peut changer l’année suivante. Un parent devant immigrer au Canada peut ne pas avoir reçu son visa une année donnée et le recevoir l’année suivante.
  2.      Bref, un locateur souhaitant reprendre un logement peut faire des demandes distinctes pour des années distinctes, sans qu’il y ait chose jugée ou litispendance.
  3.      Pour ce motif, le Tribunal rejette la demande du locataire en irrecevabilité fondée sur la litispendance.
  4.      Une partie peut également demander le rejet d’un recours qu’il juge abusif (article 63.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[6]). Le Tribunal constate que les différents recours exercés et la multiplication des demandes de remise du locateur entraînent inévitablement un fardeau et des délais pour le locataire. Considérant ce qui précède, le Tribunal rejette toutefois la requête du locataire de déclarer la demande de reprise de logement abusive.

  1.      Toutefois, le Tribunal rappelle aux parties leurs obligations de s’assurer que toutes demandes choisies sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnées à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige (art. 63.1 Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ c T-15.01). Le Tribunal doit faire de même à l’égard d’une demande qu’il autorise ou de toute ordonnance qu’il rend.
  2.      Considérant la demande pendante visant à valider une entente de résiliation bail intervenue entre les parties, le Tribunal considère que le principe de la saine administration de la justice justifie de remettre le présent dossier sine die jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans les dossiers 789590 et 789952 afin d’éviter une multiplication possible des procédures et des vacations au Tribunal.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE la demande en irrecevabilité du locataire;
  2.      REJETTE la demande en rejet du locataire fondée sur l’article 63.2 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement;
  3.      ORDONNE la remise Sine die de la présente instance jusqu'à disposition finale, par jugement ou autrement, du dossier 789592;
  4.      DEMANDE au Maître des rôles de fixer ensemble les dossiers 679574, 679590, 767756 et 767936 devant la soussignée, pour deux rôles consécutifs la même journée.

 

 

 

 

 

 

 

 

Marie Dominique

 

Présence(s) :

Me Sébastien Dubé, avocat du locateur

le locataire

Me Pradelle Yimga, avocate du locataire

Date de l’audience : 

15 novembre 2024

 

 

 


 


[1] Article 168 Code de procédure civile, RLRQ c C-25.01.

[2] Rocois Construction Inc. c. Québec Ready Mix Inc., [1990] 2 R.C.S. 440.

[3] Article 2848 C.c.Q., voir Baptiste c. Lelan 2021 QCCQ 11216.

[4] Paquette c. Tremblay, 2003 CanLII 25848 (QC CQ) par. 6 à 10.

[5] 2024 QCTAL 1744.

[6] RLRQ, c. T-15.01.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.