Décision

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Décision

Promutuel Réassurances inc. c. Bilachi

2017 QCRDL 32968

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

245386 31 20151106 G

245386 31 20151106 Q

No demande :

1869069

2084125

 

 

Date :

12 octobre 2017

Régisseure :

Francine Jodoin, juge administrative

 

Promutuel Réassurance

Société Mutuelle D'Assurance Générale

 

Partie demanderesse en reprise d’instance

c.

Reda Bilachi

 

Locataire - Partie défenderesse

et

Promutuel Assurance Inc. subrogée aux droits de Entreprises Sauro Ltée

 

Partie intéressée

 

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La partie demanderesse, Promutuel Assurance Inc., a produit en date du 6 novembre 2015, une demande en dommages-intérêts de 7 433,71 $ contre le locataire-défendeur.

[2]      Cette demande est rédigée et signée par une étude d’avocats.

[3]      Le 16 septembre 2016, une avocate produit un avis de changement d’état et reprise d’instance au motif que la compagnie Promutuel Réassurance a procédé à l’acquisition des actifs de Promutuel Assurance Inc.

[4]      À l’audience, madame Roma Dufour produit une procuration qui l’autorise à agir pour Promutuel Assurance Inc. en tant qu’employée à son seul service.

[5]      Tel qu’expliqué à l’audience, si la reprise d’instance est accueillie, cela veut donc dire que la représentation ne peut être faite que par une personne dûment mandatée par la demanderesse en reprise d’instance. Or, madame Dufour affirme être à l’emploi de Promutuel Assurance Inc.

[6]      C’est donc dire que malgré l’acquisition d’actifs, la compagnie Promutel Assurances Inc. existe toujours et poursuit ses activités.

[7]      Or, chaque compagnie a sa propre personnalité juridique et rien n’indique que madame Dufour peut légalement être mandatée pour représenter la demanderesse en reprise d’instance.


[8]      L’article 72 de la Loi sur la Régie du logement[1] (la Loi) prévoit que la personne morale ne peut se faire représenter que par un administrateur, un dirigeant, un employé à son seul service, ou par un avocat[2].

[9]      Madame Dufour est employée d’une autre compagnie que la partie demanderesse en reprise d’instance.

[10]   Mais il y a plus.

L’IRRECEVABILITÉ DE LA DEMANDE

[11]   Depuis janvier 2015, le seuil des réclamations en matière de petites créances, devant la Cour du Québec, est d’au plus 15 000 $[3].

[12]   L’article 73 de la Loi sur la Régie du logement prévoit :

« 73. Malgré la Charte des droits et libertés de la personne (c. C-12), un avocat ne peut agir si la demande a pour seul objet le recouvrement d'une créance qui n'excède pas la compétence de la Cour du Québec en matière de recouvrement des petites créances, exigible d'un débiteur résidant au Québec par une personne en son nom et pour son compte personnel ou par un tuteur ou un curateur en sa qualité officielle ».

[Notre soulignement]

[13]   De façon préliminaire, le Tribunal a, donc, soulevé l’irrecevabilité de la procédure rédigée et signée par la firme d’avocats.

[14]   Le législateur a fait une exception à la capacité pour l’avocat d’agir devant le Tribunal de la Régie du logement, dans une procédure ayant pour seul objet le recouvrement d’une créance d’au plus 15 000 $. Cette interdiction est formelle et vise tous les aspects de la demande. Le terme « agir » prévue à cette disposition vise tant la représentation à l’audience que la rédaction de la procédure.

[15]   Dans l'affaire Quirapas c. Régie du logement[4], la Cour supérieure, saisie d'une requête en révision judiciaire, où cet article était en cause, sur une procédure accessoire en rétractation, s'exprimait ainsi :

« [14] L'interdit aux avocats d'agir en matière de petites créances devant la Régie est donc formel et clair. Il couvre tous les aspects d'une réclamation, tant les actes de procédures, que l'audition. 

(…)

[32]            Il ne fait aucun doute que l'interdiction aux avocats de participer aux procédures en matière de petites créances devant la Régie est conforme aux exigences de l'équité procédurale. Les enjeux financiers sont modestes, la Loi prévoit des mesures d'assistance aux parties et les droits protégés par les articles 7 et 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés ne sont pas en jeux. De plus, le but recherché de la législation d'offrir aux justiciables une procédure simple, efficace, peu coûteuse et accessible est louable et souhaitable.

(…)

[50]           DÉCLARE nulle, ab initio, la demande de rétractation préparée par l'avocate (...) ».

[Notre soulignement]

[16]   Il fut maintes fois décidé en application de cette disposition de la Loi qu'un avocat ne peut agir si la demande a pour seul objet le recouvrement d'une petite créance[5].

[17]   La procédure de la partie demanderesse étant, suivant cette jurisprudence, nulle ab initio, dans les circonstances, il y a lieu de la déclarer irrecevable.

[18]   Incidemment, une certaine jurisprudence considère que la ratification n’est pas possible dans un tel cas puisqu’une telle procédure ne permet pas de faire revivre une demande qui est nulle de nullité absolue[6].

[19]   En conformité avec les principes énoncés dans l’affaire Quirapas précitée, la demande est déclarée irrecevable.

[20]   Dans les circonstances, il y a aussi lieu de rejeter la demande en reprise d’instance.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]   DÉCLARE IRRECEVABLE la demande introduite par Promutuel Réassurance;

[22]   REJETTE la demande en reprise d’instance.

 

 

 

 

 

 

 

 

Francine Jodoin

 

Présence(s) :

la mandataire de la demanderesse

le locataire

Date de l’audience :  

2 octobre 2017

 

 

 


 



[1] RLRQ c. R-8.1.

[2] Société de gestion Cogir c. Omar, 37-070306-048G, Marc Lavigne, j.a., 31 octobre 2007. Voir également, 9278-8926 Québec inc. (Gestion 3280 Ridgewood) c. Bélanger 2017 QCRDL 3613 (M. Talbot, j.adm.), requête pour permission d’en appeler rejetée, Ruth Nicole Bélanger c. 9278-8926 Québec inc., 500-80-034917-170, le 22 mars 2017.

[3] Article 536 du Code de procédure civile, RLRQ c. C-25.01.

[6] Plamondon c. Lessard, R.D.L., 2016-05-12, 2016 QCRDL 16841, SOQUIJ AZ-51288212, Deschamps c. FPI Boardwalk Québec inc., R.D.L., 2017-01-31, 2017 QCRDL 3243, SOQUIJ AZ-51362880.

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