Choucair c. Mohammed

2017 QCRDL 19147

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

Nos dossiers :

190060 31 20141218 T

321057 31 20140218 T

No demande :

2231488

 

 

Date :

08 juin 2017

Régisseure :

Claudine Novello, juge administrative

 

Charles Choucair

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

JUHARA SIED MOHAMMED

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande la rétractation d'une décision rendue le 10 avril 2017, suite à une audience tenue le 15 mars 2017, lors de laquelle toutes les parties étaient présentes.

[2]      La décision contestée accueille la demande de la locataire et condamne le locateur à lui payer des dommages matériels de 344,93 $ plus les intérêts et les frais. La décision contestée rejette du même coup la demande en dommages du locateur.

[3]      Au soutien de la demande en rétractation, le mandataire du locateur déclare que son mandant est insatisfait de la décision rendue le 10 avril 2017. Il reproche au juge administratif, saisi du dossier, d'avoir mal apprécié la preuve soumise et de ne pas avoir pris en considération ses arguments.

[4]      Il mentionne que le témoignage produit par la locataire était mensonger et pas conforme à la réalité. Lors de l’audience, seul le concierge était présent, alors qu’il aurait été nécessaire sinon impératif d’avoir le témoignage du technicien responsable de la réparation de la porte du garage, objet des demandes, tel que le juge administratif saisi du dossier mentionne au paragraphe 13 de la décision contestée.

[5]      Le locateur souhaite donc reprendre les débats et refaire sa preuve en faisant témoigner son électricien. Il est d'avis que s'il avait l'opportunité de refaire sa preuve, tant en demande qu’en défense, l'issue du litige serait certainement différente.

[6]      La locataire conteste la demande en rétractation.

[7]      Le recours du locateur se fonde sur l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement qui se lit comme suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision. »


[8]      Dans les faits, ce que demande le locateur, c'est d'apprécier la justesse de la décision rendue par le juge administratif saisi du dossier, ainsi que l'analyse de la preuve faite par ce dernier.

[9]      Or, l'appréciation de la preuve relève de l'entière discrétion du juge qui préside le procès.

[10]   À ce sujet, l'honorable juge Desjarlais, dans la cause Fairway House Enr. c. Wolofsky ([1]), mentionne :

« L'empêchement de présenter une preuve qui origine du refus d'un juge d'entendre un témoignage qu'il ne juge pas pertinent ne peut faire l'objet d'une demande de rétractation mais plutôt d'une demande d'appel. On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence: celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer.

Dans cette cause, on a demandé à un régisseur de la Régie du logement de prononcer la rétractation d'une décision d'un autre régisseur qui a refusé d'entendre la preuve d'un témoin qu'il jugeait inutile.

Ce n'était pas de la compétence du régisseur siégeant en rétractation de juger du bien-fondé de la décision de son collègue qui, au mérite, a décidé de ne pas entendre un témoin mais plutôt au palier supérieur en l'instance, le tribunal de révision, puisqu'il s'agit de réajustement de loyer, suivant la Loi sur la fiscalité municipale, à décider s'il doit entendre ce témoin et à s'exécuter, s'il y avait lieu. »

[11]   Considérant que les motifs invoqués par le locateur ne donnent pas ouverture à la rétractation, sa demande doit être rejetée.

[12]   De plus, l'insatisfaction d'une partie face à une décision rendue ne constitue pas un motif de rétractation, mais plutôt un motif d'appel, dans le cas où la loi le permet.

[13]   À ce sujet, madame Thérèse Rousseau-Houle et Me Martine de Billy ([2]) écrivent dans leur traité sur le bail d'un logement:

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut pas en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence: celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer. »

[14]   En l'instance, le locateur n'a pas démontré avoir été empêché de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante et en conséquence, le tribunal ne peut faire droit à sa demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[15]   REJETTE la demande de rétractation.

 

 

 

 

 

 

 

Claudine Novello

 

Présence(s) :

le mandataire du locateur

la locataire

Date de l’audience :  

15 mai 2017

 

 

 


 



[1] Fairway House enr. c. Wolofsky, C.Q. 500-02-018264-841, 20 février 1985.

[2] Rousseau-Houle, Thérèse et Martine de Billy, Le bail du logement, Montréal, 1989, Wilson et Lafleur, p. 310.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.