Village Holdings Inc. c. Laverdière |
2012 QCRDL 26225 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau de Montréal |
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No : |
31 120529 081 S 120607 |
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Date : |
01 août 2012 |
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Régisseure : |
Anne Mailfait, juge administratif |
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Village Holdings Inc. |
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Locateur - Partie demanderesse |
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c. |
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René Laverdière
Yolande Faille Laverdière |
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Locataires - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le tribunal est saisi de 41 demandes déposées distinctement par 41 détenteurs d’un bail résidentiel signé avec la défenderesse, Village Holdings inc.
[2] La plupart des demandes ont été déposées en mars ou avril 2010, cinq demandes datent de l’année 2011 et douze de l’année 2012.
[3] Un tronc commun de conclusions réunit ces demandes, soit une demande de diminution de loyer pour des troubles de jouissance prenant naissance durant l’année 2009, date à laquelle des travaux de construction d’un immeuble proche de l’immeuble en litige débutent.
[4] Il importe de noter que, selon les locataires, ces troubles perdurent en date du 26 juin 2012 et qu’à ce titre, une demande de diminution de loyer est réclamée jusqu’à la fin des travaux.
[5] Certaines demandes présentent des ajouts, par voie d’amendement, aux fins de réclamer des dommages-intérêts matériels et-ou moraux ainsi que, parfois, une ordonnance d’exécution en nature à l’encontre de la défenderesse.
[6] Ces
recours sont donc fondés essentiellement sur l’article
«1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
[7] Le
18 mai 2010, les locataires ayant déjà déposé leur requête en
diminution de loyer sous l’article
[8] Une première audience est tenue par le greffier DesRosiers le 7 juin 2011. Une seconde se tiendra le 31 octobre 2011, au cours de laquelle des locataires déposent les affidavits suivants :
« Objet : Baisse de loyer de 30 %
À qui de droit,
Nous, soussignés locataires du Village Olympique, désirons vous informer de notre intention de demander à la Régie du logement une baisse de loyer de 30% effective dès le début des travaux de construction des 1400 condos de votre projet Cité Nature situé à l’arrière du Village Olympique.
Nous considérons que la perte des espaces verts à l’arrière et de la vue de ce site exceptionnel ainsi que l’isolement et l’insécurité dus à la disparition des accès principaux au Village et ses stationnements créeront une diminution permanente de la valeur de notre bien loué d’au moins 20%.
D’autre part pour les inconvénients causés par le bruit, la poussière etc. durant la période de construction nous demandons une compensation temporaire équivalente à 10% de notre loyer.
Nous croyons que ce projet de condos est mauvais pour toutes les parties en cause et que des alternatives acceptables pour tous sont disponibles.
Mais dans l’éventualité où vous décideriez d’aller quand même de l’avant, nous prendrons immédiatement les recours en baisse de loyer à la Régie du logement du Québec; veuillez agir en conséquence. » (Le tribunal souligne)
[9] Lors de ces audiences, aucune des parties n’est représentée par avocat.
[10] Lors de ces audiences,
la possibilité de fonder leur demande sur l’article
« 8. Le tribunal réduit le loyer exigible dans la mesure où le locateur a fait défaut durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer de maintenir la qualité des services ou de procurer l'usage d'un accessoire ou d'une dépendance de l'immeuble ou du logement concerné.»
[11] Le 29 mars 2012, la
soussignée tient une première audience sur les demandes déposées en vertu de
l’article
[12] Des objections relatives à l’identité du locateur sont soulevées et le tribunal en dispose. Puis, de concert avec les parties, le tribunal prépare les audiences sur le fond pour finalement les ajourner aux 26, 27 et 28 juin 2012, dates établies en présence de Me Gagnon.
[13] Le 7 juin 2012, Me Gagnon, procureure du locateur, dépose une demande de remise sine die dans les termes suivants :
« OBJET DE LA DEMANDE
Ordonner la remise sine die de l’audience prévue les 26, 27 et 28 juin 2012 dans le cadre du dossier mentionné en rubrique.
MOTIFS DE LA DEMANDE
Le dossier mentionné en objet doit faire l’objet d’une preuve et audience communes pour une saine administration de la justice.
Or, le locataire concerné a soulevé, dans le cadre
d’un dossier de fixation de loyer (dont la plus récente audience a eu lieu les
28, 29 et 30 mai dernier), l’application de l’article
Le dossier cité ci-haut est donc en délibéré depuis la fin de l’audience. En raison des faits soulevés dans le cadre des deux instances, lesquels sont similaires voire identiques à certains égards, il y a forts risques de jugements contradictoires et/ou de double indemnisation.
Ainsi, la locatrice requiert la remise sine die dudit dossier afin qu’une décision soit d’abord rendue par le greffier spécial Me Grégor DesRosiers, dans les dossiers de fixation.
Le tout tel qu’il sera plus amplement démontré lors de l’audience. » (Le tribunal souligne)
[14] Une audience est tenue sur cette requête à laquelle s’opposent Me Lalonde et les demandeurs agissants seuls.
[15] Une décision est rendue sur le banc, après délibéré, et verbalement. La demande de remise est rejetée.
[16] Il est alors convenu, sur proposition du tribunal, que des motifs écrits suivront sans autre précision.
[17] Convoquées le 26 juin 2012, tel que prévu depuis le 29 mars 2012, les parties se présentent à l’audience. La décision écrite rejetant la demande de remise est alors en cours de rédaction.
[18] Me Gagnon présente alors une nouvelle requête préliminaire, celle en suspension afin que la Cour du Québec se saisisse de son appel de la décision de rejet de la remise.
[19] La présente décision, dont appel est interjeté, fait état des différents motifs de droit présidant au rejet de la demande de remise.
MOTIFS DE DROIT QUANT AU REJET DE LA DEMANDE DE REMISE
[20] Rappelons, d’une part, que Me Gagnon demande la remise sine die du dossier.
[21] Rappelons, d’autre part, que Me Gagnon invoque le risque de jugements contradictoires ainsi que le risque de double indemnisation.
Le droit à la remise n’est pas un droit absolu
[22] Il importe de souligner que le droit à la remise relève de l’exercice discrétionnaire par lequel le juge saisi « procède à la gestion administrative des dossiers dont il est saisi dans le cadre de la loi qui le gouverne […] C’est fort de son expertise dans l’interprétation des dispositions de la loi et de ses règles de pratique que le commissaire refuse les remises [… ]. »[1]
[23] La Cour supérieure rappelle également dans ce jugement le principe suivant :
« […] le droit à une remise n’est pas un droit absolu et […] le refus d’ajournement par un tribunal spécialisé ne donne pas nécessairement ouverture à un recours en révision. Le tribunal a reconnu, dans certains cas, qu’il s’agissait d’une décision intra-juridicitonnelle qui n’était pas manifestement déraisonnable. » (paragraphe 52, pages 8-9)
[24] Enfin, la Cour du Québec, sous la plume de l’honorable juge Buffoni, souligne que si la remise ou l’ajournement font certes l’objet d’un exercice discrétionnaire de la part du décideur, cette discrétion se doit néanmoins d’être exercée « judiciairement ». La décision rejetant la remise ne doit donc être ni déraisonnable ni injustifiée et ne faire apparaître aucun manquement à un principe de justice naturelle.[2]
La demande de remise et la litispendance
[25] Les prétentions de Me Gagnon, telles que rédigées dans sa requête et telles que plaidées, s’apparentent à un moyen préliminaire de non-recevabilité, soit la litispendance ou la chose jugée :
« En raison des faits soulevés dans le cadre des deux instances, lesquels sont similaires voire identiques à certains égards, il y a forts risques de jugements contradictoires et-ou de double indemnisation. Ainsi, la locatrice requiert la remise sine die dudit dossier afin qu’une décision soit d’abord rendue par le greffier spécial Me Grégor Des Rosiers, dans les dossiers de fixation. »
«165. Le défendeur peut opposer l'irrecevabilité de la demande et conclure à son rejet:
1. S'il y a litispendance ou chose jugée;
2. Si l'une ou l'autre des parties est incapable ou n'a pas qualité;
3. Si le demandeur n'a manifestement pas d'intérêt;
4. Si la demande n'est pas fondée en droit, supposé même que les faits allégués soient vrais.»
[26] En d’autres termes, le moyen de droit vise à mettre fin immédiatement à l’action intentée par les demandeurs, mais la conclusion recherchée vise une simple remise sine die. Deux concepts fort distincts par leur nature (règle de procédure versus règle de droit substantif) et leurs conséquences juridiques (remise de l’audience versus arrêt de procédures).
[27] Prima facie donc, le recours est mal fondé en droit.
Sur la litispendance : examen des deux recours en cause
[28] Néanmoins, analysons les allégués, soit la litispendance et la chose jugée.
[29] En premier lieu, le fondement relatif à la chose jugée doit être écarté puisqu’aucune décision n’a été rendue.
[30] Dans l’arrêt Rocois
construction inc. c. Québec ready mix inc.
« Il est reconnu de longue date que le moyen préliminaire de litispendance est régi par les mêmes principes que ceux qui s’appliquent à celui de la chose jugée […], soit la règle de la triple identité.
« 2848. L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même.
Cependant, le jugement qui dispose d'un recours collectif a l'autorité de la chose jugée à l'égard des parties et des membres du groupe qui ne s'en sont pas exclus.»
[31] Et d’ajouter :
« Les deux moyens servent des fins médiates similaires qui consistent essentiellement à éviter la multiplicité des procès et la possibilité de jugements contradictoires. Ils réalisent ultimement un objectif d’intérêt public de protection de la sécurité et de la stabilité des rapports sociaux. » (Le tribunal souligne)
[32] L’examen des recours en cause nous amène également au rejet de la litispendance au motif que l’objet des recours en cause diffère.
[33] L’objet est « le droit que le plaideur exerce; c’est le bénéfice immédiat qu’il veut faire reconnaître par le tribunal. »[3]
[34] Le recours en
diminution de loyer dont la soussignée est saisie se fonde sur
l’article
[35] L’article
[36] Ce même article permet au tribunal d’ordonner au locateur d’exécuter ses obligations après constat de son défaut, d’y souscrire et d’octroyer des dommages et intérêts matériels et moraux.
[37] Une partie des 41 demandes présentent ainsi des conclusions de cet ordre : par exemple, monsieur Rainville demande au tribunal des frais de déménagement et des dommages-intérêts moraux (amendement du 29 mars 2012), monsieur Synnott réclame des dommages moraux (amendement du 6 octobre 2011), monsieur Fournier réclame également des dommages-intérêts matériels (amendement du 23 février 2011). Des ordonnances d’exécution en nature font également partie de certaines demandes.
[38] L’article
« 8. Le tribunal réduit le loyer exigible dans la mesure où le locateur a fait défaut durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer de maintenir la qualité des services ou de procurer l'usage d'un accessoire ou d'une dépendance de l'immeuble ou du logement concerné.»
[39] Une jurisprudence constante en a établi le sens et la portée :
[40] Rappelons ainsi que
l’article
[41] Rappelons également que la saisine via l’article 8 ne peut se faire que par la voie d’une demande de fixation de loyer et que cette demande est nécessairement et uniquement initiée par le locateur. Le locataire est le défendeur.
[42] Rappelons enfin que la
demande de fixation de loyer, prévue à l’article
[43] Aussi, tous les faits antérieurs et-ou postérieurs à cette année sont irrecevables.
[44] Or, en l’espèce, les locataires allèguent des faits antérieurs et postérieurs à l’année visée par la saisine de Me Des Rosiers, soit 2010-2011.
« Plusieurs locataires ont invoqué l'article
"8. Le tribunal réduit le loyer exigible dans la mesure où le locateur a fait défaut durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer de maintenir la qualité des services ou de procurer l'usage d'un accessoire ou d'une dépendance de l'immeuble ou du logement concerné."
Le but des locataires en invoquant cet article est bien évidemment de faire réduire le loyer en fonction de la diminution de la qualité des services offerts par le locateur. Cet article 8 ne doit cependant pas être utilisé comme un substitut d'une demande de diminution de loyer.
En effet, l'article 8 est un recours exorbitant du droit commun en ce sens qu'un locataire qui l'invoque peut voir son loyer diminué sans même avoir exercé un recours à la Régie. Il n'a qu'à invoquer un manquement de la part du locateur pour pourvoir obtenir l'équivalent d'une diminution de loyer sans avoir à introduire lui-même une demande à la Régie. Qui plus est, lorsqu'un locataire invoque l'article 8, il le fait dans le cadre d'une demande d'augmentation de loyer de la part du locateur.
Dans un tel cadre, la Régie ne croit pas que le recours à l'article 8 puisse être invoqué dans tous les cas où un locataire pourrait demander une diminution de loyer.
Le tribunal partage l'opinion émise par Me Christiane Mathieu le 12 mars 1993 dans la cause A. COHEN HOLDINGS c. BOUCHER, Régie du logement, no. 35-920311-018F où celle-ci dit:
..."Le poids de la jurisprudence majoritaire et le libellé même du texte réglementaire nous incitent à croire que l'article 8 n'est pas l'équivalent d'un recours en diminution de loyer et qu'il obéit à des règles d'interprétation stricte."
Un autre critère qui doit être considéré dans le cadre de l'article 8, c'est le "caractère de permanence du problème" au cours de la période envisagée. En ce qui concerne le présent cas, ce critère n'est pas présent, les reproches envers le locateur étant surtout des reproches de mauvais entretien et de manque de sécurité de l'immeuble. Il est à noter qu'aucune des personnes ayant témoigné sur l'état de l'immeuble n'a été en mesure de fournir des dates précises sur les faits reprochés au locateur et aucune de ces personnes n'avait pris la peine d'en avertir le locateur par écrit.
En conséquence, la Régie considère que les locataires n'ont pas fait la preuve que les actes reprochés au locateur leur donne ouverture à une réduction de leur loyer dans le cadre de l'article 8, ceux-ci n'ayant pas établi que les reproches envers le locateur se situent durant les 12 mois précédant la période pour laquelle le loyer est à fixer et revêtent le caractère permanent exigé par l'article 8.»[4] (Le tribunal souligne)
[45] Le bureau de révision du tribunal a confirmé cette interprétation après en avoir fait une analyse approfondie :
« Conformément aux dispositions de l'article
Dès le début de l'audience, le 16 septembre 2002, la locataire, par la voie de son procureur, exige du tribunal la réunion de son pourvoi en révision avec une demande en diminution de loyer et dommages-intérêts qu'elle a déjà produite et qui devra éventuellement être soumise à un régisseur, siégeant en première instance, pour enquête et audition au fond.
Le tribunal décrète dès à présent qu'il ne peut réunir ses deux demandes pour enquête et audition communes puisque les questions de droit ne sont pas essentiellement les mêmes. La demande sous étude est un pourvoi en révision d'une décision rendue sur une demande en fixation de loyer alors que l'autre, de nature civile, recherche une diminution de loyer parce que le locateur n'aurait pas exécuté ses obligations, aurait porté atteinte à son droit à la jouissance pleine et entière de son logement et parce qu'ayant commis une faute, il lui aurait causé certains dommages.
La demande sous étude requiert du tribunal la révision d'une décision alors que celle de nature civile exige la sanction d'une faute contractuelle. Le premier recours est étudié par une instance de révision, assimilable à une instance siégeant en appel, alors que les recours en diminution de loyer et en dommages-intérêts sont soumis à une juridiction de première instance.
La décision à être rendue sur le pourvoi en révision est finale alors que la décision à intervenir en matière civile peut faire l'objet d'un appel à la Cour du Québec, siégeant en appel des décisions de la Régie du logement, si ce tribunal fait droit à une requête préalable pour permission d'en appeler de la décision attaquée.
La règle de droit n'est pas non plus la même puisque le recours à la fixation de loyer s'étudie en regard du Règlement sur les critères de fixation de loyer alors que la diminution de loyer et les dommages-intérêts s'apprécient en vertu des règles du Code civil du Québec relatives au contrat et aux obligations en découlant.
La Régie, siégeant en révision, ne peut ordonner que les deux demandes, mues entre les mêmes parties, soient réunies et décidées sur une preuve commune parce que le tribunal en révision n'a pas compétence pour statuer sur les recours en diminution de loyer et dommages-intérêts. Sa compétence se limite à réviser une décision déjà rendue par un adjudicateur de première instance.
Toutefois, la Régie du logement, siégeant en
révision, ne peut faire abstraction des moyens de défense permis à la locataire
par les dispositions de l'article
Cette défense s'apparente en faits et en droit au
recours en diminution de loyer permis par les dispositions de
l'article
Le recours permis par l'article
Le recours du Code civil du Québec permet la
sanction de la faute commise par le locateur pour toute la période où ce
dernier a manqué à ses obligations et, si la preuve le justifie, permet de
réduire à zéro le montant même du loyer de base devant servir éventuellement à
la fixation du loyer. Le tribunal est d'opinion que le recours général
édicté par les dispositions de l'article
Le tribunal conclut qu'il est de l'intérêt de la justice et des parties que le recours en diminution de loyer fasse en premier lieu l'objet d'une audition et qu'il y soit statué avant que ne soit étudié le pourvoi des locataires à l'encontre de la décision de l'adjudicateur de première instance, rendue le 5 février 2002.
Le tribunal ne peut faire abstraction du fait que la Cour du Québec est saisie d'une requête pour permission d'en appeler d'une décision rejetant le recours du locateur visant à faire déclarer illégalement produite la demande en diminution de loyer et dommages-intérêts parce que cette demande aurait été présentée sans droit par une tierce personne au nom de la locataire.
Il appartient, donc, d'abord au Tribunal d'appel des décisions de la Régie du logement de déterminer si le recours en diminution de loyer et dommages-intérêts a été valablement et légalement présenté et s'il doit faire l'objet d'une audition.
Le tribunal est convaincu que l'intérêt de la justice doit faire en sorte qu'il y ait équilibre des forces en présence, qu'une étude de bonne foi soit faite de tous les recours dans des délais qui soient équitables pour tous et, ainsi, que justice soit pleinement rendue. »[5] (Le tribunal souligne)
[46] Cette jurisprudence a été maintenue par une jurisprudence récente.[6]
[47] La soussignée ajoute
que la rédaction de l’article
« […] ou le locateur a fait défaut […] de maintenir la qualité des services ou de procurer l’usage d’un accessoire ou d’une dépendance de l’immeuble ou du logement concerné. »
[48] L’objet même de cet article est limité, soit au maintien de la qualité des services (exemple, un concierge, des repas chauds, un soutien infirmier, etc.), soit à l’usage d’un accessoire ou d’une dépendance (exemple : un stationnement, un cabanon).
[49] L’affidavit émis par un locataire en vertu de l’article 8 (P-2) et produit par Me Gagnon au soutien de ses prétentions confirme que l’essentiel des griefs sont relatifs à la « vue extraordinaire », la valeur patrimoniale de l’immeuble, « les nuisances causées par le bruit », les désagréments occasionnés par « un chantier de construction d’une telle ampleur », « l’environnement exceptionnel » et la « qualité de vie » (P-2).
[50] Les paramètres inscrits à l’article 8. du Règlement ne sont donc visés que partiellement par la nature des faits allégués par les locataires qui arguent de problèmes de bruit et de perte de vue (privilège esthétique) ainsi que de perte globale de leur valeur locative à court, moyen et long terme, selon le type de troubles allégués.
[51] Il ne peut donc y avoir jugements contradictoires puisque le greffier ne pourra se saisir de faits dont la nature ne rencontre pas la définition, par l’article 8, des atteintes susceptibles d’entraîner une diminution de loyer.
[52] Le tribunal est d’avis
en conséquence qu’il n’y a pas identité d’objet et qu’advenant une superposition
partielle de l’objet à certains égards, l’objet des demandes sous
l’article
Les critères de justice naturelle et de saine administration de la justice
[53] La conséquence concrète d’une remise, si telle est la demande de Me Gagnon, serait que la soussignée devra attendre la décision de Me Des Rosiers, vérifier dans quelle mesure ce dernier aurait statué sur le bien-fondé factuel d’une diminution du loyer, puis enfin, scinder les demandes en ne se saisissant que des moyens de droit relatifs aux dommages et aux ordonnances d’exécution en nature.
[54] Une même requête scindée en deux, avec deux procès, en deux temps : voilà ce qu’il faudrait entendre par une gestion saine et efficace de la justice administrative selon Me Gagnon. Le tribunal diffère totalement d’opinion.
[55] La conséquence concrète d’un arrêt des procédures, si telle est le véritable fondement de la requête de Me Gagnon, serait un déni de justice pour les locataires qui réclament des dommages et une ordonnance puisque les greffiers spéciaux n’ont pas la compétence pour en disposer.
[56] Enfin, si litispendance il y avait, ce qui n’est pas le cas, elle devrait être au profit d’une saisine plus large et antérieure. Plus large, puisque les locataires réclament non seulement une diminution de loyer pour violation des obligations générales du locateur, mais aussi des dommages-intérêts ainsi que des ordonnances d’exécution.
[57] Antérieure, car le dépôt devant la soussignée de la majorité des demandes est antérieur à l’introduction de l’article 8 dans le dossier de fixation de loyer.
[58] Si risque il y a, il existe pour certains demandeurs dont le droit d’être entendu sur l’ensemble des conclusions recherchées serait amputé ou annulé. Un tel risque constitue une entrave aux principes de justice naturelle.
[59] Enfin, tout autre délai ou report d’audition entraînerait également, prima facie, le maintien, sinon l’aggravation du préjudice allégué par les locataires puisque seule la soussignée est habilitée à faire cesser la cause des troubles allégués.
Conclusion
[60] Une saine gestion de l’administration de la justice et des ressources judiciaires commande une audition commune de l’ensemble des conclusions recherchées et de l’ensemble des demandes soumises. Au moment de signer les motifs de cette décision, les demandeurs ont produit un désistement devant le greffier Des Rosiers quant à l’application de l’article 8.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[61] REJETTE la demande de remise telle que formulée par Me Gagnon.
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Anne Mailfait |
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Présence(s) : |
le mandataire du locateur Me Josée M. Gagnon, avocate du locateur un des locataires |
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Date de l’audience : |
13 juin 2012 |
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[1]
Construction Larivière Ltée c. CLP 2004 QCCS 13697 (IIJCAN),
[2]
Escobar-Patino c. Sigouin
[3] Précité, Cour suprême du Canada, page 440.
[4] Groupe Gestion Royale AC INC. c. Louise Ducharme, 31-980331-012F, Me Pierre Brassard.
[5] Lyse Mailhot c. Stanley Toweres Apts. Inc, Bureau de révision 31-010427-071V-020306.
[6] Brigitte Lurie c. Ohana Moise, Bureau de révision 31-091130-120V-100920.
[7] Selon la Cour suprême du Canada, précitée : « il suffit que l’objet de la seconde action soit implicitement compris dans l’objet de la première » pour qu’il y ait identité d’objet même si celle-ci n’est pas absolue.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.