[1] L’appelant se pourvoit contre un jugement rendu oralement le 13 septembre 2018 par la Cour du Québec, district de Montréal (l’honorable Linda Despots), lui infligeant une peine totale de 8 ans d’emprisonnement de laquelle sont soustraits 27 mois à titre de détention provisoire.
[2] Pour les motifs du juge Bouchard, auxquels souscrivent les juges Dutil et Sansfaçon, LA COUR :
[3] ACCUEILLE la requête pour permission d’appeler;
[4] ACCUEILLE l’appel en partie;
[5] INFIRME en partie le jugement de première instance;
[6] DÉCLARE que la peine totale est de quatre ans d’emprisonnement ventilée comme suit :
Dans le dossier 500-01-109322-146 :
· une peine de douze mois sur chacun des trois chefs de vol qualifié à être purgée de manière concurrente entre elles,
· une peine de douze mois sur chacun des chefs d’usage d’une fausse arme à feu à être purgée de manière concurrente entre elles et consécutive à la peine imposée sur les trois chefs de vol qualifié.
Dans le dossier 500-01-108023-141 :
· une peine de douze mois sur le chef de vol qualifié à être purgée de manière concurrente à la peine imposée dans le dossier 500-01-109322-146.
Dans le dossier 500-01-151877-179 :
· une peine de deux ans sur le chef de vol qualifié à être purgée de manière consécutive à toute autre peine,
· une peine de six mois sur les deux chefs de vol et le chef de voies de fait, à être purgée de manière concurrente.
Dans le dossier 500-01-152554-173 :
· une peine de douze mois pour les deux chefs de vol qualifié à être purgée de manière concurrente entre elles et concurrentes à la peine de douze mois sur le chef de vol qualifié dans le dossier 500-01-151877-179.
étant entendu que les 27 mois de détention provisoire crédités à l’appelant en date du jugement de première instance, le 13 septembre 2018, doivent être soustraits de la peine totale de 4 ans, pour un reliquat final de 21 mois à compter de cette date.
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MOTIFS DU JUGE BOUCHARD |
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[7]
Le présent appel pose la problématique des peines consécutives au regard
des principes de la proportionnalité et de la totalité codifiés aux articles
[8] Condamné à une peine totale de huit ans d’emprisonnement après avoir plaidé coupable à treize chefs d’accusation dont sept pour vol qualifié[1], trois pour usage d’une fausse arme à feu dans la perpétration d’un vol qualifié[2], deux pour vol ne dépassant pas 5 000 $[3] et un pour voies de fait[4], l’appelant soutient que la juge de première instance a erré en lui imposant une peine nettement excessive.
[9] À mon avis, il a raison. Le profil de l’appelant et les circonstances particulières entourant la commission des infractions auraient dû amener la juge, soit dit avec égards, à lui infliger une peine totale d’une durée de quatre ans.
Le profil de l’appelant
[10] Le principe de la proportionnalité commande l’examen de la situation particulière du délinquant[5].
[11] Or, il ressort du rapport présentenciel remis à la juge de première instance que l’appelant a eu une vie normale jusqu’à l’âge de 53 ans. Marié, père de deux enfants et détenteur d’un baccalauréat en sociologie, l’appelant a occupé différents emplois jusqu’en 2010-2011. C’est au moment de son divorce en 2007 que les choses prennent une tournure inattendue.
[12] À cette époque, alors que l’appelant n’a jamais auparavant fait usage de stupéfiants, il rencontre une femme qui l’initie au crack. Un an plus tard, il est totalement dépendant de cette drogue dont il fait usage quotidiennement. Il perd son emploi et dilapide tous ses avoirs, environ 750 000 $. Sans plus aucune ressource financière, il se tourne alors vers le crime pour pouvoir continuer à satisfaire sa dépendance.
[13] C’est entre le 22 juin et le 29 juin 2014, alors qu’il est intoxiqué et en manque de crack, que l’appelant commet une première série de vols qualifiés sur la rue. Je reviendrai plus loin sur les circonstances entourant la commission de ces infractions.
[14] Qu’il suffise pour l’instant de retenir que l’appelant est fortement ébranlé par son arrestation et les accusations portées contre lui. Il se soumet alors successivement à deux cures de désintoxication qu’il complète avec succès, la dernière en date du 13 février 2015.
[15] À la suite de sa thérapie, l’appelant vit quelque temps chez sa fille et son gendre. Tout va bien jusqu’au jour où ces derniers font l’acquisition d’une maison et que l’appelant se retrouve seul en appartement. Nous sommes alors en 2016, à l’approche de la période des Fêtes. L’appelant est envahi par des idées noires. Il consomme du crack en une occasion. Bien mal lui en prit car, peu de temps après, il renoue avec ses anciennes habitudes. Il est quotidiennement intoxiqué. Bref, le même scénario qu’en 2014 se reproduit. À bout de ressources, l’appelant se livre à une nouvelle série de vols entre le 26 février et le 19 mars 2017, date à laquelle il est arrêté et depuis, détenu.
Les circonstances particulières des infractions
[16] Les parties ont procédé en faisant des admissions que la juge de première instance résume comme suit [6]:
Le vingt-deux (22) juin deux mille quatorze (2014) entre minuit (0 h) et une heure trente (1 h 30), l’accusé commet trois vols qualifiés. D’abord, l’accusé stationne son véhicule près d’un piéton, il sort de son véhicule, s’adresse au piéton en lui montrant un petit revolver en lui disant : « Donne-moi ton argent. » Le piéton lui remet son portefeuille.
Cinquante-cinq minutes (55 min) plus tard l’accusé fait le même genre de manœuvre auprès d’une femme qui marche sur le trottoir. L’accusé pointe vers elle un petit revolver et lui dit : « Give me your purse, Madam. »
Finalement, à une heure trente (1 h 30), l’accusé, alors à pied, approche une femme et lui bloque le passage. Il pointe un revolver et lui demande plusieurs fois son argent. Quand elle lui dit qu’elle n’a pas d’argent, il lui dit : « Pow! Pow! T’es morte. »
Le vingt-neuf (29) juin deux mille quatorze (2014) l’accusé marche derrière une dame, il l’aborde en lui disant : « Donne-moi ton argent. » Il pointe un couteau vers elle et lui dit, et je cite : « Ce n’est pas une joke « tabarnak! ». » Elle lui remet sa bourse que l’accusé jette plus loin.
L’accusé est arrêté et comparaît à la cour le trente (30) juillet deux mille quatorze (2014), remis en liberté sous conditions le premier (1er) août.
Le vingt-six (26) février deux mille dix-sept (2017), il commet un vol qualifié auprès d’une personne qui marche avec une canne blanche en le menaçant. Le vingt-sept (27) février deux mille dix-sept (2017) l’accusé commet un vol d’essence à une station Esso.
Le seize (16) mars deux mille dix-sept (2017) à seize heures quarante-cinq (16 h 45), il s’en prend à une dame de quatre-vingt-six (86) ans qui s’apprête à monter dans sa voiture. Il prend sa bourse et lui dit : « If you tell anyone I’ll kill you. »
Trois jours plus tard à quinze heures trente-sept (15 h 37), il approche une dame de quatre-vingt-deux (82) ans qui entre dans son véhicule. Il ouvre la porte côté passager et tire le bras de la dame. Elle réussit à sortir de son véhicule et se met à crier. L’accusé lui dit : « You bitch. I don’t have your bag. I put it back. »
[17] À ce stade-ci, on retiendra que les évènements servant de toile de fond aux accusations portées contre l’appelant se sont déroulés en deux temps : les premiers évènements sont survenus entre le 22 juin et le 29 juin 2014 et les seconds, entre le 26 février et le 19 mars 2017. De plus, et c’est de cette façon que l’auteur du rapport présentenciel conclut : « Consumption of narcotic drugs thus appears to be at the root of the offender criminal behavior ». Enfin, parlant des vols qualifiés, ceux-ci concernent trois sacs à main et un porte-monnaie.
[18] Voyons maintenant le raisonnement suivi par la juge pour fixer la peine totale de l’appelant à huit ans.
Le jugement de première instance
[19] La juge retient en premier lieu que les infractions auxquelles l’accusé a plaidé coupable sont objectivement graves. Le vol qualifié est passible de l’emprisonnement à perpétuité et l’infraction d’usage d’une fausse arme à feu commande une peine minimale. De plus, chacun des évènements constitue selon elle un crime distinct donnant lieu à l’imposition de peines consécutives.
[20] La juge fait ensuite mention que la fourchette des peines applicables pour un vol qualifié, sans usage d’une arme à feu, comportant un mélange de facteurs aggravants et atténuants, se situe entre 12 et 48 mois de détention.
[21] Parlant des facteurs atténuants et aggravants, la juge retient, à propos des premiers :
· le plaidoyer de culpabilité,
· l’absence d’antécédents judiciaires de l’appelant,
· l’expression de regrets,
· les efforts de l’appelant pour résoudre son problème de dépendance aux stupéfiants.
[22] À titre de facteurs aggravants, elle souligne :
· la gravité objective des crimes,
· l’utilisation d’une fausse arme à feu à trois occasions et d’un couteau en une autre occasion,
· que l’appelant s’en est pris à des personnes âgées à deux reprises et à une personne qui marchait avec une canne blanche,
· les conséquences pour les victimes (insécurité, anxiété, crises de panique),
· que les infractions de 2017 sont commises alors que l’appelant est sous le coup de conditions après sa remise en liberté le 1er août 2014.
[23] C’est donc avec ces considérations à l’esprit que la juge débute la démarche consistant à attribuer une durée de détention à chacun des chefs d’accusation.
[24] En raison du caractère technique de cette démarche, du nombre de dossiers (4) et de chefs d’accusation (13), je ne saurais faire mieux ici que de citer la juge in extenso :
Tenant compte de l’ensemble des circonstances, le Tribunal considère qu’une peine de douze (12) mois d’emprisonnement sur chacun des chefs de vol qualifié à être purgée de façon consécutive est appropriée. À cette peine s’ajoutent douze (12) mois sur chacun des trois chefs portés en vertu de l’article 85, soit trois ans à être purgés de façon consécutive. Ce qui nous amène à un total de dix ans de prison.
À cette peine le Tribunal considère une peine de trois mois sur le chef de vol d’essence, douze (12) mois sur le chef de vol et de voies de fait concurrents entre eux, ces deux peines à être purgées de façon consécutive entre elles et consécutives à toute autre peine pour un total de onze (11) ans et trois mois.
Cette peine dans sa globalité est-elle raisonnable? Considérant l’absence d’antécédents et les effets... et les efforts, pardon, de l’accusé pour remédier à son problème de toxicomanie, le Tribunal estime qu’une telle durée est déraisonnable.
Toutefois, le Tribunal ne peut banaliser ou mettre de côté le nombre d’évènements et les personnes visées par les gestes de l’accusé. Ce sont les raisons pour lesquelles le Tribunal entend rendre une peine globale de huit ans, ventilée de la façon suivante.
Dans le dossier 109322-146, la proximité dans le temps des trois vols qualifiés commis le vingt-deux (22) juin permet de rendre les peines concurrentes entre elles. Donc, sur les chefs 1, 3 et 5 de ce dossier, douze (12) mois de détention à être purgés de façon concurrente. Sur les chefs 2, 4 et 6, douze (12) mois à être purgés de façon consécutive entre eux sur chacun des chefs. C’est douze (12) mois à être purgés de façon consécutive entre eux et à toute autre sentence pour un total, dans ce dossier, de quatre ans.
Dans le dossier 108023-141, l’évènement du vingt-neuf (29) juin deux mille quatorze (2014), douze (12) mois de détention à être purgés de façon consécutive.
Dans 151877-179, sur le chef 2, le vol qualifié, douze (12) mois à être purgés consécutivement. Sur les chefs 1, 3, et 5, les vols simples et voies de fait, six mois concurrents sur chacun des chefs et concurrents aux douze (12) mois. Donc, dans ce dossier un total de douze (12) mois à être purgé de façon consécutive.
Dans le dossier 152554-173, douze (12) mois sur chacun des chefs consécutifs entre eux pour un total de deux ans à être purgés de façon consécutive.
La peine globale est donc de huit ans. Cette peine répond aux principes de dénonciation et de dissuasion tout en respectant la règle de la proportionnalité.
L’accusé est détenu provisoirement depuis le dix-neuf (19) mars deux mille dix-sept (2017), soit depuis dix-huit (18) mois. Qui est crédité à un point cinq, c’est-à-dire qu’on doit retrancher de cette peine vingt-sept (27) mois de détention provisoire. L’accusé devra donc purger, à compter de ce jour, une peine de soixante-neuf (69) mois.
Les prétentions des parties
[25] L’appelant soutient que la juge de première instance a erré en le condamnant à des peines consécutives pour les vols qualifiés alors que ceux-ci ont été commis à l’intérieur de courtes périodes de temps et suivant un même « pattern ». Il en va de même des trois peines minimales consécutives d’un an relativement aux chefs d’accusation d’utilisation d’une fausse arme à feu. Selon l’appelant, puisque la juge a considéré que les trois vols qualifiés commis le 22 juin 2014 font partie de la même transaction criminelle, elle aurait dû ordonner que ces trois peines minimales soient concurrentes entre elles[7].
[26]
Bref, selon l’appelant, la juge a erré en lui imposant une peine nettement
excessive, contraire aux principes de proportionnalité et de totalité codifiés
aux articles
[27] L’intimée, de son côté, soutient que l’appelant, à la lumière de la norme d’intervention applicable, n’a pas soulevé d’erreur permettant à la Cour d’intervenir, et ce, bien qu’elle concède que la peine imposée « peut paraître sévère ». Elle rappelle que les infractions qui constituent des transactions criminelles distinctes entraînent des peines consécutives, un principe que la juge était justifiée d’appliquer en l’espèce.
[28]
Enfin, relativement aux infractions d’usage d’une fausse arme à feu lors
de la perpétration d’un vol qualifié, l’intimée plaide que le paragraphe
L’analyse
[29] La Cour suprême a rappelé récemment, dans l’arrêt R. c. Suter, à quelles conditions une Cour d’appel pouvait intervenir pour modifier la peine infligée par le juge de première instance[8] :
[24] Dans l’arrêt Lacasse, les juges majoritaires de notre Cour ont statué qu’une cour d’appel ne peut modifier une peine que dans l’une ou l’autre des deux situations suivantes : (1) la peine infligée par le juge de la peine est « manifestement non indiquée » (par. 41); (2) le juge de la peine commet une erreur de principe, ne tient pas compte d’un facteur pertinent ou encore, prend erronément en considération un facteur aggravant ou atténuant, et une telle erreur a une incidence sur la peine infligée (par. 44). Dans les deux cas, la cour d’appel peut annuler la peine et procéder à sa propre analyse pour déterminer la peine indiquée dans les circonstances.
[Soulignements ajoutés]
[30] Or, ici, malgré la grande déférence due au juge qui statue sur la peine[9], je suis d’avis que la peine totale de huit ans infligée à l’appelant est manifestement non indiquée, voire exagérément sévère, et ce, bien que la juge ait suivi la démarche appropriée en présence d’infractions multiples[10].
[31] Procédant donc à ma propre analyse comme m’y autorise la Cour suprême[11], et conscient que la décision de la juge d’imposer des peines concurrentes ou consécutives doit également être traitée avec déférence[12], je suis d’avis que cette dernière a tout d’abord erré en ne considérant pas que le vol qualifié commis le 29 juin 2014 faisait partie de la même transaction criminelle que les trois vols qualifiés commis le 22 juin 2014. L’eut-elle fait, elle aurait alors dû ordonner que la peine pour le vol qualifié du 29 juin 2014 soit purgée de façon concurrente à celle des trois vols qualifiés commis quelques jours auparavant.
[32] Mis à part que l’appelant a pointé un couteau en direction de la victime lors du vol qualifié du 29 juin 2014, les autres circonstances, en plus d’être rapprochées dans le temps, sont exactement les mêmes. Elles ont de plus pour toile de fond la satisfaction immédiate de ses besoins liés à sa dépendance au crack. Or, la jurisprudence en provenance des autres provinces reconnaît qu’en pareilles circonstances il est possible de concevoir que toutes ces infractions font partie d’une seule et même transaction criminelle.
[33] Ainsi, dans R. v. Arbuthnot[13], l’accusé avait été condamné en première instance à une peine concurrente pour une série de 11 vols qualifiés commis à l’intérieur d’une période de 17 jours dans le but de satisfaire sa dépendance. Or, voici dans quels termes la Cour d’appel du Manitoba a confirmé la peine[14] :
[23] It is uncontested in this case that the root cause of the accused’s criminal conduct was the need to get funds to feed his drug addiction and that the 32-year-old accused, who had no criminal record save for a dated drive impaired conviction, was acting completely out of character. The fact that the offences were committed while on a drug-fuelled 14-day binge explains the similar, continuous and recurring nature of the accused’s criminal conduct. He also purposely targeted businesses which are the most vulnerable and exposed to these types of robberies. In this case the gravamen of the offences was the same: rob vulnerable targets to feed an addiction.
[24] In my view, in light of the fact that there were a series of similar, continuous and recurring offences with the same gravamen within a sustained and relatively short period of time, the accused’s offending conduct with respect to the robbery offences can be viewed as sufficiently interconnected to form a single criminal transaction or crime spree and thereby attract concurrent sentences.
[25] This court, as well as
other appellate courts, has reached similar conclusions with respect to
interrelatedness when dealing with offenders who commit a series of robberies
to feed an addiction. For the most recent examples, see R. v. Simon,
[Soulignements ajoutés]
[34] Fort de cet enseignement, je crois qu’il y a lieu d’intervenir pour que les douze mois de détention que la juge a infligés à l’appelant pour le vol qualifié commis le 29 juin 2014 soient purgés de manière concurrente et non consécutive à la peine concurrente de douze mois imposée pour les trois vols qualifiés commis le 22 juin précédent. Ceci permet de faire passer, dans un premier temps, la peine totale de huit ans à sept ans.
[35] Je crois également qu’il y a lieu, dans un deuxième temps, de soustraire deux ans aux trois ans consécutifs infligés par la juge pour l’utilisation à trois reprises par l’appelant d’une fausse arme à feu lors des trois vols qualifiés qu’il a commis dans la nuit du 22 juin 2014.
[36]
Certes, les paragraphes 85(3) et (4) C.cr. prévoient l’infliction
d’une peine minimale d’un an[15]
à être purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre
infraction basée sur les mêmes faits, en l’occurrence l’infraction de vol
qualifié. Ces dispositions doivent cependant être interprétées à la lumière de
l’article
[37]
Je rappelle que dans Wust, il s’agissait pour la Cour suprême de
déterminer si le juge qui fixe la peine peut réduire la peine minimale pour
tenir compte du temps passé sous garde avant le prononcé de la sentence[18].
La Cour ayant répondu affirmativement à cette question en faisant valoir que
les peines minimales obligatoires doivent être considérées dans le contexte
global du système de détermination de la peine, je ne vois rien dans le texte
du paragraphe
[38] Ceci est d’autant plus vrai que la juge a conclu que les trois vols qualifiés du 22 juin 2014 formaient une seule transaction criminelle donnant lieu à des peines concurrentes. Il m’apparaît donc non seulement excessif, mais aussi illogique dans ce contexte de punir l’appelant trois fois pour l’utilisation d’une fausse arme à feu[20]. Les trois peines minimales obligatoires d’un an auraient dû être concurrentes entre elles et consécutives aux peines concurrentes d’un an imposées sur les vols qualifiés.
[39] Contrairement à la juge qui impose, pour les infractions commises en juin 2014, une peine totale de cinq ans, j’en arrive pour ma part à une peine totale de deux ans.
[40] Tel que mentionné au début des présents motifs, l’appelant a commis une seconde série d’infractions à l’hiver 2017 dans des circonstances analogues à celles de 2014. Alors qu’il était intoxiqué et en manque d’argent pour payer sa consommation de crack, il a, sur une courte période de temps s’étendant du 26 février au 19 mars 2017, commis trois vols qualifiés, deux vols d’une somme inférieure à 5 000 $ et une voie de fait.
[41] À mon avis, il y a lieu d’adopter la même approche que pour les crimes commis en 2014 et de considérer que tous ces crimes s’inscrivent à l’intérieur d’une même transaction criminelle commandant l’imposition de peines concurrentes entre elles.
[42] Cela étant, alors que la juge de première instance a imposé à l’appelant 12 mois de détention sur chacun des chefs de vol qualifié, je crois qu’une peine supérieure s’impose. Tout d’abord, les infractions de 2017 sont commises alors que l’appelant est sous le coup de conditions après avoir obtenu sa remise en liberté le 1er août 2014. De plus, il s’en prend cette fois-ci à des personnes vulnérables, soit une octogénaire et une personne malvoyante. Cette conduite prédatrice est hautement blâmable et doit être punie plus sévèrement. À mon avis, une peine de détention d’une durée de deux ans s’impose sur chacun des chefs de vol qualifié.
[43]
Contrairement à la juge qui a ordonné que ces peines soient purgées de
manière consécutive, et toujours en ayant à l’esprit les prescriptions de
l’article
[44] Pour les infractions commises en 2017, l’appelant se verra donc imposer une peine de deux ans qui, additionnée à la peine de deux ans pour les crimes commis en 2014, donne une peine totale de quatre ans.
[45] Compte tenu des 27 mois de détention provisoire que la juge a crédités à l’appelant en date de son jugement prononcé le 13 septembre 2018, ce dernier devra purger, à compter de cette date, 21 mois.
[46] En résumé, je propose d’accueillir la requête pour permission d’appeler de la peine, d’accueillir l’appel en partie, d’annuler la peine totale de huit ans imposée par la juge de première instance le 13 septembre 2018 et de la remplacer par une peine totale de quatre ans, prenant effet à compter de cette date, et ventilée comme suit :
Dans le dossier 500-01-109322-146 :
· une peine de douze mois sur chacun des trois chefs de vol qualifié à être purgée de manière concurrente entre elles,
· une peine de douze mois sur chacun des chefs d’usage d’une fausse arme à feu à être purgée de manière concurrente entre elles et consécutive à la peine imposée sur les trois chefs de vol qualifié.
Dans le dossier 500-01-108023-141 :
· une peine de douze mois sur le chef de vol qualifié à être purgée de manière concurrente à la peine imposée dans le dossier 500-01-109322-146.
Dans le dossier 500-01-151877-179 :
· une peine de deux ans sur le chef de vol qualifié à être purgée de manière consécutive à toute autre peine,
· une peine de six mois sur les deux chefs de vol et le chef de voies de fait, à être purgée de manière concurrente.
Dans le dossier 500-01-152554-173 :
· une peine de douze mois pour les deux chefs de vol qualifié à être purgée de manière concurrente entre elles et concurrentes à la peine de douze mois sur le chef de vol qualifié dans le dossier 500-01-151877-179.
étant entendu que les 27 mois de détention provisoire que la juge a crédités à l’appelant en date de son jugement devront être soustraits.
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JEAN BOUCHARD, J.C.A. |
[1] Art.
[2] Art. 85(2) a) (3) C.cr.
[3] Art.
[4] Art.
[5]
R. c. Proulx,
[6] R. c. Conti, C.Q. Montréal, nos 500-01-109322-146, 500-01-108023-141, 500-01-151877-179 et 500-01-152554-173, 13 septembre 2018, Despots, j.c.q.
[7] L’appelant ne conteste pas en appel la peine de six mois de détention à être purgée de manière concurrente sur les chefs de vol et de voies de fait.
[8]
R. c. Suter,
[9] Id., paragr. 23.
[10]
Desjardins c. R.,
[11] R. c. Suter, supra, note 8, paragr. 24.
[12]
Poirier c. R.,
[13]
R. v. Arbuthnot,
[14] Id., paragr. 23-25.
[15] La peine minimale est d’une durée de trois ans en cas de récidive.
[16] R. c. Wust,
[17]
Id., paragr. 22. Voir également R. c. Morrisey, [2002] 2
R.C.S. 90,
[18] R. c. Wust, supra, note 16, paragr. 1.
[19]
R. c. M. (C.A.),
[20]
La version anglaise du paragraphe