Décision

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Procureur général du Québec c. Conseil de la magistrature du Québec

2023 QCCA 676

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

 :

500-09-030397-236

(500-17-121965-225)

 

DATE :

 19 mai 2023

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

APPELANT – défendeur

c.

 

CONSEIL DE LA MAGISTRATURE DU QUÉBEC

L’HONORABLE LUCIE RONDEAU, JUGE EN CHEF DE LA COUR DU QUÉBEC

L’HONORABLE SCOTT HUGHES, JUGE EN CHEF ASSOCIÉ DE LA COUR

DU QUÉBEC

L’HONORABLE CLAUDIE BÉLANGER, JUGE EN CHEF ADJOINTE DE LA COUR DU QUÉBEC RESPONSABLE DES COURS MUNICIPALES

INTIMÉS – demandeurs

et

SECRÉTAIRE À LA SÉLECTION DES CANDIDATS À LA FONCTION DE JUGE

MISE EN CAUSE – défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]                L’appelant se pourvoit contre un jugement de la Cour supérieure[1], district de Montréal (l’honorable Christian Immer) qui a fait droit le 23 janvier 2023 à une demande de sursis présentée par les intimés dans le cadre d’un pourvoi en contrôle judiciaire sur la validité de certaines dispositions législatives et réglementaires. Le sursis accordé en première instance l’a été dans les termes suivants :

ORDONNE à la Secrétaire à la sélection des candidats à la fonction de juge de surseoir à toute démarche inhérente à la procédure de mise en candidature au poste à combler à la Cour du Québec en lien avec l’avis de sélection CQ-2022-175 jusqu’au jugement final sur la présente demande de pourvoi en contrôle judiciaire[.]

― I ―

[2]                Il importe de bien situer dans son contexte d’ensemble le sursis ainsi ordonné par la Cour supérieure. Un différend entre l’appelant et les intimés, provoqué par des modifications législatives et réglementaires, puis par des décisions administratives, fut le facteur de déclenchement de l’affaire.

[3]                Les textes qui ont introduit les modifications en question – et qui, il faut le dire, sont substantiels – figurent déjà pour une bonne part dans le jugement de première instance[2]. Néanmoins, pour fins de commodité, ils sont reproduits intégralement en annexe à cet arrêt, avec dans certains cas les dispositions législatives ou règlementaires qu’ils ont remplacées. Ils concernent au premier chef les conditions de fixation des exigences linguistiques auxquelles doivent satisfaire les candidats à la magistrature de compétence provinciale.

[4]                Pour mieux comprendre les véritables enjeux du dossier, en voici un compte rendu chronologique et synthétique :

    Le 2 février 2022, le juge Immer statuait sur un pourvoi en contrôle judiciaire opposant les mêmes parties que celles en présence ici[3]. Il concluait que l’article 7 du Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge de paix magistrat (le « R.p.s.c.f.j. »)[4], tel qu’il était formulé à l’époque, ne permettait pas au ministre de la Justice de s’immiscer dans la détermination des critères de sélection des candidats à la magistrature fixés selon l’article 25 R.p.s.c.f.j.

    À l’étude devant la Commission de la culture et de l’éducation depuis le 21 septembre 2021, le projet de Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la « L.l.o.c.Q.f. »)[5], ou Projet de loi 96, revenait devant l’Assemblée nationale le 13 mai 2022.

    Le 24 mai, l’Assemblée nationale adoptait le Projet de loi 96. Il avait notamment pour conséquence de neutraliser l’effet du jugement du 2 février 2022.

    Le 30 mai, conformément à l’art. 7 du R.p.s.c.f.j. alors en vigueur, la juge en chef Rondeau de la Cour du Québec (« la juge Rondeau ») communiquait à la secrétaire à la sélection des candidats à la fonction de juge (« la Secrétaire ») les besoins pour 9 des 12 postes de juge alors à pourvoir. Selon la juge Rondeau, parmi les candidats pour les  9 postes en question, 3 devraient maîtriser l’anglais et 3 devraient connaître l’anglais, pour un total de 6 poste complètement ou partiellement bilingues.

    Le 1er juin, le lieutenant-gouverneur donnait la sanction royale à la L.l.o.c.Q.f. Elle entrait en vigueur le jour même.

    Le 8 août, la Secrétaire transmettait à la juge Rondeau l’avis de sélection pour pourvoir un poste de juge à la Chambre de la jeunesse à Longueuil, portant le no. CQ­­­­­2022­­­-175 l’Avis 175 »). Cet avis ne contenait aucune mention au sujet de la connaissance de l’anglais par d’éventuels candidats.

    Le 9 août, les intimés déposaient leur pourvoi en contrôle judiciaire, alléguant une atteinte à l’indépendance judiciaire en raison de l’ingérence du ministre dans la gestion administrative de la Cour.

    Le 23 août, la juge Rondeau s’adressait par lettre à la Secrétaire et lui demandait pourquoi l’avis du 8 août précédent excluait ou modifiait les besoins de maîtrise ou de connaissance de l’anglais identifiés le 30 mai précédent.

    En l’absence d’une réponse à la lettre du 23 août précédent, les intimés modifiaient Le 7 septembre leur demande introductive d’instance. Ils demandaient l’annulation de l’Avis 175; entre-temps et jusqu’au jugement au fond, ils demandaient aussi le sursis de la procédure de sélection liée à l’Avis 175.

    Le 11 janvier 2023, le juge Immer entendait la demande de sursis.

    Le 23 janvier, le jugement entrepris était rendu. Il était prononcé exécutoire nonobstant appel et ordonnait jusqu’au jugement final le sursis de la procédure de dotation visée par l’Avis 175.

    Le 23 février, un juge de la Cour accordait la permission d’appeler du jugement du 23 janvier précédent[6].


― II

[5]                Comme la Cour le rappelait tout récemment encore dans l’arrêt Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux c. Ville de Longueuil (« SCPCA »), « [l]a Cour suprême a observé dans Manitoba (P. G.) c. Metropolitan Stores Ltd. […] que les critères de l’ordonnance d’injonction interlocutoire et de la demande de sursis sont les mêmes, ces redressements étant de même nature »[7]. Quels sont ces critères? Il y en a trois, illustrés par une abondante jurisprudence que le juge Beetz, auteur des motifs unanimes de la Cour dans ce dernier pourvoi, qualifiait de « relativement fluide »[8].  Il est cependant d’usage de les formuler comme ceci : (i) l'existence d'une question sérieuse à juger, par opposition à une réclamation futile ou vexatoire, (ii) la question du préjudice irréparable, et (iii) la prépondérance des inconvénients. Or, il s’agit là des mêmes critères que le juge de première instance examine avec insistance dans ses motifs, respectivement aux par. 89 à 110, puis 111 à 136, et 137 à 145 du jugement entrepris. Dans l’arrêt SCPCA, la Cour se disait aussi « fort consciente de la norme d’intervention qui s’applique dans les circonstances et du degré élevé de déférence qui est dû à la décision d’un juge d’instance de rendre ou non une ordonnance de sauvegarde, d’injonction interlocutoire ou d’ordonner un sursis »[9]. Cela demeure vrai ici.

[6]                Ce sont donc ces principes qui doivent nous guider en l’occurrence.

― III

[7]                Le dossier en cours présente une particularité qui en fait vraisemblablement un cas à part, dont on sait déjà qu’il ne pourra se reproduire tel quel à l’avenir. Le juge a relevé cet aspect des choses dans un passage de son jugement qu’il convient ici de citer en entier :

[143] Notons aussi que la demande de suspension ne s’applique qu’à l’égard de l’Avis 175 et non à l’ensemble des avis.

[144] Or, c’est un fait que le Tribunal doit tenir à l’esprit. Ainsi, toujours dans English School Board, [un juge de la Cour d’appel siégeant seul] notait que « l’effet limité de la suspension peut jouer un rôle dans la pondération requise par le critère de la prépondérance des inconvénients puisque la réforme voulue par le gouvernement s’applique déjà et continuera de s’appliquer » dans la majorité des avis de sélection. Il ne s’agit pas de suspendre l’effet de la CLF, de la LTJ ou du Règlement dans son entier, mais seulement l’Avis 175.

[145] En empruntant les propos de la Cour d’appel, en l’instance « il ne s’agit pas ici d’empêcher le gouvernement de mettre en œuvre les réformes législatives pour lesquelles il a été élu et de priver la population de ses bienfaits », (…)  mais plutôt « de pondérer ponctuellement les effets de cette réforme » sur l’indépendance administrative de la Cour du Québec et sur les droits linguistiques des adolescents et des parents en fonction de l’article 530 C.cr., de la LSJPA, de la LPJ et de la présence justiciables mohawks qui parlent l’anglais.[10]

En ne suspendant que l’Avis 175 (ce qui d’ailleurs était la seule chose que lui demandaient les intimés), le juge cible précisément ce qui est en jeu.

[8]                Une première question concerne l’application, rétroactive ou non, de la L.l.o.c.Q.f. à la procédure de sélection des candidats à la magistrature. L’appelant prétend que cette question ne se pose pas de cette façon puisque, selon lui, le concours visé par l’Avis 175 était une « situation en cours » lors de l’entrée en vigueur de la L.l.o.c.Q.f. et donc une situation assujettie à la réforme. Les intimés ne partagent pas cet avis. Et, pour reprendre les propos du juge, une question sérieuse se pose quant à savoir si la Secrétaire, informée de la demande de la juge Rondeau le 30 mai 2022 (une date admise de part et d’autre), pouvait y passer outre en raison d’une réforme entrée en vigueur deux jours plus tard, le 1er juin 2022 (une date que personne ne pourrait contester vu celle de la sanction royale). Cette question met effectivement en cause l’articulation entre une mesure administrative, a priori une mesure de mise en œuvre ou de simple exécution, et une demande, encore parfaitement légitime au moment où elle est transmise, qu’une représentante autorisée du pouvoir judiciaire adresse à l’Administration pour subvenir à certains besoins précis d’un tribunal judiciaire relatifs à la gestion de ses ressources humaines.

[9]                Certes, si cette première question est résolue et écartée dans le sens souhaité par l’appelant, une autre question, plus complexe et plus vaste, se profilera derrière la première, relative celle-ci à la réforme de la « procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge de paix magistrat ». Car, on ne pourrait le nier, si la L.l.o.c.Q.f. est applicable à l’Avis 175, la question se posera de la validité de cette réforme au regard des principes constitutionnels pertinents. On peut supposer que cette seconde question, plus délicate et de portée considérablement plus grande que la première, sera difficile à résoudre. En effet, elle met en cause au moins quatre variables qu’il faudra réévaluer ou évaluer pour la première fois. L’une d’entre elles au moins aurait pu sembler dénuée de pertinence dans l’étude de la première question, puisqu’on devra naturellement aborder l’indépendance judiciaire, un principe d’origine prétorienne pour une part non négligeable, de même que les garanties linguistiques qui ont une assise ferme dans l’article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais aussi, dans le cas de la L.l.o.c.Q.f. alors considérée comme déjà en vigueur et ici applicable, quoique attaquée de front, la présomption de validité constitutionnelle des lois. Il ne peut faire de doute que, lorsque l’affaire procédera au fond, ces éléments devront être appréciés dans leur intégralité, sans égard à ce qui a été tranché le 23 janvier 2023. Et si entre-temps la question de la validité d’autres avis de sélection, postérieurs ceux-là au 1er juin 2022, se pose de nouveau dans le cadre d’une demande de sursis, l’analyse sera à refaire du tout au tout, notamment sur la question de l’intérêt public. Il n’est pas dit, d’ailleurs, que l’analyse déjà effectuée par le juge de première instance, une analyse par endroits nettement trop poussée pour les besoins d’une demande de sursis de portée limitée comme celle qu’il avait devant lui, prédéterminera le résultat qui s’imposera alors à l’esprit du juge saisi de cette nouvelle demande de sursis ou saisi du fond.

[10]           En d’autres termes, il n’existe pas de raison impérative, ou simplement sérieuse, pour remettre en question le jugement du 23 janvier 2023 et le sursis ordonné par le juge, sursis auquel on doit se garder de prêter une portée qu’il n’a pas.

― IV

[11]           On aura compris à la lecture des textes reproduits en annexe que la réforme apportée par la L.l.o.c.Q.f. est lourde de conséquences, a fortiori si elle s’applique aussi à l’Avis 175. Va-t-elle au-delà de ce qu’une législature provinciale peut accomplir dans l’exercice, si plénier soit-il, de la compétence que le par. 92 (14) de la Loi constitutionnelle de 1867 lui reconnaît sur l’administration de la justice? Excède-t-elle ce que tolère le principe de l’indépendance judiciaire, explicité à des fins précises par l’al. 11 d) de la Charte canadienne des droits et libertés, peu mis en évidence par la Loi constitutionnelle de 1867, mais fortement étayé par la jurisprudence des cinquante ou soixante dernières années? Crée-t-elle un conflit avec ce que l’art. 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et l’art. 530 du Code criminel imposent, constitutionnellement, aux législatures provinciales compétentes? Toutes ces questions, et plusieurs autres, demeurent à résoudre au fond. De manière évidente,  elles dépassent en importance et en complexité la question que suscite le besoin de pourvoir un poste de juge à la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec dans le district de Longueuil. Le dossier dont le juge de première instance était saisi contient une déclaration assermentée de la juge Mélanie Roy, juge coordonnatrice de la Cour du Québec et responsable de la Chambre de la jeunesse pour la région de coordination de la Montérégie. Elle y décrit en détail quels sont, potentiellement, les impacts négatifs de l’Avis 175 sur l’administration de la justice s’il lui est donné suite. Ces éléments de fait, provenant de l’une des personnes les mieux placées pour évaluer cette situation, sont fiables et probants au point d’être concluants. Cela suffisait pour asseoir le jugement entrepris au stade d’une demande de sursis.

[12]           Il n’y a donc pas lieu de faire droit à l’appel, avec frais de justice en faveur des intimés.


[13]           POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[14]           REJETTE l’appel, avec frais de justice.

 

 

__________________________________

 

YVES-MARIE MORISSETTE, J.C.A.

 

 

 

__________________________________

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

 

__________________________________

 

SOPHIE LAVALLÉE, J.C.A.

 

 

Me Charles Gravel

Me Bruno Deschênes

Me Manuel Klein

BERNARD, ROY (Justice-Québec)

Me François-Olivier Barbeau

LAVOIE, ROUSSEAU (Justice-Québec)

Pour l’appelant

 

Me Marc-André Fabien, Ad. E.

Me Vincent Cérat Lagana

Me Claudie Fréchette

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Pour les intimés

 

Date d’audience :

5 mai 2023

 

 

ANNEXE

 

L’annexe qui suit reproduit toutes les modifications pertinentes apportées par la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (la « L.l.o.c.Q.f. ») au régime de sélection des candidats à la magistrature de nomination provinciale. Elle contient, dans leurs versions française et anglaise, les nouvelles dispositions de la Charte de la langue française, de la Loi sur les tribunaux judiciaires et du Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge de paix magistrat (le « R.p.s.c.f.j. ») issues de ces modifications. Toutes celles qui furent apportées au R.p.s.c.f.j. le furent par une loi, soit plus précisément par les art. 171 à 177 de la L.l.o.c.Q.f..


Charte de la langue française, RLRQ c. C-11

AVANT LA RÉFORME

APRÈS LA RÉFORME

1. Le français est la langue officielle du Québec.

1. French is the official language of Québec.

1. Le français est la langue officielle du Québec. Seule cette langue a ce statut.

Le français est aussi la seule langue commune de la nation québécoise et constitue l’un des fondements de son identité et de sa culture distincte.

1. French is the official language of Québec. Only French has that status.

French is also the only common language of the Québec nation and constitutes one of the foundations of its identity and distinct culture.

 

 

6.2. Toute personne a droit à une justice et à une législation en français.

6.2. Every person has a right to justice and legislation in French.

 

 

12. Il ne peut être exigé de la personne devant être nommée à la fonction de juge qu’elle ait la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle sauf si le ministre de la Justice, après consultation du ministre de la Langue française, estime que, d’une part, l’exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d’autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d’imposer une telle exigence.

12. A person to be appointed to the office of judge shall not be required to have knowledge or a specific level of knowledge of a language other than the official language unless the Minister of Justice, after consultation with the Minister of the French Language, considers that the exercise of that office requires such knowledge and that all reasonable means have been taken to avoid imposing such a requirement.

 

Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ c. T-16

 

 

1.1. Le français est la langue de la justice au Québec, tel que le prévoit l’article 7 de la Charte de la langue française (chapitre C-11).

1.1. French is the language of the courts in Québec, as provided in section 7 of the Charter of the French language (chapter C-11).

 

 

88.1. Le ministre de la Justice ne peut exiger un critère additionnel à ceux déterminés en vertu du paragraphe 4° du premier alinéa de l’article 88, en lien avec la connaissance ou le niveau de connaissance spécifique des candidats à la fonction de juge d’une langue autre que la langue officielle, sauf si, conformément à l’article 12 de la Charte de la langue française (chapitre C-11), le ministre estime, après consultation du ministre de la Langue française, que, d’une part, l’exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d’autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d’imposer un tel critère.

Dans son évaluation, le ministre ne peut être tenu de prendre en considération d’autres données que celles relatives au nombre de juges qui ont une connaissance d’une langue autre que la langue officielle et au nombre d’audiences tenues en application de l’article 530 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) dans une telle langue.

88.1. The Minister of Justice shall not require any criterion in addition to those determined under subparagraph 4 of the first paragraph of section 88, in connection with the knowledge or specific level of knowledge of a language other than the official language of candidates for the office of judge, unless, pursuant to section 12 of the Charter of the French language (chapter C-11), the Minister considers, after consultation with the Minister of the French Language, that the exercise of that office requires such knowledge and that all reasonable means have been taken to avoid imposing such a criterion.

In his assessment, the Minister shall not be required to take into consideration data other than that relating to the number of judges who have knowledge of a language other than the official language and to the number of hearings held under section 530 of the Criminal Code (R.S.C. 1985, c. C-46) in such a language.

Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge de paix magistrat, RLRQ c T-16, r 4.1

3. Est institué, au sein du ministère de la Justice, le secrétariat à la sélection des candidats à la fonction de juge, dirigé par un secrétaire.

Le secrétaire agit sous l’autorité du sous-ministre, qui le désigne après consultation du juge en chef de la Cour du Québec et du Barreau du Québec.

Le secrétaire et les employés du secrétariat prêtent le serment de discrétion prévu à l’annexe B.

3. The secretariat for the selection of candidates for judicial office, directed by a secretary, is hereby established within the Ministère de la Justice.

The secretary acts under the authority of the Deputy Minister, who designates the secretary after consultation with the chief judge of the Court of Québec and the Barreau du Québec.

The secretary and employees of the secretariat take the oath of discretion appearing in Schedule B.

3. Est institué, au sein du ministère de la Justice, le secrétariat à la sélection des candidats à la fonction de juge, dirigé par un secrétaire.

Le secrétaire est désigné par le gouvernement et agit sous l’autorité du sous-ministre de la Justice.

Le secrétaire et les employés du secrétariat prêtent le serment de discrétion prévu à l’annexe B.

 

3. The secretariat for the selection of candidates for judicial office, directed by a secretary, is hereby established within the Ministère de la Justice.

The secretary is designated by the Government and acts under the authority of the Deputy Minister of Justice.

The secretary and employees of the secretariat take the oath of discretion appearing in Schedule B.

6. Le secrétariat dépose sur le site Internet du ministère de la Justice un rapport annuel sur les travaux des comités de sélection. Ce rapport contient une analyse des nominations à la fonction de juge eu égard à la représentation des hommes et des femmes et à celle des communautés culturelles.

Le secrétaire transmet une copie de ce rapport au ministre de la Justice.

 

6. The secretariat files on the website of the Ministère de la Justice an annual report on the work of the selection committees. The report contains an analysis of the appointments for judicial office considering the representation of men and women and that of cultural communities.

The secretary sends a copy of the report to the Minister of Justice.

 

6. Le secrétariat dépose sur le site Internet du ministère de la Justice un rapport annuel sur les travaux des comités de sélection. Ce rapport contient une analyse des nominations à la fonction de juge eu égard à la représentation des hommes et des femmes et à celle des communautés culturelles.

Dans ce rapport, le secrétariat présente également, pour chacun des districts ou chacune des cours, le cas échéant, les données relatives au nombre de juges qui ont une connaissance d’une langue autre que la langue officielle et au nombre d’audiences tenues en application de l’article 530 du Code criminel (L.R.C. 1985, c. C-46) dans une telle langue.

Le secrétaire transmet une copie de ce rapport au ministre de la Justice.

6. The secretariat files on the website of the Ministère de la Justice an annual report on the work of the selection committees. The report contains an analysis of the appointments for judicial office considering the representation of men and women and that of cultural communities.

In the report, the secretariat also includes, for each district or court, where applicable, the data relating to the number of judges who have knowledge of a language other than the official language and to the number of hearings held under section 530 of the Criminal Code (R.S.C. 1985, c. C-46) in such a language.

The secretary sends a copy of the report to the Minister of Justice.

 

 

 

6.1. Au moins une fois par année, le ministre invite le juge en chef de la Cour du Québec, les municipalités où est situé le chef-lieu d’une cour municipale où les juges exercent leurs fonctions à temps plein et de façon exclusive et le juge en chef adjoint de la Cour du Québec responsable des cours municipales à lui soumettre, à titre informatif, une planification des postes à pourvoir en tenant compte du nombre de juges en poste, des vacances prévisibles ainsi que des postes de juge par chambre, par lieu de résidence rattaché à un poste ou par cour, le cas échéant.

En cas de vacances non planifiées, le ministre peut consulter le juge en chef de la Cour du Québec, la municipalité où est situé le chef-lieu de la cour municipale et le juge en chef adjoint de la Cour du Québec responsable des cours municipales pour obtenir leur avis concernant la chambre visée, le lieu de résidence rattaché au poste ou la cour visée, le cas échéant.

 

6.1. At least once a year, the Minister invites the chief judge of the Court of Québec, the municipalities in which the chief-place of a municipal court where judges exercise their functions on a full-time and exclusive basis is located, and the associate chief judge of the Court of Québec who is responsible for municipal courts to submit to the Minister, for information purposes, a plan for positions to be filled, taking into account the number of judges in office and the foreseeable vacancies, as well as the offices of judge by division, by place of residence pertaining to an office or by court, where applicable.

In the case of unplanned vacancies, the Minister may consult the chief judge of the Court of Québec, the municipality in which the chief-place of the municipal court is located and the associate chief judge of the Court of Québec who is responsible for municipal courts to obtain their opinion concerning the division concerned, the place of residence pertaining to the office, or the court concerned, where applicable.

7. Lorsqu’un juge doit être nommé et après avoir pris en considération les besoins exprimés par le juge en chef de la Cour du Québec ou, le cas échéant, ceux exprimés par la municipalité où est situé le chef-lieu de la cour municipale et par le juge en chef adjoint de la Cour du Québec responsable des cours municipales, le secrétaire ouvre, à la demande du ministre, un concours et fait publier dans le Journal du Barreau du Québec et sur le site Internet du ministère de la Justice un avis invitant les personnes intéressées à soumettre leur candidature.

7. Where a judge must be appointed and after having taken in consideration the needs expressed by the chief judge of the Court of Québec or, as the case may be, the needs expressed by the municipality in which the chief-place of the municipal court is located and by the associate chief judge of the Court of Québec who is responsible for municipal courts, the secretary holds, at the Minister’s request, a competition and publishes in the Journal of the Barreau du Québec and on the website of the Ministère de la Justice a notice inviting interested persons to submit their application.

7. Lorsqu’un juge doit être nommé, le ministre demande au secrétaire d’ouvrir un concours et de faire publier sur le site Internet du ministère de la Justice et sur celui du Barreau du Québec un avis invitant les personnes intéressées à soumettre leur candidature.

Le ministre indique au secrétaire les renseignements en lien avec les paragraphes 2, 3 et 5.1 de l’article 9.

7. Where a judge must be appointed, the Minister requests the secretary to hold a competition and to publish on the website of the Ministère de la Justice and on that of the Barreau du Québec a notice inviting interested persons to submit their application.

The Minister indicates to the secretary the information with regard to paragraphs 2, 3 and 5.1 of section 9.

9. L’avis comprend les renseignements suivants:

   les conditions légales d’admissibilité à la fonction de juge;

   la cour et la chambre, le cas échéant, où il y a un poste à pourvoir;

   le lieu où la résidence du juge sera fixée, le cas échéant;

   l’obligation, pour une personne intéressée, de soumettre sa candidature au secrétariat à la sélection des candidats à la fonction de juge, au moyen du formulaire prévu à l’annexe A, et celle de fournir les documents exigés au soutien de cette candidature;

   les critères de sélection prévus à l’article 25 servant à l’évaluation de la candidature de tout candidat rencontré par un comité de sélection;

   l’adresse du secrétariat;

   la date limite pour soumettre sa candidature.

 

9. The notice includes the following information:

(1)   the legal conditions of eligibility for judicial office;

(2)   the court and the division, if applicable, where an office is vacant;

(3)   the place where the judge’s residence will be established, if applicable;

(4)   the requirement that interested persons submit their application to the secretariat for the selection of candidates for judicial office on the form appearing in Schedule A and provide the documents required in support of their application;

(5)   the selection criteria provided for in section 25 used to assess the application of every candidate met by a selection committee;

(6)   the address of the secretariat; and

(7)   the final date for submitting one’s application.

 

9. L’avis comprend les renseignements suivants:

   les conditions légales d’admissibilité à la fonction de juge;

   la cour et la chambre, le cas échéant, où il y a un poste à pourvoir;

   le lieu où la résidence du juge sera fixée, le cas échéant;

   l’obligation, pour une personne intéressée, de soumettre sa candidature au secrétariat à la sélection des candidats à la fonction de juge, au moyen du formulaire prévu à l’annexe A, et celle de fournir les documents exigés au soutien de cette candidature;

   les critères de sélection prévus à l’article 25 servant à l’évaluation de la candidature de tout candidat rencontré par un comité de sélection;

5.1°   le critère exigé par le ministre de la Justice en vertu de l’article 88.1 de la Loi sur les tribunaux judiciaires (chapitre T-16), le cas échéant;

   l’adresse du secrétariat;

   la date limite pour soumettre sa candidature.

9. The notice includes the following information:

(1)   the legal conditions of eligibility for judicial office;

(2)   the court and the division, if applicable, where an office is vacant;

(3)   the place where the judge’s residence will be established, if applicable;

(4)   the requirement that interested persons submit their application to the secretariat for the selection of candidates for judicial office on the form appearing in Schedule A and provide the documents required in support of their application;

(5)   the selection criteria provided for in section 25 used to assess the application of every candidate met by a selection committee;

(5.1)   the criterion required by the Minister of Justice under section 88.1 of the Courts of Justice Act (chapter T-16), if applicable;

(6)   the address of the secretariat; and

(7)   the final date for submitting one’s application.

 

 

 

9.1. L’avis ne peut prévoir l’exigence que les candidats à la fonction de juge aient la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle pour le poste, sauf si le ministre, après consultation du ministre de la Langue française, estime que, d’une part, l’exercice de cette fonction nécessite une telle connaissance et que, d’autre part, tous les moyens raisonnables ont été pris pour éviter d’imposer une telle connaissance.

9.1. The notice must not include the requirement that candidates for the office of judge have knowledge or a specific level of knowledge of a language other than the official language to obtain the position, unless the Minister, after consultation with the Minister of the French Language, considers that such knowledge is necessary for the exercise of that office and that all reasonable means have been taken to avoid imposing such knowledge.

25. Pour évaluer la candidature d’un candidat, le comité tient compte des critères suivants:

   les compétences du candidat, comprenant:

a)   ses qualités personnelles et intellectuelles, son intégrité, ses connaissances et son expérience générale;

b)   le degré de ses connaissances juridiques et son expérience dans les domaines du droit dans lesquels il serait appelé à exercer ses fonctions;

c)   sa capacité de jugement, sa perspicacité, sa pondération, sa capacité d’établir des priorités et de rendre une décision dans un délai raisonnable ainsi que la qualité de son expression;

   la conception que le candidat se fait de la fonction de juge;

   la motivation du candidat pour exercer cette fonction;

   les expériences humaines, professionnelles, sociales et communautaires du candidat;

   le degré de conscience du candidat à l’égard des réalités sociales;

   la reconnaissance par la communauté juridique des qualités et des compétences du candidat

 

25. To assess the application of a candidate, the committee considers the following criteria:

(1)   the candidate’s competencies, including

(a)   personal and intellectual qualities, integrity, knowledge and general experience;

(b)   extent of knowledge of the law and experience in the areas of law in which the judicial duties will be performed; and

(c)   capacity for judgment, insight, level-headedness, ability to set priorities and to render a decision within a reasonable time, and quality of expression;

(2)   the candidate’s conception of the judicial office;

(3)   the candidate’s motivation for the judicial office;

(4)   the candidate’s human, professional, social and community experience;

(5)   the candidate’s level of awareness with respect to social realities; and

(6)   recognition by the legal community of the candidate’s qualities and competencies

 

25. Pour évaluer la candidature d’un candidat, le comité tient compte des critères suivants:

   les compétences du candidat, comprenant:

a)   ses qualités personnelles et intellectuelles, son intégrité, ses connaissances, qui ne peuvent comprendre sa connaissance d’une langue autre que la langue officielle, sauf si cette exigence est prévue dans l’avis, et son expérience générale;

b)   le degré de ses connaissances juridiques et son expérience dans les domaines du droit dans lesquels il serait appelé à exercer ses fonctions;

c)   sa capacité de jugement, sa perspicacité, sa pondération, sa capacité d’établir des priorités et de rendre une décision dans un délai raisonnable ainsi que la qualité de son expression dans la langue de la justice au Québec, le français;

   la conception que le candidat se fait de la fonction de juge;

   la motivation du candidat pour exercer cette fonction;

   les expériences humaines, professionnelles, sociales et com­mu­­nautaires du candidat;

   le degré de conscience du candidat à l’égard des réalités so­ciales;

   la reconnaissance par la communauté juridique des qualités et des compétences du candidat.

 

 


[1]  Conseil de la magistrature c. Procureur général du Québec, 2023 QCCS 151.

[2]  Id., par. 35.

[3]  Conseil de la magistrature c. Ministre de la Justice du Québec, 2022  QCCS 266.

[4]  Règlement sur la procédure de sélection des candidats à la fonction de juge de la Cour du Québec, de juge d'une cour municipale et de juge de paix magistrat, RLRQ c. T-16, r. 4.1.

[5]  Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français, LQ 2022, c. 14.

[6]  Procureur général du Québec c. Conseil de la magistrature du Québec, 2023 QCCA 263.

[7]  2022 QCCA 1690, note infrapaginale n° 13.

[8]  [1987] 1 R.C.S. 110, p. 127.

[9]  Supra, note 7, par. 24.

[10]  Les passages cités sont tirés de l’arrêt Procureur général du Québec c. Quebec English School Board Association, 2020 QCCA 1171, par. 61.

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