Décision

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Rochard c. Akelius Montréal Ltd.

2023 QCTAL 40122

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

721859 31 20230713 T

No demande :

4114625

 

 

Date :

18 décembre 2023

Devant la juge administrative :

Erika Aliova

 

Kevin Rochard

 

Ulysse Marinot

 

Locataires - Partie demanderesse

c.

Akelius Montréal Ltd.

 

Locateur - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Les demandeurs requièrent la rétractation de la décision du 26 octobre 2023.

[2]         Tel qu’allégué dans leur demande, ils ont pris connaissance de cette décision le 10 novembre 2023 et déposé leur demande le 20 novembre 2023. 

[3]         Le locateur est absent à l’audience.

[4]         La demande de rétractation a été notifiée au locateur par courrier recommandé le 23 novembre 2023.

[5]         Par cette décision, le Tribunal rejette la demande des demandeurs qui en supportent les frais, vu leur absence à l’audience du 11 octobre 2023.

[6]         La présente demande se fonde sur l'article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1]qui prévoit :

89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse.

[7]         Au soutien de leur demande de rétractation, les demandeurs allèguent qu'ils ont été empêchés de se présenter à l'audience du 11 octobre 2023 pour les motifs suivants :

« La partie demanderesse ne s’est pas présentée, n’ayant jamais reçu l’avis d’audition, sans qu’il y ait faute de sa part ».

[8]         La demande de rétractation n’est pas contestée par le locateur, vu son absence à l’audience.

[9]         Tel se résume l'essentiel de la preuve soumise par les parties.

ANALYSE ET DÉCISION

[10]     À maintes reprises, les tribunaux ont déterminé que la rétractation est un moyen procédural exceptionnel, car le principe de l'irrévocabilité des jugements est important. Ce principe a été réitéré par la Cour d'appel du Québec :

« Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[2]

[11]     L'absence d'une partie ne donne pas ouverture systématiquement à la rétractation de jugement tel que le mentionnent les auteurs Rousseau-Houle et De Billy[3]:

« Le seul fait qu'une partie soit absente à l'audience ne lui donnera pas automatiquement droit à une demande en rétractation. En vertu de l'article 89, la partie doit motiver son absence par une cause jugée suffisante. »

[12]     Dans l'affaire Tremblay c. Savard[4], la Cour du Québec écrit :

« [42] Le Tribunal doit également tenir compte du fait qu'en cas de rejet du pourvoi, le préjudice que subira la partie condamnée par défaut sans avoir pu faire valoir ses motifs de défense est beaucoup plus important que celui que subit la partie adverse en cas d'accueil de la requête, préjudice qui se limite aux inconvénients inhérents à devoir procéder de nouveau à l'audition au fond de la cause, mais en présence cette fois-ci de la partie défenderesse.

[43] Pour ces raisons, le principe du droit à une défense pleine et entière doit donc en principe l'emporter sur celui de l'irrévocabilité des jugements, à moins que, par sa propre négligence ou turpitude, la personne qui soumet le pourvoi en rétractation se soit placée dans une situation où elle ne peut plus prétendre à invoquer avec crédibilité son droit à une défense.

[44] Dans un tel contexte, il faut aussi ajouter qu'à défaut d'une situation claire quant aux gestes posés de part et d'autre par les parties, qui ont mené à la condamnation de la partie défenderesse par défaut, le bénéfice du doute doit être accordé à celle-ci afin de favoriser le maintien et ses recours légaux. »

[13]     Après avoir entendu les témoignages, le Tribunal est d'avis qu'il s'agirait d'une grave erreur que de priver les demandeurs de leur droit de se faire entendre. De plus, il serait contraire à la justice naturelle de priver les demandeurs de présenter leur preuve et de rejeter leur demande sans les avoir entendus.

[14]     Le Tribunal a considéré que les explications des demandeurs étaient crédibles.

[15]     Le Tribunal accorde le bénéficie du doute aux demandeurs à l’effet qu’ils n’ont pas reçu l’avis d’audience pour le 11 octobre 2023.

[16]     La demande de rétractation a été produite dans le délai prévu par la Loi et il n’y a pas de contestation de la part du locateur.

[17]     Les demandeurs ont convaincu le Tribunal qu'ils avaient été empêchés de se présenter à l'audience pour une cause jugée suffisante.

[18]     À la lumière de ces principes, le Tribunal est d'avis que les demandeurs ont fait la preuve d'un motif sérieux de rétractation. La bonne administration de la justice requiert qu'ils puissent faire valoir leurs droits.


[19]     La décision rendue le 26 octobre 2023 sera donc rétractée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[20]     ACCUEILLE la demande de rétractation;

[21]     RÉTRACTE la décision rendue le 26 octobre 2023;

[22]     DEMANDE au maître des rôles de convoquer à nouveau les parties pour enquête et audition au mérite de la demande originaire pour un 2/3 de rôle.

 

 

 

 

 

 

 

 

Erika Aliova

 

Présence(s) :

les locataires

Date de l’audience : 

4 décembre 2023

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01.

[2] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 218.

[3] Le bail de logement: analyse de la jurisprudence, Wilson & Lafleur ltée (1989) Montréal, p. 307.

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