Décision

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Lozeau c. Therrien

2023 QCTAL 17815

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Salaberry-de-Valleyfield

 

No dossier :

678036 27 20230130 G

No demande :

3788386

 

 

Date :

08 juin 2023

Devant le juge administratif :

Michel Huot

 

Marc Lozeau

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Caroline Therrien

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur dépose une demande contre la locataire le 30 janvier 2023. Il demande d’être autorisé à reprendre le logement concerné pour y loger son fils à compter du 27 juin 2023.

[2]         Les parties sont liées par un bail de logement à durée indéterminée, débuté en septembre 2018 au loyer mensuel de 875 $.

[3]         Lors de l’audience du présent dossier, il ressort que des questions préliminaires doivent être disposées par le Tribunal avant de procéder au mérite de la demande.

[4]         Les questions préliminaires suivantes furent soulevées :

          Question no 1 : La demande du locateur futelle valablement notifiée à la locataire?

          Question no 2 : L’avis de reprise du locateur futil valablement donné à la locataire dans les délais prévus par le Code civil du Québec?

          Question no 3 : L’avis de reprise respectetil les exigences prévues par le Code civil du Québec?

          Question no 4 : La reprise du logement estelle possible au cours du mois de juin 2023, alors que le terme mensuel se termine le 30 juin 2023?

CONTEXTE

[5]         Les parties concluent un bail au cours du mois de septembre 2018. La locataire s’installe dans le logement concerné durant ce mois. Le Tribunal retient de la preuve présentée que les parties n’ont jamais signé de bail écrit pour différentes raisons qui n’ont pas d’impact sur la détermination de la nature du bail. Le Tribunal conclut que le bail de logement est un bail à durée indéterminée au loyer mensuel de 875 $.

[6]         Le logement loué se trouve dans un duplex. Le logement loué est au 2e étage et le locateur vit au 1er étage.


[7]         Le 27 décembre 2022, le locateur rédige un avis[1] de reprise. Il demande la reprise du logement au bénéfice de son fils pour le 27 juin 2023.

[8]         Il notifie l’avis de reprise à l’avocat de la locataire. Le courrier recommandé est reçu[2] le 29 décembre 2022. L’avocat de la locataire indique qu’il fut en vacances durant la période des fêtes et qu’il n’a pris connaissance du contenu du courrier recommandé qu’à son retour de vacances. L’avocat de la locataire communique avec le locateur pour lui indiquer qu’il n’a pas le mandat d’accepter la notification d’un avis de reprise pour le logement de la locataire. Il fait malgré tout suivre l’avis de reprise à la locataire.

[9]         Le locateur ne fait pas d’autres tentatives pour notifier l’avis de reprise à la locataire.

[10]     La locataire admet avoir reçu l’avis de reprise de la part de son avocat au cours du mois de janvier 2023, mais témoigne n’avoir reçu aucun avis de son locateur.

[11]     Le 17 janvier 2023, la locataire rédige un avis[3] de souslocation de son bail. Elle souhaite souslouer son logement à madame Ève Gambicchia. Cette souslocation doit débuter le 1er février 2023 et se terminer le 31 janvier 2024. La locataire envoie par la poste régulière ledit avis au locateur. Constatant que le locateur ne répond pas, elle l’envoie par courrier recommandé le 6 février 2023. Le locateur le reçoit le 7 février 2023. Le Tribunal retient que le locateur n’a pas répondu à la locataire pour l’aviser s’il acceptait ou refusait la souslocation proposée. Il est donc présumé avoir accepté la souslocation[4].

[12]     Le 30 janvier 2023, le locateur dépose une demande pour être autorisé à reprendre le logement concerné pour y loger son fils, monsieur Frédérick Lozeau.

[13]     Il remet à la souslocataire copie de la demande le 12 février 2023.

[14]     Il témoigne ne jamais avoir notifié la demande à la locataire d’aucune façon. Il témoigne qu’il n’a pas voulu envoyer de courrier recommandé à la locataire, puisqu’elle ne vit pas dans le logement.

ANALYSE ET DÉCISION

[15]     Avant de répondre aux questions posées, il y a lieu de rappeler aux parties les règles de preuve prévues aux articles 2803, 2804, 2843, et 2845 du Code civil du Québec, lesquels se lisent comme suit :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée. »

« 2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »

« 2843. Le témoignage est la déclaration par laquelle une personne relate les faits dont elle a eu personnellement connaissance ou par laquelle un expert donne son avis.

Il doit, pour faire preuve, être contenu dans une déposition faite à l’instance, sauf du consentement des parties ou dans les cas prévus par la loi. »

« 2845. La force probante du témoignage est laissée à l’appréciation du tribunal. »

[16]     Les parties ont l’obligation de convaincre le Tribunal, selon la balance des probabilités, des prétentions qu’elles allèguent.

[17]     Par conséquent, si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n’est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l’impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie qui l’allègue perdra.

[18]     Comme le soulignent les auteurs Nadeau et Ducharme[5] dans leur Traité de droit civil du Québec :

« Celui sur qui repose l’obligation de convaincre le juge supporte le risque de l’absence de preuve, c’est-à-dire qu’il perdra son procès si la preuve qu’il a offerte n’est pas suffisamment convaincante ou encore si la preuve offerte de part et d’autre est contradictoire et que le juge est placé dans l’impossibilité de déterminer où se trouve la vérité. »


[19]     Le Tribunal a évalué la crédibilité des parties lors de leur témoignage. 

[20]     Dans l’évaluation de la crédibilité des témoignages, le Tribunal a pris en compte l’attitude générale des parties lors de l’audience, les réticences qu’elles ont pu avoir, les contradictions, les exagérations, les affirmations gratuites qu’elles ont faites, l’intérêt qu’elles avaient dans le litige, la rancune manifestée contre l’autre partie, la vraisemblance de leur récit, les omissions volontaires, la complaisance et la mauvaise foi.

Question no 1 : La demande du locateur futelle valablement notifiée à la locataire?

[21]     Le Tribunal répond négativement à la question pour les motifs qui suivent.

[22]     L’article 56 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement [6](ci-après nommée « L.T.A.L. ») traite de la notification. Il se lit comme suit :

« 56. Une partie qui produit une demande doit en notifier une copie à l’autre partie.

La notification de la demande peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise ou de la publication du document.

Elle l’est notamment par l’huissier de justice, par l’entremise de la poste recommandée, par la remise du document en mains propres par un service de messagerie, par un moyen technologique ou par avis public.

Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l’avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée. »

[23]     Dans la présente demande, la partie qui devait être notifiée est la locataire. Elle ne le fut pas tel que le locateur l’a expliqué. Il n’a fait aucune tentative pour lui notifier. La notification à une personne qui n’est pas partie au litige ne serait valoir notification contre la partie défenderesse, soit la locataire.

[24]     Le fait que la locataire admette en avoir reçu une copie de la souslocataire ne crée pas une notification valable à son égard. Le Tribunal croit opportun de rappeler que le 4e alinéa de l’article 56 de la L.T.A.L. s’applique lorsqu’il y a eu notification de la demande. Il ne s’applique pas s’il n’y en a pas eu.

[25]     L’article 56.2 de la L.T.A.L. traite de la preuve de notification et de son absence. Ledit article se lit comme suit :

« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu’une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n’ont pas été déposés.

Si la preuve de notification n’est pas déposée dans les 45 jours suivant l’introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.

Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu’il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l’audience sous peine du rejet de la demande. »

[26]     À défaut de produire la preuve que la demande a bel et bien été notifiée à la locataire, le Tribunal ne peut que rejeter la présente demande.

Question no 2 : L’avis de reprise du locateur futil valablement donné à la locatairedans les délais prévus par le Code civil du Québec?

[27]     Le Tribunal considère qu’il y a lieu de répondre à la présente question même s’il a déjà rejeté le recours. Le Tribunal conclut que l’avis de reprise n’a pas été donné valablement à la locataire par le locateur.

[28]     L’article 1960 du Code civil du Québec indique que le locateur doit donner un avis à la locataire s’il veut reprendre son logement. Ledit article se lit comme suit :

« 1960. Le locateur qui désire reprendre le logement ou évincer le locataire doit aviser celui-ci, au moins six mois avant l’expiration du bail à durée fixe ; si la durée du bail est de six mois ou moins, l’avis est d’un mois.

Toutefois, lorsque le bail est à durée indéterminée, l’avis doit être donné six mois avant la date de la reprise ou de l’éviction. » (Nos soulignements)


[29]     L’avis doit avoir été donné avant la fin du délai prévu par l’article 1960 du Code civil du Québec. Si l’avis est expédié par courrier recommandé, il devra avoir été mis à la poste avant la fin du délai.

[30]     Dans le présent cas, l’avis doit être donné six mois avant la date de la reprise. La date de reprise étant le 27 juin 2023, l’avis devait être mis à la poste le 27 décembre 2022. La preuve révèle que le courrier recommandé fut mis à la poste le 27 décembre 2022, mais qu’il ne fut pas adressé à la locataire.

[31]     Il fut adressé à un avocat l’ayant déjà représenté. En matière de reprise de logement, l’avis est générateur de droit. Il ne peut y avoir de demande pour être autorisé à reprendre un logement sans qu’un avis ait été valablement donné à la locataire. Le fait d’envoyer un avis de reprise à un avocat qui a représenté la locataire dans le passé ne constitue pas une notification valable à l’égard de la locataire. L'avocat de la locataire n'avait aucun mandat de la locataire pour recevoir une telle notification. L’avis devait être donné à la locataire et non à son avocat.

[32]     Le Tribunal conclut que l’avis de reprise ne fut jamais donné à la locataire par le locateur. Le locateur ne pouvait donc déposer la présente demande. Il y aurait lieu de rejeter la demande pour ce motif également.

Question no 3 : L’avis de reprise respecte-t-il les exigences prévues par le Code civil du Québec?

[33]     Il n’y a pas lieu de répondre à cette question.

Question no 4 : La reprise du logement estelle possible au cours du mois de juin 2023, alors que le terme mensuel se termine le 30 juin 2023?

[34]     Il n’y a pas lieu de répondre à cette question.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[35]     REJETTE la demande du locateur qui en assume les frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Michel Huot

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Me Pierre-David Gagnon, avocat de la locataire

Dates des audiences :

29 mars 2023

23 mai 2023

 

 

 


 


[1]  Pièce P-1.

[2]  Pièce P-1.

[3]  Pièce P-2.

[4]  En vertu de l’article 1871 du Code civil du Québec.

[5]  NADEAU, André et DUCHARME, Léo, vol. 9, 1965, Montréal, Wilson et Lafleur ltée, pages 98 et 99.

[6]  RLRQ, chapitre T-15.01.

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