Siguret c. B. Shiller Investments |
2014 QCRDL 3964 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier: |
105590 31 20130812 G |
No demande: |
1300432 |
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Date : |
04 février 2014 |
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Régisseure : |
Jocelyne Gravel, juge administratif |
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PIerre Siguret |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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B. SHILLER INVESTMENTS |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le locataire réclame une diminution de loyer de 60 % par mois à compter du mois de juillet 2013 ainsi que de dommages et intérêts au montant de 5 000 $. Il requiert de plus l’exécution en nature de certaines obligations du locateur ainsi que l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel. Ces derniers chefs de réclamation étant devenus sans objet, puisqu’à la date de l’audience, la problématique des punaises était réglée au logement.
[2] Par amendement du 27 août 2013, il précise sa demande en invoquant qu’une partie des dommages réclamés (2000 $) l’est en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne pour atteinte illicite, notamment pour atteinte à la vie privée ainsi que discrimination basée sur l’origine nationale.
[3] Les parties sont liées par bail du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 au loyer mensuel de 516 $ pour la location d’un logement situé dans un immeuble en comportant environ une quarantaine de logements. Le locataire occupe les lieux depuis plus de 25 ans.
[4] Le 18 juin 2013, le locataire apprend d’un voisin qu’il y a présence de punaises dans l’immeuble. Ces insectes seront découverts au logement le 1er juillet 2013. Le locataire en informe le concierge qui lui remet les coordonnés d’un exterminateur. Il s’agit de la société Abel. Le locataire témoigne qu’on l’aurait informé qu’il était inutile d’intervenir au logement à moins que tout l’immeuble soit traité. Le concierge réfère alors le locataire au locateur. Le 23 juillet 2013, locataire lui transmettra un courriel dans lequel il demande des informations relativement à l’infestation. Un autre courriel du même type sera transmis au locateur le 6 août 2013. Aucune réponse ne sera donnée à ces deux courriels.
[5] Entretemps, le locataire tente d’éradiquer lui-même la problématique. Il témoigne avoir jeté son lit infesté le 21 juillet et avoir fait l’acquisition d’un lit de camp.
[6] Le 6 août 2013, une mise en demeure sera transmise au locateur. Une autre compagnie d’extermination visitera le logement le 23 septembre 2013. Un premier traitement y sera fait le 4 octobre 2013 suivi d’un second quinze jours plus tard. Le locataire témoigne que ces interventions ont réussi à régler la problématique au logement.
[7] Le locataire explique les nombreux inconvénients associés à la présence de punaises dans son logement. Il fait état de l’angoisse et du stress psychologique vécus, des troubles du sommeil, de l’Inconfort de devoir dormir sur un lit de camp. Le locataire a également souffert d’exclusion sociale résultant de fait qu’aucun ami n’ose venir ou même l’inviter chez eux.
[8] Le locataire réclame également compensation à l’égard du comportement jugé inapproprié du concierge. Le locataire fait état du mauvais service effectué par cet individu qui aurait été vu souvent en état d’ébriété. Le locataire témoigne que ce dernier ne leur était d’aucun secours lorsqu’il était question d’aviser les voisins de bruit excessif, le concierge leur disant alors de régler ça entre eux. Le locataire rapporte également des propos désobligeants à son égard. On l’aurait faussement accusé de causer intentionnellement des dommages au logement. Ce dernier aurait laissé plusieurs jours un réfrigérateur refusé par le locataire dans le corridor. Il n’aurait pas non plus empêché un voisin de faire intrusion chez lui.
[9] Le locataire croit avoir été victime de discrimination lorsque ce concierge aurait ridiculisé son origine nationale. On lui a dit de retourner dans son pays s’il n’était pas satisfait. Sur son passage, le concierge criait à l’occasion : Vive la France!, de façon ironique. Il serait arrivé que cet individu ferme la porte au nez du locataire.
[10] Le locataire témoigne avoir transmis plusieurs lettres se plaignant du comportement de ce concierge. Il n’a pu par contre les déposer en preuve affirmant les avoir détruites.
Le droit applicable
[11] Un locateur doit assurer la pleine jouissance des lieux loués ainsi que leur pleine habitabilité durant toute la durée du bail. À défaut de quoi, après avoir été mis en demeure sans résultat, une diminution de loyer sera admissible au locataire. Les dommages résultant directement des inexécutions pourront également être compensés.[1]
[12] En l’instance, le tribunal conclut que le locateur a fait défaut d’intervenir rapidement sur la question des punaises. Le locataire a dénoncé la problématique le 15 juillet 2013 et ce n’est que le 23 septembre qu’un exterminateur visitera le logement. Vu ce qui précède, le tribunal évalue à 30 % la diminution de loyer applicable pour la période du 15 juillet au 19 octobre 2013. La somme arrondie de 465 $ lui est accordée à titre de diminution de loyer.
[13] De plus, le défaut d’intervention dans un délai raisonnable a engendré des dommages au locataire. La somme réclamée de 194,21 $, selon les factures produites, lui est accordée à titre de dommages matériels puisqu’il a dû faire l’achat de différentes fournitures exigées par la présence de punaises dans son logement. De plus, les dommages moraux établis sont compensés par l’octroi d’un montant de 500 $.
[14] Les dommages punitifs réclamés sont cependant rejetés. La preuve établit que le mandataire du locateur manquait de civisme et de sobriété. Ce qui a finalement été sanctionné par son congédiement en novembre 2013.
[15] Pour que les comportements inappropriés du mandataire constituent du harcèlement du locateur, il faudrait établir que son employé utilisait une stratégie pour notamment susciter le départ des lieux du locataire. Cette preuve n’a pas été faite en l’instance. Notons qu’en pareil cas, un certain délai d’enquête et de réprimande doit être laissé au locateur pour qu’il puisse efficacement agir à l’égard de son employé. Considérant que la mise en demeure a été transmise environ deux mois seulement avant le congédiement, le tribunal conclut que le locateur a agi dans un délai raisonnable pour rectifier un problème d’insubordination.
[16] Quant aux contraventions alléguées à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, la preuve d’une atteinte intentionnelle à l’un des droits garantis doit être établie. Il s’agit d’un lourd fardeau de preuve à rencontrer. En l’instance, la preuve est insuffisante à conclure en ce sens. Ce ne sont pas en effet, tous les manques de civismes et de savoir-vivre qui peuvent être sanctionnés par ce biais. Il semble peu probable au tribunal, selon la preuve reçue, que le concierge agissait de la sorte envers le locataire principalement à cause de son origine nationale ou pour intentionnellement contrevenir à ses autres droits garantis. Le tribunal croit plus probable que ce concierge, affublé d’un problème de sobriété, devait être tout aussi désagréable avec d’autres occupants.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[17] ACCUEILLE en partie la demande du locataire;
[18]
CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 1 159,21 $
avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[19] REJETTE la demande quant au surplus.
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Jocelyne Gravel |
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Présence(s) : |
les locataires |
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Date de l’audience : |
9 janvier 2014 |
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[1] « 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet.»
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir.»
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