Décision

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Lazri c. Oxford Lacité Holding Inc.

2024 QCTAL 2504

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

730911 31 20230828 T

No demande :

4140944

 

 

Date :

24 janvier 2024

Devant la juge administrative :

Isabelle Hébert

 

Toufik Lazri

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

Oxford Lacité Holding Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locataire demande la rétractation d’une décision rendue le 4 décembre 2023, résiliant son bail, ordonnant son expulsion ainsi que celle de tous les occupants, en plus de le condamner à payer la somme de 2 584 $, plus les frais.

CONTEXTE

[2]         Le locataire et la locatrice, représentée par monsieur Jules Auger, assistent à l’audience.

[3]         Le locataire, qui était présent à l’audience tenue sur la demande originaire, déclare que lors de cette audience, tenue le 7 novembre 2023, la locatrice réclamait deux mois de loyers, soit les mois d’octobre et de novembre 2023.

[4]         Comme le locataire avait alors démontré avoir remis un chèque pour le mois d’octobre, la juge administrative présidant cette audition avait alors demandé à la locatrice de l’informer de l’encaissement du chèque en lui donnant une autorisation de produire un document après l’audience[1], le tout, dans le but de disposer des informations requises afin de prononcer, ou non, la résiliation du bail.

[5]         N’ayant rien reçu de la part de la locatrice à la date limite du 21 novembre 2023, la juge administrative conclut que le loyer d’octobre étant impayé, la résiliation du bail est justifiée, tel que le confirme sa décision du 4 décembre.

[6]         En effet, rappelons que conformément à l’article 1971 du Code civil du Québec, la résiliation du bail est prononcée lorsque le Tribunal constate un retard de plus de trois semaines dans le paiement ou lorsque la locatrice subit un préjudice sérieux découlant des retards fréquents dans le paiement du loyer, motif non retenu par la première juge administrative.


[7]         Or, il appert que le chèque du loyer d’octobre a été encaissé le lendemain de l’audition, soit le 8 novembre 2023[2].

[8]         Interrogé à savoir pourquoi la locatrice n’a pas informé le Tribunal de l’encaissement de ce chèque, le mandataire déclare que la locatrice n’en a été avisée que le 21 novembre, soit le jour même de l’expiration du délai.

[9]         Il ne dépose aucun document pour appuyer ses dires et ne témoigne pas davantage pour s’opposer à la rétractation de la décision.

ANALYSE

[10]     L’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[3] est la disposition applicable en matière de rétractation d’une décision:

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

[11]     En faisant défaut d’informer le Tribunal de l’encaissement du chèque du loyer du mois d’octobre, ce qui avait été spécifiquement demandé par la première juge administrative, la locatrice a, en quelque sorte, empêché le locataire de présenter une preuve de paiement de ce loyer, ce qui était déterminant relativement à la décision de résilier le bail.

[12]     En effet, si la locatrice s’était conformée à la demande de la juge, cette dernière aurait certes condamné le locataire à payer le loyer du mois de novembre, mais elle n’aurait pas prononcé la résiliation du bail, le loyer impayé n’étant pas en retard de plus de trois semaines.

[13]     À elle seule, la déclaration du mandataire à l’effet que la locatrice n’ait appris que le 21 novembre l’encaissement du chèque du mois n’octobre, n’est pas retenue.

[14]     Bien que des délais administratifs soient compréhensibles, il est invraisemblable que la locatrice n’ait appris que le 21 novembre 2023 l’encaissement dudit chèque survenu le 8 novembre.   

[15]     Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que le locataire a démontré un motif suffisant pour justifier la rétractation de la décision.

[16]     Certes, l’irrévocabilité des jugements est un principe important[4], mais le droit de se défendre l’est tout autant. Cela fut d’ailleurs rappelé à juste titre par la Cour du Québec qui, dans Haque c. Corporation d’habitation JeanneMance[5], citait à son tour la Cour d’appel du Québec :

[26] L’approche classique qui se veut plus systématique a été mise de côté par la Cour d’appel du Québec en faveur d’une analyse fondée sur la modulation de deux principes de droits fondamentaux qui s’opposent.

[27] Dans l’arrêt Lessard c. Thibault, la Cour d’appel mentionne ceci :

[21] La stabilité des jugements est importante.  Le droit de se défendre l'est au moins tout autant comme le rappelle l'une des premières dispositions du Code de procédure civile :

5.   Il ne peut être prononcé sur une demande en justice sans que la partie contre laquelle elle est formée n'ait été entendue ou dûment appelée.

[Référence omise]


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[17]     RÉTRACTE la décision rendue le 4 décembre 2023;

[18]     DEMANDE au maître des rôles de convoquer les parties pour enquête et audition de la demande originaire, et ce, pour une durée de 30 minutes.

 

 

 

 

 

 

 

 

Isabelle Hébert

 

Présence(s) :

le locataire

le mandataire de la locatrice

Date de l’audience : 

9 janvier 2024

 

 

 


 


[1] Art. 37, Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T15.01, r. 5.

[2] L1.

[3] RLRQ, c. T15.01.

[4] Entreprise Roger Pilon c. Atlantis Real Estate Co., (1980) C.A. 218.

[5] 2019 QCCQ 3498.

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