Décision

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Heuba c. 9224-9069 Québec inc.

2025 QCTAL 8032

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

681906 31 20230220 G

No demande :

3804422

 

 

Date :

10 mars 2025

Devant la juge administrative :

Leyka Borno

 

Aphrodite Heuba

 

Locataire - Partie demanderesse

c.

9224-9069 Québec Inc.

 

Locatrice - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          La locataire réclame des ordonnances d’exécution en nature des obligations de la locatrice, soit d’effectuer les réparations nécessaires dans le logement et d’exterminer les coquerelles et les souris dans le logement.
  2.          La locataire demande les réparations suivantes :

-                     eau chaude;

-                     hotte de la cuisinière;

-                     cuisinière;

-                     moustiquaire de la porte du balcon;

-                     plafond de la salle de bain;

-                     couvercle du chauffage.

  1.          La locataire demande au Tribunal de statuer sur l’augmentation de loyer de la locatrice. Cependant, le Tribunal constate que les parties sont attente d’une audience sur la fixation de loyer[1]. Comme mentionné à l’audience, le Tribunal ne se prononcera pas sur cet aspect dans le cadre de la présente demande.
  2.          La locataire réclame également la somme de 10 000 $ à titre de dommages moraux et une diminution de loyer de 15 $ par mois à compter du 1er août 2021.
  3.          Finalement, la locataire demande l’exécution provisoire de la décision malgré l’appel en plus des frais de justice.
  4.          Le 22 janvier 2024, le Tribunal a rendu une ordonnance de sauvegarde quant à l’extermination des coquerelles et des souris du logement concerné[2].

  1.          L’audience sur le fond a eu lieu le 18 mars, le 3 juillet et le 9 décembre 2024.
  2.          À l’audience du 18 mars 2024, le Tribunal autorise un amendement. La locataire demande la réparation du thermostat du chauffage.

CONTEXTE

  1.          Les parties sont liées par un bail du 1er septembre 2019 au 31 août 2020, reconduit jusqu’au 31 août 2024 au loyer mensuel de 840 $ sous réserve d’une décision du Tribunal sur la fixation du loyer.
  2.      L’immeuble concerné comporte 42 logements répartis sur quatre étages.
  3.      La locataire explique qu’elle est aux prises avec une infestation de coquerelles et de souris, et ce, depuis 2020.
  4.      La nuit, elle entend les souris dans les cloisons de son logement et a de la difficulté à dormir. Elle ajoute que son fils a peur et est incapable de dormir dans sa chambre.
  5.      Elle affirme qu’il y a même des coquerelles de son four.
  6.      Elle mentionne que la locatrice a envoyé un exterminateur. Elle déclare avoir eu plusieurs traitements d’extermination entre 2019 et 2022. Toutefois, ceux-ci ne sont pas efficaces. À son avis, les traitements ne sont pas faits adéquatement.
  7.      Exaspérée par ces multiples traitements d’extermination et la persistance du problème, elle refuse ces traitements à deux reprises, soit en mai 2023 et en janvier 2024.
  8.      En ce qui concerne le traitement prévu le 30 mai 2024, elle affirme que celui-ci n’a pas eu lieu, car elle n’avait pas été avisée qu’elle devait s’absenter de son logement quelques heures à la suite de celui-ci.
  9.      La locataire refuse donc l’accès à l’exterminateur, considérant que les traitements ne donnent pas le résultat escompté. Elle estime que tout l’immeuble doit être traité et non seulement quelques logements. Conséquemment, la locataire a refusé les traitements d’extermination.
  10.      Elle explique que chaque fois que l’exterminateur vient, c’est de l’ouvrage. Elle doit alors vider tout son logement afin que son logement soit traité.
  11.      Elle souligne avoir fait une plainte à la Ville de Montréal à ce sujet.
  12.      La locataire demande des réparations au plafond de sa salle de bain afin de régler le problème de moisissures.
  13.      Elle témoigne avoir des infiltrations d’eau dans sa salle de bain et que le plafond s’effrite. Elle note l’apparition de moisissures au plafond. Elle dénonce cette problématique à la locatrice depuis 2019.
  14.      La locatrice a envoyé son concierge à plusieurs reprises réparer le plafond en le peinturant uniquement. Elle déclare qu’il n’a jamais ouvert le plafond afin de corriger le problème à la source.
  15.      La locataire produit des photographies du plafond de sa salle de bain[3]. Ces photographies démontrent un plafond endommagé.
  16.      Elle affirme également que depuis 2018, le matin et le soir, particulièrement aux heures de pointe, elle ne bénéficie pas d’eau chaude dans son logement. Elle peut parfois attendre une heure le soir avant de pouvoir prendre sa douche. Elle dit avoir dénoncé ce problème tant verbalement qu’à l’écrit à la locatrice depuis ce temps. Elle n’a toutefois pas les écrits le démontrant.
  17.      Elle déclare que le pommeau de douche n’est pas fixé au mur, laissant ainsi un trou d’où les souris et les coquerelles sortent.
  18.      La locataire souhaite aussi la réparation de la hotte de sa cuisinière, car celle-ci est bruyante et n’offre pas une ventilation adéquate. Elle soulève l’absence d’un système d’extraction d’air qui débouche à l’extérieur du logement.

  1.      En ce qui concerne la cuisinière, celle-ci a été remplacée. La demande de la locataire à cet égard est devenue sans objet.
  2.      La locataire témoigne que la moustiquaire de sa porte patio est déchirée. Elle ne peut pas ouvrir la fenêtre de la porte patio pour aérer la maison. La porte patio se trouvant dans son salon, elle ne peut l’été s’assoir dans le salon, puisqu’elle ne peut ouvrir la fenêtre de cette porte.
  3.      Elle allègue que le chauffage nécessite des réparations. Elle explique que les couvercles des plinthes à eau chaude dans le salon et dans la chambre de son fils ne tiennent pas en place.
  4.      Elle mentionne également qu’elle ne peut régler le chauffage elle-même dans son logement. Lorsqu’il fait chaud, elle doit ouvrir la fenêtre. Lorsque la température baisse, c’est également problématique.

La locataire réclame une diminution de loyer de 15 $ par mois à partir du mois d’août 2021, car elle n’arrive pas à jouir de son logement en raison des défectuosités dénoncées, de la présence de vermine et de souris.

  1.      Questionnée par le Tribunal sur l’envoi d’une mise en demeure, la locataire répond ne pas en avoir transmis. Elle dit toutefois avoir dénoncé toutes les problématiques à la locatrice verbalement et parfois par message texte, et ce, dès son arrivée au logement.
  2.      Cependant, elle ne produit pas les échanges de textos en preuve.
  3.      En contre-interrogatoire, elle réitère que les communications avec la locatrice se font majoritairement par téléphone. Elle insiste pour dire qu’à chaque fois que la locatrice envoie quelqu’un pour effectuer les travaux, les problématiques reviennent.
  4.      Bien que le plafond de la salle de bain ait été repeinturé récemment, la moisissure revient puisque le problème n’a pas été réglé à la source.
  5.      Elle réclame également une somme de 10 000 $ pour les troubles et les inconvénients que toute cette situation lui cause, notamment à son couple. Elle déclare que son conjoint a quitté le logement, il ne peut vivre dans le logement tel qu’il l’est.
  6.      Monsieur Roger Racine, le concierge de l’immeuble, témoigne à l’audience.
  7.      Il est locataire à l’immeuble concerné. Il est également le concierge de cet immeuble depuis neuf ou dix ans.
  8.      Il témoigne que lorsqu’un locataire dénonce un problème, en général, dans les 24 prochaines heures, le problème est réglé.
  9.      Il s’est présenté chez la locataire à trois reprises pour effectuer des travaux, mais la locataire ne l’a pas laissé entrer. Les travaux n’ont donc pas été faits. Il ne se souvient pas à quel moment, il est allé chez la locataire, mais c’était en 2023.
  10.      Il affirme que l’exterminateur s’est présenté neuf ou dix fois chez la locataire en 2024. Il était présent à toutes les fois, il déclare que la locataire a refusé les traitements.
  11.      À la fin du mois de mai 2024, il s’est présenté au logement de la locataire avec l’inspecteur de la Ville ainsi que l’exterminateur, mais la locataire n’avait pas préparé son logement pour l’extermination puisse avoir lieu.
  12.      En date de l’audience du 9 décembre 2024, il déclare que les réparations en lien avec les couvercles de chauffage et à la salle de bain ont été faites.
  13.      Quant au mandataire de la locatrice, ce dernier déclare que la locataire ne lui donne pas accès à son logement et qu’il est impossible dans ces circonstances de faire les traitements d’extermination nécessaires.
  14.      Il explique qu’il a un contrat avec la compagnie d’extermination Astro qui lui a été référé par la Ville. L’exterminateur vient à l’immeuble tous les mois qu’il y ait ou non une problématique avec des logements de l’immeuble, et ce, à titre préventif.

  1.      Le 25 mai 2024, il envoie un message texte à la locataire, afin de l’informer de la visite de l’exterminateur et de la préparation de son logement[4].
  2.      Le 30 mai 2024, lorsque l’exterminateur s’est présenté, le logement de la locataire n’était pas préparé adéquatement pour recevoir les traitements. Conséquemment, il n’y a pas eu de traitements.
  3.      Ce même jour, une inspection du logement de la locataire est réalisée par la Ville de Montréal. L’inspectrice y constate la présence d’excréments de souris et de coquerelles[5].
  4.      Il blâme la locataire pour ses refus d’accès et la préparation inadéquate de son logement afin de recevoir les traitements.
  5.      Il est à noter qu’aucun exterminateur n’est venu témoigner à l’audience eu égard à la préparation du logement de la locataire.
  6.      Le mandataire de la locatrice déclare qu’il effectue les travaux lorsqu’on lui demande en bonne et due forme, ce que la locataire n’a pas fait, dit-il.
  7.      En ce qui concerne le chauffage, il explique que l’immeuble est doté d’un chauffage central à la charge de la locatrice et qui ne peut être contrôlé par les locataires.
  8.      Il affirme que les couvercles de chauffage et le plafond de la salle de la locataire ont été réparés.
  9.      En ce qui a trait à la hotte de la cuisinière, le mandataire de la locatrice soumet qu’il s’agit d’une hotte au charbon, comme tous les logements de l’immeuble. Il explique que ce type de hotte n’a pas de sortie d’air extérieure. Il souligne que le filtre a récemment été changé.
  10.      Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.

QUESTIONS EN LITIGE

  1.           La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer en lien avec la présence de coquerelles et de souris ainsi que les défectuosités du logement?
  2.           La locataire a-t-elle droit à des dommages moraux en lien avec la présence de coquerelles et de souris ?
  3.           La locataire a-t-elle droit aux réparations demandées?

ANALYSE ET DÉCISION

  1.      D’emblée, il est utile de rappeler les articles 2803, 2804 et 2845 du Code Civil du Québec[6] (C.c.Q.) qui prévoient que celui qui veut faire valoir un droit doit faire la preuve des faits allégués dans sa demande, et ce, de façon prépondérante.
  2.      Le recours de la locataire est fondé sur l’article 1863 du Code civil du Québec. En vertu de cette disposition, lorsque le locateur fait défaut de respecter ses obligations contractuelles et légales, le locataire peut obtenir, notamment, une diminution de loyer, des dommages-intérêts et dans les cas qui le permettent, une ordonnance d’exécution en nature.
  3.      Selon les articles 1854, 1864 et 1910 du Code civil du Québec, le locateur a l’obligation de fournir un logement en bon état, de procurer la jouissance paisible du logement pendant toute la durée du bail, de faire les réparations nécessaires et de maintenir le logement en bon état d’habitabilité durant le bail.
  4.      Ces obligations du locateur en sont majoritairement de « résultat », ce qui signifie qu’il ne pourra s’en exonérer qu’en prouvant la force majeure ou le fait du locataire, et ce, malgré toute diligence de sa part[7].
  5.      Il appartient donc à la locataire de démontrer un manquement de la locatrice à ses obligations contractuelles et légales, lequel donne ouverture à un recours en dommages, en diminution de loyer et en exécution en nature.

  1.      Il importe de mentionner que le locataire a l’obligation de dénoncer au locateur tout trouble de jouissance avant d’exercer un recours[8].
  2.      À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos de la juge administrative Francine Jodoin dans la cause Gongoroiu c. Modabbernia [9]:

« [22]   Mais il y a plus. Bien que l'existence d'une obligation confère au locataire le droit d'exiger qu'elle soit exécutée entièrement, correctement et sans retard, l'envoi d'une mise en demeure constitue un prérequis à la sanction de ce droit.

[23]   Aussi, la jurisprudence et la doctrine exigent généralement que le locataire dénonce clairement les reproches formulés eu égard à la perte de jouissance subie afin de permettre au locateur de corriger la situation dans un délai raisonnable, à défaut de quoi, les procédures judiciaires peuvent être entreprises (article 1595 du Code civil du Québec).

[24]   Comme le soulignent les auteurs, Thérèse Rousseau-Houle et Martine de Billy:

« Pour se prévaloir du recours en diminution de loyer, le locataire doit préalablement avoir fait parvenir au locateur une mise en demeure afin de lui permettre d'apporter les correctifs qui s'imposent. Sur ce point, les décisions de la Cour provinciale et de la Régie reconnaissent unanimement que l'omission de la mise en demeure est fatale au locataire. »

[25]   Une simple discussion informelle avec le locateur ou ses représentants, le cas échéant, ne peut constituer une mise en demeure comportant une manifestation d'intention d'obtenir une compensation en raison de cette situation.

[26]   Cette obligation de transmettre une mise en demeure constitue, en quelque sorte, une composante de la règle de minimisation des dommages ».

  1.      Par ailleurs, pour obtenir une diminution de loyer, le locataire doit démontrer une perte subie de la valeur locative, une diminution de prestation d'une situation, ou encore, les défectuosités qu'il dénonce lui occasionnent une diminution significative et réelle ou une perte substantielle. Il ne peut pas s'agir d'un problème mineur, mais plutôt d'un problème sérieux.
  2.      Relativement au recours en diminution de loyer, Me Gilles Joly, dans la décision Gagné c. Larocque[10], explique :

« Le recours en diminution de loyer a pour but de rétablir l'équilibre dans la prestation de chacune des parties au bail; lorsque le montant du loyer ne représente plus la valeur de la prestation des obligations rencontrées par le locateur parce que certains des services ne sont plus dispensés ou que le locataire n'a plus la pleine et entière jouissance des lieux loués, le loyer doit être réduit en proportion de la diminution subie.

Il s'agit en somme de rétablir le loyer au niveau de la valeur des obligations rencontrées par le locateur par rapport à ce qui est prévu au bail; la diminution ainsi accordée correspond à la perte de la valeur des services ou des obligations que le locateur ne dispense plus. Il ne s'agit donc pas d'une compensation pour des dommages ou des inconvénients que la situation peut causer. »

  1.      En l'espèce, la preuve prépondérante révèle la présence de coquerelles et de souris chez la locataire. Ce problème a débuté en 2019 et les insectes ainsi que les souris sont toujours bien présents dans le logement.
  2.      Le témoignage de la locataire est sincère et crédible. De plus, il est appuyé par des photos et par le rapport d'un inspecteur municipal, un témoin objectif et indépendant. Cette présence d’indésirables n’est d’ailleurs pas contestée de locatrice.
  3.      Il est vrai que la locatrice a entrepris certaines mesures au fil des ans, mais celles-ci, de toute évidence, se révèlent insuffisantes et inefficaces.
  4.      Le Tribunal considère que les quelques refus d’accès de la locataire découlent du défaut de la locatrice d’assurer la gestion efficace des coquerelles et des souris.
  5.      La locatrice ne peut se cacher derrière le fait qu’elle ait engagé une firme d’extermination. Il est anormal que la situation ne soit pas réglée au bout de plusieurs traitements.
  6.      Cela dit, la preuve démontre que la locataire n’a pas été en mesure de profiter de la pleine jouissance de son logement en raison de la présence des coquerelles et de souris qui perdure.

  1.      Le Tribunal est donc d’avis que la locataire a subi une perte réelle, significative et substantielle de son logement en raison de la présence de blattes et souris.
  2.      Afin de rétablir l’équilibre entre les prestations respectives des parties, le Tribunal évalue que la locataire a donc droit à une diminution de loyer. Cette diminution débute à compter du moment où la locatrice fut avisée de la situation de la locataire, soit à la date de la demande, le 20 février 2023, en l’absence de mise en demeure ou de preuve que locatrice connaissait les problématiques soulevées par la locataire avant cette date. En conséquence, le Tribunal conclut que la locataire a droit à la diminution de loyer demandée soit 12 $ par mois à compter du 20 février 2023.
  3.      En ce qui concerne l’eau chaude, la preuve ne permet pas de conclure à l’existence d’un manque d’eau chaude régulier. De plus, la preuve ne permet pas de conclure que la locatrice avait connaissance de cette problématique.
  4.      Hormis son témoignage, la locataire ne présente aucun élément de preuve susceptible de permettre au Tribunal d'apprécier la situation et d’en mesurer l’ampleur.
  5.      Quant aux autres défectuosités au logement, la locataire n’a pas établi, par prépondérance de preuve, de perte significative de jouissance de son logement en lien avec celles-ci.

Dommages moraux

  1.      La locataire réclame une somme de 10 000 $ à titre de dommages-intérêts moraux causés par la présence des blattes et des souris.
  2.      Les dommages moraux visent à compenser les troubles, les ennuis, les inconvénients, la perte de jouissance de la vie, les douleurs et les souffrances psychologiques.
  3.      Dans l’affaire Mirza c. Chowdhory[11], la juge administrative Francine Jodoin explique la différence entre le recours en diminution de loyer et le recours en dommages :

« [45]   Le recours en diminution de loyer doit être distingué de celui en dommages en ce qu'il ne participe pas des mêmes règles d'application. L'un vise à rétablir l'équilibre des prestations en évaluant la valeur objective de la perte locative subie et l'autre à compenser le préjudice subi (moral, matériel) ou à punir l'auteur d'un fait dommageable (dommage punitif).

[46]   L'attribution de dommages-intérêts compensatoires et l'évaluation des pertes subies obéissent aux règles générales du droit commun. Aussi, le tribunal doit               considérer le lien de causalité qui existe entre la faute reprochée et les dommages réclamés.

[47]   Les dommages moraux visent à compenser les troubles, ennuis, inconvénients, la perte de jouissance de la vie, les douleurs et les souffrances psychologiques. »

  1.      De plus, les dommages moraux ne peuvent se présumer et doivent être démontrés par une preuve prépondérante.
  2.      Comme l'écrit avec justesse la juge administrative Linda Boucher :

« Ce type de dommages vise à compenser le stress, les inquiétudes, la fatigue et les troubles et inconvénients de toutes sortes qu'a pu éprouver la partie lésée. Ce dommage est difficile à évaluer contrairement aux dommages pécuniaires, qui sont plus aisément quantifiables en raison de leur caractère objectif.

Les dommages moraux ne peuvent se présumer et doivent être prouvés selon les règles de prépondérance. En effet, « Le dommage ne se présume jamais; il doit être prouvé selon les règles ordinaires de prépondérance ». S'il s'agit de dommages moraux, « ...la difficulté à chiffrer un préjudice non économique ne doit pas équivaloir à une dispense d'avoir à prouver sa survenance. (...) Le simple fait que le préjudice soit moral ne permet pas de se contenter d'une simple affirmation générale » expliquant qu'on a subi un quelconque préjudice[12]. »

  1.      L'ensemble de la preuve soumise par la locataire démontre, par prépondérance, que l'inertie de la locatrice à effectuer les traitements d’extermination adéquats dans le logement lui a causé des troubles, des inconvénients et du stress.
  2.      Le Tribunal fera droit à la somme de 1 000 $ afin de compenser les troubles et les inconvénients de la locataire liés à ces désagréments.

  1.      Le Tribunal doit-il ordonner à la locatrice de procéder à un traitement contre les blattes, les souris et les réparations?
  2.      La persistance du problème de coquerelles et de souris depuis plusieurs années témoigne de l’inefficacité des traitements effectués à ce jour. Le Tribunal ordonnera donc à la locatrice d’assurer un traitement efficace contre les blattes et les souris dans le logement jusqu’à l’éradication complète de leur présence.
  3.      Le Tribunal réitère que la locataire devra collaborer aux traitements d’extermination.
  4.      En ce qui concerne l’eau chaude, considérant que la preuve ne permet pas de conclure à l’existence d’un manque d’eau chaude récurent, le Tribunal rejette cette demande d’ordonnance.
  5.      En ce qui a trait au chauffage, la locataire se plaint de ne pouvoir contrôler le chauffage et en déduit que le thermostat est défectueux. La locatrice explique, pour sa part, qu’il s’agit d’un système de chauffage central qui ne peut être réglé par la locataire.
  6.      En l’instance, la locataire n’a pas démontré de manquement de la locatrice quant au maintien de la température de son logement. Par conséquent, le Tribunal rejette cette demande d’ordonnance.
  7.      Quant aux couvercles de chauffage, la locataire n’a pas démontré que ceux-ci sont défectueux. Par ailleurs, le mandataire de la locatrice et le concierge expliquent que ceux-ci ont été replacés comme il se doit. Aucune ordonnance ne sera émise à ce sujet.
  8.      Relativement à la moustiquaire déchirée, la preuve non contredite démontre que celle-ci est déchirée. Le Tribunal ordonnera donc à la locatrice remplacer la moustiquaire de la porte patio.
  9.      En ce qui concerne le plafond de la salle de bain, la preuve prépondérante révèle que celui-ci a été réparé. Bien qu’il ait été réparé, la locataire soutient qu’il y a toujours de la moisissure au plafond. Outre son témoignage, la locataire ne soumet aucun autre élément de preuve contemporain à cet effet. En conséquence, le Tribunal rejette cette demande d’ordonnance.
  10.      Finalement, concernant la défectuosité de la hotte, la preuve soumise par la locataire ne supporte pas sa demande. Il n’y a donc pas lieu d’émettre l’ordonnance réclamée par cette dernière.
  11.      Le préjudice causé à la locataire justifie l’exécution provisoire de la décision comme il est prévu à l'article 82.1 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[13].
  12.      En fin, les frais applicables sont adjugés contre la partie défenderesse selon le Tarif des frais exigibles par le Tribunal administratif du logement[14].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      ORDONNE à la locatrice de remplacer la moustiquaire de la porte patio;
  2.      ORDONNE à la locatrice d’assurer un traitement d’extermination efficace des coquerelles et des souris suivant les recommandations d’un exterminateur certifié, jusqu’à leur complète éradication;
  3.      ORDONNE l’exécution provisoire immédiate des présentes ordonnances;
  4.      DIMINUE le loyer de 12 $ par mois à compter du 20 février 2023, et ce, jusqu’à l’éradication complète des coquerelles et des souris, conformément à l’ordonnance du Tribunal;
  5.      CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire la somme de 1 000 $ à titre de dommages-intérêts moraux, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 20 février 2023 ainsi que les frais de justice de 93,75 $ ;

  1.          REJETTE la demande quant au surplus.

 

 

 

 

 

 

 

 

Leyka Borno

 

Présence(s) :

la locataire

le mandataire de la locatrice

Dates des audiences : 

9 décembre 2024

3 juillet 2024

18 mars 2024

 

 

 


 


[1] Voir dossier 792880.

[2] 2024 QCTAL 1931.

[3] Pièce L-5.

[4] Pièce P-1.

[5] Pièce P-2.

[6] RLRQ c CCQ-1991.

[7] Hussein c. Succession de Bacha, 2019 QCRDL 34765.

[8] Article 1858 (2) Code civil du Québec.

[9] 2016 QCRDL 26049. 

[11] 2013 CanLII 121453.

[13] RLRQ, c. T-15.01.

[14] RLRQ, c. T-15.01, r.6.

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