Décision

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Capital Augusta inc. c. Abdelouadoud

2022 QCTAL 33792

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

620828 31 20220321 F

No demande :

3495727

 

 

Date :

16 novembre 2022

Devant la greffière spéciale :

Me Shuang Shuang

 

Capital Augusta Inc.

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Zaidi Abdelouadoud

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         La locatrice a produit une demande de fixation de loyer, conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec, ainsi qu’une demande de remboursement des frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022 à un loyer mensuel de 645 $.

[3]         Lors de l’audience tenue devant le Tribunal le 6 octobre 2022, la locatrice est représentée par mandataire.

DÉLAI DE REFUS

[4]         Selon la preuve non contredite présentée à l’audience, la locatrice a donné au locataire l’avis d’augmentation de loyer le 10 janvier 2022 qui a été reçu par celui-ci le 12 janvier 2022.

[5]         La locatrice propose une augmentation de loyer de 17 $.

[6]         Le 15 février 2022, le locataire a refusé à l’augmentation proposée par la locatrice et a renouvelé le bail.

Le droit

[7]         Les dispositions concernant les modifications des conditions du bail sont prévues aux articles 1942, 1945 et 1947 du Code civil du Québec. Ces articles disposent ce qui suit :

« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s'il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l'arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l'avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.


Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d'au moins un mois, mais d'au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s'il s'agit du bail d'une chambre. »

« 1945. Le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus ou de l'aviser qu'il quitte le logement; s'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.

Toutefois, lorsque le bail porte sur un logement visé à l'article 1955, le locataire qui refuse la modification proposée doit quitter le logement à la fin du bail. »

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s'adresser au tribunal dans le mois de la réception de l'avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s'il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »

(Soulignements du Tribunal)

[8]         Par ailleurs, l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[1] permet à une partie d’être relevée des conséquences de son défaut d’avoir respecté un délai prévu par la loi. Cet article se lit comme suit :

« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »

[9]         Tel qu’énoncé par cet article, deux conditions doivent être rencontrées pour que le Tribunal puisse accepter de relever une partie des conséquences de son défaut de respecter un délai prévu par la loi : 1) l’existence d’un motif raisonnable; 2) l’absence de préjudice de l’autre partie[2].

L’analyse et la décision

[10]     Selon les dispositions de l’article 1945 C.c.Q., le locataire qui refuse la modification proposée par le locateur est tenu, dans le mois de la réception de l'avis de modification du bail, d'aviser le locateur de son refus. S'il omet de le faire, il est réputé avoir accepté la reconduction du bail aux conditions proposées par le locateur.

[11]     Ainsi, le locataire avait jusqu’au 12 février 2022 pour donner son refus. Or, il ne l’a fait que le 15 février, accusant un retard de 3 jours.

[12]     Le locataire n’a invoqué aucun motif pouvant justifier son retard.

[13]     En l’espèce, le délai d’un mois prévu par l’article 1945 du Code civil du Québec n’a pas été respecté et le locataire n’a présenté aucun motif raisonnable au sens de l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.

LES FRAIS

[14]     La locatrice demande également que le locataire soit condamné au paiement des frais de la demande.

[15]     En matière de remboursement des frais engagés lors d’une demande de fixation de loyer, le principe veut que ce soit le locateur qui assume les frais introductifs de la demande de fixation. Ce principe est réitéré dans l’affaire A. Rossi buildings c. Bradley[3], maintes fois citée par la jurisprudence subséquente :

« […] en matière de fixation de loyer, le législateur a tarifié le coût de cette demande alors que le locateur exerce un recours prévu par la loi qui constitue le seul moyen de fixer l’augmentation à laquelle il peut avoir droit. Par ailleurs, le locataire a parallèlement exercé son option de refuser l’augmentation demandée et ce faisant, il exerce lui-même un droit conféré par la loi.

C’est pourquoi, lorsque la Régie statue sur une telle demande, elle détermine l’augmentation à laquelle le locateur a droit sans blâmer pour autant le locataire d’avoir contesté et dans la majorité des cas, le locateur doit assumer le coût de cette procédure. »


[16]     Cela dit, le Tribunal administratif du logement a établi, dans la même affaire, les critères applicables pour déroger au principe général. Ainsi, pour réussir à récupérer les frais de la demande, le locateur doit en premier lieu, avant même de déposer sa demande, établir qu’il a tenté de négocier avec le locataire notamment en lui donnant accès aux données pertinentes à la fixation de loyer et, en second lieu, il doit obtenir par la décision une augmentation égale ou supérieure à celle demandée dans son avis.

[17]     Le Tribunal souligne que les critères susmentionnés sont cumulatifs et qu’il appartient au locateur d’établir, à la satisfaction du Tribunal, ces deux éléments factuels pour réussir à récupérer les frais déboursés pour l’introduction de sa demande au Tribunal.

[18]     Dans le dossier à l’étude, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de condamner le locataire aux frais introductifs de la demande, puisque la preuve démontre que la locatrice n’a pas, avant l’introduction de la demande, fourni au locataire les documents pertinents à la fixation de loyer, se contentant de lui donner une grille du calcul, ce qui est, de l’avis du Tribunal, insuffisant pour permettre au locataire d’évaluer le bien-fondé de l’augmentation proposée.

[19]     CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[20]     CONSIDÉRANT que le locataire a donné son refus en dehors du délai d’un mois prévu à l’article 1945 du Code civil du Québec;

[21]     CONSIDÉRANT l’absence du motif raisonnable au sens de l’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement;

[22]     CONSIDÉRANT que la locatrice n’a pas établi qu’il y a lieu de condamner le locataire au paiement des frais introductifs de la demande;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]     CONSTATE que le bail a été reconduit de plein droit aux conditions proposées par la locatrice dans l’avis d’augmentation de loyer;

[24]     CONSTATE que le loyer est de 662 $ par mois pour la période du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023;

[25]     Les autres conditions du bail demeurent inchangées.

[26]     La locatrice supporte les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Shuang Shuang, greffière spéciale

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le locataire

Date de l’audience : 

6 octobre 2022

 

 

 


 


[1] RLRQ, c. T-15.01.

[2] Société immobilière Parc Samuel Holland inc. c. St-Pierre, 200-02-004919-876, le 28 janvier 1988, C.Q.

[3] R.L. révision Montréal 31-040416-297-V-041221, le 1er février 2007, rr. Bernard et Bissonnette.

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