Marquez Vilo c. 9335-4850 Québec inc. | 2023 QCTAL 22408 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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Nos dossiers : | 606211 31 20220106 G 545533 31 20201119 S | Nos demandes : | 3434177 3532427 | |||
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Date : | 21 juillet 2023 | |||||
Devant la juge administrative : | Amélie Dion | |||||
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Nelly Francisca Marquez Vilo |
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Locataire - Partie demanderesse (606211 31 20220105 G) Partie défenderesse (545533 31 20201119 S) | ||||||
c. | ||||||
9335-4850 Québec Inc. |
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Locatrice - Partie défenderesse (606211 31 20220105 G) Partie demanderesse (545533 31 20201119 S) | ||||||
et | ||||||
Jacky Tcheutchoua Peughouia |
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Anicien locateur – Partie intéressée
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 6 janvier 2022, la locataire demande une ordonnance enjoignant à la locatrice d’exécuter les travaux suivants : réparer les trous de la salle de bain, réparer le trou au plafond de la sortie de secours, réparer les trous dans le salon et réparer la lumière arrière.
[2] À défaut, la locataire demande d’être autorisée à effectuer des travaux et de déduire le montant de son loyer.
[3] De plus, la locataire demande de réviser la diminution de loyer à 120 $ par mois, en raison de la perte de jouissance de son logement et de condamner la locatrice à payer 1 500 $ à la locataire en dommages moraux.
[4] Le 21 février 2022, la locataire produit un amendement réclamant des ordonnances en exécution additionnelles, soit : réparer la pharmacie de la salle de bain, réparer le mur près de la cuisinière et cesser tout harcèlement envers elle.
[5] Le 11 avril 2022, la locataire demande la permission d’amender la procédure pour ajouter un événement qui lui a fait perdre la jouissance paisible des lieux. Cet amendement n’est pas accompagné d’une demande monétaire.
CONTEXTE
[6] La locataire réside dans le logement depuis une douzaine d’années. Elle habite un logement de 3 pièces et demie situé au sous-sol de l’immeuble.
[7] Le 9 août 2017, la locataire occupe le logement depuis environ 6 ans. Elle introduit un premier recours contre son ancien locateur afin d’obtenir l’exécution de certains travaux au logement et demande une compensation financière.
[8] Le 22 mars 2019, une entente est entérinée par le Tribunal, le locateur s’engageant à entreprendre certains travaux, au plus tard, le 1er mai 2019. Il consent également à verser à la locataire des dommages-intérêts.
[9] Huit mois plus tard, le 19 novembre 2020, la locataire introduit un second recours, contre son ancien locateur, afin d’obtenir les travaux convenus. Elle demande également d’autres travaux que ceux entendus et réclame également une diminution de loyer et des dommages moraux et punitifs.
[10] Le 17 juin 2021, le Tribunal ordonne à l’ancien locateur d’entreprendre les nouveaux travaux demandés par la locataire soit : réparer le plafond de la cuisine au niveau de la sortie de secours, réparer le trou dans le salon, réparer les fenêtres brisées et la lumière de la sortie arrière.
[11] Ces travaux doivent être entrepris dans un délai de 30 jours. Le Tribunal condamne alors le locateur à payer 1 400 $ en diminution de loyer.
[12] De plus, il ordonne une diminution de loyer de 80 $ par mois, à compter du 1er avril 2021, jusqu’à l’exécution des travaux. Finalement, il condamne l’ancien locateur à payer à la locataire 500 $ en dommages moraux et 1 800 $ en dommages punitifs.
[13] Le 5 juillet 2021, l’immeuble est vendu à la locatrice et le 15 août 2021, l’un des mandataires de la locatrice visite le logement.
[14] La diminution de loyer ordonnée par le Tribunal, le 17 juin 2021, est toujours en cours lors de l’achat de l’immeuble.
[15] En octobre 2021, la locatrice entreprend des rénovations majeures dans 4 des 6 logements. Le logement 1, soit celui de la locataire et le 5 sont toujours occupés pendant les travaux alors que les autres sont vacants. D’autre réparations sont demandées et
[16] Le 21 octobre 2021, une mise en demeure est transmise à la nouvelle locatrice afin que le jugement soit respecté et réclame la jouissance paisible des lieux.
[17] Le 28 octobre 2021, la locatrice fait part de ses intentions au sujet des réparations. Ils feront les réparations demandées, mais ils insistent sur le fait que des délais sont à prévoir en raison des commandes aux fournisseurs et des disponibilités des entrepreneurs.
[18] Le 1er novembre 2021, le jugement est transmis au mandataire de la locatrice.
[19] Le 30 novembre 2021, le procureur de la locataire informe la locatrice qu’elle manque d’eau froide et chaude depuis deux jours.
[20] Le 6 janvier 2022, la locataire introduit un troisième recours devant le Tribunal, maintenant contre la nouvelle locatrice.
[21] Les travaux demandés par ce recours sont effectués principalement du 7 au 14 mars 2022. Les travaux étant terminés, la locatrice demande, le 22 avril 2022, de rétablir le loyer mensuel de la locataire.
[22] Les recours sont réunis tel que le permet l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement.
[23] Le présent jugement vise principalement à déterminer si, pour une certaine période, la locataire a droit à une diminution de loyer additionnelle ainsi que des dommages moraux et punitifs. De plus, ce jugement devra déterminer si la locataire est victime de harcèlement.
QUESTIONS EN LITIGE
[24] Est-il nécessaire de se prononcer sur la demande d’exécution en nature?
[25] La locatrice a-t-elle droit au rétablissement du loyer?
[26] La locataire a-t-elle démontré avoir droit à une diminution de loyer additionnelle? Si oui, quel est le montant équivalent à la diminution et pour quelle période?
[27] La locatrice doit-elle être condamnée à des dommages moraux en raison de l’inexécution de certains travaux?
[28] La locataire a-t-elle démontré avoir subi du harcèlement par les mandataires ou employés de la locatrice?
[29] Le cas échéant, la locataire a-t-elle droit à des dommages moraux et punitifs?
ANALYSE
Les ordonnances et le rétablissement du loyer
[30] Les admissions des parties révèlent que les travaux demandés par la locataire ont été exécutés et terminés le 14 mars 2022. Ainsi, les demandes d’ordonnances sont devenues sans objet.
[31] Du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, le loyer de la locataire est de 567,50 $ par mois. Le loyer est réduit de 80 $ à compter du 1er avril 2021.
[32] Le loyer est rétabli à compter du 15 mars 2022, la demande de la locatrice enjoignant à la locataire de payer le plein montant du loyer sera donc accordée.
La demande en diminution de loyer
[33] Par son recours introduit le 6 janvier 2022, la locataire demande d’augmenter la diminution de loyer à 120 $ par mois à compter du 1er janvier 2022 puisque certains travaux ont lieu dans l’immeuble, ce qui diminue sa jouissance paisible des lieux.
[34] Le Tribunal doit déterminer si la locataire subit une perte additionnelle de jouissance de son logement du 1er janvier 2022 au 14 mars 2022, car c’est à cette dernière date que les travaux sont exécutés.
[35] La locataire a témoigné les 4 mars 2022 et 11 avril 2022. D’abord sur les travaux à faire, tels que les trous dans sa salle de bain, les matériaux tombés dans sa baignoire, l’évier de la salle de bain bouché. Ensuite, elle dénonce que la porte d’entrée n’est pas terminée d’être installée et qu’il existe un problème avec la serrure. Finalement, elle dénonce les trous dans la salle à manger et un plafond gonflé.
[36] Toutefois, le reproche formulé à la locatrice réfère aux travaux dans l’immeuble qui diminue la jouissance paisible de son logement. La locataire bénéficie toujours d’une diminution de loyer.
[37] Elle précisera qu’il existait des trous dans sa salle de bain et qu’elle entendait les travailleurs dans les autres logements. Elle déclare qu’elle se sentait violée dans son intimité. Elle ne précise pas la durée ni la période de ces incidents.
[38] La locataire témoigne au sujet du manque d’eau froide les 29 et 30 novembre 2021. Le Tribunal ne peut conclure à une diminution de loyer pour une période antérieure à celle demandée.
[39] Le 17 février 2022, la locataire est prise avec une inondation partielle de son logement. Il semble que le drain de l’entrée est obstrué ce qui empêche l’écoulement de l’eau.
[40] Elle informe le représentant de la locatrice par courriel à 9 h 58, mais le plombier s’est présenté le lendemain vers 13 h 00. Elle a ramassé l’eau le 17 et le 18 février 2022. Le plombier a réparé le drain et a passé la serpillière le 18 février 2022.
[41] Il témoigne lors de l’audience et explique que le drain était bloqué en raison des feuilles non ramassées.
[42] Le mandataire de la locatrice, M. Konstas, produit des photographies du bouchon du drain manquant. Celui-ci explique que lorsqu’il se rend sur les lieux pour constater l’infiltration d’eau, c’est la première fois qu’il remarque l’absence de bouchon.
[43] Le plombier, Nick Saratsiotis, affirme aussi qu’il a constaté l’absence de bouchon alors qu’il l’avait vu auparavant.
[44] M. Konstas reproche à la locataire de ne pas avoir entretenu cet espace, laissant des feuilles s’accumuler causant ainsi les dommages au logement.
[45] La preuve entendue démontre que l’accumulation de feuilles a provoqué l’infiltration d’eau. Il était de la responsabilité de la locataire d’entretenir cet endroit. Aucune diminution de loyer ne sera accordée pour cette raison.
Les dommages moraux et punitifs pour l’absence de travaux
[46] Dans sa demande initiale, la locataire reproche à la locatrice de tarder à entreprendre les travaux ou de négliger de les faire, alors qu’un jugement a été rendu le 17 juin 2021.
[47] Bien que les ordonnances visent l’ancien locateur, la locataire peut avoir un recours en dommages si la locatrice une fois informée omet d’agir.
[48] L’article
1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.
[49] Le 21 octobre 2021, une mise en demeure est transmise à la locatrice. Elle demande à la locatrice de se conformer au jugement rendu contre l’ancien locateur.
[50] De plus, par cette lettre, elle informe la locatrice qu’elle a constaté des dégâts, la veille, le 20 octobre 2021, dans sa salle de bain. Elle demande en conséquence des travaux urgents dans un délai de 9 jours.
[51] La décision rendue le 17 juin 2021 par le Tribunal, est transmise le 1er novembre 2021. Les travaux seront exécutés le 14 mars 2022.
[52] La locataire a longtemps attendu des travaux demandés à son ancien locateur. C’est pour cette raison qu’elle a obtenu des dommages-intérêts ainsi qu’une diminution de loyer le 17 juin 2021 et que celle-ci s’est poursuivie après la vente de la propriété.
[53] Cette attente est due en grande partie par la faute de l’ancien locateur.
[54] En l’instance, le Tribunal ne peut constater de faute de la locatrice, laquelle a engagé des entrepreneurs pour faire tous les travaux demandés et ceux ajoutés par l’infiltration d’eau de février 2022.
[55] Il s’agissait principalement de plâtre dans la cuisine, le salon et la salle de bain. Pour les fenêtres brisées, celles-ci ont été remplacées durant l’automne avant l’introduction du recours. Pour la lumière extérieure arrière, elle a été réparée par l’électricien le 7 mars 2022.
[56] À cet égard, les délais sont un peu longs pour réinstaller la lumière arrière, compte tenu de la sécurité en jeu. La locataire a témoigné de la peur vécue par l’absence de lumière à l’arrière de l’immeuble sans beaucoup de détails. Le Tribunal n’accorde pas de dommages moraux, le préjudice n’étant pas prouvé. Ces dommages devaient être démontrés et en lien avec l’absence de lumière.
[57] En ce qui a trait aux demandes additionnelles en février 2022 (pharmacie, autre trou dans la cuisine) les travaux sont exécutés moins d'un mois après la demande. En ce qui a trait à l’infiltration d’eau, la locatrice a agi immédiatement en communiquant avec un plombier qui a pu réparer le lendemain du sinistre.
[58] Ainsi, les demandes en dommages moraux et punitifs pour l’absence ou la négligence d’entreprendre les travaux sont rejetées.
Le harcèlement et les dommages
[59] Durant son témoignage les 4 mars 2022 et 11 avril 2022, la locataire affirme avoir été privée d’eau froide, les 29 et 30 novembre 2021. Elle sort de son logement et aperçoit un travailleur qui l’informe que cela n’est pas de sa responsabilité. Il l’insulte en utilisant des mots grossiers et intimes.
[60] Elle a été privée d’eau froide pendant deux jours et aucun avis. Elle n’a pas été respectée, elle a un sentiment d’injustice et d’abus de pouvoir. Elle réclame des dommages moraux pour ce manque de respect.
[61] Pendant les travaux du 7 au 14 mars 2022, la locataire affirme avoir été insultée à plusieurs reprises par les travailleurs. Ceux-ci veulent qu’elle quitte le logement pendant les travaux pour qu’ils puissent travailler et utilisent des mots sacrés. Ils déclarent que ses biens sont des « cochonneries » et qu’elle peut laisser ses choses. Elle se sent intimidée et humiliée durant ces travaux.
[62] Les entrepreneurs se moquent d’elle et les mandataires de la locatrice ne font rien. Ils doivent être tenus responsables de ces insultes et du harcèlement subi.
[63] Dans le jugement du 17 juin 2021, la juge Croteau lui a expliqué que le Tribunal administratif du logement ne peut intervenir lorsque le litige entre les parties se situe au niveau des insultes[1].
[64] La soussignée réitère qu’elle ne peut se prononcer lorsqu’il s’agit d’insultes, d’injures, d’incivilités, de mépris, d'atteinte à la dignité, à l'honneur ou à la réputation[2].
[65] La locataire qualifie ces insultes comme du harcèlement, mais la soussignée ne peut conclure de la même façon à la lumière de ce qu’elle décrit.
[66] Ainsi, cette réclamation est également rejetée.
[67] CONSIDÉRANT la demande introduite et les délais pour exécuter les travaux, les frais seront accordés;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[68] Dans le dossier 606211 :
[69] CONSTATE que la demande d’ordonnance en nature est devenue sans objet;
[70] CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire 103 $ pour les frais;
[71] REJETTE quant au surplus.
[72] Dans le dossier 545533 :
[73] ANNULE la diminution de loyer à compter du 15 mars 2022 et RÉTABLIT le loyer payable en vertu du bail et de ses modifications, sans frais.
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Amélie Dion | ||
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Présence(s) : | la locataire Me Kimmyanne Brown, avocate de la locataire Me Virginie Paquet, avocate de la locatrice | ||
Dates des audiences : | 4 mars 2022, 16 juin 2022 et 27 avril 2023 | ||
Présence(s) : | Me Virginie Paquet, avocate de la locatrice | ||
Date de l’audience : | 11 avril 2023 | ||
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[1] Jugement rendu le 17 juin b2021 par 61 à 65.
[2] Kerassinis c. Boretsky (C.A., 2012-05-08), 2012 QCCA 886.; Dumont Poupart c. Houde, 2013 QCCQ 12599; Pierre-Gabriel Jobin, Le louage, 2e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1996, No 101, p. 262. Jélétian c. 9034-2452 Québec inc.,
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