Awada c. Magnan |
2018 QCCS 3023 |
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J.J.0304 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-082216-147 |
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DATE : |
10 juillet 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
CAROLE JULIEN, J.C.S. |
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DALILA AWADA |
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Demanderesse - Défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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PHILIPPE MAGNAN |
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Défendeur - Demandeur reconventionnel
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JUGEMENT CORRIGÉ le 20 août 2018 |
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[1] A l’automne 2013, le législateur québécois veut adopter une Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement (ci-après « PL 60 » ou « Charte des valeurs » ou « Charte de la laïcité ou « Charte »)[1]. Le débat public s’enflamme et se polarise.
[2] Philippe Magnan (ci-après « Magnan »), blogueur et communicateur, prend position en faveur du PL 60. Son action amorce un virage décisif au cours de la discussion publique sur le port du voile islamique (hijab).
[3] Le 29 septembre 2013, la polémique se transporte sur le plateau de l’émission Tout le monde en parle (ci-après « TLMEP ») à Radio-Canada. Le public fait la connaissance d’une jeune femme brillante, articulée, d’une beauté remarquable[2] et portant avec élégance un voile seyant et coloré. Elle défend le droit des femmes à porter le voile et refuse qu’elles puissent être privées de travail ou congédiées pour ce motif.
[4] Pour Magnan, l’opposition au PL 60 a désormais un visage. Celui de Dalila Awada (ci-après « Awada »).
[5] Au cours des mois suivants, Magnan produira et mettra en ligne huit vidéos et de nombreux articles et chroniques dénonçant des tentatives de manipulation, de désinformation et d’infiltration de la société québécoise par des factions musulmanes d’obédience « chiite et khomeiniste ». Six de ces vidéos et plusieurs écrits (P-15, P-48) attribuent un rôle à Awada au sein de ces groupes.
[6] Awada poursuit Magnan en diffamation. Elle se dit victime d’une campagne de dénigrement fomentée intentionnellement par lui. Les propos tenus sont faux et il le sait. Il aurait lui-même reconnu avoir instrumentalisé Awada dans sa campagne contre les groupes islamistes auxquels il l’associe (P-23, DPM-43).
[7] Awada réclame une somme de 70 000 $ pour les dommages moraux subis par elle et 15 000 $ à titre de dommages punitifs en raison des atteintes à sa réputation et à sa vie privée.
[8] Magnan défend son droit à la libre expression dans un débat public où Awada s’est immiscée, devenant ainsi une figure publique. Se portant demandeur reconventionnel, il réclame une somme de 15 000 $ à titre de dommages exemplaires en plus des honoraires extrajudiciaires encourus pour sa défense. Il estime que la poursuite d’Awada est abusive et vise à le faire taire.
[9] Magnan était représenté par un procureur pendant la mise en état du dossier. Il agit seul lors du procès.
[10] Destiné à œuvrer au sein de l’entreprise familiale, Magnan doit abandonner ce projet lorsqu’un différend entre les intéressés provoque le départ définitif de son père. Il complète alors des études de premier cycle universitaire en communications et y trouve sa voie.
[11] Dans ses procédures, il se décrit comme « un simple citoyen et blogueur sur internet » (au para 42 de la Défense-Demande reconventionnelle). Il se passionne pour des enjeux politiques québécois particulièrement lorsqu’ils touchent des questions de religion, de laïcité et d’accommodements raisonnables.
[12] En 2009, il découvre l’efficacité des réseaux sociaux pour suivre l’actualité. Il s’intéresse à la guerre en Syrie et a l’impression de la vivre en direct sans le filtre habituel des médias traditionnels. Il est en contact avec des citoyens et des combattants sur place. Le monde musulman devient son créneau.
[13] Il crée un blogue sur un site qui lui appartient, désigné « Poste de veille ». Il veut y faire valoir ses opinions politiques et sociétales. Son blogue est une « plate-forme d’expression citoyenne sur des sujets sociaux d’intérêt public et nullement dans un but lucratif » (au para 45 de la Défense-Demande reconventionnelle).
[14] Les vidéos en litige seront publiées sur le site Poste de veille. Elles reposent sur des recherches menées par Magnan qui y consacre beaucoup sinon tout son temps et son énergie.
[15] Ses recherches portent notamment sur le Centre communautaire musulman de Montréal (ci-après « CCMM ») où officie l’imam A., un individu suspect aux yeux de Magnan[3]. Awada fréquente occasionnellement l’endroit (DPM-7-8-23). Magnan s’intéresse aussi à l’Association Culturel (sic) Bridges (DPM-32A) (ci-après « Association Bridges ») à laquelle collaborent Awada et des membres de sa famille dont sa sœur et son beau-frère (DPM-24-25). L’imam A. y intervient, agit comme conférencier (DPM-27). Or, selon Magnan, il y aurait une connexion claire entre l’imam A., l’Iran khomeiniste (DPM-29, 30, 31 et 31A) et le Hezbollah.
[16] De plus, E., administrateur de l’Association Bridges entendu comme témoin, se livrerait à du prosélytisme en faveur de ces mouvances en signant des articles dans un journal de langue arabe distribué à Montréal, le journal S… (DPM-32, 32A, 33, 34 et 35).
[17] Magnan conclut de ses recherches et multiples démarches qu’Awada est associée aux objectifs occultes de ces personnes et organisations. Il veut informer ses nombreux lecteurs et les dénoncer. Jusqu’à 100 000 lectures de certains de ses blogues et vidéos sont recensées. Le procès a été suivi par plusieurs de ses partisans.
[18] Magnan ne publie jamais sous sa véritable identité. Il utilise des pseudonymes (des « avatars ») dont « Poste de veille » (sur Facebook, Twitter, YouTube), « Sean Watsilavit » (sur YouTube et Facebook) et « Philippe Lachapelle » (Facebook) (DPM-81).
[19] Certaines vidéos et publications de Magnan ont été reprises et plus largement diffusées par des tiers, dont « la société des amis de Vigile.net » et autres « YouTubeurs » (aux para 8 à 12 de la Requête introductive d’instance (ci-après « RII »)).
[20] Awada est née au Québec de parents d’origine libanaise. En 2013, elle étudie en sociologie à l’Université de Montréal (premier cycle). Elle poursuit actuellement des études au niveau de la Maîtrise.
[21] Au cours du débat sur le PL 60, elle se décrit comme « une militante féministe qui s’est prononcée contre l’interdiction du port de signes religieux, mais en faveur de la laïcité de l’État et de l’encadrement des accommodements raisonnables » (au para 2 de la RII).
[22] Plus largement, elle s’intéresse aux droits des femmes, des animaux, à l’islamophobie et au racisme. Elle s’exprime publiquement sur ces sujets par des conférences, l’organisation d’événements, la participation à des panels d’opinion et des interventions dans les médias.
[23] En 2011, Awada est déjà impliquée au sein de la communauté musulmane montréalaise. À cette époque, elle rencontre la photographe Andréanne Pâquet et participe à son projet intitulé « Ce qui nous voile » visant à montrer la diversité de femmes portant le voile et à « déconstruire par l’image les idées préconçues sur le voile musulman et les femmes qui le portent » (DPM-70). Pâquet photographie des femmes de tous âges. Awada lui sert de modèle et lui propose des participantes. Ce projet prend ensuite la forme d’une exposition itinérante en 2012 et est présentement conservée au Musée canadien pour les droits de la personne à Winnipeg.
[24] Une amitié naît entre Awada et Pâquet qui créent ensuite la Fondation Parole de femmes (DPM-39) « afin de créer des espaces de parole sécuritaires pour les femmes racisées de la région de Montréal » (DPM-70). Pâquet travaille aujourd’hui pour la section québécoise d’Amnistie internationale.
[25] En 2013, Awada devient porte-parole du Comité de coordination de Montréal-Nord pour le parti politique Québec solidaire (ci-après « Q.S. ») (P-55). Depuis 2016, elle est membre de ce parti et de son Comité antiracisme.
[26] En 2013, elle est invitée à diverses tribunes et notamment à des émissions radiophoniques ou télévisuelles de grande écoute. Elle y affirme son opinion sur le libre-choix quant au port du voile.
[27] Une recherchiste de l’émission TLMEP communique avec elle et, tel que mentionné en préambule, l’invite sur le plateau. Il s’agit pour Awada de faire contrepoids aux propos d’une autre invitée s’exprimant contre le port du voile. Elle se prépare à cette entrevue avec l’aide de Me Rémi Bourget (ci-après « Me Bourget »), avocat, président et porte-parole de l’organisation Québec inclusif (DPM-15), organisme sans but lucratif formé pour répondre au PL 60 et promouvoir des objectifs de tolérance et de respect au sein de la société québécoise.
[28] Awada est satisfaite de sa prestation à TLMEP. Son intervention suscite des réactions généralement positives ou respectueuses de la part de ceux qui ne partagent pas son point de vue. Ceci ne l’offusque pas, mais lui paraît normal et sain dans une discussion publique.
[29] L’émission TLMEP a toutefois un retentissement particulier et entraîne l’intervention ultérieure, très médiatisée, de Madame Janette Bertrand (ci-après « Mme Bertrand »), une figure emblématique de la société québécoise. Invitée à prendre la parole lors d’une émission subséquente de TLMEP, elle se dit fortement interpellée par les propos d’Awada. Pour Mme Bertrand, les femmes voilées sont manipulées et agissent contrairement à leurs propres intérêts en reniant une part déterminante de leur liberté et de leur autonomie de pensée. Pour elle, il s’agit d’un net recul replongeant les femmes dans la grande noirceur de leur asservissement aux diktats religieux quels qu’ils soient (DPM-53 et DPM-54).
[30] Awada et d’autres personnes lui répliquent par une lettre ouverte publiée dans le journal La Presse (DPM-54). Se décrivant comme le groupe des Inclusives, elles prônent la tolérance dans une société diversifiée. Elles comprennent que le voile puisse être perçu comme un symbole de soumission « et il l’est en certaines situations », mais elles refusent que les femmes qui le portent soient stigmatisées « comme s’il s’agissait d’une soumission volontaire et honteuse » (DPM-54).
[31] Awada nie toute allégeance ou collaboration avec des groupes islamistes[4]. Elle admet participer à certaines activités dénoncées par Magnan. Mais selon elle, les organisations concernées ont un caractère social et favorisent le développement sain des jeunes de la communauté musulmane. Magnan a tort de les présenter comme il le fait.
[32] Les vidéos produites par Magnan sont un montage de photographies ou extraits de vidéos disponibles sur internet. La trame sonore et le montage accentuent l’impression dramatique et les perceptions négatives à l’égard d’un vaste complot menaçant les valeurs démocratiques et sociales auxquelles le Québec adhère.
[33] Extraits de journaux, d’entrevues télédiffusées en France, de vidéos islamistes et commentaires personnels s’y succèdent et le ton est résolument alarmiste.
[34] Une voix hors champ décrit les contenus, tire des conclusions, formule des hypothèses, interroge l’auditeur. Elle offre un vernis d’objectivité à des affirmations semblant procéder d’un travail d’enquête qui se voudrait journalistique.
[35] Il serait fastidieux et inutile de reproduire au présent jugement l’intégralité de chacune de ces vidéos. En bref, l’impression d’ensemble est négative et inquiétante. Elle se fonde sur une menace musulmane chiite islamiste dont Awada serait un vecteur. Au surplus, les propos la concernant sont clairement sexistes et souvent humiliants. Des extraits suffiront à décrire le sort qui lui est fait par Magnan.
[36] Souvent, ces vidéos sont reprises ou reflétées à des chroniques rédigées par Magnan et publiées sur Poste de veille. D’autres articles portant sur des enjeux similaires s’ajoutent et sont publiés sur ce site. L’effet de cumul de toute cette production est indéniable et accentue l’impression dramatique générale. Awada dénonce la teneur de ces articles, chroniques et vidéos à son endroit.
[37] En raison des conclusions du présent jugement, le Tribunal évitera dans la mesure du possible d’identifier les personnes auxquelles Magnan se réfère. La stratégie suivie par lui est d’associer Awada à des tiers en affirmant qu’ils sont suspects et même dangereux pour la société québécoise.
[38] La preuve offerte ne permet pas au Tribunal de tirer les mêmes conclusions à leur égard. Il convient de ne pas entacher davantage la réputation de ces personnes qui n’ont pas témoigné ou ne sont pas personnellement impliquées dans le présent dossier et, dans tous les cas, n’ont pas été en mesure de répondre à ces allégations formulées par Magnan contre elles devant le Tribunal. Il faut éviter que le présent jugement, qui est public, ne leur cause des dommages et ne les désigne à la vindicte de certains.
[39] Pour ce faire, le Tribunal omettra certains noms ou utilisera une référence codée par lettre (ex. A., B., C., D., E). La liste des noms correspondants est versée au dossier sous scellés en annexe à l’original du présent jugement.
[40] Cette vidéo associe Awada à la mouvance islamiste. On laisse entendre qu’elle est fourbe et retorse en plus de participer à la menace islamiste au Québec. Cette conclusion tire sa source de son lien avec sa cousine, une personne suspecte.
[41] Ainsi :
Nous montrerons ici qu’elle [Awada] œuvre depuis quelques années parmi le réseau islamiste québécois…
[42] Ce serait notamment en raison de ses liens avec sa cousine porte-parole… :
…pour un organisme islamiste…favorable aux tribunaux islamiques régis par la charia …aussi Dalila Awada et sa cousine [nom de femme] siègent toutes deux sur le Comité des femmes immigrantes de la Fédération des femmes du Québec…L’infiltration de la FFQ par des activistes du voile islamique et du niqab, telles que [noms de femmes dont celui de la cousine d’Awada] a obligé des féministes …à créer un nouveau groupe de défense et de promotion des droits de la Femme… Dalila Awada, la jeune et jolie vedette de TLMEP, et sa cousine…qui travaille pour un organisme affilié aux Frères Musulmans…
(nos soulignements)
[43] Le terme « islamiste » a une connotation négative dans l’œuvre de Magnan. De plus, le Manifeste du Poste de veille (P-66) discrédite le rôle des médias traditionnels (ou conventionnels), affirme la mission des blogues et réseaux sociaux pour accéder à une information complète et objective et pourfend les islamistes :
La mission de Poste de veille consiste à exposer les propagandistes de la charia afin d’aider le peuple du Québec à faire prévaloir les valeurs de notre société…Ces valeurs se traduisent par…la condamnation de la violence prescrite par la charia…
En ce qui concerne l’information et la mobilisation citoyenne … la mobilisation est possible lorsque le public a droit à une information complète et objective…
L’information provient principalement des blogues et non plus des médias conventionnels. Les réseaux sociaux jouent un rôle crucial dans la diffusion de l’information comme dans la mobilisation…Les médias traditionnels se montrent incapables ou non désireux de nous informer objectivement…sur des sujets dits sensibles.
Concernant les islamistes …ils cherchent à normaliser les dispositions haineuses et violentes contenues à la charia…et détourner l’attention de leur agenda politique et religieux … L’obscurantisme et la violence islamiques ne sont pas le fait de personnes pauvres et ignorantes, mais d’individus privilégiés qui pénètrent nos institutions sociales de base.
(nos soulignements)
[44] Awada est ainsi associée à ces objectifs des « islamistes ».
[45] Cette vidéo humilie et dénigre Awada en raison de son style dans le port du voile. En effet, sa chevelure est remontée sous le voile formant une ampleur sur la nuque. La voix hors champ décrit cette ampleur comme une « bosse de chameau ».
[46] Rachid Houdeyfa, imam à Brest en France, apparaît à la vidéo 2 et condamne cette façon de porter le voile. Il dénonce ces femmes « habillées, mais nues …qui ne sentiront pas l’odeur du Paradis …elles ont des coupes en bosse de chameau ». Il dénigre ces coiffures « horribles », mais surtout « voilà une sœur donc qui pose …le hijab c’est pour ne pas attirer. Maintenant on fait des poses avec le hijab. Donc on ne comprend plus rien! C’est la mode … » (P-6).
[47] Des images d’Awada apparaissent en filigrane pour illustrer ce type de coiffure et l’identifier comme une « midinette ». Ce terme est tiré des propos échangés entre Chahdortt Djavann, auteur de « Que pense Allah de l’Europe » et Ardisson à la télévision française. Ardisson résume sa compréhension de la thèse de son invitée :
Pour vous, le voile fait de la femme un sous-homme. Et vous dites qu’on a vu apparaître sur le devant de la scène des midinettes qui expliquent que finalement leur démarche est personnelle. Mais vous dites : on en a vu apparaître partout en Europe en même temps. Et vous voyez derrière ça un chef d’orchestre invisible. Donc pour vous Djavann, c’est une entreprise politique en fait. Et ce que vous reprochez aux « naïfs », comme vous dites, européens, c’est d’étudier les choses au cas par cas.
(nos soulignements)
[48] Djavann répond : « Tout à fait. C’est une idéologie fasciste-islamiste …qui tente de pénétrer les institutions, les infrastructures républicaines … ».
[49] Les propos de Djavann sont juxtaposés à des images violentes incluant un corps décapité.
[50] La vidéo 2 amalgame des images d’Awada avec les propos de Djavann sur l’utilisation de midinettes dans l’espace public pour faire avancer l’idéologie dite « islamo-fasciste ». Les images violentes sont inquiétantes quant aux motivations d’Awada et sa manipulation de l’opinion publique. L’auditeur peut en conclure que ces exactions pourraient s’insérer dans la société québécoise.
[51] La vidéo 2 rapporte ensuite les propos du Dr Anne-Marie Delcambre, professeur d’arabe (ci-après « Delcambre »). Selon elle, la violence est préconisée par le Coran et les Hadiths : « On lapide, on coupe des mains, on décapite ».
[52] Selon Delcambre, les hadiths « visent les femmes, les chrétiens, les juifs, les athées. » Ils traitent de la flagellation des femmes, de femmes frappées, d’admonestation en cas d’indocilité des femmes, des femmes en Enfer et de l’autorité des hommes sur les femmes.
[53] Djavann reprend ensuite :
Dans les pays islamistes, la première chose qu’un gouvernement fait, c’est de voiler toutes les femmes …pour les islamistes on comprend que sans le voile le système islamiste ne peut exister. Car le voile, à lui seul, résume et diffuse la vision du monde islamique et fait appel à la nécessité des lois des Mollahs qui doivent régenter la vie de tous les musulmans à chaque instant …Moi je pense que d’ici 10 ans, 20 ans, dans les pays démocratiques, on sera obligé, et on doit, reconnaître le voile des mineures comme une maltraitance …
[54] La vidéo 2 cite, en marge de ces propos, ceux d’Amir Khadir, leader de Q.S. :
…le principe même du voile comme un instrument de domination et d’asservissement des femmes, comme un symbole de violence institutionnalisée à l’égard des femmes.
[55] Et de Gamal Abdel-Nasser :
J’ai rencontré le conseiller général des Frères Musulmans. Il a présenté ses demandes. Il a demandé quoi? D’abord, m’a-t-il dit, il faut que tu imposes le voile en Égypte …
[56] Des images d’Awada voilée parsèment cette vidéo.
[57] La vidéo débute par un extrait d’entrevue avec Awada où elle dit :
Il faut faire confiance au féminisme musulman également qui prend position là-dessus et qui travaille pour former une société plus égalitaire.
[58] Ce propos est confronté à ceux de Louise Mailloux (ci-après « Mailloux »), une intellectuelle féministe québécoise :
Je ne suis pas sûre que l’on peut compter sur Madame Awada et je vais vous dire pourquoi. Parce qu’ici au Québec entre autres il y a une association qu’on appelle l’Association Bridges … et le fondateur en 2005 de la Bridges Foundation, de l’Association Bridges, c’est Fadel Soliman …c’est quelqu’un qui vient d’Égypte et il a une maîtrise en charia …Et il donne des formations (aux États-Unis, au Canada, à Toronto, à Montréal) qui s’adressent à des jeunes musulmans, musulmanes qui ont l’âge de Dalila …des formations qui expliquent aux jeunes comment présenter l’islam aux non-musulmans …
(nos soulignements)
[59] Ici, selon Magnan lui-même, Mailloux confond deux entités : l’Association Bridges et la Fondation Bridges, celle-ci créée par Fadel Soliman.
[60] Apparaissent ensuite les logos de la Bridges Foundation et de la Muslim Association of Canada amalgamés à d’autres images présentant des événements, des jeunes, l’imam A. et le local de l’Association Bridges. On y voit Awada prenant la parole à l’Association Bridges le 27 septembre 2013 (P-55). On relate sa participation et la présence de son fiancé à un camp d’été de l’Association Bridges.
[61] On inclut au montage un extrait d’une entrevue donnée par une autre jeune femme à l’émission de Denis Lévesque. Elle affirme ne pas fréquenter de piscine par choix. Cet extrait s’accompagne d’un titre de magazine « Mode, beauté …et hijab! ». Une autre photo la montre à Hérouxville avec d’autres femmes voilées, « une délégation de femmes voilées mobilisées … ». On indique qu’elle promeut le « féminisme islamique » dans les journaux et à la télévision et qu’elle porte le voile depuis l’âge de huit ans. On voit d’autres photos de jeunes adultes dont une d’Awada prise lors d’une activité du CCMM identifié à l’imam A.
[62] On ajoute : « D’autres midinettes du voile islamique que nous avons vues dans les médias font aussi partie de l’Association Bridges telles que …[noms de femmes] ». On inclut des photographies dont l’une présente Awada marchant avec des compagnes « lors de la manifestation de la coalition QMDL[5] au cri de « la Charte à la poubelle! » ». Awada s’exprime à cette vidéo : « À mon avis, la neutralité se traduit par bien plus qu’un habit. »
[63] La vidéo 3 se poursuit sur un fond musical inquiétant, avec des références à des femmes musulmanes qui participeraient aux activités de l’Association Bridges, dont une associée à des actions terroristes en soutien au Hezbollah. Le tout constituant une menace intérieure.
[64] La vidéo rapporte les propos de Fadel Soliman suivis d’une photo du logo de la Bridges Foundation :
They are intimidating Muslims all the time, provoking Muslims all the time with the satanic versions of Salman Rushdie and with the cartoon in Denmark and then republishing the cartoon everywhere and than burning the Quoran and they say why Muslims are fighting, why Muslims are angry, why Muslims are shooting, why Muslims are killing …
[65] La voix hors champ réfère à des similarités entre l’Association Bridges et la Fondation Bridges « même s’il ne semble pas y avoir entre elles un lien administratif direct ». Ces similarités concerneraient « la mission, la stratégie générale et les tactiques … ». À l’écoute de cette vidéo, il est facile de conclure que les propos tenus par Fadel Soliman circuleraient avec approbation au sein de l’Association Bridges. Ainsi, les jeunes fréquentant les activités de l’Association Bridges seraient exposés à ce message justifiant la colère et les brutalités commises par des musulmans.
[66] La vidéo 3 tisse des liens entre l’Association Bridges et le régime iranien des Ayatollahs en se référant à des événements survenus depuis longtemps. L’objectif serait de décrire ainsi « le cléricat chiite à Montréal ».
[67] Il y aurait eu une jonction entre l’Association Bridges et des « islamo-militants appartenant… à la Confrérie des Frères musulmans ». Awada serait une des « midinettes du foulard islamique » formées par la Confrérie des frères musulmans et le « cléricat chiite » afin de militer pour l’islam politique au Québec.
[68] La vidéo 3 conclut : l’institutionnalisation de l’islam chiite au Québec est dangereuse car il est « animé d’une ferveur révolutionnaire permanente » à laquelle l’Association Bridges participe.
[69] Et plus loin :
Le rite principal du chiisme islamique nommé Achoura, commémore cette décapitation de Hussein par l’armée du Calife … Ce rite vise à rappeler que le premier devoir du musulman chiite est de militer pour la restauration du Califat, d’un système politique régi par un guide suprême fidèle aux prescriptions de Mahomet, Ali et Hussein. Ce sont d’ailleurs ces trois personnages que représente le logo de la Bridges Association.
[70] En marge de cette vidéo 3, Poste de veille s’interroge et informe le lecteur (P-8, à la p 1) :
Depuis la publication d’un projet de Charte des valeurs québécoises, des « midinettes du voile » et autres militantes islamistes chevronnées sont omniprésentes dans les médias et les manifestations. Qui sont les gros turbans derrière elles? [photos les présentant] A. (imam de Bridges Association, originaire d’Irak, diplômé de Qom en Iran), B. (le chiite le plus haut placé dans la hiérarchie des ayatollahs à Montréal) et le Grand Ayatollah Sistani d’Irak.
[71] Cette vidéo 3 :
…fait une cartographie du réseau islamiste de Montréal, et de ses ramifications jusqu’en Égypte, en Irak, et en Arabie saoudite. Les « midinettes du voile » sont mobilisées par des organisations liées à la Ligue islamique mondiale, aux Frères Musulmans et au clergé chiite relevant du Grand Ayatollah Sistani d’Irak. Ennemis jurés dans certains pays musulmans, les sunnites et les chiites savent unir leurs forces en Occident pour faire progresser la charia. Ces organisations ont des visées essentiellement politiques et font du lobbying actif auprès des politiciens. Les midinettes s’occupent surtout de l’offensive médiatique. (P-8, à la p 2).
(nos soulignements)
[72] Ces propos sont accompagnés d’un montage-photos avec un imam et des jeunes femmes voilées dont Awada, des imams et le maire de Montréal, un représentant de la Ligue islamique mondiale et la Ministre de l’Immigration du Québec.
[73] La vidéo 3 vise à montrer les « gros turbans » derrière les « midinettes » envoyées dans les médias.
[74] Selon Poste de veille, ces midinettes, parmi lesquelles Awada, dont la photographie est associée à ces affirmations, sont formées par l’Association Bridges (P-8, à la p 3) :
Les midinettes qui prônent un féminisme islamique individualiste exprimé par leur slogan « mon choix, mes droits, ma liberté » sont formées ainsi que des jeunes hommes dans des ateliers et des camps culturels de Bridges Association sur la manière de présenter l’islam aux non-musulmans.
[75] Plusieurs photographies sont publiées et commentées (P-8) :
On y reconnaît les mêmes figures depuis l’affaire Hérouxville jusqu’au projet de Charte …on a vu …Dalila Awada …et d’autres jeunes femmes chiites accompagnées de militantes chevronnées …liées à des filiales canadiennes de la Ligue islamique mondiale, basée à La Mecque … (P-8, à la p 4).
[76] Awada est clairement décrite comme une midinette, son visage étant encerclé sur les photos publiées, pour bien la reconnaître parmi d’autres personnes présentes.
[77] Poste de veille ajoute (P-8A) :
Lors d’une récente émission de télévision … Louise Mailloux a suggéré que Dalila Awada ferait partie de la Bridges Foundation fondée et dirigée par l’égyptien Fadel Soliman un maître en charia haut placé dans la hiérarchie des Frères musulmans …Dalila Awada participe avec son fiancé …aux activités de Bridges Association parrainée par l’imam chiite A. S’il y a similitude entre la mission, la stratégie générale et les logos …il ne semble pas exister de lien administratif direct entre ces deux organisations.
Il y a quelques jours, Dalila Awada participait avec son fiancé …impliqué dans Bridges Association à un dîner marquant l’Achoura sous une tente dressée par le CCMM, une institution chiite qui publie sur son site internet les fatwas du Guide suprême Khamenei d’Iran. Les références politico-religieuses de Bridges Association, de Dalila Awada … et autres midinettes du voile : le chiisme khomeiniste et le Grand Ayatollah Sistani d’Irak. (P-8A, à la p 6)
(nos soulignements)
[78] Cette vidéo ne réfère pas à Awada autrement que par son titre. Elle concerne la cérémonie de prise du voile par des fillettes de moins de dix ans qui jurent de le porter toute leur vie. Leurs témoignages sont recueillis. Elles expliquent leurs motivations dans cet engagement.
[79] Au cours de son témoignage, Awada se déclare en désaccord avec une telle cérémonie pour des enfants aussi jeunes.
[80] En Commission parlementaire sur le PL 60, Louise Mailloux est entendue. Elle veut contribuer à la lutte contre l’intégrisme et pour ce faire, elle dépose une photographie et la commente. On y aperçoit Amir Khadir de Q.S. lors d’une rencontre en août 2012 avec des représentants de l’Association Bridges « dirigée par un imam qui officie au CCMM, une mosquée où on fait prêter aux petites filles le serment du voile » (P-11).
[81] La photographie montre l’Imam A. et Awada parmi d’autres, devant le logo de l’Association. S’y retrouvent aussi C., D. et E.
[82] La vidéo 5 montre des photographies de A. officiant à la cérémonie du voile avec des fillettes jurant sur leur honneur de faire tous les efforts « pour préserver mon hijab, comme l’a ordonné Allah et son messager ».
[83] Mailloux souligne la division de l’assemblée à cette rencontre, entre les hommes et les femmes, certaines voilées, Amir Khadir étant assis avec les hommes. Voilà selon Mailloux, une photo qui « en dit long sur les principes de la charia. Premier principe, le voilement des femmes, second principe, la ségrégation des sexes ».
[84] À une question, Mailloux précise sa pensée :
Ce qu’il faut comprendre de ça monsieur le ministre c’est qu’on a ici Amir Khadir qui cautionne une telle assemblée. Et ce qu’il faut savoir aussi c’est que la porte-parole de Q.S. dans la circonscription de Bourassa-Sauvé à Montréal-Nord, c’est celle qui est passée à Tout le monde en parle Dalila Awada dont l’imam A. est son imam alors elle fréquente l’Association Bridges et elle y prend régulièrement la parole … Alors ce qu’il faut comprendre ici c’est que, on a Amir Khadir qui cautionne la ségrégation des sexes. Pour un député de gauche me semble que ce n’est pas tellement progressiste. (P-11)
[85] La vidéo 5 réfère à des photographies montrant Awada seule ou avec d’autres à l’Association Bridges.
[86] Le 24 janvier 2013, Poste de veille publie un blogue intitulé : « Québec : Pourquoi Amir Khadir s’allie-t-il avec des Khomeinistes? » (P-10).
[87] Ainsi, selon Magnan, d’un côté, Amir Khadir condamne le hijab comme un symbole d’oppression de la femme; de l’autre « il s’implique activement dans le processus d’infiltration de Q.S. par des membres de l’Association Bridges fondée et dirigée par l’Imam Khomeiniste A... ». Une photographie le montre avec des personnes rassemblées et Awada au visage encerclé comme membre de l’Association (P-10, à la p 1).
[88] Poste de veille rapporte les propos d’Awada tenus lors d’une assemblée de Q.S. dans les locaux de l’Association Bridges. Elle s’y exprime comme porte-parole du parti :
Nous croyons que l’organisation politique que nous bâtissons …correspond aux valeurs de la population nord-montréalaise. (P-10, à la p 1)
(nos soulignements)
[89] Poste de veille s’emploie donc à faire comprendre les « valeurs » auxquelles Awada renvoie et donc « il est crucial de savoir qu’elle participe à l’Association Bridges dirigée par l’Imam A. un fervent Khomeiniste … né… en Irak » qui « participe à des activités de prosélytisme » (P-10, aux pp 1-2). Et « depuis 2011, il est le président du CCMM et il dirige l’Association Bridges, deux institutions farouchement Khomeinistes » (P-10, à la p 2).
[90] De plus, E. et D. sont très impliqués au sein de l’Association Bridges et écrivent dans le journal de langue arabe S …. C. quant à lui, a été vice-président du CCMM et « dirige le S…, un journal ouvertement Khomeiniste ». D. écrit dans ce même journal « tout en endoctrinant la jeunesse de Bridges aux valeurs rétrogrades et barbares du Khomeinisme ». Suivent des photos montrant D. « expliquant la structure politique du Khomeinisme aux jeunes de Bridges : « « LE LEADER » signifie le guide suprême une fonction actuellement exercée par Khamenei » (P-10, à la p 3).
[91] Le blogue reproduit plusieurs photos avec des visages encerclés, dont celui d’Awada et de Khadir avec la légende « Amir Khadir a choisi d’impliquer ces gens-là au sein de Q.S. à Montréal-Nord … » (P-10, à la p 4) (nos soulignements).
[92] Le blogue ajoute :
Il [Khadir] recrute Dalila Awada comme porte-parole de son parti, une propagandiste du hijab qui s’active …au sein d’une association Khomeiniste qui pratique la ségrégation sexuelle … l’imam de cette association exerce d’énormes pressions auprès des fillettes qui fréquentent sa mosquée afin qu’elles adoptent le hijab dès l’âge de 8-9 ans. (P-10, aux pp 5-6)
(nos soulignements)
[93] Et plus loin :
Alors que Dalila Awada veut nous faire croire que le port du hijab relève d’un choix personnel, ces fillettes nous disent la vérité : terrorisées par la crainte de l’enfer, elles ont adopté le hijab afin de plaire aux Mollahs (comme A.) qui les endoctrinent dès l’enfance à craindre Allah … (P-10, à la p 8)
[94] Ainsi Khadir « s’allie à Montréal-Nord avec des alliés objectifs de ce régime islamique parmi les plus brutaux de la planète » (P-10, à la p 8).
[95] Le blogue cite le journal S… qui, dans sa page éditoriale et sous la plume de E., tenterait « de justifier l’une des plus brutales répressions que le monde ait connu au cours des dernières années : le mouvement de résistance au régime des Ayatollahs qui s’était alors soulevé telle une vague verte n’aurait été qu’un vilain complot de l’Occident … » (P-10, à la p 8).
[96] Et citant E. :
… la révolution islamique en Iran fournit un modèle qui réunit l’authenticité de la religion à la modernité (…) et la rigidité de la religion à la souplesse diplomatique et qui offre au monde une expérience qui marque le début d’une nouvelle étape pour l’humanité dans l’espoir que la fin du monde passe par la porte de Salman al-Farsi lequel a promis à l’humanité que l’histoire réelle des messages divins avec le message final (soit l’islam) sera entre les mains de ces gens-là, (c’est-à-dire les mollahs chargés de conserver la Révolution islamique iranienne), et ce, malgré la haine qui anime les mécréants et les hypocrites en Occident et chez les Arabes. (P-10, à la p 9)
[97] Le blogue s’interroge :
Pourquoi Amir Khadir de Q.S…. s’allie-t-il avec des éléments montréalais de l’extrême-droite chiite? Pourquoi s’associe-t-il avec des gens [comme A., E., et D.] qui via le journal S… et l’Association Bridges relaient la propagande d’un régime qui opprime violemment son propre peuple? Pourquoi endosse-t-il tacitement ces gens dont les activités militantes contribuent à recréer ici même au Québec des conditions où s’appliquent de facto des éléments de la charia (tels que la ségrégation sexuelle et le voilage des petites filles)? Et pourquoi Amir Khadir ouvre-t-il la porte de son parti à leurs émissaires (comme Dalila)? (P-10, à la p 9).
(nos soulignements)
[98] Suit une autre photographie de groupe avec le visage encerclé d’Awada, et plusieurs renvois à d’autres blogues.
[99] Ce blogue associe clairement Awada à l’extrême-droite chiite et en fait son « émissaire ».
[100] Cette vidéo affiche des images d’Awada juxtaposées avec l’affirmation « les islamistes sont proches de Q.S. ». Ce procédé induit l’impression qu’Awada est associée au Khomeinisme, à sa propagande et au terrorisme international.
[101] On y voit la leader de Q.S. réagir aux propos de Mailloux en Commission parlementaire (vidéo 5) et à la photographie impliquant Amir Khadir déposée à cette occasion :
Quand on est rendu en pleine Commission parlementaire à sortir une vieille photo d’un politicien en train de s’adresser à des gens … et ce politicien je le connais bien : il s’appelle Amir Khadir et il ne se gêne pas pour dire ce qu’il pense aux islamistes …et je lis dans des journaux ce matin : Ahhh! Les islamistes sont proches de Q.S.! …il paraît que Mme …il y a une couple de semaines a dit à Trois-Rivières : les islamistes infiltrent Q.S…
Ben moi je les cherche encore, je les cherche encore!
(nos soulignements)
[102] La vidéo 7 reprend les propos de Mailloux en Commission parlementaire soulignant la présence d’Awada comme porte-parole de Q.S., amalgamant des photos de l’imam A. à un banquet du Forum musulman canadien et d’Amir Khadir à ce même banquet avec différentes personnes musulmanes. Et soudain, la vidéo s’adresse à Françoise David :
Mme David, voici A.!
[103] Suivent les vociférations de Cheikh S. Mohammad Cyrous[6] (ci-après « Cyrous ») dénonçant A. et l’associant au terrorisme international. A. utiliserait la religion et le Coran, serait un agent du régime iranien, serait financé par ce régime, il ouvrirait des mosquées au Canada :
Ce sont des terroristes, ce sont des terroristes internationaux …ils vont payer pour ce qu’ils font, pour les tortures … (P-12)
[104] Un texte apparaît à l’écran sur fond musical et photos à l’appui :
A. est un Libanais, il a étudié à Qom … financé par l’Iran des Ayatollahs, A. a ouvert des écoles islamiques au Canada …il entretient des rapports étroits avec le Hezbollah … (P-12)
[105] Des photos de A. défilent dont une avec le maire de Montréal qui lui remet une médaille, une autre au camp organisé par l’Association Bridges en août-septembre 2013 et une d’Awada comme porte-parole de Q.S. au local de l’Association Bridges en mars 2013. On ajoute une déclaration d’Awada pour qui c’est « franchement superficiel de s’attarder à ce foulard-là qui pour moi c’est la façon dont je vis mon rapport à … [interruption] ».
[106] La vidéo affirme que A. est interdit de vol aux États-Unis et revient ensuite avec les accusations de Cyrous contre lui. Cyrous témoigne du ressentiment des Iraniens contre les exactions de leur gouvernement et l’utilisation de la religion à des fins politiques.
[107] En marge de ces propos, encore des images de l’Association Bridges, de D. et du camp de Bridges en août-septembre 2013. La vidéo affirme : « D. enseigne aux jeunes de Bridges la doctrine politique de Khomeini » le tout avec des références visuelles à A., C., D., E. et des extraits du journal S…montrant A. implorant Allah de donner la victoire aux armées musulmanes.
[108] Cyrous met en garde contre des gens, « ce peut être à Montréal … très proche de cette mentalité et de ce dogme …qui s’implantent ». Il dénonce ces gens financés par l’Iran « pour indirectement encourager la jeunesse à devenir des agents au service d’intelligence et de renseignements iraniens. » Et ici, nouvelle photo d’Awada à une activité organisée par le CCMM en présence de A., D., E. et de membres de l’Association Bridges.
[109] Cyrous continue accusant « ceux qui ont du sang sur les mains », les mêmes qui « incitent les jeunes à entrer dans un jeu politique de mon pays d’origine …il y a des jeunes qui se trouvent piégés dans ce jeu politique … ». Nouvelle photo d’une réunion au CCMM. Cyrous décrit cette jeunesse « manipulée » pour « les amener à croire que la politique de Bachar-al-Assad et du Hez Dawa et du Hezbollah …ce sont la représentation de l’islam sur terre ».
[110] La vidéo 7 se termine sur les cris de révolte de Cyrous dans une envolée dramatique avec référence à Ben Laden, Zawahiri, aux Hamas, Hezbollah et Nasrallah : « ce sont des gens comme A. … qui prennent l’argent du peuple iranien, du sang iranien …pour utiliser la religion, pour utiliser le Coran …ce sont des terroristes internationaux …ils vont payer pour ce qu’ils font …pour les tortures … ».
[111] Et Françoise David : « Je les cherche encore…je les cherche encore… » avec photographie de groupe incluant Amir Khadir et Awada (dont le visage est encerclé) parmi d’autres personnes.
[112] Poste de veille reprend dans un billet de blogue intitulé « Québec : réponse à Françoise David qui cherche les islamistes ayant infiltré son parti » (P-13) les propos tenus dans la vidéo 7 (P-12) accompagnés d’une photographie de grand format montrant le visage encerclé d’Awada parmi d’autres personnes dont Amir Khadir, cette photo étant accolée à une autre de A. prise à l’Association Bridges.
[113] Awada est accusée de ne pas porter un vrai voile islamique. Elle porterait un foulard par « ruse ». Elle est « habillée, mais nue » et on répète à plusieurs reprises la comparaison avec « la bosse de chameau ». Elle est décrite comme une « midinette » se livrant à une entreprise politique en faveur d’un « chef d’orchestre invisible ». Elle est liée à une idéologie fasciste-islamiste.
[114] On rappelle que « l’imam de Dalila est un intégriste de Khamenei ». On cite Françoise David qui « cherche encore » les islamistes infiltrant Q.S. en lui juxtaposant des photographies d’Awada et des commentaires à son endroit. On suggère ainsi qu’elle est une islamiste infiltrant Q.S.
[115] Quand Karim Akouche parle d’un visage à double-face, un pour séduire les Québécois et l’autre pour faire le travail des intégristes, on présente des photographies d’Awada avec la mention « Awada fait partie de l’Association Bridges ». Plus loin, on rappelle à nouveau que A. « un dévot » de Khomeini, est l’imam de Dalila.
[116] La vidéo 8 débute sur une question : « les femmes portent-elles le voile par choix ou non? » Akouche affirme avoir analysé la question et conclut qu’elles le portent par obligation. Mais, « une catégorie …le porte par ruse …ruse, je m’explique. On a vu un débat entre [nom d’une femme] et la jeune coquette Dalila Awada … Déjà, c’est pas le voile ce qu’elle porte. C’est un voile fait par, hum, qu’aurait fait Christian Dior, peut-être …c’est un voile fleuri ».
[117] Son propos est coupé par ceux de Houdeyfa tirés de la vidéo 2 : « …habillées, mais nues, elles ont des coupes en forme de bosse de chameau …regardez la sorte de rosace ou de fleur qu’elles mettent pour gonfler la tête …telle une bosse de chameau …le hijab c’est pas pour attirer. Maintenant, on fait des poses avec le hijab … ».
[118] Akouche revient cherchant l’intention derrière le port de ce joli voile. Ce ne serait pas par choix, mais par ruse. Ainsi, la plupart de ces femmes sont manipulées par des intégristes. Rappel une fois de plus que A. est l’imam d’Awada. Rappel de l’échange entre Djavann et Ardisson (vidéo 2) sur l’utilisation de midinettes au-devant de la scène dans une entreprise politique dirigée par un chef d’orchestre invisible, le tout accolé à des images d’Awada.
[119] On cite Djavann : « on a vu apparaître …des midinettes qui expliquent …que leur démarche est personnelle » en y associant une image d’Awada déclarant que son voile « c’est vraiment quelque chose que je vis de façon très personnelle, c’est mon rapport à mon corps, à ma pudeur ». Suit une photo d’Awada.
[120] On enchaîne avec des propos d’Awada, de Djavann (« midinettes »), de Houdeyfa (« bosse de chameau ») et Ardisson (« chef d’orchestre invisible »), à nouveau Djavann (« faciste- islamiste qui tente de pénétrer… les infrastructures républicaines »), Françoise David (« je les cherche encore »), Mailloux (« la porte-parole de Q.S., Dalila Awada ») associés avec des photographies d’Awada à l’Association Bridges et Q.S.
[121] Akouche revient aussitôt et affirme : « ce qu’on appelle en arabe « taqqya » …c’est le visage à double-face » pour séduire, pour plaire, d’une part, et faire le travail des intégristes, d’autre part. Le tout superposé au visage d’Awada suivi d’un nouveau rappel qu’elle est associée à l’Association Bridges, à A. et au CCMM.
[122] Nouvel enchaînement de propos entrecoupés émanant de Cyrous, Akouche, Djavann martelant les mêmes affirmations sur l’idéologie fasciste-islamiste. La vidéo réfère au ministre Drainville citant le mémoire déposé par Akouche en Commission parlementaire :
L’islamiste ne reconnaît pas l’état, il ne respecte pas l’identité des autres, il ne jure que par la suprématie des lois d’Allah, il n’en a cure des lois des hommes. Pour lui, la démocratie et la laïcité sont illicites, seule la charia compte. L’islamiste vit dans une logique de conquête. Sa mission c’est bâtir la Oumma et islamiser le monde. (P-14)
[123] Retour à des extraits déjà entendus émanant de Cyrous (« la taqqya »), Akouche (« la plupart sont manipulées ») Djavann (« sans le voile le système islamiste ne peut exister ») …le tout accompagnés d’images d’Awada portant le voile.
[124] La thèse générale de cet article est de dénoncer cet organisme qui décrirait le Parti québécois comme une réincarnation « crypto-Nazi », un parti « alarmiste sur la menace islamiste et en voie de devenir l’ennemi des Juifs … ». L’intellectuel Michel Seymour[7],professeur au département de philosophie de l’Université de Montréal impliqué dans Québec inclusif et Q.S. (ci-après « Seymour »), est accusé. Il serait un « militant fanatique de Q.S. n’a aucune objection à s’allier à des émissaires de nos Khomeinistes locaux … » (P-16, à la p 1).
[125] Cette entrée en matière est accompagnée d’une photographie du conférencier Seymour avec à sa droite, entre autres, Dalila Awada « de l’Association Bridges une organisation pour Khomeini … » et plus loin « Québec inclusif s’allie avec des militants embrigadés par nos Khomeinistes locaux comme Dalila Awada … » (P-16, à la p 2). Le tout suivi d’un rappel que A. « est sans doute l’un des imams les plus dangereux au Canada … ». Ce message est répété de diverses façons tout au long de l’article qui associe l’Ayatollah Khamenei « à un meurtrier sanguinaire, un bourreau tortionnaire … » (P-16, à la p 6).
[126] Cet article explique que parmi les opposants au PL 60, on retrouve des militants chiites sympathiques au Hezbollah, une « des entités terroristes » reconnues par le « gouvernement canadien », ces opposants voulant entretenir « la confusion sur la mission et le fonctionnement de cette organisation ». L’article affirme qu’une « agente de la Ligue islamique mondiale au sein du groupe Québécois musulmans pour les droits et libertés …s’associe aussi avec Dalila Awada et [noms de femmes], deux chiites voilées qui fréquentent la mosquée de l’imam Khomeiniste A. … » (P-17, à la p 2). Photos à l’appui, dont une montrant Awada.
[127] L’article se poursuit :
…suivant la Révolution de 1979, Khomeini a mis en place une forme de gouvernance qui rejette l’idée d’État-nation et aspire à réaliser l’unité des musulmans du monde entier au sein de la Oumma (la communauté islamique sans frontières) … La prise du contrôle islamique de l’appareil d’état en Iran ne constituait … que le point de départ d’une vague islamique appelée à submerger l’ensemble des nations de la Terre. (P-17, aux pp 2-3)
[128] La « loyauté » du Hezbollah au Guide suprême de la révolution islamique (« hier c’était Khomeini, aujourd’hui c’est le duo Khamenei-Sistani ») est « absolue ».
[129] Les chiites du Québec qui « défendent le Hezbollah ne peuvent en même temps se réclamer des valeurs québécoises » (P-17, à la p 4).
[130] Le 16 janvier 2013, Magnan y reprend l’amorce de l’article intitulé « Pourquoi Amir Khadir s’allie avec des Khomeinistes? » On souligne à nouveau le même paradoxe, Khadir présentant « le hijab comme un symbole d’oppression de la femme », d’une part et d’autre part, « s’impliquant dans le processus d’infiltration de Q.S. par des émissaires (comme Dalila) de l’imam Khomeiniste A. … ». Le tout suivi d’un renvoi au site Poste de veille pour la suite de l’article.
[131] Le 22 janvier 2013, Magnan reprend encore les propos de Louise Mailloux en Commission parlementaire lors de son témoignage sur le PL 60 (P-18, à la p 3) et soulignant l’identité d’Awada comme porte-parole de Q.S. dans Bourassa-Sauvé et dont l’imam est A. Avec photo à l’appui présentant le visage d’Awada encerclé de couleur rouge.
[132] De nombreux commentaires accablent ensuite Awada.
[133] Le 6 février 2013, Poste de veille partage un lien sur YouTube reprenant la vidéo 7 où Françoise David dit chercher les islamistes infiltrant Q.S. et présentant l’imam A., « l’imam de Dalila ».
[134] Le 20 février 2013, Poste de veille partage un lien sur YouTube où « l’écrivain Karim Akouche » s’exprime « sur la Charte … (« la laïcité contre l’islamisme ») » (P-18, à la p 9). On rapporte ensuite les commentaires accablants d’internautes à l’égard d’Awada.
[135] Le 2 mars 2013, Poste de veille publie un article sur sa page Facebook. Il cite avec approbation la « très belle réponse » d’un ex-musulman à « Dalila Awada qui parle sur sa page Facebook de « sites poubelles islamophobes comme Poste de p’tite veilleuse … » » (P-18, à la p 12) (nos soulignements).
[136] Cette « réponse » constitue une charge virulente contre Awada, ridiculisant ses convictions et sa beauté, l’accusant d’être une « belle payée pour masquer la laideur des autres, la laideur de ta religion. Mentir, falsifier, dévoyer est une atteinte contre la vérité que tu ne sauras jamais parce que tu es traversée par d’autres comme un courant d’air traverse un tunnel. C’est dire à quel point tu es creuse » (P-18, à la p 12), en plus d’utiliser une conclusion scatologique. Les commentaires des internautes se déchaînent ensuite contre Awada.
[137] Le 16 février 2014, Poste de veille écrit à nouveau. Awada est accusée : « elle se fout du sort des Iraniennes et des Iraniens opprimés par les Ayatollahs sanguinaires » (P-57, à la p 25).
[138] Le 1er mars 2014, nouvelle charge contre Awada car elle refuse de se dissocier de « son » imam présenté comme « l’ardent khomeiniste pro-Hezbollah A. [qui] travaille pour le régime sanguinaire de cette tarentule nommée Khamenei » (P-57, à la p 28).
[139] Cet article décrit le mouvement des « Janettes » qu’appuient des célébrités. Il reprend des extraits de Montreal Gazette et une photographie de la manifestation en faveur du PL 60. Sean Watsilavit explique qui sont leurs opposants :
There has been a wave of well-spoken pretty young chicks going on TV shows with their headbags and writing editorials on the theme « my choice, my rights, my freedom » repeating the mantra « my hijab is my « personal choice » ».
Now I’ve discover …that they are programmed by the Bridges Association. Problem was: there are all shias : Dalila Awada [noms de femmes]…
So how could pretty shia chicks be working for a sunni foundation managed by the Brotherhood? ...I think I have resolved the puzzle : They are allying against non-muslim Québécois in a pro-hijab, Islamic assault…
…
The role of Bridges is twofold : 1) to train pretty young chicks in the art of presenting islam and sponsoring the headbag in a non-threatening manner; and 2) to connect them with MSM outlets and feminist lobbies…
Bridges Foundation and their many associations worldwide work so that cute chicks like Dalila Awada…[noms de femmes]…are invited to the most popular TV talk-shows, have their opinions pieces published in the biggest newspapers, and have access to powerful feminist groups… (P-38, à la p 9)
(nos soulignements)
[140] Sous une photo montrant le visage encerclé d’Awada, on rapporte que le régime iranien commandite « une mouvance subversive visant à exporter autour du globe la révolution islamique de Khomeini » avec des « émissaires dans nos médias (telles que les midinettes du hijab), à infiltrer des partis politiques, faire du lobbying auprès de nos élus et endoctriner la jeunesse chiite … ».
[141] Plus loin, on mentionne qu’Awada « a infiltré » Q.S. (P-69, à la p 9).
[142] Magnan prétend tirer sa légitimité dans ses dénonciations contre Awada par le mérite de son enquête et les découvertes effectuées à son égard.
[143] Magnan se décrit comme un « pro-Charte ». Dans son optique, Awada est contre la Charte et s’allie à Q.S. pour faire valoir son point de vue. Magnan se voit comme un citoyen militant en faveur de ses convictions et débattant d’enjeux cruciaux avec (ou contre) des opposants. C’est une joute politique et sociale dans un contexte électoral.
[144] Pour Magnan, c’est un débat musclé où des idées s’affrontent et où les opposants tentent de rallier l’opinion publique à leurs thèses. Awada est entrée dans la joute de façon marquée lors de sa participation à l’émission de TLMEP. Elle s’inscrit donc dans cet affrontement ainsi que ceux qui la soutiennent, notamment les partisans de Québec inclusif et de Q.S. Pour Magnan, il est normal qu’ils soient visés par sa démarche d’enquête et dénoncés le cas échéant.
[145] Cette démarche est dans le droit fil de la « mission » de Poste de veille telle que décrite lors de sa création en 2009 et reflétée à son Manifeste (P-66).
[146] Dans ce contexte, Magnan veut « cartographier les groupes islamistes actifs au Québec ». Il réfute être un journaliste. Il se décrit comme un lanceur d’alerte. Il commence par attirer l’attention sur la tenue de conférences impliquant des prédicateurs musulmans (qualifiés « d’islamistes »).
[147] En août-septembre 2013, il enquête sur une conférence annoncée au Palais des Congrès à Montréal. Il constate la dénonciation dont elle fait l’objet de la part de certains et en contrepartie, le soutien qu’elle obtient de groupes musulmans. Il identifie des personnes reliées à ces groupes. Il assiste à des conférences, à une manifestation du 14 septembre 2013 contre le PL 60. Il publie une rubrique intitulée « Cartographie de l’islamisme au Québec ».
[148] Le 11 septembre 2013, un ensemble d’organismes, associations et centres musulmans se concertent lors d’une réunion de coordination afin de discuter du PL 60 et des moyens de s’y opposer (DPM-74). Une seconde réunion à cet effet se tient le 14 septembre suivant. Parmi eux, le CCMM et l’Association Bridges.
[149] Le 24 septembre 2013, l’imam A. relié au CCMM et à l’Association Bridges présente un séminaire sur le thème du voile islamique, son « origine, signification et contexte actuel » (DPM-28). Le même jour, QMDL annonce la tenue d’une conférence de presse et les personnes à contacter sont deux femmes croisées par Magnan lors de ses démarches antérieures et impliquées dans les organismes ou groupes musulmans.
[150] Cette conférence de presse a lieu le lendemain. E. est présent. Selon Magnan, QMDL plaide pour un droit absolu de porter des signes religieux.
[151] Le 26 septembre, Awada participe à l’enregistrement de l’émission TLMEP qui sera diffusée le 29 suivant. Entretemps, elle prend la parole au cours d’une soirée de l’Association Bridges sur le thème « La laïcité : Définition et clarification du concept; présentation d’une structure d’argumentation » (DPM-47).
[152] Le débat public entre les « Janettes » et les « Inclusives » s’amorcent ensuite. Des lettres ouvertes sont écrites. Des manifestations se tiennent.
[153] Les vidéos 1, 2 et 3 sont mises en ligne par Magnan. Des rubriques déjà citées sont publiées sur Poste de veille.
[154] En novembre 2013, la sœur du fiancé d’Awada engage un dialogue avec Magnan sur Facebook (P-39) après avoir inscrit un commentaire sur la chaîne YouTube à l’égard de la vidéo 3. Magnan sollicite une entrevue avec elle. Le dialogue amorcé à P-39 n’aura pas de suite.
[155] Le 23 novembre 2013, Awada s’adresse à Magnan sur YouTube : « Je ne comprends pas pourquoi tu t’acharnes sur moi et ceux qui m’entourent. C’est franchement désolant » (DPM-45).
[156] Magnan lui répond : « Le fait que vous ayez commencé à porter le voile par mimétisme…pointe vers ces forces transindividuelles qui m’intéressent…et dont vous semblez vouloir faire abstraction au profit du thème « mon choix, mes droits, ma liberté » que vous répétez tel un mantra. En passant, l’imam A. se réclame-t-il davantage de Qom ou de Najef, du Guide suprême iranien ou de Sistani? » (DPM-46).
[157] Le Tribunal note qu’à cette époque, Magnan s’identifie par des « avatars » auprès de ses interlocutrices (P-39, DPM-46).
[158] En décembre 2013, Magnan tente d’interroger l’imam A. qui décline. À la même époque, Magnan découvre la cérémonie du voile dont il traite à la vidéo 4 et qui a lieu annuellement au CCMM. L’imam A. est attitré au CCMM et Awada fréquente occasionnellement ce lieu et cet imam (DPM-23).
[159] En janvier 2014, Rima Denamins (ci-après « Denamins ») publie une lettre ouverte dans La Presse. Elle conteste le PL 60. Magnan réplique sur Poste de veille (P-17) en l’associant à une tierce personne « agente de la Ligue islamique mondiale » toutes deux travaillant au sein du groupe QDML (DPM-58). Selon Magnan, Denamins s’associe à Awada.
[160] Le 15 janvier, Seymour comparait en Commission parlementaire sur le PL 60. Le lendemain, Magnan publie un article demandant pourquoi Khadir s’allie à des Khomeinistes (P-10). Les vidéos 5 et 7 suivront en janvier et février 2014 impliquant à chaque fois Awada. Magnan tente ensuite de communiquer avec elle via Facebook. Elle choisit de lui bloquer l’accès à son compte.
[161] Le 18 février 2014, Akouche comparait en Commission parlementaire et discute des intentions de la « jeune coquette Dalila Awada » et du port du voile par ruse. Selon lui, c’est le double visage de la taqqya. Awada lui répond sur sa page Facebook l’accusant de mauvaise foi et de diffamation (DPM-57).
[162] Le 28 février 2014, Magnan met en ligne la vidéo 8 qui reprend les propos de Akouche et ceux de Cyrous et de Djavann sur les « midinettes ».
[163] Le 1er mars 2014, Awada dénonce la tenue de la « Journée sans voile » et qualifie Poste de veille de « site poubelle islamophobe » (DPM-57A). Magnan lui répond par une question. Pourquoi ne se dissocie-t-elle pas de l’imam A. dont les affiliations Khomeinistes sont maintenant connues?
[164] Le 18 mars 2014, Seymour publie sur le site web de Québec inclusif un texte intitulé « Errances et outrances de Louise Mailloux » auquel Magnan répond (P-16). Un bras de fer s’engage ensuite entre Me Bourget et Magnan, le premier accusant l’autre de diffamation. Magnan lui offre de s’exprimer sur Poste de veille. Me Bourget lui reproche des propos concernant la vice-présidente de son groupe et déclare ne pas discuter avec des personnes qui se réfugient dans l’anonymat. À ce moment, Magnan veut discuter avec Me Bourget et le rencontrer. Il veut lui expliquer le modus operandi de la secte des Khomeinistes et la mise en place par eux d’un plan global conçu lors des réunions des 11 et 14 septembre 2014.
[165] Cette rencontre entre eux n’aura lieu que le 11 avril 2014 après la défaite du gouvernement Marois (P-43).
[166] La production de Magnan comporte de nombreuses répétitions et recycle, bien souvent, des images, photographies, propos présentés d’une vidéo à l’autre et d’un texte à l’autre avec des éléments de nouveauté.
[167] Awada est toujours présentée sous le même angle d’émissaire des forces Khomeinistes et de midinette perfide ou naïve. La substance de ces accusations repose sur des associations suggérées par Magnan entre Awada et des personnes ou des groupes définis comme suspects. Pour en démontrer le bien-fondé, Magnan produit des photographies où on la voit lors d’événements tels un repas, des activités ou dans son rôle de conférencière ou de représentante de Q.S.
[168] Rien n’indique les contenus de ses propos ou démarches personnelles autrement que les titres de conférences annoncées ou celles concernant d’autres intervenants. On prête des intentions et des propos à ceux-ci et on y associe Awada en raison de sa présence occasionnelle auprès d’eux.
[169] Lors de son témoignage devant le Tribunal, Awada nie toute allégeance islamiste, intégriste ou à des groupes musulmans radicaux nationaux ou internationaux.
[170] Elle explique avoir refusé les invitations de Magnan à interagir avec lui parce qu’elle ignorait son identité, n’appréciait pas ses commentaires destructeurs envers elle, ne lui faisait pas confiance.
[171] Dans son interrogatoire avant défense du 3 décembre 2014, Awada déclare :
Ne pas connaître le lien entre « khomeiniste et chiite » (Q.107)
Elle ne connaît pas du tout la politique iranienne (Q.704)
Elle ignore si l’Association Bridges ou le CCMM sont considérés Khomeinistes (Q. 705)
Selon elle, l’Association Bridges ne s’affiche pas comme une association Khomeiniste (Q.157)
[172] La réaction négative a été très forte envers Awada tant sur internet que dans sa vie personnelle.
[173] Ses relations interpersonnelles ont été altérées. Des personnes ont pris des distances avec elle.
[174] Une multitude de messages publiés sur les réseaux sociaux ont fait référence aux publications et propos de Magnan, en fait, de ses « avatars ».
[175] Les témoins Me Bourget, Seymour et Pâquet affirment avoir été mis en garde par des tiers contre Awada. La rumeur circulait qu’elle était une agente de l’islam politique, qu’elle ne disait pas la vérité, cachait des choses. Seymour décrit Awada comme une femme articulée avec du cran. Malgré cela, il la voit désarçonnée et inquiète de son avenir si elle est ostracisée en raison des attaques dirigées contre elle.
[176] Awada, souvent sollicitée par les médias pour discuter du voile ou d’autres sujets, a vu se tarir ses contacts.
[177] Elle a abandonné ses études pendant un an, étant très affectée et humiliée par ces propos. Elle a ressenti de la peur après avoir été interpellée par des inconnus de façon négative sur la voie publique ou dans des événements publics.
[178] Awada témoigne. Elle accepte la controverse, la discussion et la possibilité d'être critiquée et dénoncée pour ses positions. Le débat ne lui fait pas peur.
[179] Toutefois, selon elle, les vidéos et blogues de Magnan excèdent ce niveau de discussion. Ils la diffament et la discréditent en s'attaquant à elle personnellement et non à ses idées et points de vue.
[180] Elle souffre et se sent humiliée d’être décrite comme une midinette aliénée et manipulée par un chef d'orchestre invisible lié à l’islam politique. Et qui manipule à son tour la collectivité en présentant une version rassurante et même séduisante du voile, menaçant les institutions démocratiques et les valeurs liées à la laïcité. Elle, qui porterait le voile par ruse et non par modestie; qui serait une émissaire et une agente de l’islam khomeiniste; qui infiltrerait le mouvement féministe, le parti Q.S. et les médias; qui cacherait les motifs véritables de son discours inclusif et ne dirait pas tout.
[181] Au fil du temps, Awada constate les ravages de ces affirmations formulées par Magnan à son égard. Sa crédibilité est ruinée. Elle s'isole de sa propre communauté. Elle s'inquiète des conséquences sur ses futures chances d'emploi au Québec si un employeur potentiel s'avisait de « Googler » son nom. Elle perd sa combativité et se replie sur elle. Elle est inondée de messages haineux (P-22, P-22A, P-59, P-62, P-8A).
[182] Le débat public sur la Charte des valeurs perdra de son acuité en avril 2014 avec la défaite électorale du gouvernement Marois et la mise au rancart du PL 60.
[183] Toutefois, le cycle des productions de Magnan se poursuivra jusqu'après la signification des présentes procédures.
[184] Awada vit encore aujourd'hui avec les conséquences des actions de Magnan contre elle.
[185] Au prix de grands efforts, elle a rebâti sa réputation. Mais elle craint toujours de voir ressurgir les démons engendrés par Magnan et qui la rendent vulnérable à des recherches sur internet par des tiers.
[186] Pourtant, Magnan lui-même admet avoir instrumentalisé Awada pour soutenir ses positions.
[187] Le 11 avril 2014, Me Bourget le rencontre et enregistre partiellement la conversation à son insu (DPM-43, DPM-13, P-23 et P-50). Magnan parle d’Awada : « il n’a rien contre elle » (à la p 10), « il vise à travers elle l’Association Bridges » (à la p 10), « il vise l’imam A. » (à la p 11), « le problème avec cette Association c’est sa mission et ses adjudants B. et C., des khomeinistes purs et durs qui font l’éloge de Khomeini et de l’exportation de la révolution islamique incluant au Canada » (DPM-43, aux pp 11-12).
[188] Magnan affirme : « si je suis coupable de quelque chose …c’est d’avoir instrumentalisé Dalila, afin de jeter, afin de focusser sur …moi je n’ai rien contre elle …c’est pas une islamiste …moi je connais des gens qui la connaissent …puis ils m’ont dit qu’il n’y a rien d’islamisme avec [sic], moi je sais que Dalila, elle, ce n’est pas une islamiste …je sais qu’elle milite pour son droit individuel de porter le hijab … » (DPM-43, aux pp 13-14) (nos soulignements).
[189] Eid est professeur au Département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal. Il est détenteur d’un postdoctorat en études ethniques de l’Université de Montréal et d’un doctorat en sociologie de l’Université de Toronto.
[190] Ses recherches portent, entres autres, sur les rapports interethniques et l’immigration, le racisme et la discrimination, la gestion politique et juridique du pluralisme religieux et culturel, la place de la religion dans l’espace public.
[191] Il a été reconnu comme témoin expert à titre de sociologue spécialisé en discrimination raciale, religieuse et ethnique dans la société québécoise contemporaine notamment l’islamophobie[8].
[192] Aucun expert n’est entendu en défense.
[193] À la demande d’Awada, il doit analyser les connotations ou perceptions associées aux termes « islamiste, islamique, réseau islamiste, intégriste, intégrisme, khomeiniste, jihad, jihadiste, embrigader » dans la société québécoise lorsqu’ils sont utilisés à l’égard de personnes de confession musulmane.
[194] Il doit aussi indiquer « si le contexte dans lequel ces termes sont utilisés dans les vidéos et publications produites en pièces dans notre dossier peut influencer ces connotations / perceptions et si oui, comment ».
[195] Le Tribunal précise que l’angle d’analyse adopté par le témoin Eid doit référer à son domaine d’expertise en sociologie. Il ne s’agit pas de se livrer à une analyse commune des termes à laquelle le Tribunal pourrait procéder de toute façon.
[196] L’expert précise d’abord le contexte social québécois et occidental « étroitement lié à l’islamophobie » c’est-à-dire « un racisme anti-musulman » (à la p 1). L’islamophobie est séculaire en Occident, mais « elle a été puissamment redynamisée avec les attentats du 11 septembre 2001 et « la guerre à la terreur » qui s’ensuivit » (à la p 1). « Elle repose sur un « processus de racisation caractérisé par l’homogénéisation ainsi que par un processus de stigmatisation qui lui, suppose la diabolisation de la « communauté » musulmane, posée en menace sociétale collective » (P-36, à la p 1).
[197] Depuis les attentats du 11 septembre 2001, en Occident, « les musulman-e-s sont fréquemment associé-e-s dans les médias, l’espace public et les représentations sociales au terrorisme, à la violence, au sexisme, à l’orthodoxie religieuse, à l’intégrisme, à l’intolérance, etc. » (P-36, à la p 2).
[198] On tend ainsi à présenter les minorités musulmanes de façon négative, mais, surtout, on gomme la diversité individuelle dans cette communauté à travers des « généralisations abusives ». Cette généralisation ne tient pas compte des « clivages d’âge, de genre, de classe … ».
[199] Les médias d’information « tendent à surinvestir la culture comme clef explicative de chaque histoire individuelle » rapportée. Ces histoires personnelles telles que violence conjugale ou diatribe d’un imam conservateur, sont considérées comme des sous-produits de cette culture musulmane.
[200] Le processus de racisation enferme les musulmans dans « une culture non plus construite, changeante et diversifiée, mais, au contraire, naturalisée et figée, une culture omnipotente qui, telle une camisole de force, dicterait aux individus leurs actes et contraindrait leurs moindres choix » (P-36, à la p 2).
[201] Parlant de la vidéo 2 :
C’est ce qui explique par exemple que dans la vidéo 2 déposée en preuve, une voix de femme non identifiée cite des extraits du Coran avec pour objectif de mettre au jour le sexisme présumé inhérent à l’islam. Ici, les innombrables modalités de réception des versets cités constituent une variable non pertinente…puisque dans ce schéma racisant, les prédispositions sexistes des hommes musulmans peuvent se déduire directement des prescriptions du Coran…armature de cette religion/culture déterminante qui broie le libre-arbitre… (à la p 2)
[202] Dans cette racisation, les musulmans sont interchangeables. Chaque cas particulier « tend à faire office de spécimen de tout le groupe ce qui représente un fardeau très lourd à porter pour les individus ainsi catégorisés … » comme, par exemple, « la fille voilée nécessairement soumise et aliénée, …le musulman orthodoxe nécessairement hostile aux valeurs occidentales libérales … » (aux pp 2-3).
[203] Le procédé utilisé est d’utiliser des cas isolés comme point d’appui à une généralisation « consacrant l’idée que c’est l’islam et son prolongement naturel, l’islamisme, qui s’expriment à travers l’individu » et ces cas particuliers.
[204] L’expert ajoute :
On observe un tel procédé dans les vidéos et les publications déposées en preuve; la demanderesse y est dépeinte comme l’emblème par excellence de la fille voilée instrumentalisée par les islamistes pour véhiculer sournoisement leur idéologie liberticide via des porte-paroles séduisantes et rassurantes …Dans ce schéma racisant, la figure de la fille voilée, instrumentalisée par les islamistes, constitue une catégorie si universelle et unidimensionnelle qu’il devient possible et logique …de vouloir démasquer sa vraie nature par le biais de témoignages et d’analyses faisant références à des contextes aussi distincts que le Québec, la France, l’Iran, l’Égypte, etc. (P-36, à la p 3)
[205] Les musulmans étant des individus ainsi « racisés », il n’y a plus lieu de leur donner la parole puisqu’ils sont réduits « à n’être que les sous-produits d’une socialisation rigide opérée par leur culture et leur religion » (P-36, à la p 3).
[206] Selon l’expert, les médias recherchent alors deux types d’intervenants consacrant et restituant « un discours musulman », d’ailleurs négatif et confortant le discours dominant sur les musulmans. On choisira ainsi de donner la parole à un « imam hyperconservateur …bien qu’il soit le plus souvent ignoré ou dénoncé par la grande majorité de ses coreligionnaires » et qui devient ainsi un représentant de la communauté musulmane. Ou bien, on se tournera vers « des personnes originaires de sociétés à majorité musulmane dont le discours très critique reproduit le regard catégorisant …que pose le groupe majoritaire sur l’islam et les musulmans » (P-36, à la p 3).
[207] Ainsi, « en donnant toujours la parole aux mêmes personnes qui, usant de leur statut d’initiés, martèlent continuellement que l’égalité des sexes, la laïcité et les valeurs républicaines sont des valeurs occidentales incompatibles avec l’islam, les médias contribuent à renforcer les préjugés sur les musulman-e-s par réductionnisme. Dans les vidéos présentées en preuve, les extraits du témoignage de M. Akouche à la Commission de consultation sur le projet de loi 60 assument clairement cette fonction symbolique … (début de la vidéo 8).
[208] Dans ce paradigme entre « les figures de l’ami et de l’ennemi », le « bon musulman (l’ami) incarne aux yeux du groupe majoritaire une minorité atypique dans la minorité qui doit son intégration réussie …au fait qu’elle a su s’arracher à sa culture / nature musulmane. » (P-36, à la p 3).
[209] Selon l’expert, c’est avec la question des accommodements raisonnables que, dans les médias, « les minorités musulmanes et l’islam ont commencé à être durablement construits …comme un problème social » (P-36, à la p 4), présenté comme une crise à l’égard du « modèle d’intégration québécois ». L’impression créée était que les musulmans sont incapables de se dissoudre dans la culture nationale québécoise et ses valeurs d’égalité des sexes, laïcité, démocratie, droits de la personne, pacifisme. Ainsi, « les musulmans sont non seulement produit-e-s en série, mais …sont également porteurs d’une culture insoluble dans la modernité occidentale » en raison de leur « intégrisme politico-religieux hostile à notre culture publique commune » (P-36, à la p 4).
[210] En 2013-2014, pendant le débat public sur le PL 60, on a ainsi « clairement assisté » à une mobilisation des valeurs féministes « de manière à renforcer un clivage entre …un « Nous » national caractérisé par ses valeurs libérales et occidentales dont au premier chef l’égalité des sexes et, d’autre part, un « Eux » musulman caractérisé par une culture patriarcale au sein de laquelle les femmes sont présumées soumises au joug des hommes » (P-36, à la p 4).
[211] Selon l’expert, on a ainsi nié « le libre-arbitre des femmes musulmanes …leur capacité d’agir par elles-mêmes …d’être des agents autonomes pouvant remettre en question les traditions patriarcales qui ne sont pas propres aux sociétés musulmanes du reste. »
[212] Et parlant d’Awada :
C’est à la lumière de ce prisme idéologique que prend son sens l’idée martelée comme un leitmotiv dans les vidéos …selon laquelle Mme Awada incarnerait la figure emblématique de ces « midinettes » aliénées et instrumentalisées par des mouvements islamistes intégristes (notons au passage la connotation sexiste du terme « midinette » …pour renforcer l’idée selon laquelle les femmes voilées militant pour le libre choix de porter le hijab seraient des jeunes filles naïves, simplettes, sous influence). (P-36, à la p 4)
[213] En outre au Québec, en particulier depuis le débat sur le PL 60, « la laïcité est devenue …un marqueur identitaire fondamental …protégeant « notre » culture … À cet égard, l’invocation de la laïcité dans les discours publics au Québec a contribué à conférer une respectabilité à des discours et des propos islamophobes …» (P-36, à la p 5).
[214] Le débat public sur le PL 60 et celui, auparavant, sur la question des accommodements raisonnables ont :
…favorisé l’articulation de la laïcité et du principe d’égalité des sexes dans le processus de stigmatisation des minorités musulmanes …une telle articulation repose sur les postulats suivants :1) la laïcité mène inévitablement à l’égalité des sexes et à l’inverse les religions sont par définition néfastes aux femmes et 2) la laïcisation et donc l’égalité des sexes n’ont pris racine en Occident …qu’au terme d’un long processus de modernisation foncièrement incompatible avec la civilisation/culture arabo-musulmane …la présence musulmane en est venue à représenter de plus en plus au Québec une menace à l’intégrité du tissu social et du vivre-ensemble …parce que les citoyens de foi musulmane sont perçus comme culturellement inadaptés aux « valeurs fondamentales » du Québec… (P-36, à la p 5)
[215] Enfin, des attentats ont été commis par de jeunes musulmans nés en Occident et certains d’entre eux se sont joints au jihad à l’étranger. L’expert reconnaît que des mouvements islamistes radicaux et conservateurs existent à Montréal, mais ils « sont extrêmement marginaux et marginalisés ».
[216] Selon lui, plusieurs recherches :
…démontrent …que les jeunes musulman-e-s ayant grandi en Occident tendent, comme leurs pairs d’autres confessions, à entretenir un rapport de plus en plus « privatisé », personnalisé et réflexif à la religion …plutôt semblable à celui que l’on observe chez l’ensemble des jeunes dans ces sociétés …comme leurs pairs chrétiens et juifs tendent à vivre leur religion en dehors du giron des institutions religieuses organisées. (P-36, à la p 6)
[217] Cette tendance contredit la perception d’un mouvement islamiste aux pouvoirs « tentaculaires » capable de manipuler et contrôler la « communauté » (P-36, à la p 6).
[218] La menace de l’islamisation de l’Occident n’a pas acquis au Québec la même légitimité que dans certains milieux en Europe. Il s’agit d’un discours « d’extrême-droite » affirmant une « volonté conquérante » des musulmans afin « d’imposer graduellement et subrepticement un islam politique rétrograde dans les institutions et l’espace public » (P-36, à la p 6).
[219] Selon l’expert, au Québec, il s’agit d’un « fantasme paranoïaque » peu répandu dans les médias « mainstream » et confiné pour le moment à quelques « sites internet et pages Facebook marginaux » :
Aujourd’hui, on observe que des représentants de ces sites webs voués à combattre l’islamisation se voient de plus en plus accorder une légitimité et une tribune dans certains médias influents tels que le Journal de Québec ou encore Radio X et le 98,5 FM. Que les groupes porteurs de ce discours, ou encore leurs idées, soient maintenant de plus en plus présents dans certains médias mainstream démontre qu’il y a eu une certaine normalisation de l’islamophobie au sein de la société. (P-36, à la p 6)
Le hijab devient un symbole religieux accréditant la thèse de l’islamisation :
Ce dernier tend à incarner l’inégalité des sexes dans l’imaginaire occidental …l’avant-poste d’un intégrisme porté par des mouvements islamistes aux ramifications internationales …utilisant les femmes voilées tel un cheval de Troye pour infiltrer et coloniser l’espace public étape par étape…. On trouve une illustration exemplaire de ce type de discours dans les vidéos déposées en preuve. (P-36, à la p 7).
Je considère que l’analyse des vidéos et des publications déposées en preuve révèlent plusieurs procédés discursifs - appuyés par des montages visuels- typiques du racisme anti musulman tel qu’il se décline actuellement au Québec, et plus globalement en Occident :
1. Racisation des musulman-e-s, considéré-e-s comme des spécimens produits en série par leur religion, l’islam, qui surdétermine leurs moindres pensées, attitudes et comportements;
2. Glissements et amalgames constants entre islam et islamisme (ou encore intégrisme, khomeinisme, djihadisme, etc.), le premier étant présumé lié organiquement au second par des sortes de vases communicants;
3. Diabolisation des Québécois-es musulman-e-s, présumé-e-s constamment à risque de basculer, par contamination, dans un islam hostile à « nos » valeurs (ex. : égalité des sexes, laïcité, tolérance, liberté de conscience, etc.).
4. Création d’une menace tentaculaire à travers la figure d’un mouvement islamiste puissant et conquérant qui risque, si rien n’est fait, de coloniser sournoisement tout l’espace public québécois par un processus d’infiltration progressif dont les jeunes femmes voilées seraient l’instrument principal (théorie du complot);
5. Négation du libre-arbitre des individus de foi musulmane, en particulier les femmes voilées, présumées manipulées et contrôlées par les islamistes.
(nos soulignements)
[220] Le droit à la liberté d’expression est garanti par la Charte canadienne des droits et libertés (art. 2b) et, au Québec, par la Charte des droits et libertés de la personne (art. 3) (ci-après « Charte québécoise »). Toutefois, toute personne a droit à la sauvegarde de sa réputation, de son honneur, de sa dignité et de sa vie privée (art. 4-5 de la Charte québécoise).
[221] Ces droits peuvent parfois se télescoper et s’affronter. Selon la Cour suprême dans l’arrêt Bou Malhab[9], le concept de diffamation exige de concilier ces droits puisque ce qui appartient à l’un est généralement retiré à l’autre. Il n’existe pas d’instrument précis pour dessiner les contours de chacun de ces droits et déterminer le point d’équilibre entre eux.
[222] À cet égard, la Cour suprême note une préoccupation accrue pour protéger la liberté d’expression dans le cadre de débats publics. On retrouve un reflet de cette préoccupation à l’article 51 du Code de procédure civile actuel concernant le détournement des fins de la justice si cela a pour effet, notamment, de limiter la liberté d’expression dans le contexte de tels débats. C’est le principe de ce que paraît invoquer Magnan à sa demande reconventionnelle.
[223] En droit québécois, il n’y a pas de régime particulier régissant un recours en diffamation.
[224] Les règles de la responsabilité civile s’appliquent et se fondent sur les articles 1457 C.c.Q (et 3- 4 de la Charte québécoise). Rappelons la teneur de cet article :
1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.
Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.
Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.
[225] Il est inutile de reprendre in extenso les propos connus de l’arrêt Prud’homme[10]. Qu’il suffise d’en rappeler les grandes lignes.
[226] La diffamation comporte trois éléments :
1. L’existence d’un préjudice : le demandeur doit convaincre le Tribunal que les propos litigieux sont diffamatoires.
2. La démonstration d’une faute.
3. Un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.
[227] La diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables »[11].
[228] Les propos reprochés sont analysés selon une norme objective. En adoptant la perspective d’un citoyen ordinaire, le Tribunal se demande si les propos déconsidèrent la réputation du demandeur. Ils doivent être examinés dans leur globalité et dans leur contexte.
[229] Cet exercice contextuel met l’accent sur le résultat des propos et non pas les moyens utilisés par l’auteur. Des propos qui font perdre l’estime d’une personne ne sont pas moins diffamatoires parce que l’auteur utilise des insinuations au lieu d’accusations directes.
[230] Le désir du défendeur de participer au débat public ne lui permet pas d’agir d’une manière déraisonnable. On peut participer au débat public sans tenir des propos diffamatoires[12].
[231] Magnan veut se distancier des principes applicables au journalisme professionnel en disant s’exprimer simplement comme « blogueur et citoyen ».
[232] En effet, le journalisme professionnel est soumis à des règles d'éthiques et ses dérives sont sanctionnées par les tribunaux et des organes de régulation comme le Conseil de presse de Québec.
[233] L'ère numérique modifie le rapport des citoyens à l'information. Celle-ci n'est plus l'apanage des professionnels de l'information. Chacun peut s'improviser pourvoyeur d'une information affranchie des mécanismes de régulation traditionnels.
[234] La qualité de l'information ainsi diffusée est sans contrôle, laissée à la discrétion de ceux qui la véhiculent.
[235] Il appartient au jugement personnel du consommateur de ce produit, de s'assurer de la qualité de ce qu'il consomme ne serait-ce qu'en vérifiant sa source et les qualifications de ceux qui la proposent. Mais c'est une tâche difficile et inaccessible bien souvent.
[236] Les tribunaux deviennent le seul rempart contre les abus et la diffamation. Ils n’ont pas à sanctionner le mauvais goût ou l'opportunité ou la qualité du produit offert.
[237] Il est souhaitable pour une société que l'information circule le plus librement possible. Toutefois, aucune preuve d’expertise n’a été offerte pendant ce procès concernant l’existence de mécanismes garantissant sur le web une information réelle et valable lorsqu’elle émane de « citoyens ». Le Tribunal conclut que ces mécanismes restent encore dans le créneau du journalisme professionnel.
[238] La décision du Conseil de presse du Québec dans sa décision produite par Magnan lui-même, à l’égard d’une plainte, formulée par un individu à l’encontre d’un billet publié par une chroniqueuse dans un magazine, est un exemple évident du fonctionnement de ces mécanismes (DPM-86). Rien de tel ne protège Awada à l’égard des publications de Magnan. Seule subsiste la protection offerte par les tribunaux.
[239] Une chose est certaine. Nos démocraties sont fondées sur, notamment, une presse libre et de qualité. Les sites qui pullulent en marge des mécanismes de contrôle de cette qualité risquent de répandre de fausses nouvelles, des théories sans fondements et non vérifiées. La diffusion de fausses informations est un danger aussi grand que le musèlement de la presse pour nos démocraties. Un bon exemple de ce préjudice réside dans la trame factuelle du présent dossier.
[240] Magnan croit en son action, mais les dommages qu’il cause à la demanderesse ne sont pas moins importants.
[241] Il enquête, écrit, diffuse. Il semble inconscient de l’inconfort qu’il peut susciter avec raison par l’utilisation de ses « avatars », une stratégie qui en heurte plusieurs.
[242] Il vise l'action de l'islam politique au Québec et plus particulièrement celle d'obédience chiite Khomeiniste. La discussion publique sur le PL 60 et la position de Mme Bertrand sur le voile ont eu une grande résonance sociale.
[243] Magnan se positionne résolument en faveur des « Janettes » et veut les aider par ses productions médiatiques. Il verra au fil du temps que son œuvre a une résonance dans le discours public. Au détriment d’Awada visée par ses charges virulentes et humiliantes.
[244] Selon le Tribunal, les vidéos et blogues de Magnan excèdent à son égard, le niveau de la discussion publique. Awada a raison. Cette production la diffament et la discréditent en s’attaquant à elle personnellement et non à ses idées et son point de vue. Le propos est volontairement réducteur, les amalgames simplistes sont nombreux, les faits sont tronqués sinon faux. Ils l’exposent à la haine et au mépris.
[245] L’opinion de Magnan à son égard tient à peu de choses. Son enquête n’a aucun mérite pour justifier ces abus. La participation occasionnelle d’Awada aux activités de l’Association Bridges, à un Comité du CCF et son militantisme en faveur de causes qui lui sont chères, relèvent de sa liberté d’expression et de son droit de participation à la société où elle est née et à laquelle elle appartient.
[246] Le caractère répétitif des accusations formulées contre elle, son instrumenta-lisation et le recyclage d’une production à l’autre des mêmes images et photographies la concernant, relèvent plus de la propagande que de l’information.
[247] Il n’y a aucun doute que Magnan avait le droit de s’exprimer et de militer en faveur de son point de vue sur le PL 60 et celui des « Janettes ». Il pouvait librement discourir et tenter de convaincre du mérite de sa position. Le Tribunal ne prend pas position sur ces enjeux qui méritaient d’être discutés. Ce n’est pas son rôle. Son rôle est d’examiner le traitement fait à Awada en regard du droit applicable.
[248] La globalité de l’œuvre de Magnan pendant cette période excède ses droits à l’égard d’Awada. Il ne s’agit pas d’un excès de langage anecdotique, mais d’un martèlement récurrent qui enfonce le clou de l’opprobre à son égard. Le tableau d’ensemble, dont les accusations reposent sur des indices bien légers en comparaison de l’ampleur de la charge (P-55), s’attaque à elle lourdement. Elle n’est plus digne de foi.
[249] Que lui reproche-t-il au bout du compte? De connaître quelqu’un qui connaît quelqu’un, de se rendre à un endroit où quelqu’un présente quelque chose, de poser une question sur un camp à venir, de célébrer une fête religieuse en partageant un repas avec sa communauté, de réfléchir et discuter sur des sujets qui la touchent et touchent sa communauté. Rien qui justifie les accusations portées contre elle en lui imputant des intentions, des objectifs secrets, la participation à un complot fondamentaliste, etc. Le discours de Magnan envers elle constitue du commérage technologique cherchant à monter en épingles des faits peu importants qui en soit ne veulent rien dire.
[250] Magnan s’inquiète. À l'occasion du débat sur le PL 60, l’Association Bridges se concerte avec d'autres organismes intéressés : Forum musulman canadien, CCMM, etc. Il s'agit pour eux d'élaborer une position et de faire valoir le point de vue de la communauté musulmane dans le débat public. Pourtant, les membres de ces groupes et leur communauté ont le droit de s’exprimer dans ce débat et de s’entendre sur leurs moyens d’action. Cette concertation est légitime pour eux comme pour les autres groupes dans la société. Elle est la base de la formation des partis politiques et des actions sociales. Rien ne démontre que la communauté musulmane montréalaise ait agi de façon illégitime dans ce débat.
[251] D’ailleurs, aucune preuve d’expertise n’a été offerte au Tribunal sur les différents aspects de la religion musulmane dénoncés par Magnan. Le Tribunal n’émet aucun commentaire sur le mérite des arguments avancés par lui. Il n’y a pas de doute que le débat public peut s’étendre à tous les sujets incluant les religions incluant leurs exactions et peut comporter une vive critique à leur égard. La liberté d’expression le permet dans le respect des lois et jusqu’au point d’équilibre avec les droits des individus à leur réputation et leur vie privée.
[252] Ici, tous les éléments de la diffamation sont démontrés.
[253] Au fil du temps, Awada constate les ravages de ces affirmations de Magnan à son égard. Sa crédibilité est ruinée.
[254] Le débat public sur le PL 60 perdra de son acuité en avril 2014 avec la défaite électorale du gouvernement Marois et la mise au rancart du PL 60. Toutefois, le préjudice moral ressenti par Awada, sa peur, ses inquiétudes, se perpétuent.
[255] Est-il besoin de rappeler les propos de l’expert Paul Eid que le Tribunal fait siens :
C’est à la lumière de ce prisme idéologique que prend son sens l’idée martelée comme un leitmotiv dans les vidéos…selon laquelle Mme Awada incarnerait la figure emblématique de ces « midinettes » aliénées et instrumentalisées par des mouvements islamistes intégristes (notons au passage la connotation sexiste du terme « midinette » …pour renforcer l’idée selon laquelle les femmes voilées militant pour le libre choix de porter le hijab seraient des jeunes filles naïves, simplettes, sous influence). (au para 174).
[…]
Je considère que l’analyse des vidéos et des publications déposées en preuve révèlent plusieurs procédés discursifs - appuyés par des montages visuels- typiques du racisme anti musulman tel qu’il se décline actuellement au Québec, et plus globalement en Occident …[13].
[256] Magnan a choisi de diffuser et d’alimenter ses propos sans se préoccuper des effets qu’ils auraient sur la vie de la demanderesse. Il l’a utilisée portant atteinte froidement à sa dignité.
[257] Tout cela a un prix.
[258] Il est toujours difficile d’évaluer les dommages en matière de diffamation. Il faut garder à l’esprit qu’un montant insignifiant équivaut à s’approprier le droit de diffamer contre le versement de dommages. La condamnation doit servir à compenser la victime du tort qui lui a été causé et décourager ceux qui seraient tentés d’utiliser de tels procédés.
[259] Le juge Cory dans l’arrêt Hill c. Église scientologie de Toronto, repris avec approbation dans le jugement de la Cour supérieure dans la cause Roy c. Desrosiers[14] :
Une déclaration diffamatoire peut s’infiltrer dans les crevasses du subconscient et y demeurer, toujours prête à surgir et à répandre son mal cancéreux. L’impression malencontreuse laissée par un libelle peut subsister indéfiniment. Il est rare que la victime de diffamation puisse répondre et dissiper le doute d’une manière qui remédie véritablement à la situation. (à la p 15)
[260] Le débat public sur le PL 60 et sur les droits et devoirs des citoyens du Québec et du Canada, qu’ils soient nés ici ou qu’ils aient choisi de s’y installer, est un débat qui doit se faire dans le respect des personnes et avec un minimum de civilité.
[261] C’est ce que Magnan n’a pas su faire. Ce faisant, il a causé un tort irrémédiable à Awada et en a fait un objet de ridicule et de suspicion. Elle méritait mieux.
[262] Le Tribunal fixe à 50 000 $ les dommages moraux qu’elle a subis.
[263] Awada réclame en outre des dommages punitifs.
[264] La Cour d’appel dans l’arrêt FTQ-Construction c. Lepage[15], souligne :
Ensuite côté quantum, les montants octroyés à l’intimé à titre de dommages punitifs sont certes élevés, mais ils ne sont pas pour autant déraisonnables en ce qui concerne Goyette et Gauthier. Leur faute préméditée, qui n’était pas banale,… mérite d’être vigoureusement dénoncée. La récidive doit être fortement découragée.
[265] Le caractère particulièrement répréhensible des publications de Magnan vues à des milliers d’exemplaires, selon la preuve, dans un domaine aussi délicat que celui qui nous occupe, domaine qui risque d’enflammer les passions, inciter les citoyens à se dresser les uns contre les autres et à se méfier de tous ceux et celles qui ont des caractéristiques différentes de celles de la majorité, rendent appropriés l’octroi de dommages punitifs que le Tribunal fixe à 10 000 $.
[266] Il a maintenu le cap et persisté dans ses propos malgré les mises en garde de la belle-sœur de sa victime et de Me Bourget et presque la supplique d’Awada de cesser ses attaques personnelles contre elle (DPM-45, DPM-46). Le Tribunal n’hésite pas à conclure à une faute intentionnelle.
[267] Est-il besoin d’ajouter que la demande reconventionnelle en dommages exemplaires et en honoraires extrajudiciaires encourus pour la défense du défendeur, en plus de n’avoir aucun mérite, n’a pas été démontrée par ce dernier et est rejetée. Les actions de Magnan n’ont rien à voir avec la liberté d’expression garantie par la Charte, mais participent au contraire de la faute civile.
[268] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[269] ACCUEILLE la demande;
[270] CONDAMNE le défendeur Philippe Magnan à payer à la demanderesse Dalila Awada dans les trente jours du présent jugement la somme de 50 000 $ en dommages-intérêts pour diffamation plus les intérêts au taux légal depuis l’assignation et l’indemnité additionnelle prévue à la loi;
[271] CONDAMNE le défendeur Philippe Magnan à payer en outre à la demanderesse Dalila Awada, dans les trente jours du présent jugement, la somme de 10 000 $ à titre de dommages punitifs avec intérêts au taux légal à compter de cette date compris l’indemnité additionnelle prévue à la loi;
[272] REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur Philippe Magnan;
[273] LE TOUT avec les frais de justice.
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__________________________________ Honorable Carole Julien, j.c.s. |
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Me Marie-Hélène Dubé |
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Goldwater Dubé |
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Me David Grossman |
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IMK |
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Procureurs de la demanderesse, Dalila Awada |
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Monsieur Philippe Magnan |
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Se représente lui-même |
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Dates d’audience : |
8, 9, 10, 11, 12 et 25 janvier 2018 |
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[1] Ces dénominations sont utilisées par Magnan dans l’ensemble de son œuvre et par des intervenants cités; il s’agit à chaque fois du PL 60.
[2] Ce détail a son importance dans le déroulement des faits et la séquence des propos de Magnan notamment quant au rôle rassurant et séduisant qu’il attribue à Awada comme vecteur de la mouvance islamiste.
[3] Pour les motifs expliqués aux paragraphes 37-38-39 du présent jugement, le Tribunal choisit de ne pas nommer les personnes visées par Magnan à moins de nécessité.
[4] Voir les paragraphes 169 à 171 du présent jugement.
[5] Coalition des musulmans québécois pour les droits et libertés (ci-après « QMDL »).
[6] Auteur d’une biographie intitulée « Prisoner of the Iranian Regime », 2012 Sentier Islam United Kingdom.
[7] Qui a témoigné en demande.
[8] Voir le procès-verbal du 9 janvier 2018, à la p 3.
[9] Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc.et al, (2011) 1 S.C.R. 214, au para 16.
[10] Prud’homme et als c. Prud’homme et als, (2002) 4 R.C.S. 663, au para 32.
[11] Id., au para 33 et jurisprudence citée.
[12] Id., au para 45.
[13] Voir le paragraphe 211 du présent jugement.
[14] Roy c. Desrosiers, B.E. 2000BE-325 (CS), à la p 15.
[15] FTQ-Construction c. Lepage, 2016 QCCA 1375, au para 129.
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