Hébert-Stoneberger c. Racine | 2024 QCTAL 23840 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 793845 31 20240517 G | No demande : | 4324704 | |||
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Date : | 18 juillet 2024 | |||||
Devant la juge administrative : | Amélie Dion | |||||
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Jacqueline Hébert-Stoneberger |
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Locatrice - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Ethienne Racine |
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Locataire - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par un recours introduit le 17 mai 2024, la locatrice demande la reprise du logement pour se loger à compter du 1er août 2024. Elle demande également d’être relevée du défaut de ne pas avoir introduit sa demande dans les délais.
QUESTIONS EN LITIGE
[2] Quelle est la conséquence juridique de ne pas avoir notifié la procédure judiciaire au locataire ?
[3] La locatrice a-t-elle allégué des motifs sérieux et suffisants pour être relevée des conséquences de ne pas avoir respecté les délais ?
ANALYSE
La péremption
[4] L’article 56 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement (LTAL) prévoit ce que doit faire le demandeur une fois le recours introduit :
« 56. Une partie qui produit une demande doit en notifier une copie à l’autre partie.
La notification de la demande peut être faite par tout mode approprié qui permet à celui qui notifie de constituer une preuve de la remise ou de la publication du document.
Elle l’est notamment par l’huissier de justice, par l’entremise de la poste recommandée, par la remise du document en mains propres par un service de messagerie, par un moyen technologique ou par avis public.
Quel que soit le mode de notification utilisé, la personne qui accuse réception du document ou reconnaît l’avoir reçu est réputée avoir été valablement notifiée. »
[5] L’article 56.2 LTAL prévoit de déposer ensuite la notification et les conséquences juridiques de ne pas s’y conformer :
« 56.2. La preuve de la notification ainsi qu’une liste des pièces au soutien de la demande doivent être déposées au dossier du Tribunal. Ce dernier peut refuser de convoquer les parties en audience tant que ces documents n’ont pas été déposés.
Si la preuve de notification n’est pas déposée dans les 45 jours suivant l’introduction de la demande, cette dernière est alors périmée et le Tribunal ferme le dossier.
Le présent article n’a pas pour effet d’empêcher le Tribunal de convoquer les parties sans délai lorsqu’il le juge approprié, auquel cas la preuve de notification de la demande doit être produite à l’audience sous peine du rejet de la demande. »
[6] Ainsi, la demande devait être notifiée et déposée au plus tard le 2 juillet 2023, soit 45 jours après l’introduction du recours. Lors de l’audience, la notification n’est toujours pas effectuée.
Les délais
[7] Bien que la demande de la locatrice ne soit pas encore périmée au moment de l’audience, la demande d’être relevée du défaut de ne pas avoir introduit le recours dans les délais ne saurait être accueillie.
[8] Les parties sont liées par un bail du 1er août 2023 au 31 juillet 2024, au loyer mensuel de 1 575 $. Selon la procédure, la locatrice a fait parvenir au locataire un avis de reprise de logement le 21 janvier 2024. Le locataire, n’ayant pas répondu à cet avis, est réputé l’avoir refusé le 21 février 2024.
[9] Ainsi, la locatrice avait jusqu’au 21 mars 2024 pour introduire sa demande au Tribunal, mais elle a introduit la demande le 17 mai 2024.
[10] Les délais légaux sont prévus à l’article
« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre ou en évincer le locataire, avec l’autorisation du tribunal.
Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement ou en évincer le locataire pour la fin mentionnée dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins et, lorsqu’il s’agit d’une éviction, que la loi permet de subdiviser le logement, de l’agrandir ou d’en changer l’affectation. »
[11] Au soutien de sa demande de prolongation de délai, la locatrice allègue qu’elle essayait de trouver une entente avec le locataire.
[12] L’article 59 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement prévoit que pour un motif raisonnable, le Tribunal peut relever une partie des conséquences de ne pas respecter les délais :
« 59. Le Tribunal peut, pour un motif raisonnable et aux conditions appropriées, prolonger un délai ou relever une partie des conséquences de son défaut de le respecter, si l’autre partie n’en subit aucun préjudice grave. »
[13] La locatrice doit donc alléguer des motifs raisonnables pour justifier la prolongation des délais stricts prévus par la Loi.
[14] Dans l’affaire Karunathan c. Brizzi, la juge administrative Sophie Alain souligne que la reprise de logement est une mesure exceptionnelle prévue par la loi permettant de déroger au droit au maintien dans les lieux.
« [11] Le droit d’un locateur à la reprise de logement constitue une exception au droit au maintien dans les lieux du locataire. Ce droit doit donc être exercé selon les exigences prescrites par la loi. D’ailleurs, les tribunaux sont sévères et interprètent les dispositions relatives à la reprise de logement de façon restrictive.
[12] Ainsi, l’autorisation de reprendre le logement d’un locataire est soumise à une procédure légale formelle qui relève d’une condition de fond, par opposition à une condition de forme. Le respect des dispositions du Code civil du Québec qui régissent la reprise du logement est impératif et d’ordre public (1) afin de garantir et d’assurer le respect du droit des locataires au maintien dans les lieux. Par conséquent, tout vice affectant l’avis de reprise ou la demande d’autorisation sera fatal à l’exercice du recours par le locateur. »[1]
[15] Selon une jurisprudence constante, l’omission de respecter un délai légal qui résulte d’une mauvaise compréhension de la Loi ou encore de l’ignorance de cette dernière ne peut expliquer une demande de prolongation de délai.
[16] Aussi, la méconnaissance du délai prévu à l’article
[17] Ainsi, le fait de négocier pour trouver une entente n’est pas davantage un motif raisonnable pour ne pas respecter les dispositions d’ordre public.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[18] REJETTE la demande de prolongation de délai;
[19] REJETTE la demande de reprise du logement.
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Amélie Dion | ||
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Présence(s) : | la locatrice le locataire | ||
Date de l’audience : | 27 juin 2024 | ||
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[1] Karunathan c. Brizzi,
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