Décision

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Décision

Huynh c. Abdel Aziz

2021 QCTAL 6032

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

548568 31 20201210 G

No demande :

3133636

 

 

Date :

09 mars 2021

Devant la juge administrative :

Jocelyne Gravel

 

Chi Thang Huynh

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Taoufiq Abdel Aziz

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le locateur demande l'autorisation pour reprendre le logement à compter du 1er juillet 2021 afin d'y loger sa fille, Thuc An Karen Huynh. Un avis de reprise a été donné en ce sens le 20 octobre 2020 et le locataire n'a pas répondu à cet avis, laissant présumer qu'il s'y oppose, d'où la présente demande déposée le 10 décembre 2020.

[2]      Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 au loyer mensuel de 750 $. Il s'agit d'un quatre pièces, situé à l’étage de l’immeuble. Le premier étage étant occupé par le locateur, sa conjointe et leurs deux enfants majeurs.

[3]      Le locateur ne possède pas d'autre logement disponible à la date de la reprise.

[4]      Le locateur explique que sa fille de 24 ans qui travaille depuis deux ans comme adjointe administrative désire acquérir son indépendance et plus d’intimité en habitant le logement.

[5]      La bénéficiaire confirme son besoin et ajoute que son frère de 25 ans qui est étudiant prendra possession de sa petite chambre pour y installer un bureau. Le télétravail ayant exacerbé le besoin pour les deux enfants adultes d’occuper un plus grand espace. Le témoin ajoute qu’elle désire vivre près de ses parents qui ne maîtrisent pas la langue. Elle doit régulièrement les accompagner pour des achats ou rendez-vous.

[6]      Le locataire conteste l'intention du locateur de reprendre le logement pour les fins mentionnées. Le locataire a été très secoué par cette décision du locateur. Il met en lumière qu’elle a été prise à la même époque où il a demandé qu’on effectue des travaux du logement par des professionnels. Il est par ailleurs établi que le fils du locateur a exécuté certains travaux demandés.


[7]      Le locataire trouve désolant les projets de rénovations annoncés pour la fille du locateur, alors qu’on lui refuse pareil avantage. Il relate une problématique passée où durant qu’il était en voyage, le locateur a décidé de faire remorquer sa voiture à la fourrière, ce qui lui a engendré des frais importants.

[8]      Le locataire témoigne ne pas douter que la fille du locateur ira habiter son logement. Or, c’est précisément ce que le Tribunal doit conclure pour évaluer la bonne foi du processus. Et non pas décider sir les actions passées du locateur et la patience du locataire méritaient le refus de la demande.

[9]      Le Tribunal considère que le locateur respecte les prescriptions et exigences de la loi quant à son intention de reprendre le logement pour les fins mentionnées. Le Tribunal estime qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins.

[10]   Lors de la reprise d'un logement par le locateur, deux droits importants se rencontrent et s'opposent. Le droit du propriétaire d'un bien de jouir de celui-ci comme bon lui semble et le droit du locataire au maintien dans les lieux loués. C'est pour protéger ce droit du locataire que le législateur impose des conditions au locateur.

[11]   Quant à l'indemnité, la jurisprudence a établi qu'elle doit se limiter aux dépenses et inconvénients ayant trait directement à la reprise de possession, au départ du locataire et à son aménagement dans un autre logement[1]. De plus, cette indemnité ne doit pas servir à enrichir injustement le locataire, en lui payant par exemple des dépenses déraisonnables considérant son style de vie.

[12]   Dans l'affaire Carlin[2], la Cour du Québec a aussi énuméré les critères à considérer dans l'évaluation de cette indemnité. Ainsi, l'âge du locataire, sa condition physique, la durée d'occupation, son enracinement dans le logement et la valeur de son mobilier sont des critères pertinents.

[13]   Comme faits particuliers, le locataire mentionne occuper le logement depuis 2011 avec sa conjointe et ses deux enfants. Il fait part de son attachement au quartier, notamment pour la proximité de son travail et de celui de sa conjointe. Ses deux enfants fréquentent de plus des institutions scolaires et des centres sportifs de proximité.

[14]   Il fait valoir qu’il lui sera difficile de trouver un autre logement dans le quartier au même prix. Il prévoit devoir sortir de Montréal. Il requiert une indemnité de déménagement de 2 400 $ selon l’évaluation produite. Il désire avoir la possibilité de quitter avant le terme du bail sans pénalité, ce qui lui est accordé par le locateur pour un maximum de deux mois.

[15]   La demande de reporter d’une année la reprise n’est pas accordée. Le Tribunal juge le délai suffisant en cette période de location.

[16]   Le Tribunal estime qu'une indemnité réclamée de 2 400 $ est raisonnable pour compenser les frais de déménagement et autres inconvénients reliés au départ. Le locataire est autorisé à déduire le montant de cette indemnité sur les derniers loyers exigibles.

[17]   À titre d'information, il convient d'ajouter que l'article 1968 C.c.Q. prévoit un recours en faveur du locataire en recouvrement de dommages-intérêts et même de dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi. De plus, l'article 1970 C.c.Q. précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation du Tribunal, être reloué ou utilisé pour une autre fin que pour celle pour laquelle le droit a été exercé.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[18]   ACCUEILLE la demande du locateur qui en supporte les frais judiciaires;

[19]   AUTORISE le locateur à reprendre possession du logement concerné afin d'y loger Thuc An Karen Huynh à compter du 1er juillet 2021;

[20]   ORDONNE au locataire et à tout occupant du logement de quitter les lieux loués au plus tard le 1er juillet 2021;


[21]   CONDAMNE le locateur à payer au locataire la somme de 2 400 $ à titre d'indemnité;

[22]   AUTORISE le locataire à déduire le montant de l'indemnité accordée sur les derniers loyers exigibles.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jocelyne Gravel

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience :  

23 février 2021

 

 

 


 



[1] Boulay c. Tremblay, [1994] J.L. 132, C.Q.

[2] Carlin c. Dec et Ciesluk, 500-02-06391-980, C.Q.

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