Providence c. Bridgeview inc. | 2024 QCTAL 40385 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
|
No dossier : | 804973 31 20240627 T | No demande : | 4479886 |
| |
Date : | 11 décembre 2024 |
Devant la juge administrative : | Vanessa O’Connell-Chrétien |
|
Roselle Providence | |
Locataire - Partie demanderesse |
c. |
Bridgeview inc. | |
Locatrice - Partie défenderesse |
|
D É C I S I O N
|
| | | | | | |
- La locataire demande la rétractation de la décision signée le 18 septembre 2024 prononçant la résiliation de son bail et l’expulsant de son logement, en plus de la condamner à la somme de 1 172 $ avec intérêts, indemnité additionnelle et frais.
- L’exécution provisoire de cette décision a été accordée à compter du 29 septembre 2024, au moment de l’audience sur la demande de rétractation formulée le 3 octobre 2024, la locataire occupait toujours le logement et l’exécution de la décision n’avait pas encore été forcée.
- La rétractation de jugement ne peut être accordée que pour des motifs et conditions fort limités lesquels sont encadrés par l’article 89 :
« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.
Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.
La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.
La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.
Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »
- La locataire mentionne ne pas avoir reçu l’avis d’audience, ce qui fait en sorte qu’elle n’a pu se présenter à l’audience tenue le 6 septembre 2024.
- Elle a pris connaissance de la décision rendue le 2 octobre 2024 par un avis de l’huissier à l’effet que la décision allait être exécutée prochainement. La décision était en annexe de cet avis. Elle s’est alors empressée de formuler la demande de rétractation le lendemain, plus précisément le 3 octobre 2024.
- La demande de rétractation en l’instance repose donc sur le fait que la locataire aurait été empêchée de se présenter à l’audience en raison du fait qu’elle n’a pas reçu l’avis d’audience transmis par le Tribunal. La locatrice ne lui a pas non plus transmis l’avis d’audience ce qui aurait pu permettre la présence de la locataire à l’audience ayant mené à la décision dont on demande la rétractation.
- Sur les moyens de contestation sur le fond de la demande, la locataire fait valoir avoir pris tous les moyens pour payer son loyer le 1er jour du mois auprès de la locatrice et ne s’explique pas que les prélèvements automatiques n’ont pas été encaissés par la locatrice comme convenu.
- La locatrice conteste la demande. Elle fait valoir que les avis du Tribunal devraient avoir été reçus par la locataire, mais ne fait aucune preuve à l’effet que l’avis a véritablement été reçu par la locataire.
- Par ailleurs, la locataire n’avait pas d’obligation formelle de transmettre les informations de l’audience à la locataire mais si elle l’avait fait, la locataire aurait eu une deuxième source d’information quant à la tenue de l’audience.
- Oui, l’article 16 du Règlement sur la procédure devant le Tribunal administratif du logement [1] prévoit une présomption de réception de l’avis d’audience. Néanmoins, cette présomption peut être réfutée par une preuve contraire :
« 16. Le Tribunal transmet aux parties un avis indiquant le lieu, la date et l’heure de l’audience ainsi que la nature de la demande ou de la requête.
L’attestation d’expédition de l’avis fait preuve, en l’absence de preuve contraire, de sa réception par le destinataire. »[2]
- Des erreurs surviennent dans la livraison de la poste et le Tribunal a connaissance de cette réalité, tel que le mentionne la juge administrative Francine Jodoin dans l’affaire Bédard c. Lento[3] :
« [15] Bien qu'il soit vrai qu'il n'est pas dans la normalité des choses qu'un courrier ne soit pas livré, il est, cependant, possible qu'un envoi postal ne parvienne pas à destination et le simple fait que l'avis émis par le tribunal n'est pas retourné au dossier ne constitue pas une preuve irréfutable qu'il a été dûment reçu. »
- Le Tribunal considère que le témoignage de la locataire réfute la présomption de l’article 16 précité.
- Vu la preuve entendue de part et d’autre, force est de conclure que la locataire n’a pas été informée de la tenue d’une audience dans son dossier et a été empêchée d’être présente pour faire valoir ses motifs de contestation, lesquels apparaissent sérieux. Il y a donc lieu d’accorder la demande de rétractation.
- En ce qui a trait aux frais, vu la nature de la demande, ils seront à suivre le sort de la demande principale.
- La locataire demande accessoirement à ce que l’exécution provisoire de la présente décision soit accordée. Une telle demande apparaît inutile vu le quatrième alinéa de l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[4] prévoyant déjà que l’exécution de la décision est interrompue par le dépôt d’une demande de rétractation et ce jusqu’à la décision :
« La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision. »
- La présente décision accordant la rétractation de la décision, une fois le caractère exécutoire acquis de la décision sur la rétractation, il n’y a pas non plus d’utilité à un tel prononcé puisque la décision rétractée n’aura alors plus d’effet.
- Sur le fond du litige entre les parties, une nouvelle audience devra être convoquée pour entendre la demande relative au non-paiement du loyer de la locatrice et le dossier sera référé au maître des rôles pour ce faire afin que de nouveaux avis soient transmis aux parties.
- En conséquence, le Tribunal profite de l’occasion pour inviter les parties à préparer trois exemplaires des pièces qu’elles entendent produire lors de cette nouvelle audience afin qu’elles, le Tribunal et la partie adverse, puissent avoir copie de toutes les pièces invoquées au moment de l’audience. Si une pièce à produire était de l’ordre d’une photo ou d’un vidéo, le Tribunal invite à imprimer ces photos en 3 exemplaires également et à mettre tout vidéo pertinent à être invoqué à l’audience sur des clés « usb » de manière à ce que le Tribunal et la partie adverse puissent prendre connaissance de ces pièces lors de l’audience.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- ACCORDE la rétractation du jugement rendu le 18 septembre 2024;
- RÉFÈRE la demande au maître des rôles pour qu’une audience soit fixée sur la demande en non-paiement de la locatrice.
- Le tout frais à suivre.
| | |
| Vanessa O’Connell-Chrétien |
|
Présence(s) : | la locataire le mandataire de la locatrice |
Date de l’audience : | 18 octobre 2024 |
|
|
| | | |