Décision

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Décision

 

Gentile c. Côté

2015 QCRDL 18371

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

Nos dossiers :

178990 36 20141008 G

180780 36 20141021 G

Nos demandes :

1593963

1602161

 

 

Date :

08 juin 2015

Régisseure :

Sophie Alain, juge administratif

 

Calogero Gentile

 

Locateur - Partie demanderesse

(178990 36 20141008 G)

Partie défenderesse

(180780 36 20141021 G)

c.

Sylvie Côté

 

Locataire - Partie défenderesse

(178990 36 20141008 G)

Partie demanderesse

(180780 36 20141021 G)

 

D É C I S I O N   R E C T I F I É E

 

 

[1]      Le tribunal de la Régie du logement est saisi de deux demandes.

[1]      D'abord, celle du locateur du 9 octobre 2014, qui demande la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (2 520 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais judiciaires.

[2]      Et puis, celle de la locataire du 21 octobre 2014, qui demande la diminution du loyer, l’exécution en nature d’une obligation, des dommages-intérêts moraux (5 000 $ après amendement), et par amendement à l’audience, la résiliation du bail, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais judiciaires.

[3]      Par une décision à l’audience du 12 mars 2015, le Tribunal a réuni les demandes pour enquête et audition commune conformément à l’article 57 de la Loi sur la Régie du logement[1] (LRL).

[4]      Les parties sont liées par un bail depuis 2007, reconduit jusqu’au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 610 $, payable le premier jour de chaque mois.

Questions en litige

1.            La locataire a-t-elle démontré avoir payé le loyer réclamé par le locateur ?

2.            Le locateur a-t-il respecté ses obligations notamment dans l’exécution des travaux?

3.            La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer?

4.            La locataire a-t-elle droit à des dommages-intérêts moraux pour troubles et inconvénients ?

5.            La résiliation du bail peut-elle être accordée aux torts du locateur?


1.   La locataire a-t-elle démontré avoir payé le loyer réclamé par le locateur ?

[5]      À l’audience, le locateur explique qu’il réclame les loyers toujours impayés d’août, septembre, novembre et décembre 2011 à un loyer mensuel de 600 $ plus un solde de 100 $ du loyer d’août 2014.

[6]      D’abord, le Tribunal rejette la réclamation d’août et septembre 2011, vu la prescription extinctive de trois ans, en matière civile, tel que dûment soulevée par l’avocat de la locataire.

[7]      En ce qui concerne les loyers de novembre et décembre 2011, le Tribunal a autorisé la locataire à produire après audience, la preuve du paiement, le cas échéant. Le 7 avril 2015, Me St-Pierre informe le Tribunal qu’elle n’a pu retrouver aucune autre preuve que le paiement de 300 $ pour novembre 2011 et un autre de 300 $ pour décembre 2011[2].

[8]      Enfin, à l’égard du 100 $ pour août 2014, la locataire démontre avoir remis un mandat personnel à ce montant, le 3 décembre 2014, représentant le solde d’août 2014.

[9]      La preuve démontre donc que la locataire doit 600 $, soit, par imputation des paiements faits sur les plus anciennes dettes, un solde du loyer de mars 2015.

[10]   La locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n’est donc pas justifiée par l'application de l'article 1971 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

[11]   La preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision.

Demande de la locataire - contexte

[12]   Habitant au dernier étage de l'immeuble, la locataire mentionne qu’au-dessus de son logement, se trouve le toit. Elle explique que le 11 janvier 2014, vers 9h00, un écoulement d’eau en provenance du plafond l’oblige à vider plusieurs chaudières d’eau.

[13]   Elle appelle aussitôt le locateur qui l’accuse d’en être responsable et lui demande de vider les chaudières, prétend-elle, lequel ne vient constater les dégâts qu’une semaine plus tard, en bouchant les trous et couvrant la surface de peinture.

[14]   Entre janvier et l’été 2014, la locataire se plaint de maux de tête, de fatigue chronique, d’un manque d’énergie. Sa fille est également très fatiguée.

[15]   N’ayant plus d’électricité sur trois murs depuis 18 mois, un électricien se rend finalement au logement en juillet 2014. En ouvrant la prise électrique de la cuisine, il en sort de la laine minérale noire. Elle déclare que l’absence d’électricité l’empêchait d’utiliser un ventilateur et déclare qu’il faisait très chaud dans son logement.

[16]   Le 6 août 2014, le locateur entre dans le logement puisqu’il s’écoule de l’eau dans le logement situé tout en dessous de celui de la locataire. Le 13 août 2014, le locateur défonce un mur pour en vérifier la provenance.

[17]   Le 14 août, une grosse ballonne de peinture se forme au plafond, celle-ci est percée par le père du locateur.

[18]   Le 30 août 2014, la locataire s’évanouit à trois reprises, prétend-elle.

[19]   Depuis le 12 septembre, elle souffre d’une inflammation aux bronches et constate une présence d’odeur nauséabonde dans son logement, ce qui l’oblige à dormir ailleurs du 1er septembre au 23 octobre 2014.

[20]   Le 24 septembre 2014, la locataire transmet une mise en demeure au locateur et le 22 octobre, une demande de dédommagement.

[21]   C’est en raison de ces problèmes qu’elle a alors retenu le loyer.

Plainte à la Ville de Laval

[22]   À la suite d’une plainte à la Ville de Laval, une inspection du bâtiment est effectuée le 10 septembre 2014.

[23]   L’inspecteur municipal y constate une ouverture au plafond de la salle de bain et à l’intérieur, la présence d'une laine minérale moisie et des solives atteintes par la moisissure (Pièce L-8).


[24]   Le 6 novembre 2014, l’inspecteur obtient confirmation du locateur que les travaux à la toiture ont été réalisés à sa demande et que les problèmes d’infiltration d’eau devraient être dorénavant corrigés.

Allégations et preuve du locateur

[25]   Pour sa part, le locateur prétend que son père s’est déplacé au logement le 11 janvier 2014, ce que nie la locataire.

[26]   Il déclare avoir effectué les travaux nécessaires en janvier 2014 et il estime que les taches dans la salle de bain n’étaient pas de la moisissure.

[27]   Le locateur est d’avis que la laine minérale était noircie à cause d’une défaillance électrique et qu’heureusement, il n’y a pas eu d’incendie.

[28]   Il déclare que le 11 août, il est en voyage de noces, mais demande à son père de se rendre au logement de la locataire. Son père aurait constaté de sérieux problèmes au toit nécessitant une réparation.

[29]   Il déplore que la Ville de Laval ne l’ait jamais appelé avant et déclare avoir toujours eu l’intention de faire ces travaux.

[30]   Ayant acquis l’immeuble il y a 18 ans, il estime que le toit ne devait pas être refait puisque le précédent propriétaire avait fait faire les travaux. Néanmoins, le 6 novembre 2014, l’entreprise de toitures confirme avoir procédé aux travaux nécessaires sur le toit.

[31]   Enfin, il estime que la locataire n’a pas fait la preuve de moisissure ni que son état de santé était relié au logement.

[32]   Avant d’aborder les prochaines questions en litige, il s’impose d’expliquer les règles de preuve applicable en matière civile et de faire un rappel des obligations des parties.

Règle de preuve applicable

[33]   Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie qui demande une conclusion au Tribunal. L'expression «fardeau de la preuve» signifie l'obligation pour une partie de faire la démonstration du bien-fondé de son droit, de ses prétentions et des faits allégués et d'en convaincre le Tribunal[3].

[34]   La norme de la preuve en matière civile est celle de la prépondérance de la preuve[4], ce qui veut dire que la preuve doit toujours être claire et convaincante et que les faits présentés sont probables.

[35]   Quant à l'appréciation du témoignage, elle est laissée à la discrétion du Tribunal[5].

[36]   Si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie demanderesse perdra[6].

Rappel des obligations des parties à l’égard du logement

[37]   À l’égard du logement, un locataire doit essentiellement respecter les obligations suivantes :

·            maintenir son logement en bon état de propreté (art. 1911 C.c.Q.);

·            assurer la sécurité et la salubrité de son logement (art. 1912 C.c.Q.);

·            utiliser le logement en personne prudente et diligente (art. 1855 C.c.Q.).

[38]   De plus, l'article 1862 C.c.Q. crée une présomption simple de la responsabilité contre un locataire lorsque le logement subit des pertes et des dégradations. Puisque le locataire a le contrôle et la garde du logement, il est présumé responsable des dommages qui y surviennent à moins que ces dégradations n'aient eu lieu sans faute de sa part ou des personnes à qui il permet l'accès au logement.


[39]   Pour sa part, un locateur doit notamment :

·            maintenir en bon état d'habitabilité le logement pendant toute la durée du bail (art. 1910 C.c.Q.);

·            entretenir le logement pour qu’il puisse servir à son usage normal (art. 1854 al. 2  C.c.Q.);

·            effectuer toutes les réparations nécessaires sauf celles à la charge du locataire (art. 1864 C.c.Q.). 

[40]   Les obligations prévues à l’article 1864 C.c.Q. sont dites « de résultat », ce qui signifie que les moyens de défense du locateur sont limités.

[41]   Tandis que les articles 1910 et 1854 al. 2 C.c.Q. sont à l'effet que les obligations du locateur sont dites « de garantie », ce qui implique une responsabilité plus étendue de sa part puisqu’il est présumé responsable.

[42]   La seule façon d'échapper à cette responsabilité est de démontrer qu'il n'a pu remplir ses obligations en raison de l'acte d'un tiers ou du locataire. Il ne peut invoquer qu'il a agi avec diligence raisonnable pour atténuer sa responsabilité.

[43]   L'inexécution d'une obligation du locateur prévue par la loi ou le bail permet au locataire de demander, entre autres, la diminution du loyer (article 1863 C.c.Q.). Cette diminution vise à évaluer la valeur objective de la perte locative subie par le locataire en raison de l'inexécution des obligations du locateur.

2.   Le locateur a-t-il respecté ses obligations dans l’exécution des travaux?

[44]   Le Tribunal estime que le locateur a fait défaut de remplir ses obligations en omettant d'effectuer les réparations ou travaux qui s'imposaient rapidement au toit.

[45]   Les travaux qu’il a effectués en janvier n’ont fait que colmater une problématique plus sérieuse.

3.   La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer?

[46]   Selon le rapport de l’inspecteur municipal[7], il y a eu présence de moisissure et le locateur n’a pas renversé cette preuve.

[47]   Ainsi, la preuve révèle que la locataire a vécu des inconvénients au logement en raison de déficience au toit, de mauvaises odeurs et d’une présence de moisissure, diminuant ainsi sa jouissance des lieux.

[48]   Vu le non-respect des obligations du locateur, le Tribunal doit accorder une diminution de loyer à la locataire comme le permet l'article 1863 C.c.Q.

[49]   Pour déterminer la diminution de loyer, le Tribunal doit faire une évaluation objective de la valeur de la perte de jouissance en tenant compte notamment du loyer payé. Le principe veut que le loyer soit pleinement exigible lorsqu'un locataire a l'usage normal du logement.

[50]   Pour l’écoulement d’eau en janvier et août 2014, il y a admission par le locateur de cette problématique.

[51]   Quant à l’absence d’électricité sur trois murs, vu l’absence de mise en demeure antérieure et vu la preuve contradictoire sur la durée de cette perte, le Tribunal la limite à un mois.

[52]   Conséquemment, le loyer exigible pendant une certaine période doit être diminué, et ce, pour le défaut de ne pas avoir maintenu le logement dans un bon état d’habitabilité, et le Tribunal estime cette diminution globale à 600 $.

4.   La locataire a-t-elle droit à des dommages-intérêts moraux pour troubles et inconvénients ?

[53]   La locataire réclame 5 000 $ pour tous les inconvénients, stress, maladies causés par les événements du 11 janvier et du 14 août 2014.

[54]   La locataire plaide que la présence de moisissure a eu des impacts sur sa santé. Cependant, les notes médicales déposées (L5 et L-6) ne permettent pas de corroborer ou d’objectiver cette relation.

[55]   En l’absence d’expertise médicale ou d’opinion médicale digne de ce nom, le lien causal entre l’état de santé allégué et l’état du logement peut difficilement être démontré.

[56]   Certes, il y a des coïncidences, mais la preuve médicale offerte et le témoignage de la locataire sur son état de santé et les causes de ses malaises allégués sont donc insuffisants et ils n’ont que peu de valeur probante ou de poids dans les circonstances[8].

[57]   Cependant, le Tribunal estime que pour compenser tous les troubles, inconvénients et aléas relatifs aux écoulements d’eau, un montant de 800 $ est juste et raisonnable.

5.   La résiliation du bail peut-elle être accordée aux torts du locateur?

[58]   L’article 1972 C.c.Q. prévoit la demande de résiliation si le logement devient impropre à l’habitation.

[59]   Or, au jour de l’audience, les problématiques au toit et les déficiences électriques sont corrigées. Le nouvel écoulement d’eau dans le portique de l’immeuble découvert le 11 mars 2015, ne peut être pris en compte, considérant que le locateur n’en a été informé qu’à l’audience, le lendemain.

[60]   Cette portion de la demande est donc rejetée.

[61]   Enfin, la preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision et aucun frais judiciaire n’est accordé vu l’exemption réglementaire.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Demande du locateur

[62]   ACCUEILLE en partie la demande;

[63]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur 600 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 12 mars 2015, plus les frais judiciaires de 71 $.

Demande de la locataire

[64]   ACCUEILLE en partie la demande;

[65]   CONDAMNE le locateur à payer à la locataire 1 400 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 21 octobre 2010;

[66]   PERMET aux parties d’opérer compensation;

[67]   CHAQUE partie payant ses frais de signification.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Alain

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Me Éric St-Pierre, avocat De la locataire

Date de l’audience :  

12 mars 2015

 

 

 


 

Gentile c. Côté

2015 QCRDL 18371

 

 

RÉGIE DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

178990 36 20141008 G

180780 36 20141021 G

No demande :

1593963

1602161

 

 

Date :

03 juin 2015

Régisseure :

Sophie Alain, juge administratif

 

Calogero Gentile

 

Locateur - Partie demanderesse

(178990 36 20141008 G)

Partie défenderesse

(180780 36 20141021 G)

c.

Sylvie Côté

 

Locataire - Partie défenderesse

(178990 36 20141008 G)

Partie demanderesse

(180780 36 20141021 G)

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      Le tribunal de la Régie du logement est saisi de deux demandes.

[2]      D'abord, celle du locateur du 9 octobre 2014, qui demande la résiliation du bail et l'expulsion de la locataire, le recouvrement du loyer (2 520 $) ainsi que le loyer dû au moment de l'audience, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais judiciaires.

[3]      Et puis, celle de la locataire du 21 octobre 2014, qui demande la diminution du loyer, l’exécution en nature d’une obligation, des dommages-intérêts moraux (5 000 $ après amendement), et par amendement à l’audience, la résiliation du bail, plus l'exécution provisoire de la décision malgré l'appel et les frais judiciaires.

[4]      Par une décision à l’audience du 12 mars 2015, le Tribunal a réuni les demandes pour enquête et audition commune conformément à l’article 57 de la Loi sur la Régie du logement[9] (LRL).

[5]      Les parties sont liées par un bail depuis 2007, reconduit jusqu’au 30 juin 2015 au loyer mensuel de 610 $, payable le premier jour de chaque mois.

Questions en litige

6.            La locataire a-t-elle démontré avoir payé le loyer réclamé par le locateur ?

7.            Le locateur a-t-il respecté ses obligations notamment dans l’exécution des travaux?

8.            La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer?

9.            La locataire a-t-elle droit à des dommages-intérêts moraux pour troubles et inconvénients ?

10.         La résiliation du bail peut-elle être accordée aux torts du locateur?


1.   La locataire a-t-elle démontré avoir payé le loyer réclamé par le locateur ?

[6]      À l’audience, le locateur explique qu’il réclame les loyers toujours impayés d’août, septembre, novembre et décembre 2011 à un loyer mensuel de 600 $ plus un solde de 100 $ du loyer d’août 2014.

[7]      D’abord, le Tribunal rejette la réclamation d’août et septembre 2011, vu la prescription extinctive de trois ans, en matière civile, tel que dûment soulevée par l’avocat de la locataire.

[8]      En ce qui concerne les loyers de novembre et décembre 2011, le Tribunal a autorisé la locataire à produire après audience, la preuve du paiement, le cas échéant. Le 7 avril 2015, Me St-Pierre informe le Tribunal qu’elle n’a pu retrouver aucune autre preuve que le paiement de 300 $ pour novembre 2011 et un autre de 300 $ pour décembre 2011[10].

[9]      Enfin, à l’égard du 100 $ pour août 2014, la locataire démontre avoir remis un mandat personnel à ce montant, le 3 décembre 2014, représentant le solde d’août 2014.

[10]   La preuve démontre donc que la locataire doit 600 $, soit, par imputation des paiements faits sur les plus anciennes dettes, un solde du loyer de mars 2015.

[11]   La locataire n’est pas en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer, la résiliation du bail n’est donc pas justifiée par l'application de l'article 1971 du Code civil du Québec (C.c.Q.).

[12]   La preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision.

Demande de la locataire - contexte

[13]   Habitant au dernier étage de l'immeuble, la locataire mentionne qu’au-dessus de son logement, se trouve le toit. Elle explique que le 11 janvier 2014, vers 9h00, un écoulement d’eau en provenance du plafond l’oblige à vider plusieurs chaudières d’eau.

[14]   Elle appelle aussitôt le locateur qui l’accuse d’en être responsable et lui demande de vider les chaudières, prétend-elle, lequel ne vient constater les dégâts qu’une semaine plus tard, en bouchant les trous et couvrant la surface de peinture.

[15]   Entre janvier et l’été 2014, la locataire se plaint de maux de tête, de fatigue chronique, d’un manque d’énergie. Sa fille est également très fatiguée.

[16]   N’ayant plus d’électricité sur trois murs depuis 18 mois, un électricien se rend finalement au logement en juillet 2014. En ouvrant la prise électrique de la cuisine, il en sort de la laine minérale noire. Elle déclare que l’absence d’électricité l’empêchait d’utiliser un ventilateur et déclare qu’il faisait très chaud dans son logement.

[17]   Le 6 août 2014, le locateur entre dans le logement puisqu’il s’écoule de l’eau dans le logement situé tout en dessous de celui de la locataire. Le 13 août 2014, le locateur défonce un mur pour en vérifier la provenance.

[18]   Le 14 août, une grosse ballonne de peinture se forme au plafond, celle-ci est percée par le père du locateur.

[19]   Le 30 août 2014, la locataire s’évanouit à trois reprises, prétend-elle.

[20]   Depuis le 12 septembre, elle souffre d’une inflammation aux bronches et constate une présence d’odeur nauséabonde dans son logement, ce qui l’oblige à dormir ailleurs du 1er septembre au 23 octobre 2014.

[21]   Le 24 septembre 2014, la locataire transmet une mise en demeure au locateur et le 22 octobre, une demande de dédommagement.

[22]   C’est en raison de ces problèmes qu’elle a alors retenu le loyer.

Plainte à la Ville de Laval

[23]   À la suite d’une plainte à la Ville de Laval, une inspection du bâtiment est effectuée le 10 septembre 2014.

[24]   L’inspecteur municipal y constate une ouverture au plafond de la salle de bain et à l’intérieur, la présence d'une laine minérale moisie et des solives atteintes par la moisissure (Pièce L-8).


[25]   Le 6 novembre 2014, l’inspecteur obtient confirmation du locateur que les travaux à la toiture ont été réalisés à sa demande et que les problèmes d’infiltration d’eau devraient être dorénavant corrigés.

Allégations et preuve du locateur

[26]   Pour sa part, le locateur prétend que son père s’est déplacé au logement le 11 janvier 2014, ce que nie la locataire.

[27]   Il déclare avoir effectué les travaux nécessaires en janvier 2014 et il estime que les taches dans la salle de bain n’étaient pas de la moisissure.

[28]   Le locateur est d’avis que la laine minérale était noircie à cause d’une défaillance électrique et qu’heureusement, il n’y a pas eu d’incendie.

[29]   Il déclare que le 11 août, il est en voyage de noces, mais demande à son père de se rendre au logement de la locataire. Son père aurait constaté de sérieux problèmes au toit nécessitant une réparation.

[30]   Il déplore que la Ville de Laval ne l’ait jamais appelé avant et déclare avoir toujours eu l’intention de faire ces travaux.

[31]   Ayant acquis l’immeuble il y a 18 ans, il estime que le toit ne devait pas être refait puisque le précédent propriétaire avait fait faire les travaux. Néanmoins, le 6 novembre 2014, l’entreprise de toitures confirme avoir procédé aux travaux nécessaires sur le toit.

[32]   Enfin, il estime que la locataire n’a pas fait la preuve de moisissure ni que son état de santé était relié au logement.

[33]   Avant d’aborder les prochaines questions en litige, il s’impose d’expliquer les règles de preuve applicable en matière civile et de faire un rappel des obligations des parties.

Règle de preuve applicable

[34]   Le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie qui demande une conclusion au Tribunal. L'expression «fardeau de la preuve» signifie l'obligation pour une partie de faire la démonstration du bien-fondé de son droit, de ses prétentions et des faits allégués et d'en convaincre le Tribunal[11].

[35]   La norme de la preuve en matière civile est celle de la prépondérance de la preuve[12], ce qui veut dire que la preuve doit toujours être claire et convaincante et que les faits présentés sont probables.

[36]   Quant à l'appréciation du témoignage, elle est laissée à la discrétion du Tribunal[13].

[37]   Si, par rapport à un fait essentiel, la preuve offerte n'est pas suffisamment convaincante, ou encore si la preuve est contradictoire et que le Tribunal est dans l'impossibilité de déterminer où se situe la vérité, la partie demanderesse perdra[14].

Rappel des obligations des parties à l’égard du logement

[38]   À l’égard du logement, un locataire doit essentiellement respecter les obligations suivantes :

·            maintenir son logement en bon état de propreté (art. 1911 C.c.Q.);

·            assurer la sécurité et la salubrité de son logement (art. 1912 C.c.Q.);

·            utiliser le logement en personne prudente et diligente (art. 1855 C.c.Q.).

[39]   De plus, l'article 1862 C.c.Q. crée une présomption simple de la responsabilité contre un locataire lorsque le logement subit des pertes et des dégradations. Puisque le locataire a le contrôle et la garde du logement, il est présumé responsable des dommages qui y surviennent à moins que ces dégradations n'aient eu lieu sans faute de sa part ou des personnes à qui il permet l'accès au logement.


[40]   Pour sa part, un locateur doit notamment :

·            maintenir en bon état d'habitabilité le logement pendant toute la durée du bail (art. 1910 C.c.Q.);

·            entretenir le logement pour qu’il puisse servir à son usage normal (art. 1854 al. 2  C.c.Q.);

·            effectuer toutes les réparations nécessaires sauf celles à la charge du locataire (art. 1864 C.c.Q.). 

[41]   Les obligations prévues à l’article 1864 C.c.Q. sont dites « de résultat », ce qui signifie que les moyens de défense du locateur sont limités.

[42]   Tandis que les articles 1910 et 1854 al. 2 C.c.Q. sont à l'effet que les obligations du locateur sont dites « de garantie », ce qui implique une responsabilité plus étendue de sa part puisqu’il est présumé responsable.

[43]   La seule façon d'échapper à cette responsabilité est de démontrer qu'il n'a pu remplir ses obligations en raison de l'acte d'un tiers ou du locataire. Il ne peut invoquer qu'il a agi avec diligence raisonnable pour atténuer sa responsabilité.

[44]   L'inexécution d'une obligation du locateur prévue par la loi ou le bail permet au locataire de demander, entre autres, la diminution du loyer (article 1863 C.c.Q.). Cette diminution vise à évaluer la valeur objective de la perte locative subie par le locataire en raison de l'inexécution des obligations du locateur.

2.   Le locateur a-t-il respecté ses obligations dans l’exécution des travaux?

[45]   Le Tribunal estime que le locateur a fait défaut de remplir ses obligations en omettant d'effectuer les réparations ou travaux qui s'imposaient rapidement au toit.

[46]   Les travaux qu’il a effectués en janvier n’ont fait que colmater une problématique plus sérieuse.

3.   La locataire a-t-elle droit à une diminution de loyer?

[47]   Selon le rapport de l’inspecteur municipal[15], il y a eu présence de moisissure et le locateur n’a pas renversé cette preuve.

[48]   Ainsi, la preuve révèle que la locataire a vécu des inconvénients au logement en raison de déficience au toit, de mauvaises odeurs et d’une présence de moisissure, diminuant ainsi sa jouissance des lieux.

[49]   Vu le non-respect des obligations du locateur, le Tribunal doit accorder une diminution de loyer à la locataire comme le permet l'article 1863 C.c.Q.

[50]   Pour déterminer la diminution de loyer, le Tribunal doit faire une évaluation objective de la valeur de la perte de jouissance en tenant compte notamment du loyer payé. Le principe veut que le loyer soit pleinement exigible lorsqu'un locataire a l'usage normal du logement.

[51]   Pour l’écoulement d’eau en janvier et août 2014, il y a admission par le locateur de cette problématique.

[52]   Quant à l’absence d’électricité sur trois murs, vu l’absence de mise en demeure antérieure et vu la preuve contradictoire sur la durée de cette perte, le Tribunal la limite à un mois.

[53]   Conséquemment, le loyer exigible pendant une certaine période doit être diminué, et ce, pour le défaut de ne pas avoir maintenu le logement dans un bon état d’habitabilité, et le Tribunal estime cette diminution globale à 600 $.

4.   La locataire a-t-elle droit à des dommages-intérêts moraux pour troubles et inconvénients ?

[54]   La locataire réclame 5 000 $ pour tous les inconvénients, stress, maladies causés par les événements du 11 janvier et du 14 août 2014.

[55]   La locataire plaide que la présence de moisissure a eu des impacts sur sa santé. Cependant, les notes médicales déposées (L5 et L-6) ne permettent pas de corroborer ou d’objectiver cette relation.

[56]   En l’absence d’expertise médicale ou d’opinion médicale digne de ce nom, le lien causal entre l’état de santé allégué et l’état du logement peut difficilement être démontré.

[57]   Certes, il y a des coïncidences, mais la preuve médicale offerte et le témoignage de la locataire sur son état de santé et les causes de ses malaises allégués sont donc insuffisants et ils n’ont que peu de valeur probante ou de poids dans les circonstances[16].

[58]   Cependant, le Tribunal estime que pour compenser tous les troubles, inconvénients et aléas relatifs aux écoulements d’eau, un montant de 800 $ est juste et raisonnable.

5.   La résiliation du bail peut-elle être accordée aux torts du locateur?

[59]   L’article 1972 C.c.Q. prévoit la demande de résiliation si le logement devient impropre à l’habitation.

[60]   Or, au jour de l’audience, les problématiques au toit et les déficiences électriques sont corrigées. Le nouvel écoulement d’eau dans le portique de l’immeuble découvert le 11 mars 2015, ne peut être pris en compte, considérant que le locateur n’en a été informé qu’à l’audience, le lendemain.

[61]   Cette portion de la demande est donc rejetée.

[62]   Enfin, la preuve soumise ne justifie pas l'exécution provisoire de la décision et aucun frais judiciaire n’est accordé vu l’exemption réglementaire.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Demande du locateur

[63]   ACCUEILLE en partie la demande;

[64]   CONDAMNE la locataire à payer au locateur 600 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 12 mars 2015, plus les frais judiciaires de 71 $.

Demande de la locataire

[65]   ACCUEILLE en partie la demande;

[66]   CONDAMNE le locateur à payer à la locataire 1 400 $ plus les intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter du 21 octobre 2010;

[67]   PERMET aux parties d’opérer compensation;

[68]   CHAQUE partie payant ses frais de signification.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sophie Alain

 

Présence(s) :

le locateur

la locataire

Me Noël St-Pierre, avocat de la locataire

Date de l’audience :  

12 mars 2015

 

 

 


 



[1]    RLRQ, c. R-8.1.

[2]    Voir pièce numérisée le 7 avril 2015.

[3]    Article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :

     2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

      Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

[4]    Article 2804 C.c.Q.

[5]    Article 2845 C.c.Q.

[6]    Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Wilson & Lafleur Ltée, p.62.

[7]    Dont la production est admise pour valoir témoignage suivant l’article 78 de la Loi sur la Régie du logement, L.R.Q. c. R-8.1.

[8]    Simoneau c. Hamel, 2013 QCRDL 24988.

[9]    RLRQ, c. R-8.1.

[10]   Voir pièce numérisée le 7 avril 2015.

[11]   Article 2803 du Code civil du Québec (C.c.Q.) :

     2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

      Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

[12]   Article 2804 C.c.Q.

[13]   Article 2845 C.c.Q.

[14]   Léo DUCHARME, Précis de la preuve, 6e édition, 2005, Wilson & Lafleur Ltée, p.62.

[15]   Dont la production est admise pour valoir témoignage suivant l’article 78 de la Loi sur la Régie du logement, L.R.Q. c. R-8.1.

[16]   Simoneau c. Hamel, 2013 QCRDL 24988.

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