Décision

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Spanos c. Bellerive

2024 QCTAL 18700

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

754355 31 20240103 G

No demande :

4156473

 

 

Date :

06 juin 2024

Devant le juge administratif :

Jean Gauthier

 

Paraskevas Spanos

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Eric Bellerive

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Le locateur demande l’autorisation de reprendre le logement occupé par le locataire pour y loger son fils à compter du 1er juillet 2024, conformément aux articles 1957 et 1963 du Code civil du Québec qui se lisent :

« 1957. Le locateur d'un logement, s'il en est le propriétaire, peut le reprendre pour l'habiter lui-même ou y loger ses ascendants ou descendants au premier degré, ou tout autre parent ou allié dont il est le principal soutien.

Il peut aussi le reprendre pour y loger un conjoint dont il demeure le principal soutien après la séparation de corps, le divorce ou la dissolution de l'union civile. »

« 1963. Lorsque le locataire refuse de quitter le logement, le locateur peut, néanmoins, le reprendre ou en évincer le locataire, avec l’autorisation du tribunal.

Cette demande doit être présentée dans le mois du refus et le locateur doit alors démontrer qu’il entend réellement reprendre le logement ou en évincer le locataire pour la fin mentionnée dans l’avis et qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins et, lorsqu’il s’agit d’une éviction, que la loi permet de subdiviser le logement, de l’agrandir ou d’en changer l’affectation. »

[2]         Le locataire s'y oppose.

[3]         La preuve contradictoire révèle que l'avis de reprise et la présente demande sont conformes à la loi et respectent les délais prescrits.

Les faits pertinents :

[4]         Les parties sont liées par bail d’un logement de quatre pièces et demie depuis 2011 qui se termine le 30 juin 2024 au loyer mensuel de 720 $. Il est situé au deuxième d’un quadruplex de trois étages que le locateur a acquis en 2014.


[5]         Son fils est étudiant en première année au cégep Marianopolis situé à Westmount, à 10 km du logement pour un trajet de 30 minutes en voiture en dehors des heures de pointe et de 45 minutes en métro. Il vit actuellement chez ses parents à Blainville, à 36 km du cégep pour un trajet de 43 minutes en voiture en dehors des heures de pointe. Il n’a aucun projet précis de scolarité universitaire mais son père l’encourage fortement à entreprendre des études en droit.

[6]         Il vivrait seul au logement, il ne payerait aucun loyer. Il travaille actuellement le dimanche au restaurant Madison à Laval et à temps plein pendant la période estivale.

[7]         Le locateur a déjà tenté sans succès de reprendre le logement et par ailleurs, il a rénové au moins un autre logement dont le loyer a considérablement augmenté.

Question en litige :

[8]         La preuve convainc-t-elle le Tribunal de l’intention du locateur de reprendre le logement et qu’elle ne vise pas plutôt une autre finalité ?

Analyse et décision :

[9]         Selon l'article 1936 du Code civil du Québec, un locataire bénéficie du droit au maintien dans les lieux en autant qu'il respecte les obligations prévues au bail. Il ne perd ce droit que dans les cas prévus par la loi. Il s'agit entre autres des cas de reprise de logement ou d'éviction prévus aux articles 1957 et suivants du Code civil du Québec.

[10]     En vertu de l'article 1963 du Code civil du Québec, un locateur doit démontrer qu'il entend réellement reprendre le logement pour la fin mentionnée dans l'avis et qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins. Il lui appartient de démontrer que son projet de reprise repose sur des faits raisonnables et probables et non sur de faux prétextes. Ainsi, le Tribunal doit vérifier si ces motifs n'ont pas pour but de mettre fin au droit au maintien dans les lieux d’un locataire par un moyen détourné.

[11]     Dans la décision Hajjali c. Tisiki[1], le juge Dortélus analyse certaines décisions qui déterminent le fardeau de preuve applicable en matière de reprise. Il mentionne ce qui suit :

« Il ressort de cette revue de la doctrine et jurisprudence qu'il appartient au locateur de démontrer par prépondérance de preuve qu'il entend réellement reprendre possession du logement pour la fin mentionnée dans l'avis de reprise de possession, il doit prouver sa bonne foi, ce faisant, établir qu'il ne s'agit pas d'un prétexte pour atteindre d'autres fins. »

[12]     Plusieurs décisions du Tribunal reprennent les principes bien établis sur cette notion de bonne foi.

[13]     Dans l'affaire Simard-Godin c. Gibeault[2], le Tribunal s'exprimait comme suit :

« La détermination de la bonne foi, de l'intention réelle de reprendre possession et de l'absence de prétexte dolosif est une question de faits et d'intention entourant les faits. À ce chapitre la Régie est justifiée d'examiner les faits et motifs qui amènent le locateur à requérir le logement: cette appréciation implique nécessairement des éléments subjectifs et objectifs tels que la crédibilité de la locatrice et de sa fille, les raisons personnelles justifiant leur droit spécifique, la disponibilité d'un logement équivalent et même l'état des relations avec le locataire en cause. »

[14]     Après un examen attentif de la preuve, le Tribunal conclut que le projet n'est pas convaincant. Rien dans la preuve ne démontre que le projet de reprise s’inscrit dans la pérennité. Le projet de scolarité à long terme est aléatoire.

[15]     Le locateur avait le fardeau de prouver le bien-fondé de sa demande, sa bonne foi et ses véritables intentions. Il e n’a pas convaincu le Tribunal que la reprise n’est pas un prétexte pour atteindre d’autres fins.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[16]     REJETTE la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean Gauthier

 

Présence(s) :

le locateur

le locataire

Date de l’audience : 

17 mai 2024

 

 

 


 


[1] Hajjali c. Tsikis, [2008] QCCQ 16 (C.Q).

[2] Simard-Godin c. Gibeault, J.L. 87-82 (R.L.) p.40.

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