Valro inc. (Place Maricourt) c. Landry | 2024 QCTAL 17236 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Québec | ||||||
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No dossier : | 776602 18 20240319 G | No demande : | 4250984 | |||
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Date : | 17 mai 2024 | |||||
Devant le juge administratif : | Philippe Morisset | |||||
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Valro inc. / Place Maricourt |
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Locateur - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Gabrielle Landry
Lauren Cherbaka
Marjorie Stewart |
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Locataires - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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[1] Par une demande introduite le 19 mars 2024, le locateur demande que le Tribunal détermine le montant du loyer mensuel payable pour la période du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024.
[2] Il recherche également le remboursement des frais.
CONTEXTE
[3] Au mois de juin 2021, un bail intervient avec le locateur et les locataires Gabrielle Landry (ci-après : « Landry »), Lauren Cherbaka (ci-après : « Cherbaka ») et Maude St-Pierre Lamoureux (ci-après : « Lamoureux »), et ce pour la période du 1er août 2021 au 31 juillet 2022[1].
[4] Le bail stipule un loyer mensuel de base de 985 $, plus des services au montant de 30 $, pour un loyer mensuel exigible de 1 015 $[2].
[5] Ce bail a été reconduit pour la période du 1er août 2022 au 31 juillet 2023 au loyer mensuel total de 1 045 $[3].
[6] Les 20, 21 et 24 février 2023, le locateur remet à Landry, Lamoureux et Cherbaka un avis de renouvellement de bail pour la période du 1er août 2023 au 31 juillet 2024[4].
[7] Par cet avis, le locateur propose d’augmenter le loyer mensuel de 1 045 $ à 1 086 $ à compter du 1er août 2023[5].
[8] Le 23 février 2023, Landry et Cherbaka répondent qu’elles renouvellent le bail aux conditions mentionné dans l’avis[6].
[9] Quant à Lamoureux, celle-ci informe le locateur qu’elle ne renouvelle pas et qu’elle quitte.
[10] Le bail est donc renouvelé pour la période du 1er aout 2023 au 31 juillet 2024 avec comme seules locataires Landry et Cherbaka au loyer mensuel de 1086 $.
[11] Au mois de mai 2023, Landry communique avec le locateur afin de lui demander d’ajouter une nouvelle locataire au bail, soit Marjorie Stewart (ci-après : « Stewart »). À ce moment, il n’est pas question du coût du loyer. Il n’y a aucune discussion ou négociation relativement au montant du loyer à compter du 1er août 2023.
[12] Le locateur accepte la demande d’ajouter comme locataire Stewart.
[13] Le 1er juin 2023, le locateur transmet à Landry, Cherbaka et Stewart un courriel les informant que le formulaire d’entente pour retirer Lamoureux et d’ajouter Stewart est prêt et qu’elles peuvent passer au bureau le signer[7].
[14] Le 5 juillet 2023, le locateur transmet par courriel le formulaire d’entente pour signature à Landry, Cherbaka et Stewart[8].
[15] Ce formulaire d’entente se lit comme suit :
« Par la présente, il fût convenu de l’entente suivante :
Mesdames Lauren Cherbaka et Gabrielle Landry sont signataires d’un bail en force du 1er août 2022 au 31 juillet 2023 au loyer mensuel de 1015 $ et renouvelé jusqu’au 31 juillet 2024 au loyer mensuel de 1056 $ pour le logement situé au [...] app. 5 à Québec. Il est entendu que madame Marjorie Stewart se joindra, à titre de locataire solidaire au bail à compter du 1er août 2023.
Elle accepte de devenir responsable solidairement avec les locataires actuelles des responsabilités, conditions, obligations et échéances inscrites au bail originaire ainsi que des annexes et règlements qui le composent à compter du 1er août 2023. Cette dernière reconnait aussi avoir pris connaissance de ces mêmes annexes et règlements.
Les locataires et le locateur déclarent reconnaitre et accepter le présent document comme faisant partie intégrante du bail originaire.
(…) »
[16] En fin juillet début août 2023, les locataires retournent ce formulaire dûment signé.
[17] Le 6 septembre 2023, le locateur communique avec les locataires pour les aviser qu’il manque une somme de 30 $ sur chacun des loyers des mois d’août et septembre 2023. Il est mentionné dans ce courriel qu’il y a eu une erreur dans le formulaire d’entente, ayant omis d’ajouter la somme de 30 $ pour la location d’espaces de stationnement, faisant en sorte que le loyer mensuel payable est de 1 086 $ et non 1 056 $[9].
[18] Il s’ensuit plusieurs échanges entre les parties concernant le loyer exigible[10].
[19] Pour le locateur le loyer exigible est de 1 086 $. Le locateur allègue qu’il y a eu erreur quant au montant du loyer inscrit sur le formulaire d’entente et que le véritable loyer exigible est celui indiqué à l’avis d’augmentation daté du 7 février 2023, dont les conditions ont été acceptées par Landry et Cherbaka.
[20] Pour les locataires, le loyer mensuel payable est de 1 056 $. Selon elles, le formulaire d’entente lie les parties, bien qu’elles reconnaissent qu’il y a eu erreur quant au montant du loyer sur le formulaire.
[21] Elles plaident les articles 1372, 1377, 1386 à 1389, 1394, 1405 et 1423 du Code civil du Québec.
[22] Elles ajoutent que considérant que le locateur a accepté leurs virements au montant de 1 056 $, le locateur a accepté implicitement que le loyer mensuel payable soit de 1 056 $.
ANALYSE ET DÉCISION
[23] La preuve démontre clairement que le locateur a commis une erreur quant au montant du loyer inscrit au formulaire d’entente[11].
[24] La locataire Landry, qui représente également Cherbaka et Stewart, confirme que le bail avait été reconduit pour la période du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 au loyer mensuel total de 1 086 $.
[25] La locataire Landry a également admis que les seules discussions tenues avec le locateur avant la réception du formulaire d’entente ont été l’ajout de Stewart à titre de locataire.
[26] À aucun moment, il n’a été question du montant du loyer, de sa réduction ou d’autres modifications au bail que l’ajout de Stewart.
[27] Le Tribunal en conclut donc que la véritable intention des parties était de modifier le bail déjà reconduit pour la période du 1er aout 2023 au 31 juillet 2024, pour seulement y ajouter Stewart comme locataire.
[28] Bien que Landry témoigne ne pas avoir constaté l’erreur quant au montant du loyer lors de la signature du formulaire d’entente, ce qui est possible, il n’en reste pas moins que lorsque le locateur a fait part aux locataires de l’erreur, celle-ci reprochent cette erreur au locateur et tentent malheureusement d’en tirer profit.
[29] S’il n’a jamais été question d’un montant de loyer lors ou suivant la demande d’ajout comme locataire de Stewart, comment les locataires peuvent prétendre à un échange de consentement et la naissance d’un contrat de bail à un loyer de 1 056 $.
[30] Le Tribunal rejette également l’argument que l’erreur quant au montant du loyer sur le formulaire d’entente est une erreur économique. Pour le Tribunal, il ne s’agit pas d’une erreur économique, mais d’une simple erreur.
[31] Le Tribunal rejette également les prétentions des locataires que le locateur a tacitement accepté ou reconnu que le loyer mensuel payable était de 1 056 $. En effet, le locateur a informé les locataires de sa position dès le mois de septembre. Or, même si le locateur a continué de recevoir les virements au montant de 1 056 $, le Tribunal ne peut conclure qu’il y a eu acceptation tacite et une volonté de reconnaître que le loyer exigible est de 1 056 $.
[32] En reconnaissant que le loyer mensuel payable était de 1 086 $ avant la signature du formulaire d’entente, en reconnaissant qu’il n’a jamais été discuté, négocié ou question d’un loyer de 1 056 $, en omettant de dénoncer au locateur une erreur évidente dans le formulaire d’entente, le Tribunal croit que les locataires ont exercé leurs droits de manière déraisonnable et contrairement aux règles énoncées aux articles suivants du Code civil du Québec :
« 6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. »
« 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi. »
« 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »
[33] En conclusion, le Tribunal est d’avis que la véritable intention des parties était simplement d’ajouter comme locataire Marjorie Stewart et qu’il n’y a jamais eu d’échange de consentement quant à un loyer mensuel payable de 1 056 $.
[34] Pour le Tribunal, le montant de 1 056 $ est une simple erreur et le véritable loyer exigible est de 1 086 $.
[35] Relativement aux frais, vu que ce litige provient d’une erreur du locateur, celui-ci devra les assumer.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[36] DÉTERMINE que le loyer exigible pour la période du 1er août 2023 au 31 juillet 2024 est de 1 086 $ par mois;
[37] LE TOUT sans frais.
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Philippe Morisset | ||
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Présence(s) : | le mandataire du locateur la locataire Gabrielle Landry | ||
Date de l’audience : | 10 mai 2024 | ||
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[1] Pièce P-1.
[2] Idem.
[3] Voir Pièce P-2.
[4] Idem.
[5] Idem.
[6] Idem.
[7] Voir courriel du 1er juin 2023, Pièce P-3 en liasse.
[8] Voir courriel du 5 juillet 2023, Pièce P-3 en liasse.
[9] Voir courriel du 6 septembre 2023, Pièce P-4 en liasse.
[10] Voir Pièce P-4 en liasse et L-4 en liasse.
[11] Pièce P-3.
AVIS :
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