LEB Immobilier inc. c. Zammit |
2021 QCTAL 26641 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
584613 31 20210819 G |
No demande : |
3325286 |
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Date : |
21 octobre 2021 |
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Devant la juge administrative : |
Camille Champeval |
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Leb Immobilier Inc. |
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Locatrice - Partie demanderesse |
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c. |
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Pol Zammit |
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Locataire - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locatrice réclame le recouvrement de la somme de 655 $, correspondant au loyer du mois de novembre 2020, ainsi que les loyers dus à l’audience. Elle requiert l’exécution provisoire de la décision, de même que le paiement des frais judiciaires.
[2] Le locataire est aphasique. Il éprouve de grandes difficultés à s’exprimer. Ses fonctions intellectuelles ne sont toutefois pas affectées. C’est en raison de cette condition qu’il est accompagné à l’audience par un ami de longue date, Pierre Lepage. Ce dernier est informé de la situation ayant conduit le locataire devant ce Tribunal. Il a passé une journée complète avec ce dernier pour être en mesure de comprendre la situation et rassembler les informations nécessaires.
La preuve
[3] Les parties sont liées par un bail reconduit, du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, au loyer mensuel de 655 $.
[4] La locatrice soutient que le locataire lui doit la somme de 655 $, correspondant au loyer du mois de novembre 2020. Ce dernier conteste une telle réclamation.
[5] Nathalie Kemp, mandataire de la locatrice, témoigne que les locataires des immeubles de la locatrice ne sont pas autorisés à payer leur loyer aux concierges.
[6] Est déposé en preuve un document fixé à plusieurs endroits dans l’immeuble où réside le locataire, témoigne Nathalie Kemp. Cette note de service communique les coordonnées du concierge en place avec la mention suivante :
« Please note you must never give any rent to the janitor at any time. Whether it is by cheque or cash. » (sic)
[7] Le locataire indique toutefois, par la voix de Pierre Lepage, avoir payé son loyer en argent comptant au concierge de l’immeuble depuis bon nombre d’années.
[8] Madame Kemp ne conteste pas une telle prétention. Elle a toléré cette situation dans un désir de faciliter la vie du locataire, qui éprouve également des difficultés à se déplacer. À chaque occasion, cependant, dit-elle, il lui était rappelé d’éviter de transiger avec le concierge alors en place.
[9] Saint-Arnaud a été à l’emploi de la locatrice à titre de concierge de mai à octobre 2020. Il occupait l’une des unités de l’immeuble dans lequel vit le locataire.
[10] Le 29 octobre 2020, témoigne madame Kemp, les services policiers et ambulanciers sont dans l’obligation d’intervenir à l’immeuble en raison des comportements de Saint-Arnaud. Des locataires sont évacués pendant un court laps de temps. Saint-Arnaud est congédié.
[11] Tous les locataires de l’immeuble sont alors informés par courriel ou par téléphone de ne plus faire affaires avec Saint-Arnaud. Celui-ci est par ailleurs demeuré locataire de l’immeuble jusqu’en janvier 2021.
[12] Considérant la situation personnelle du locataire, témoigne Nathalie Kemp, un mémo à cet effet est collé sur sa porte. Le locataire nie avoir reçu ou lu un tel message.
[13] Il paye donc son loyer à Saint-Arnaud le 1er novembre 2020, tel qu’en fait foi le reçu présenté à l’audience.
[14] Nathalie Kemp ne nie pas que le locataire ait effectué un tel paiement, ce dernier étant un individu fiable, ayant toujours été diligent dans le paiement de son loyer, témoigne-t-elle.
[15] Jamais, toutefois, Saint-Arnaud n’a transféré ladite somme à la locatrice. Natalie Kemp estime être en droit de recouvrir le loyer de novembre 2020. Le locataire avait été informé de ne pas transiger avec Saint-Arnaud, argumente-elle.
[16] Le locataire a payé son loyer en argent comptant au nouveau concierge à quelques reprises suivant cet incident.
Analyse
[17] Le locataire a payé le loyer du mois de novembre 2020. Le Tribunal le croit et d’ailleurs, Nathalie Kemp ne met pas cette assertion en doute.
[18] Doit-il néanmoins être condamné à le payer une seconde fois?
[19] Avec égards, la soussignée ne le croit pas. Voici pourquoi.
[20] Bien que la locatrice ait informé ses locataires de ne pas payer leurs loyers au concierge de l’immeuble, le locataire a bénéficié d’une tolérance à cet égard, en raison de son état de santé.
[21] Le locataire paye son loyer de cette manière depuis des années.
[22] L’événement particulier survenu en octobre 2020 a mené au congédiement du concierge Saint-Arnaud. Les locataires de l’immeuble ont alors été instruits de ne plus faire affaires avec lui, Nathalie Kemp témoignant que le locataire en a été informé par écrit.
[23] D’où l’interrogation suivante : le locataire a-t-il pris connaissance du mémo collé sur sa porte?
[24] Ce dernier nie que ce soit le cas.
[25] Or, preuve n’a pas été faite par la locatrice de la réception de ce document par le locataire.
[26] De fait, que ce mémo ait été collé à la porte du locataire en présence de madame Kemp ne signifie pas pour autant que le locataire l’ait reçu.
[27] Ce document a possiblement été décollé par la force de la nature, en raison d’une mauvaise adhésion à la porte, ou encore par l’exercice d’une manifestation humaine. La soussignée ne peut exclure ce second scénario. En effet, comment ignorer que Saint-Arnaud était toujours présent dans l’immeuble suivant son congédiement et qu’il a accepté le paiement du loyer du locataire, allant jusqu’à lui émettre un reçu? Comment ignorer qu’il a conservé sans droit cette somme d’argent?
[28] Natalie Kemp témoignant connaître le locataire depuis de nombreuses années et le décrivant comme étant un individu fiable, pourquoi mentirait-il sur cette question?
[29] Le Tribunal ne peut en effet arriver à un tel constat. La version donnée par le locataire est probante. La soussignée le croit.
[30] Le défaut de la locatrice de démontrer la réception du mémo par le locataire lui est fatal. Elle ne peut en effet prétendre modifier un mode de paiement qu’elle a toléré pendant des années et à sanctionner le locataire pour son défaut de se conformer à ces nouvelles exigences, sans démontrer qu’il en avait été préalablement informé.
[31] De fait, le Tribunal conclut, après analyse des témoignages rendus, qu’en payant son loyer à Saint-Arnaud le 1er novembre 2020, le locataire a agi comme il a toujours agi dans le passé. Il n’a manifestement pas reçu copie du mémo émis par la locatrice. Il n’a pas à payer deux fois le loyer de novembre 2020.
[32] Pour ces motifs, la demande de la locatrice est rejetée.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[33] REJETTE la demande.
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Camille Champeval |
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Présence(s) : |
le mandataire de la locatrice le locataire |
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Date de l’audience : |
7 octobre 2021 |
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