Décision

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Ben-Younès c. Mamadou

2024 QCTAL 18713

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Québec

 

No dossier :

728492 18 20230818 G

No demande :

4014145

 

 

Date :

07 juin 2024

Devant le juge administratif :

Philippe Morisset

 

Wahmed Ben-Younès

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Koné Mamadou

 

Marie Tellier

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]         Par une demande introduite le 18 août 2023, le locateur réclame solidairement aux locataires des dommages au montant de 825 $, le tout avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, en plus des frais.

[2]         Au soutien de sa demande, le locateur allègue essentiellement que les locataires n’ont pas remis le logement en bon état lors de leur départ.

CONTEXTE

[3]         Les parties étaient liées par un bail pour la période du 1er décembre 2021 au 30 juin 2022 au loyer mensuel de 795 $[1], lequel a été reconduit jusqu’au 30 juin 2023 au loyer mensuel de 810 $.

[4]         Le 25 janvier 2023, le locateur a obtenu un jugement l’autorisant à reprendre le logement des locataires pour y loger son fils à compter du 1er juillet 2023[2].

[5]         Les locataires quittent le logement à la fin du mois de juin 2023.

1)      Preuve du locateur

[6]         Le locateur témoigne que les locataires ont laissé plusieurs biens dans le logement, suivant leur départ. Des électroménagers ont notamment été laissés sur place, de même que des chaises et différents articles de cuisines[3].

[7]         Ces biens ont dû donc être sortis du logement avant l’emménagement de son fils.


[8]         Il mentionne également qu’il y avait de nombreux trous de vis ou de vis dans les murs.

[9]         Il explique avoir dû faire des travaux de plâtrage et de peinture pour remettre celui-ci en état. Il mentionne également que les locataires n’ont pas repeinturé le logement en blanc avant leur départ[4]. Il ajoute que les locataires avaient des plants de cannabis dans le logement et que cela a causé des odeurs.

[10]     Il mentionne qu’il a dû faire des réparations sur le balcon, vu les installations faites par les locataires.

[11]     Le locateur ventile sa réclamation comme suit :

-                      Matériel :

  • Peinture : 1   55 $
  • Porte cassée :  120 $
  • Moustiquaire :  100 $

Total :    375 $

-                      Travail :

  • 30 h x 15 $ =  450 $

[12]     À l’audience, le locateur ne produit toutefois aucune facture pour l’achat de matériel.

2)      Preuve des locataires

[13]     Les locataires admettent avoir laissé certains biens dans le logement, dont les électroménagers, en raison d’un litige sur leur propriété avec le locateur. Pour éviter tout problème, ils les ont donc laissés sur place.

[14]     Ils nient avoir laissé le logement malpropre.

[15]     Ils expliquent que le locateur voulait déjà mettre des biens dans le logement le 30 juin, ce qui a nui à leur déménagement. Ils ajoutent que c’est eux qui ont sorti la plupart des bien présents sur les photos du locateur sur le bord de la rue.

[16]     Les trous laissés dans les murs ont été causés par l’installation de tablettes, de l’écran du projecteur et des pôles à rideaux.

[17]     Il n’y avait aucune odeur de cannabis dans le logement.

[18]     Ils mentionnent qu’il y a eu des dégâts d’eau dans le logement en juillet 2022 et en mars 2023. Ces dégâts ont causé des dommages au logement dont au plafond[5].

[19]     Au moment de leur départ du logement, le plafond de leur logement était encore ouvert et les travaux, non terminés.

3)      Contre-preuve du locateur

[20]     Le locateur admet les dégâts d’eau, mais mentionne que les travaux ont pris un certain temps en raison de son assureur. Il témoigne que le plafond était fermé au départ des locataires.

ANALYSE ET DÉCISION

[21]     Un locataire se doit d’utiliser le logement avec prudence et diligence en vertu de l’article 1855 du Code civil du Québec, lequel énonce :

« 1855.      Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d'user du bien avec prudence et diligence. »

[22]     L’article 1890 C.c.Q prévoit également qu’un locataire doit remettre le bien dans le même état que celui où il l’a reçu, à l’exception de l’usure normale, de la vétusté ou d’une force majeure.

« 1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l'état où il l'a reçu, mais il n'est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l'usure normale du bien ou d'une force majeure.

           L'état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu'en ont faites les parties; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail. »


[23]     Le deuxième alinéa prévoit une présomption à l’effet qu’un locataire est présumé avoir reçu le logement en bon état, à défaut de constat des lieux ou de photographies.

[24]     Il s’agit d’une présomption simple qui peut être repoussée par une preuve contraire[6].

[25]     À cela s’ajoutent les principes de l’article 1862 C.c.Q qui énonce :

« 1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n’est tenu des dommages-intérêts résultant d’un incendie que s’il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l’accès à l’immeuble. »

[26]     Ce dernier article fait peser sur les épaules du locataire le fardeau de démontrer que les préjudices subis par le locateur ne proviennent pas de ses gestes.

[27]     Dans l’affaire Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel Inc.[7], la Cour supérieure rappelle l’obligation du locataire et le droit du locateur quant à la remise en état des lieux en ces termes :

« [132] Le locateur a droit à la remise des lieux dans l’état où ils se trouvaient lors de la prise de possession initiale. Il ne peut cependant réclamer une remise à neuf, car il doit assumer la détérioration et l’usure normales. Les lieux doivent donc être remis dans un état qui permet de les relouer sans avoir à procéder à plus que des travaux mineurs[13] ».

(Référence omise)

[28]     Ceci dit, le départ d'un locataire peut causer un rafraîchissement nécessaire au logement, de façon à favoriser sa relocation. Lorsque ceci résulte d'une occupation normale, le locataire n'assume, en principe, aucune responsabilité, à cet égard. C'est le cas, notamment d'un nettoyage régulier, des travaux de plâtre et peinture rendus nécessaires par l'apposition de rideaux, stores, tableaux aux murs ou autres objets décoratifs. De la même façon, lorsqu'il y a restauration du plancher qui n'est pas causé par un abus ou détérioration anormale, le locateur ne peut réclamer les coûts reliés à de tels travaux.

[29]     Dans le présent cas, le Tribunal doit donc évaluer la situation factuelle afin de déterminer si le logement rendu l’a été de façon conforme aux principes ci-devant mentionnés.

[30]     De l’avis du Tribunal, la preuve ne démontre pas que les locataires ont fait un mauvais usage des lieux.

[31]     Les travaux effectués par le locateur sont des travaux usuels reliés à la relocation ou à la reprise d’un logement après une certaine période d’occupation. La preuve démontre que les trous bouchés étaient des trous occasionnés par la pose de rideaux, tablettes ou écran.

[32]     De plus, le Tribunal retient de la preuve que le logement a été endommagé par deux dégâts d’eau et que la preuve prépondérante démontre que les travaux n’étaient pas finalisés lors du départ des locataires.

[33]     Par ailleurs, le bail ne contient aucune clause et aucun règlement ne prévoit que les locataires avaient l’obligation de repeindre le logement en blanc à leur départ.

[34]     La preuve ne démontre également pas que le logement a été laissé dans un état de malpropreté anormale justifiant un ménage supérieur à la suite d’un départ. Il en est de même quant à la présence d’une odeur de cannabis.

[35]     Quant aux biens laissés dans le logement, la preuve est contradictoire et le Tribunal ne peut conclure que le locateur a rencontré son fardeau de preuve sur cet aspect du litige.

[36]     Dans les circonstances, le Tribunal rejette la demande du locateur.

[37]     À cela s’ajoute que, bien que le locateur réclame une somme de 375 $ en matériel, aucune facture n’a été produite en preuve.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[38]     REJETTE la demande;

[39]     LE TOUT sans frais.

 

 

 

 

 

 

 

 

Philippe Morisset

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience : 

3 mai 2024

 

 

 


 


[1] Pièce P-1

[2] Pièce P-2

[3] Voir les photographies produites en liasse sous la pièce P-4.

[4] Voir les photographies produites en liasse sous la pièce P-5.

[5] Voir pièce L-1.

[6] Article 2847 C.c.Q.

[7] Maria-Chapdelaine (Municipalité régionale de comté de) c. Bleuetière péninsule Albanel Inc., 2009 QCCS 1055 (CanLII).

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