Rassam c. Complexe Saint-Ambroise inc. | 2022 QCTAL 24123 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT | ||||||
Bureau dE Montréal | ||||||
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No dossier : | 265014 31 20160307 G | No demande : | 1950217 | |||
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Date : | 26 août 2022 | |||||
Devant la juge administrative : | Anne A. Laverdure | |||||
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Stephanie Rassam |
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Locataire - Partie demanderesse | ||||||
c. | ||||||
Complexe Saint-Ambroise Inc. |
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Locatrice - Partie défenderesse | ||||||
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D É C I S I O N
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CONTEXTE
[1] Les parties ont été liées par un bail entre le 1er juin 2013 et le 30 septembre 2016.
[2] Le 7 mars 2016, la locataire dépose une demande afin que soit ordonné à la locatrice et à son représentant de cesser de la harceler, que soit déclaré son droit au maintien dans les lieux et que soit déclaré l’impossibilité pour la locatrice de réclamer du loyer additionnel.
[3] Le 9 octobre 2019, la locataire amende sa procédure. Elle demande la condamnation monétaire de la locatrice sous cinq chefs différents : frais de déménagement, différence de loyer, dommages moraux, dommages punitifs et frais extrajudiciaires.
[4] Le 9 février 2021, la locatrice dépose une défense écrite.
[5] Le 31 août 2021, la locataire amende à nouveau sa procédure pour notamment, actualiser sa conclusion quant aux frais extrajudiciaires et bonifier certaines de ses allégations.
[6] Une requête en radiation d’allégation est déposée au matin de la première audience par la locatrice.
[7] Une décision interlocutoire est rendue le 7 octobre 2021, rejetant la réclamation des frais extrajudiciaires.
[8] L’audition du dossier s’étale sur plusieurs audiences.
[9] Au cours des audiences, la locatrice remet en cause la nature du bail et la juridiction du présent Tribunal.
[10] Le 28 juillet 2022, la locatrice dépose une défense amendée, dont les amendements sont pris sous réserve.
[11] Il y aura d’ailleurs de nombreuses objections à la preuve dont certaines, prises sous réserve, seront tranchées dans la présente décision.
QUESTIONS EN LITIGE
[12] Le contrat de bail intervenu entre les parties est-il résidentiel?
[13] La locataire a-t-elle été harcelée par la locatrice ou ses représentants au sens de l’article
ANALYSE ET DÉCISION
Le contrat de bail intervenu entre les parties est-il résidentiel?
[14] La locataire s’intéresse fortuitement à l’ensemble immobilier en venant y reconduire un autre locataire. On la réfère à M. Ballut.
[15] Deux semaines après avoir manifesté son intérêt à louer un logement, M. Ballut lui offre l’appartement numéro 358, dans la partie de l’ensemble immobilier faisant face au canal.
[16] On remet à la locataire un bail intitulé "bail commercial" comportant une trentaine de paragraphes. La locataire s’étonne que la locatrice n’utilise pas la formule du bail prescrit par le Tribunal administratif du logement.
[17] M. Ballut lui explique comment la locatrice traite les aspects fiscaux de ses locations et il lui indique que la locatrice n’utilise que le bail conçu par ses avocats, mais qu’elle peut proposer des modifications.
[18] La locataire témoigne qu’elle a peu de connaissance en louage résidentiel à cette époque et qu’elle en est à son premier contrat de location résidentielle.
[19] Elle obtient le support d’un avocat sénior, pour lequel elle travaille comme jeune avocate, dans la révision du bail.
[20] Elle propose donc à M. Ballut une série d’amendement et insiste sur le fait qu’elle a modifié le paragraphe 2, décrivant l’intention et l’usage, afin que l’usage résidentiel qu’elle fera, des lieux loués, soit reconnu.
[21] M. Ballut témoigne que devant l’importance des modifications, il doit en référer à M. David Sepulchre, le seul administrateur et actionnaire de la locatrice inscrit au registre des entreprises.[1]
[22] Il y a donc une troisième rencontre en présence de M. Sepulchre. M. Ballut dit se souvenir qu’il a été question de la préoccupation de M. Sepulchre, quant au fait que la locataire puisse faire des problèmes. En effet, M. Sepulchre expliquera que la locataire travaille pour un cabinet d’avocats contre lequel il avait déjà déposé une plainte au Barreau du Québec.
[23] À cette troisième rencontre donc, elle les assure qu’elle ne fera pas de problème et qu’elle demeurera principalement chez son ami de toute façon.
[24] Les modifications sont acceptées et le bail est signé en mai 2013.[2]
[25] Lors de l’audience, la locatrice fait ressortir que certains des paragraphes du bail, qui n’ont pas été modifiés, n’ont de sens que si le bail est commercial.
[26] La locatrice réfère au titre du document (bail commercial) et aux paragraphes 2B, 3, 4, 5, 6, 9B, 11G, 13 et 14A.
[27] La locataire explique qu’elle ne voyait pas l’intérêt de rayer tous et chacun des paragraphes qui ne s’appliquaient pas à sa situation.
[28] La locatrice insiste aussi sur le fait que le loyer est présenté en particularisant les taxes appliquées par elle.
[29] Pour déterminer la nature du bail, la Cour d’appel dans l’affaire Camping Koa Montréal‑Ouest c. Gauthier[3] invite le décideur à rechercher l’intention des parties au moment de la signature du bail :
« [31] Afin de déterminer si un bail a été conclu à des fins résidentielles ou à des fins de villégiature, il importe d’examiner quelle était l’intention des parties quant à l’usage des lieux lors de la conclusion du bail.
[32] Le libellé du bail est un facteur important et souvent déterminant afin de déceler l’intention commune des parties. Ainsi, l’usage auquel l’immeuble sous bail est destiné s’infère principalement du contrat convenu entre les parties.
[33] Cependant, ce libellé ne peut faire obstacle à une preuve d’une intention contraire jumelée à un usage contraire [12]. De plus, compte tenu du caractère impératif des dispositions du C.c.Q. portant sur les règles particulières au bail d’un logement [13], les règles de preuve sont assouplies lorsqu’il s’agit d’établir que la destination véritable des lieux loués est celle d’un logement. Comme le signale le professeur Pierre-Gabriel Jobin [14] :
Or, c’est le tribunal, et non les parties, qui a le dernier mot sur la qualification juridique d’une convention. Sera donc retenue la véritable destination envisagée par les parties, malgré une stipulation contraire. D’ailleurs, par dérogation à la règle de l’article
(Notre soulignement)
[30] Le témoignage de la locataire est clair sur ses intentions au moment de la signature du bail. Elle veut faire un usage résidentiel des lieux et cherche donc à conclure un bail résidentiel.
[31] La modification du paragraphe 2 qui biffe les mots suivants corrobore ce témoignage :
« Le Locataire a l’intention et il s’engage à utiliser l'espace loué comme local commercial ou atelier d'artiste ou d'artisan et à ne pas en changer la forme ni la destination au cours du bail. Sous peine de défaut et de par le fait même en vertu de l'article 25 des présentes, le Locataire s'engage expressément informellement et il est une condition essentielle du présent bail qu'il ne fera pas un usage résidentiel complémentaire des lieux dans une proportion excèdent le tiers de leur superficie et qu'il ne permettra pas que l'on fasse un tel usage.
(...) »
[32] Le représentant de la locatrice affirme pour sa part que son intention de signer un bail commercial ne fait pas de doute, que la locatrice ne signe pas de baux résidentiels, mais des baux commerciaux ou à usages mixtes. Ces derniers font son succès et lui assurent une pleine occupation depuis plusieurs années.
[33] La preuve révèle les éléments suivants.
[34] Au registre des entreprises[4], les informations sur la locatrice indiquent à la section : 1er secteur d’activité :
« Promotion et construction d’autres types de constructions résidentielles »
[35] Dans l’extrait du rôle d’évaluation foncière,[5] au chapitre des caractéristiques du bâtiment principal, il est écrit :
« Nombre de logements : 62
Nombre de locaux non résidentiels : 140 »
[36] La locatrice recommande à la locataire un assureur qui conclut avec cette dernière à une couverture d’assurance habitation – locataire.[6]
[37] Le 11 mai 2015, l'administratrice de la locatrice, Madame Trudel, s’exprime en ces mots alors que la locataire lui demande s’il y aurait un autre logement libre pour un ami.
« Bonjour Steph,
Oui tout va super merci, j'espère qu'il en va de même pour toi aussi. Nous n'acceptons plus de locataires résidentiels, nous prenons un tournant strictement commercial.
C'est gentil d'avoir pensé à nous. (...) »[7]
[38] Cette réponse implique qu’il y a alors des baux résidentiels.
[39] Dans la première version de sa défense, la locatrice écrit aux paragraphes 8 et 29 :
« 8. CSA nie les faits contenus au paragraphe 8 : CSA n'a que des modèles de baux commerciaux. Les modifications effectuées par la demanderesse l'ont été à l'insu de M. Sepulchre. Ce n'est que plus tard que ce dernier a constaté, avec stupéfaction, que la demanderesse avait usé de son statut d'avocate afin de faire des modifications au bail commercial dans le but de rendre celui-ci résidentiel sans que cela ne soit approuvé par le CSA;
29.(...) La demanderesse à modifier le bail commercial pour qu'il devienne un bail résidentiel (...) »
[40] À l’avant-dernière journée d’audience, la locatrice veut amender sa défense, notamment à ces deux (2) paragraphes de telle façon qu’ils se lisent ainsi :
« 8. CSA nie les faits contenus au paragraphe 8 : CSA loue exclusivement des espaces commerciaux et en ce sens, n'utilisent que des modèles de baux commerciaux. Avant son arrivée au CSA, M. Ballut a remis une copie du bail à la demanderesse afin qu'elle puisse en prendre connaissance. Quelque temps après, la demanderesse a remis au représentant de CSA une copie du bail avec des modifications faites à la main. Bien qu'il est commun que les locataires de CSA souhaitent apporter quelques modifications aux baux qui leur a proposé, le représentant de CSA a validé auprès de la demanderesse que le bail demeurait un bail de nature commerciale et cette dernière a répondu qu'il n'y avait pas de souci (...);
29. (...) La demanderesse a tenté de modifier le bail pour qu'il devienne un bail résidentiel (...) »
[41] La locataire objecte que ces modifications ont pour but de faire disparaître un aveu judiciaire sur la nature du bail.
[42] S’agit-il d’un aveu judiciaire?
[43] L’article
« L’aveu est la reconnaissance d’un fait de nature à produire des conséquences juridiques contre son auteur »
[44] La Cour d’appel dans Patrick c. Maryland Casualty Co[8] nous rappelait que l’aveu ne peut pas porter sur une question de droit.
[45] Comme la qualification du bail est une question de droit, la défense amendée est accueillie.
[46] Cela dit, les deux versions contradictoires mettent à mal la crédibilité de M. Sepulchre; ou il ne savait pas que le bail était modifié et n’y consentait pas ou il s’était assuré de bien établir que les modifications n’entachaient pas la nature du bail en vérifiant l’usage qu’en ferait la locataire.
[47] La situation se complique du fait que la locataire est relocalisée dans un autre logement, en avril 2015.
[48] Aucun autre bail ne sera signé, bien qu’il semble que cela ait été l’intention des parties, du moins au départ.
[49] M. Sepulchre :
« Bonjour Stéphanie
Sandra ta remis les deux copies du bail, mais tu ne nous a pas retourné notre copie signé.
Je te demanderai de nous ramener aujourd'hui notre copie dûment signé.
Merci
David Sepulchre » (sic)
[50] Mme Rassam :
« Bonsoir David,
Je n'ai jamais recu aucune copie d'un bail et ce depuis mon demenagement au nveau logement.
Bonne soirée
Stéphanie Rassam » (sic)
[51] M. Sepulchre :
« Sandra me dit que tu es partie avec les deux copies!! » (sic)
[52] Mme Rassam :
« Non, je le lui avais demande au début et elle ne ma jamais rien remis... » (sic)
[53] M. Sepulchre :
« OK je crois ta version (Sandra travaille plus pour moi) »[9]
[Reproduit tel quel]
[54] À l’audience, la locatrice soutient que le bail précédent est transféré. Elle plaide donc novation.
[55] Pourtant, dans sa demande introductive d’instance présentée devant la Cour du Québec et appuyée du serment de M. Sepulchre, il est écrit au paragraphe 14 : « Dans cette optique, la demanderesse est intervenue à un bail commercial verbal temporaire avec Rassam. » [10]
[56] La locataire affirme qu’il s’agit d’un bail résidentiel verbal.
[57] Pour qu’il y ait novation, il faut un changement, notamment quant à l’objet du contrat « c’est-à-dire le bien sur lequel porte la prestation due par le débiteur. »[11]
[58] L’impact de la novation c’est qu’il a un effet extinctif sur la créance primitive.
[59] Dans un cas comme dans l’autre, il faut déterminer la nature des baux.
[60] Le Tribunal trouve particulièrement intéressante la décision de la Cour d’appel dans l’affaire Nasifoglu c. Complexe St-Ambroise[12], d’abord parce que c’est le plus haut Tribunal de la province, bien sûr, mais aussi parce que la locatrice est également partie dans cette autre cause.
[61] Dans cette affaire, Mme Nasifoglu a signé un bail « commercial » avec la locatrice.
[62] L’honorable juge Morissette concourt aux motifs de l’honorable juge Hilton quant à la nature du bail qui écrit :
« [110] Having carefully read the testimony on discovery of Mr. Grover and that of Ms. Nasifoglu before the trial judge, and considering the trial judge's eloquent endorsement of Ms. Nasifoglu's credibility, I have no hesitation in sharing her assessment as to which witness' testimony was more worthy of belief on this subject. It is quite simply inconceivable that Mr. Grover could have seriously thought that Ms. Nasifoglu was an architect, and that she was using the apartment principally as an office in the conduct of a profession of which she was not a member. Ms. Nasifoglu certainly had no reason to mislead Mr. Grover as to the purpose for which she intended to lease the premises; on the contrary, all of the contemporaneous indicia point to her having been entirely truthful in this respect. It seems more likely that Mr. Grover was tailoring his testimony to suit his purpose.
[111] In all of the circumstances, I believe the evidence before the trial judge was more than sufficient to establish that Mr. Grover knew that Ms. Nasifoglu was renting the premises for residential purposes, and that his conduct before and after the lease agreement was executed is entirely consistent with his acquiescence to that reality. Quite simply, Ms. Nasifoglu was forced to sign a commercial lease document that contained many provisions that were intended for someone conducting a business but that were inapplicable to her. »
[112] In my view it is the substance of the relationship between the parties and their conduct during the term of the agreement, and not the particular form the agreement takes, that should determine the legal characterization of the agreement. In this respect, I agree with the conclusion of Prof. Pierre-Gabriel Jobin and his reasoning to the effect that it belongs to the courts and not the parties to properly characterize the true nature in law of an agreement of lease:
Enfin, quel est l'effet d'une fausse déclaration, dans le bail, relative à l'usage auquel les lieux sont destinés? Plus spécialement, quand les parties stipulent que le local servira à l'exploitation d'un commerce ou à l'exercice d'une profession alors qu'elles savent toutes les deux qu'il servira uniquement à loger le locataire, celui-ci peut-il par la suite invoquer néanmoins le régime du louage résidentiel?
Une telle stipulation est manifestement une tentative de faire échapper le bail au régime de protection du locataire résidentiel. C'est une véritable fraude à la loi. Le droit sur le louage résidentiel est d'ordre public et toute stipulation contraire est sans effet. Or, c'est le tribunal, et non les parties, qui a le dernier mot sur la qualification juridique d'une convention. Sera donc retenue la véritable destination envisagée par les parties, malgré une stipulation contraire. D'ailleurs, par dérogation à la règle de l'article
That is also what happened in 3008380 Canada Inc. v. Beliard et al. where there were somewhat similar circumstances to those presented for consideration here. This Court confirmed a judgment of the Superior Court declining jurisdiction in favour of the Board because a particular matter relating to the expulsion of tenants was within the exclusive jurisdiction of the Board, despite the fact that the various leases were commercial in form, because according to the evidence, the true intention of the parties confirmed the residential character of the leases. »
(Notre soulignement)
[63] Le Tribunal est convaincu que l’intention des parties, dans la présente instance, étaient de signer un bail résidentiel.
[64] Notons que la locatrice a ensuite eu diverses occasions de vérifier l’usage qu’en faisait la locataire.
[65] Lorsque cette dernière vient habiter en permanence au logement, en indiquant que cela fait suite à des problèmes personnels, lorsque M. Sepulchre effectue différentes visites, notamment au moment où elle se plaint du bruit et lorsque les employés de la locatrice la déménagent.
[66] M. Sepulchre témoigne d’ailleurs ainsi de ses horaires, en disant qu’au début elle n’est pas là et qu’ensuite elle quitte l’appartement à la course, car elle était toujours en retard pour le boulot.
[67] Les photos démontrent aussi que l’usage est résidentiel.[13]
[68] Or, à aucun moment, la locatrice ne se plaint d’un changement de destination des lieux.
[69] Le fait que M. Sepulchre écrit dans un message, au moment de la relocalisation de la locataire, que le loyer sera pour le nouvel appartement de « 900 $ + taxe = 1 034,78 $[14] », n’est pas l’expression claire d’une intention de faire un bail à usage principalement commercial.
[70] Le Tribunal fait droit à la question posée à la locataire à ce sujet et donne foi à sa réponse, quant au fait que les taxes n’avaient pas d’incidence pour elle, puisque le total lui convenait et qu’elle ne s’est pas préoccupée de l’aspect fiscal du loyer.
[71] Que ce soit le premier bail ou le second bail et que le second bail soit issu de la novation ou qu’il soit un bail verbal, le Tribunal conclut qu’il s’agissait de baux résidentiels.
[72] Le Tribunal a donc compétence pour entendre la cause et déterminer si la locataire a été victime de harcèlement.
La locataire a-t-elle été harcelée par la locatrice ou ses représentants au sens de l’article
[73] Le Tribunal rappelle que la conduite de la locatrice ou de ses représentants doit s’inscrire dans une stratégie plus ou moins planifiée, dans le but d’obtenir le départ de la locataire[15], et ce, afin de convaincre[16] le Tribunal d’appliquer l’article
[74] Voici les éléments pertinents de la preuve entendue.
[75] La locataire fait état des troubles qui ont mené à sa relocalisation et les documents produits contiennent des échanges acrimonieux sur un incident avec des invités de la locataire, en décembre 2014, mais jusqu’à sa relocalisation la locataire n’a pas vécu les événements comme du harcèlement, même s’ils ont été une source de stress.
[76] À tout événement, il aurait été difficile de soutenir que la locatrice voulait son départ puisqu’elle répond à ses demandes et la relocalise.
[77] Les événements harcelants s’enchaînent à compter du mois de mai 2015, selon la locataire.
[78] Le vendredi 22 mai 2015, voici l’échange de messages textes entre M. Sepulchre et la locataire :
M. Sepulchre :
« Hello Stéphanie tu as acheté un cinéma maison félicitation, mais stp ne pas déranger tes voisins avec le volume. On a reçu une plainte. Merci »
Mme Rassam :
« Hmmm je ne suis pas chez moi, presentement en vacances en France...Kan il y a eu une plainte (et je n'ai pas de cinéma maison...)? » (sic)
M.Sepulchre :
« Oui c'est spécial ça ;-)
je pense que c'est Sandra ma secrétaire qui cherche à te faire chier je viens de la remettre à sa place. Désolé » (sic)
Mme Rassam :
« Pas de trouble :)) A plus xx »[17]
(sic)
[79] Puis, le 17 juin 2015, M. Sepulchre lui demande de faire attention parce que de l’eau s’est infiltrée et qu’il y a eu un dégât d’eau chez le voisin du dessous qui a abîmé ses ordinateurs.
[80] La locataire s’en étonne et demande que l’on s’assure que l’eau provient de son logement.
[81] Le 6 août 2015 à 10h03, M. Sepulchre lui reproche un nouveau dégât d’eau. Selon lui, l’usage du bain et de la douche en est la cause.
[82] La locataire est toujours aussi étonnée puisqu’elle fait attention.
[83] Le 6 août 2015 à 12h09, M. Sepulchre envoie une photo prise dans le logement de la locataire qui montre que la jardinière a évacué un surplus d’eau sur le plancher. De l’avis du Tribunal, la quantité d’eau apparaissant sur la photo ne pouvait pas créer un dégât.
[84] Le témoignage de M. Castillo voulant qu’il allât souvent éponger dans la salle de bain de la locataire est peu crédible.
[85] Pourquoi prendre des photos de la jardinière et pas du plancher de la salle de bain? Le Tribunal rappelle le message texte de M. Sepulchre du 29 septembre 2015 qui est une indication de la fréquence où il a été question de l’eau provenant de la douche :
« La dernière fois c’était ta plante je ne sais pas c’est quoi aujourd’hui mais non c’est pas autre chose qu’une négligence »[18] (sic)
[86] La locataire insiste sur le fait que ce n’est pas la douche et rappelle à M. Sepulchre que l’eau coule dans sa garde-robe depuis qu’elle a emménagé et qu’il faudrait voir à la situation. Elle croit que ces infiltrations sont la source des dégâts chez le voisin.
[87] M. Sepulchre s’excuse ensuite pour le message du 29 septembre, puisque l’eau ne provenait effectivement pas du logement de la locataire.
[88] Le 9 octobre 2015, la locataire rappelle à M. Sepulchre que l’eau coule dans son « walk-in » et qu’on lui promet depuis sept mois de venir réparer le toit.[19]
[89] M. Sepulchre répond :
« Oui Stéphanie on est au courant comme je te l'ai dis ils ont réparé tous les endroits et oublié au-dessus de chez toi, ils reviennent dans 2 semaines le faire, si le plancher est magané sur ta mezzanine on vas le refaire
...
C'est pas juste 2 gars qui arrivent avec du goudrons c'est une grue deux camions 8 personnes, ils m'ont garantie qu'ils reviennent après leur chantier dans 2 semaines
Lundi je renvois Eric pour mettre un bac temporaire pour que le dégât reste concenter »[20] (sic)
[90] D’ailleurs, les photos que lui envoie la locataire démontrent une infiltration importante.
[91] Le 3 novembre 2015, de l’eau s’infiltre abondamment dans le local, sous le logement de la locataire. C’est la laveuse de la locataire qui est en cause.
[92] Selon la compréhension de la locataire, l’installation est la source du problème.
[93] Les questions portant sur les paragraphes 17.2 et 17.3 de la demande, avant qu’ils ne soient retirés, sont permises en contre-interrogatoire puisqu’elles sont pertinentes.
[94] Selon M. Ballut, M. Castillo et M. Sepulchre, c’est le joint de la porte de la laveuse qui n’est plus étanche et laisse fuir l’eau.
[95] Cependant, aucun d’eux ne prend des photos, alors qu’ont été prises deux photos de la jardinière qui déborde.
[96] Le Tribunal comprend que la locataire met en fonction la laveuse le lendemain et qu’un nouveau dégât se produit.
[97] En réaction, les hommes de service de la locatrice enlèvent la laveuse et la déplacent au sous‑sol.
[98] Ils refusent ensuite de la ramener au logement.
[99] La locataire se fâche avec raison et on lui remet sa laveuse.
[100] En réaction, M. Sepulchre écrit le 6 novembre 2015 :
« Stéphanie a partir de ce jour vendredi 6 novembre je te met en demeure d'arrêter immédiatement de menacer insulter et d'importuner les employés du château. Cette mise en demeure te seras envoyer officiellement par mon avocat avec ton avis d'éviction de ton local. A partir de ce jour toute communication ne devras ce faire que par courrier. David Sepulchre Président Chateau saint Ambroise »[21] (sic)
[101] La locatrice ne donne pas une suite immédiate à la menace.
[102] La locataire dépose une vidéo où le plombier inspecte le toit qui coule et affirme à la locataire que les infiltrations d’eau au logement en dessous proviennent du toit.
[103] Comme le disait M. Ballut en témoignage, l’eau prend des chemins qui font que le dégât peut se retrouver « 20 pieds plus loin » de la source.
[104] Avec la quantité d’eau qui coule du toit, comme le démontrent les photos de la locataire, cette conclusion du plombier de la locatrice sur la cause de la plupart[22] des dégâts est très probable.
[105] Cela dit, ces derniers événements ont été un point de non-retour pour M. Sepulchre. À compter de novembre 2015, il souhaite mettre fin au bail de la locataire, qu’il trouve déraisonnablement exigeante, en plus d’être négligente.
[106] Il ne lésinera pas sur les moyens pour y parvenir.
[107] Le Tribunal considère qu’à partir de novembre 2015, la locataire a raison de se sentir harcelée.
[108] La locatrice revient à la charge le 5 janvier 2016.
[109] Elle accuse la locataire de ne pas avoir payé les loyers de décembre 2015 et janvier 2016, lui reproche d’avoir déduit le montant du joint de la laveuse sur le loyer de novembre 2015 et réclame les loyers de mois de décembre 2015 et janvier 2016 :
« Bonsoir Stéphanie, Le loyer de décembre et janvier n'ont pas été payé pour ton local 480. De plus pour une raison douteuse tu as déduit le joint de la porte de ta laveuse sur le loyer de novembre!!. Comme tu le sait le non-payement du loyer entraîne l annulation du bail et par conséquent je te demande de quitter ton local pour le 1 février 2016. De plus, toutes les sommes du soit les loyer de décembre janvier ainsi que les deux mois de loyer non payé de ton ancien local reste du. »[23] (sic)
[110] En fait, la facture a été déduite du loyer de décembre 2015, loyer qui est compensé par l’institution bancaire de la locataire, dès le 6 janvier 2016 soit moins de 48 heures après le message cité. [24]
[111] La locataire ne remarque pas immédiatement que la locatrice n’encaisse pas le chèque du mois de janvier 2016. M. Sepulchre dira ne pas l’avoir reçu, alors que la locataire affirme l’avoir déjà remis.
[112] Elle reçoit une mise en demeure de l’avocat de la locatrice, datée du 10 février 2016, dans laquelle elle est notamment sommée de quitter les lieux au plus tard le 10 mars 2016.[25]
[113] Le 1er mars 2016, une longue lettre est envoyée à l’avocat de la locatrice, par Me Michelin, avocat de la locataire, dans laquelle il répond aux accusations et suggère une médiation.[26]
[114] Cette lettre s’accompagne du loyer du mois de mars 2016 et un chèque pour le loyer de janvier 2016, en remplacement de celui qui n’a pas été encaissé et que la locataire a donc annulé.
[115] Comme la locatrice ne répond pas à la demande de médiation, la locataire dépose la demande dont le présent Tribunal est saisi pour que son droit au maintien dans les lieux soit reconnu.
[116] En avril 2016, la locatrice dépose une demande devant la Cour du Québec où elle recherche, notamment la résiliation du bail et l’éviction de la locataire.
[117] La locatrice réclame notamment les loyers de décembre 2014 et janvier 2015 qui avait fait l’objet de pourparlers entre les parties avant sa relocalisation.
[118] Étant donné les troubles de jouissance vécus par la locataire, elle devait à l’origine quitter le logement et M. Sepulchre avait accepté de ne pas réclamer ces loyers.
[119] La situation a changé et finalement la locataire est relocalisée. Toutefois, avant cette procédure, ces loyers ne font l’objet d’aucune demande écrite. Selon la locataire, la locatrice n’était pas revenue sur cet élément de l’entente. Les faits corroborent sa version.
[120] Dans la demande introductive d’instance, en résiliation et émission d’ordonnances de sauvegarde déposée à la Cour du Québec, datée du 18 avril 2016 et appuyée par l’affidavit de M. Sepulchre, en date du 19 avril 2016, il est allégué, au paragraphe 38, que la locataire n’a toujours pas payé son loyer du mois d’avril 2016.[27]
[121] La locataire qui exerce son métier d’avocate, chez Stein et Stein, avait obtenu l’aide des associés jusque-là, mais l’avocat de la locatrice lui a fait comprendre qu’il s’opposerait à ce que le cabinet où elle travaille s’occupe de ce dossier.
[122] Dans le court délai qui lui est accordé avant la présentation des ordonnances de sauvegarde, devant la Cour du Québec, la locataire se voit contrainte de trouver un avocat et préparer une déclaration assermentée pour nier les allégations contenues dans la demande de la locatrice.
[123] Les services de Me Beaudry sont retenus.
[124] Me Beaudry corrobore que la préparation de l’affidavit[28] a dû se faire dans un délai extrêmement court, puisque la locatrice soutenait que des loyers étaient impayés et qu’il y avait urgence à émettre des ordonnances de sauvegarde.
[125] Pourtant, le relevé bancaire de la locataire démontre que le chèque du loyer est compensé, en date du 18 avril 2016.[29]
[126] Me Beaudry estime alors que le dossier prend une ampleur démesurée et tente de trouver une solution négociée.
[127] À l’audience du 29 avril 2016, la locatrice ne procède pas; elle veut interroger la locataire.
[128] M. Sepulchre explique dans une déclaration assermentée, qu’il signe en mai 2016, qu’il ignorait le paiement du loyer d’avril quand il a signé l’affidavit du 19 avril 2016[30].
[129] La cause est finalement remise sine die.
[130] Le Tribunal accepte ces derniers éléments de preuve, malgré l’objection des procureurs de la locatrice, non pas dans la perspective de déterminer si les procédures en Cour du Québec étaient mal fondées ou abusives, mais pour déterminer si la locatrice pose des gestes pour obtenir que la locataire quitte les lieux.
[131] Entre le mois de mai 2016 et août 2016, Me Beaudry n’entend plus parler du dossier au point où il croit que la locatrice abandonnera ses prétentions.
[132] Rappelons tout de même qu’en mai 2016, la locataire fait appel à l’un des employés de la locatrice pour la pose de son climatiseur, comme elle le fait chaque année.
[133] Elle reçoit la réponse suivante :
« Tu doit le faire toi même désoler on a reçu des ordres de David [31]» (sic)
[134] M. Sepulchre témoigne qu’il ne veut plus que les employés offrent ce service pour ne pas être tenu responsable.
[135] M. Castillo qui travaille pour la locatrice, depuis 23 ans, explique aussi que cet ordre s’appliquait à tous les locataires et impliquait uniquement qu’il devait faire cela sur son temps personnel.
[136] À tout événement, le climatiseur ne sera pas installé par un employé de la locatrice.
[137] Me Beaudry témoigne avoir assisté à l’escalade des moyens de pression au mois d’août 2016.
[138] La locatrice retient les services de Me Ricardo Hrtschan qui soutient qu’à la suite d’une rencontre fortuite sur la rue, en mai 2016, entre Me Beaudry et Me Turgeon, précédent avocat de la locatrice, il a eu conclusion d’une transaction entre les parties et qu’en conséquence, la locataire doit se désister de sa demande au Tribunal administratif du logement et quitter le logement pour le 1er septembre 2016.
[139] La locatrice indique qu’elle a signé un bail avec un nouveau locataire et qu’à défaut de consentir, il y aura une demande de dommages.
[140] Me Hrtschan écrit même ce 16 août 2016 :
« Dans la mesure où le non-respect de l'entente par votre cliente entraînera des dommages importants pour la nôtre, veuillez avoir l'obligeance d'en informer votre cliente ainsi que possiblement votre assurance responsabilité. »[32]
[141] Me Beaudry répond à cette lettre, le 17 août 2016, lettre qui fait l’objet d’une objection.
[142] Le Tribunal rejette cette objection, car le but de cette preuve est de démontrer le climat dans lequel la locataire a pris la décision de quitter le logement. Le Tribunal ne s’attarde pas à la véracité du contenu de la lettre, puisqu’une décision[33] a réglé le sort de cette dispute.
[143] Me Beaudry explique donc dans cette lettre, du 17 août 2016, les motifs pour lesquels il ne peut y avoir eu transaction.[34]
[144] Me Hrtschan réplique le 19 août 2016 en écrivant, notamment :
« Nous questionnons sérieusement les motivations de votre cliente, une avocate, de signer un bail commercial, d'en rayer les dispositions juridiques importantes pour tenter de le modifier, le tout sachant qu'un bail résidentiel doit être sous forme prescrite par la régie du logement et pour ensuite tenter d'invoquer la situation qui est la sienne à créer à son propre avantage. »[35]
[145] Au-delà du fait que cette accusation n’a pas de sens, on voit où se loge l’avocat de la locatrice.
[146] L’avocat de la locataire est tout de même invité à une rencontre.
[147] Cette même journée du 19 août 2016, il importe de rapporter un incident qui a lieu à l’immeuble.
[148] Alors que la locataire stationne pour une période d’environ 30 minutes son véhicule, en face du complexe, sa voiture est rayée d’un parechoc à l’autre, des deux côtés :[36]
[149] Elle fait appel aux autorités policières et leur indique qu’il y a une caméra chez la locatrice qui filme l’emplacement.
[150] Les policiers sont incapables de mettre la main sur le vidéo le jour même. Il n’y a personne au Complexe, au moment où les policiers interviennent.
[151] C’est le mariage de M. Sepulchre et beaucoup d’employés sont invités.[37]
[152] Cette vidéo sera remise par la locatrice à la locataire[38] qui la remettra aux policiers.
[153] L’objection sur la lettre émanant de la policière est rejetée, conformément à l’article 78 de Loi sur le Tribunal administratif du logement[39]
[154] La locataire visionnera ultérieurement la vidéo en présence des policiers.[40]
[155] Selon, le rapport de police, au moment fatidique, la caméra se tourne vers une dame qui attendait non loin de l’immeuble.
[156] La preuve à l’audience démontre aussi que la caméra est actionnée par une manette au bureau de la locatrice.
[157] Pour sa part, la locatrice affirme qu’il n’était pas possible de voir la voiture vu la végétation.
[158] Ce n’est pas ce que rapportent les policiers.
[159] Ceci étant dit, il n’y a par ailleurs aucune preuve permettant d’identifier formellement les coupables.
[160] La locataire produit une décision du 5 mars 2004 entre la locatrice et une autre locataire[41] où le véhicule de cette locataire est également vandalisé par des personnes non identifiées. Cette similitude inquiète la locataire.
[161] Le 30 août 2016, Me Beaudry et la locataire rencontrent M. Sepulchre et son avocat, Me Hrstchan.
[162] La rencontre est empreinte de menaces et d’agressivité, selon la locataire.
[163] Me Beaudry dit qu’il ne comprenait pas l’intensité du représentant de la locatrice, M. Sepulchre.
[164] La locataire se souvient qu’il lui a dit :
« Tu es mieux de quitter de tout lâcher sinon tu vas voir ce qui va t’arriver. »
[165] Son avocat, Me Hrstchan a renchéri :
« Nous allons intenter d’autres procédures contre toi si tu ne quittes pas pour le 1er septembre et ça va pas arrêter tant que tu ne quitteras pas. En plus, on va déposer des plaintes disciplinaires contre toi. »
[166] Me Beaudry confirme l’ultimatum lancé à la locataire à savoir qu’elle quitte le logement ou ils font une plainte au syndic contre lui et la locataire, qui est jeune avocate, rappelons-le.
[167] M. Sepulchre indique à la locataire qu’elle est sous surveillance et qu’il y a deux semaines elle est sortie du logement avec une robe de chambre blanche et qu’elle est allée cogner chez son voisin en diagonale.
[168] Me Beaudry se lève et demande à la locataire de le suivre et de quitter la rencontre avec lui.
[169] Il ajoute qu’il lui a ensuite conseillé de quitter le logement, parce qu’il considérait qu’elle n’était plus en sécurité.
[170] Il décrit la locataire comme une femme résiliente, mais confirme que la situation était troublante.
[171] Me Hrtschan nie cette version des faits. Pourtant, elle colle aux écrits qu’il envoie avant la rencontre et au ton qu’il emploie dans ces derniers.
[172] M. Sepulchre nie également la version de la locataire et de Me Beaudry.
[173] Considérant, notamment que la locatrice déposera effectivement une plainte au syndic du Barreau contre Me Beaudry et la locataire[42] et une demande en homologation[43]; le Tribunal retient la version très crédible de Me Beaudry et de la locataire sur cette rencontre.
[174] Les plaintes ne sont pas retenues[44] et la demande en homologation échoue.[45]
[175] Me Beaudry cessera de représenter la locataire au dépôt de la demande en homologation de la transaction, ce qui obligera cette dernière à retenir les services d’un autre avocat.
[176] La locataire décide de quitter le logement à la suite de ces événements et le fait savoir à la ronde.
[177] Elle témoigne de sa peur d’être agressée, car, dit-elle, cela lui semble la prochaine étape logique des moyens de pression.
[178] Elle met une chaise pour bloquer sa porte lorsqu’elle est au logement et va coucher ailleurs dès qu’elle le peut.
[179] Elle signe un bail le 8 septembre 2016.[46] Elle témoigne avoir cherché sans aucune exigence le premier logement qui s’offrait dans l’arrondissement qu’elle avait identifié.
[180] Le loyer est plus élevé de 215 $. Elle réclame donc cette différence pour une période de trois ans.
[181] Elle réclame les frais de déménagement de 1 552,16 $.[47]
[182] Elle réclame aussi 20 000 $ en dommages moraux. Elle souligne qu’elle s’est sentie humiliée devant ses patrons et les juges devant qui elle plaide par le contenu des procédures judiciaires de la locatrice.
[183] Elle rappelle tout le stress qu’elle a subi et ses conséquences sur la qualité de son sommeil et de sa vie.
[184] Elle conclut que la locatrice a gagné, mais qu’elle n’a pas voulu renoncer à ses droits et malgré ses inquiétudes, elle a tenu à présenter sa demande devant le présent Tribunal.
[185] Elle demande 20 000 $ en dommages punitifs, parce que la locatrice n’a jamais montré la moindre considération pour sa personne, ni excuse ni remords. Au contraire, dit-elle, la locatrice persiste et signe.
[186] La locatrice n’a pas hésité à utiliser tous les moyens pour arriver à ses fins et qu’une condamnation doit être exemplaire pour éviter que cela ne se reproduise.
[187] Imaginez, explique-t-elle, une personne plus démunie qui doit faire face à ce comportement.
[188] Le Tribunal considère que les moyens misent en œuvre pour obliger la locataire à quitter le logement ont fonctionné.
[189] Cependant, les éléments postérieurs à son départ ne peuvent être considérés que dans l’appréciation des dommages-intérêts punitifs.
[190] De même, le Tribunal ne peut dédommager que ce qui est relatif à la perte de jouissance et au départ de la locataire et non à l’atteinte à sa réputation.
[191] Le Tribunal accorde les frais de déménagement de 1 552,16 $.[48]
[192] Le Tribunal accorde la différence du montant entre ce qu’elle payait 1 034,78 $ et le nouveau loyer de 1 250 $[49] pour une période de deux ans, soit 5 165,28 $. [50]
[193] La locatrice prétend que le calcul doit tenir compte de l’augmentation du loyer.
[194] À ce chapitre, la réponse de M. Sepulchre à la lecture des paragraphes 19, 20 et 21 de la demande introductive d’instance déposée en Cour du Québec[51] par son avocat, ne suffit pas à mettre en preuve l’augmentation de loyer :
« oui c’est- à -dire elle va faire un chèque et même si on l’appelle pour lui dire qu’il n’est pas bon elle va pas bouger. »[52] (sic)
[195] Le Tribunal considère que, du mois de novembre 2015 au mois de septembre 2016, la jouissance de la locataire a été troublée par l’attitude vindicative de la locatrice.
[196] Le Tribunal accorde 10 000 $ en dommages moraux pour la perte de sommeil, la peur et le stress vécu.[53]
[197] La locatrice renvoie le Tribunal à la pièce D-2, qui est un message texte de la locataire à M. Sepulchre écrit le 17 avril 2020, pour convaincre le Tribunal que la locataire n’a pas peur de M. Sepulchre.
[198] Dans ce courriel, elle lui propose une rencontre virtuelle pour régler le litige. M. Sepulchre ne répondra pas à ce message texte.
[199] Le Tribunal ne peut tirer la même conclusion que celle proposée par la locatrice de cet échange. Le fait que M. Sepulchre n’a pas répondu alimente plutôt le sentiment qu’il était encore très braqué.
[200] Pour ce qui est des dommages punitifs, le Tribunal considère que la somme réclamée est justifiée, soit 20 000 $.
[201] D’abord, à cause de la gravité du comportement puisque le Tribunal est convaincu que la locatrice a tenté d’échapper aux règles d’ordre public de protection qu’impose la loi aux locateurs.
[202] Ensuite, parce que les moyens mis en œuvre avaient pour but d’écraser financièrement la locataire et lui porter personnellement préjudice. La menace d’une plainte au Barreau contre la locataire et de son avocat relève de la mauvaise foi. Quand on pense qu’elles ont été mises à exécution, le Tribunal considère que la locatrice a agi malicieusement avec la réelle intention de nuire.
[203] Considérant qu’il fut mis en preuve que la locatrice a une valeur nette de 14 000 000 $ et considérant que le représentant de la locatrice considère toujours être dans son droit, le montant de 20 000 $ rejoint les objectifs préventifs, pour la décourager de recommencer, punitifs, permettant d’exprimer l’indignation du Tribunal face à la conduite de la locatrice et incitatifs, permettant d’encourager les locataires à faire valoir leurs droits.[54]
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[204] CONDAMNE la locatrice à payer à la locataire 36 717,44 $ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
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Anne A. Laverdure | ||
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la locataire Me Nicholas Chine, avocat de la locataire Me Ugo Brisson, avocat de la locatrice Me Marie L’Allier, avocate de la locatrice | |||
Dates des audiences : | 29 juillet 2022 14 octobre 2021 | ||
Présences : | la locataire Me Nicholas Chine, avocat de la locataire le mandataire de la locatrice Me Ugo Brisson, avocat de la locatrice Me Marie L’Allier, avocate de la locatrice | ||
Dates des audiences : | 28 juillet 2022 20 juin 2022 | ||
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[1] Pièce P-32.
[2] Pièce P-6.
[3]
[4] Pièce P-30.
[5] Pièce P-32.
[6] Pièce P-7.
[7] Pièce P-9.
[8]
[9] Pièce D-1 pages 23 et 24.
[10] Pièce P-11.
[11] Baudouin, Jean-Louis et Jobin, Pierre-Gabriel, Les obligations, 6e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005, 1755 p.
[12]
[13] Pièce P-8.
[14] Pièce D-1, page 11.
[15] Voir en ce sens : Sarault c. Ohana
[16] Article
[17] Pièces P-3, P-4 et D-1.
[18] Pièce D-1.
[19] Pièces P-3, P-4 et D-1.
[20] Pièces P-3, P-4 et D-1.
[21] Pièces P-4 et D-1.
[22] Sauf pour le problème de la laveuse.
[23] Pièces P-4 et D-1.
[24] Pièce P-5.
[25] Pièce P-1.
[26] Pièce P-2.
[27] Pièce P-11.
[28] Pièce P-12.
[29] Pièce P-10.
[30] Pièce P-13.
[31] Pièce P-15A.
[32] Pièce P-28.
[33] Pièce P-20, Décision du juge Enrico Forlini, 2 octobre 2017, (CQ).
[34] Pièce P-26.
[35] Pièce P-27.
[36] Pièce P-22.
[37] Pièces D-5 et D-6.
[38] Paragraphe 18 de la défense amendée.
[39] RLRQ c. T-15.01.
[40] Pièce P-23.
[41] Pièce P-24.
[42] Pièce P-18.
[43] Pièce P-14.
[44] Pièce P-21.
[45] Pièce P-20.
[46] Pièce P-16.
[47] Pièce P-15.
[48] Pièce P-15.
[49] Pièces P-16 et P-33.
[50] Voir en ce sens : Côté c. Taza, 2016, CanLII, 109040 (QCRAL).
[51] Pièce P-11.
[52] Extrait de l’enregistrement des audiences.
[53] Voir en ce sens : Brisset c. 9272-8120 Québec inc.,
[54] Voir en ce sens : Moroz c. Brown-Johnson,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.