Doroftei c. Investissements Nomac ltée |
2018 QCRDL 28669 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Laval |
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Nos dossiers : |
285146 36 20160704 G 330686 36 20170410 G 344791 36 20170704 G |
Nos demandes : |
2033431 2220201 2280926 |
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Date : |
28 août 2018 |
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Régisseure : |
Marie-Louisa Santirosi, juge administrative |
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Lynda Doroftei |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Les Investissements Nomac Ltée. |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] La locataire saisit le Tribunal de trois litiges contre son ancien locateur.
[2] Le 4 juillet 2016[1], elle introduit une demande en réduction de loyer de 150 $ par mois à compter du 1er octobre 2015 et demande des ordonnances pour obtenir la jouissance de son logis. Elle se plaint essentiellement de bruit provenant du logement adjacent, causé par la famille qui l’habite.
[3] Le 4 janvier 2017, elle amende son recours pour ajouter une conclusion sur le préjudice causé par le comportement violent du concierge. Le 8 septembre 2017, elle modifie de nouveau sa demande pour obtenir la résiliation du bail à compter du 1er décembre 2017. La locataire allègue le mauvais fonctionnement du chauffage, l’impossibilité de céder ou sous-louer son bail et des difficultés à prendre un bain depuis septembre 2017.
[4] Le second dossier, introduit le 10 avril 2017, mentionne une réduction de loyer de 100 $ par mois pour la période du 1er mai 2016 au 31 octobre 2016[2]. La locataire réitère également des conclusions pour obtenir la pleine jouissance du logement.
[5] Les griefs de la locataire concernent la ventilation ainsi que des coupures de chauffage, mais elle reproche également au locateur de l’obliger à préparer son logement pour un traitement préventif d’extermination de blattes alors que son logement n’est nullement affligé de coquerelles.
[6] Le 4 juillet 2017, la locataire dépose sa dernière réclamation[3]. Cette fois, en plus de réclamer la résiliation du bail, elle demande 2 500 $ en dommages moraux et 2 500 $ en dommages et intérêts.
[7] Elle prétend perdre la jouissance du logement parce que sa voisine abuse de consommation d’alcool.
[8] Il s’agit d’un bail initial couvrant la période du 1er septembre 2015 au 31 août 2016 au loyer mensuel de 620 $. Le bail fut reconduit pour 12 mois au même loyer. La locataire a quitté le logement suite à une entente des parties pour résilier le contrat au 1er décembre 2017.
[9] La locataire n’habitant plus le logis, les conclusions pour obtenir la résiliation du bail ou des ordres de cour sont obsolètes.
[10] Le litige cerné en début d’audience concerne uniquement la réclamation en réduction de loyer et en dommages.
[11] L’immeuble est divisé en 60 unités réparties sur quatre étages. La locataire habitait au 3e niveau. Elle explique que l’insonorisation ne lui paraissait pas adéquate. Elle pouvait entendre tous les bruits provenant du logement adjacent. La famille voisine parlait fort, les enfants couraient, criaient et se couchaient aux mêmes heures que leurs parents. En outre, ses voisins laissaient la télévision ouverte du matin au soir. L’appareil était collé sur le mur mitoyen et les portes et fenêtres demeuraient ouvertes, amplifiant le son.
[12] La locataire n’avait donc aucun répit et devait vivre dans un environnement cacophonique. Elle a tenté de parler avec ses voisins sans obtenir de collaboration. Elle en a discuté avec le concierge qui a requis de ceux-ci de déplacer leur téléviseur. Il semble que ces derniers se sont conformés pour replacer l’appareil au même endroit dès le lendemain.
[13] N’en pouvant plus, la locataire signifie par écrit son mécontentement à l’administration lors du renouvellement de bail.
[14] La gestionnaire, qui déclare n’avoir jamais eu de plainte précédemment, prend alors la décision de reloger la famille au rez-de-chaussée, un changement qui se concrétise vers le mois de novembre 2016. Elle expliquera qu’il s’agissait d’une famille avec deux jeunes enfants et comprendre que le 3e étage n’est possiblement pas le meilleur endroit pour les loger.
[15] La locataire peut alors enfin profiter de la quiétude de son domicile. Malheureusement, son répit sera de courte durée puisque l’unité est relouée en janvier 2017. Débute alors ce qu’elle décrit comme l’enfer.
[16] Il semblerait que sa nouvelle voisine appréciait grandement les plaisirs de l’alcool et festoyer avec ses amis. Le problème principal était que la dame débutait ses beuveries en début d’après-midi pour les terminer à l’orée du matin. Ses invités peu scrupuleux jetaient leurs bouteilles un peu n’importe où, s’enivraient sur le balcon et parlaient comme s’ils étaient seuls au monde.
[17] La locataire a tenté de lui faire part de la nuisance pour constater que sa voisine, plutôt que de s’assagir, opte plutôt pour l’agressivité et la hargne. Débute alors une escalade d’intimidation allant de l’injure à chaque fois qu’elle la croise à lui faire des doigts d’honneur pour ensuite lécher son majeur afin de la narguer.
[18] La locataire devient craintive et s’enferme dans son logement. Elle sort pour faire son lavage ou ses commissions uniquement lorsqu’elle voit que la voiture de sa voisine n’est pas dans son stationnement.
[19] La locataire se plaint aux deux concierges, à l’administration et même à la police sans grand résultat.
[20] La locataire, affublée d’une santé précaire, a de la difficulté à envisager un déménagement.
[21] Finalement, elle se débrouille par l’entremise d’un organisme d’échange de services.
[22] La réduction de loyer et les dommages réclamés concernent les inconvénients subis par les locataires successifs, l’inaction de l’administration qui l’aurait abandonnée à cet enfer.
[23] La locataire fera entendre trois extraits d’enregistrements pris au hasard. L’écoute permet d’entendre distinctement la télévision et les discussions.
[24] La mandataire du locateur réplique qu’elle a pris des dispositions pour relocaliser la famille au rez-de-chaussée dès qu’elle a reçu la première plainte écrite de la locataire.
[25] Elle souligne que la famille habite toujours l’immeuble sans qu’une autre plainte ne soit formulée contre eux.
[26] La seconde dame dont se plaint la locataire habiterait également le logement. Son bail aurait débuté en mars 2017 et non en janvier 2017. La locatrice déclare ne recevoir aucune plainte la concernant depuis son arrivée, sauf celle de la locataire.
[27] L’un des concierges ayant travaillé à l’immeuble durant la période concernée déclare s’être déplacé à deux reprises durant la nuit après avoir reçu un appel de la locataire pour vérifier l’intensité du bruit. Il déclare demeurer dans le couloir et ne rien entendre.
[28] Il admet que la dame avait fait un gros party lorsqu’elle est arrivée, générant beaucoup de bruit. Il aurait reçu alors des plaintes de ses voisins et constaté l’intervention de la police, mais rien de plus à sa connaissance.
[29] Ce qui trouble ce témoin serait plutôt les deux plaintes de la locataire en janvier 2017 sur du bruit provenant du logis adjacent alors qu’il était vide. Le concierge aurait fait quelques travaux de peinture et de céramique, mais rien de tapageur. Il aurait invité la locataire pour qu’elle visite le logement et constate qu’il était inhabité, ce qu’elle aurait refusé.
[30] La locataire nie cette partie du témoignage du concierge. Elle a tenté de lui faire répéter certaines de ses confidences sur l’inaction du locateur, sans succès.
[31] La locataire n’a pas témoigné sur les autres problèmes vécus au logis, sauf pour répondre aux questions du procureur du locateur sur la préparation du logement pour l’extermination. La locataire avait trouvé un peu intense la préparation en plus de devoir quitter son logement.
[32] En argumentation, le locateur soulève la possibilité que la locataire soit hypersensible aux bruits.
[33] Il s’agit de l’essentiel de la preuve pertinente.
Analyse des faits et application du droit
[34] Dans un premier temps, examinons les articles de droit pertinents au litige.
[35] L'article
[36] Les inconvénients normaux du voisinage sont déterminés en tenant compte de l'environnement et des circonstances, tandis que le seuil de tolérance doit être en fonction de la personne raisonnable[4].
[38] L'article
[39] Cette disposition vise aussi les personnes auxquelles le locataire permet l'usage ou l’accès au logement.
[40] Le locateur a l’obligation de procurer la jouissance paisible du bien loué, une obligation de résultat.
[41] Dans notre affaire, la locataire a témoigné avec candeur et sincérité. Son témoignage est crédible. Elle a pu se tromper sur la date d’arrivée de sa voisine, mais les extraits d’enregistrements entendus supportent qu’elle a vécu des inconvénients de bruit.
[42] Dans ces circonstances, le Tribunal accorde la diminution de loyer réclamée par la locataire.
[43] L'objectif de la réduction de loyer consiste à rétablir l'équilibre contractuel. En effet, la contrepartie de la location est le prix du loyer. Une perte de la valeur locative entraîne une réduction comparable et objective de la valeur de la contrepartie.
[44] La locataire, bien qu’elle ait dénoncé verbalement au concierge la nuisance de la famille, a cependant attendu au 2 mai 2016 pour informer l’administration de ce qu’elle vivait.
[45] Pour ce motif, le Tribunal lui accorde une réduction de loyer de 75 $ du 1er mai 2016 au 1er novembre 2016 pour un total de 450 $.
[46] Par la suite, le tapage a repris avec la nouvelle voisine à compter du 1er mars 2017. Or, cette dernière dérangeait beaucoup plus que la famille en plus d’intimider la locataire. Le locateur informé des circonstances n’est pas intervenu et n’a rien tenté pour soustraire la locataire aux sévices que lui infligeait le mode de vie de sa voisine.
[47] D’ailleurs, la mandataire et le concierge n’ont pas vraiment caché qu’ils ne croyaient pas la locataire. Le seul geste de la mandataire fut d’accepter la résiliation lorsque la locataire l’a demandée.
[48] La perte de jouissance subie par la locataire étant supérieure, le Tribunal lui accorde 100 $ par mois à compter du 1er mars 2017 jusqu’à son départ pour un total de 800 $.
[49] Dans ce dernier cas, le Tribunal accorde également des dommages de l’ordre de 300 $ pour le défaut du locateur d’intervenir pour faire cesser la nuisance.
[50] En ce qui concerne les autres griefs, la locataire ne les a pas abordés, ce qui ne permet pas à la soussignée d’en disposer sauf ce qui concerne la préparation du logement pour une extermination.
[51] Or, il s’agit d’une situation d’entretien pour le locateur qui doit maintenir son immeuble exempt de parasites. Aucun dédommagement ne sera accordé à ce sujet.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[52] CONDAMNE le
locateur à verser à locataire la somme de 1 550 $, avec intérêts au taux
légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article
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Marie-Louisa Santirosi |
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Présence(s) : |
la locataire la mandataire du locateur Me Marc Poirier, avocat du locateur |
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Date de l’audience : |
14 août 2018 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.