8032661 Canada inc. c. Moushaghayan |
2015 QCCS 5721 |
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JP 1736 |
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division de pratique |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUEBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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No: |
500-17-085985-144 |
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DATE: |
7 décembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
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8032661 CANADA INC. |
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8032726 CANADA INC. |
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LA BOUTIQUE DU SOFTWARETECH INC. |
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PRELOAD MY PC INC. |
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Demanderesses |
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c. |
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HAIK MOUSHAGHAYAN |
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8338442 CANADA INC. |
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SAMI SHAHEEN |
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8385531 CANADA INC. |
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Défendeurs |
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JUGEMENT SUR REQUÊTE DES DÉFENDEURS EN CAUTIONNEMENT (ARTICLES |
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[1] Le Tribunal est saisi d’une requête des défendeurs visant à ordonner aux demanderesses de fournir un cautionnement de 200 000 $ suite à l’obtention par les demanderesses d’ordonnances d’injonction de types Anton Piller et Mareva et ce, ex parte.
[2]
D’entrée de jeu, le titre de la requête des défendeurs est inexact
compte tenu des remèdes recherchés en l’espèce. Les défendeurs ne requièrent
pas un cautionnement pour frais en vertu de l’article
« 755. À moins que, pour cause, il n'en décide autrement, le tribunal ou le juge qui prononce une injonction interlocutoire doit ordonner à celui qui l'a demandée de donner caution, pour un montant qu'il fixe, de payer les frais et les dommages-intérêts qui peuvent en résulter. Le certificat du greffier attestant que le cautionnement a été fourni doit être annexé à l'ordonnance avant qu'elle ne soit signifiée.
Un juge peut, en tout temps, augmenter ou diminuer le montant de ce cautionnement. »
[3] La présente requête s’inscrit dans un contexte où monsieur Pierre Francis (« Francis[1] »), par l’entremise des quatre sociétés demanderesses qu’il dirige et contrôle, réclame des défendeurs des dommages de quelque 2 M$, prétendant que ces derniers auraient utilisé de façon frauduleuse les ressources de ses compagnies, générant ainsi d’importantes pertes de revenus et qu’ils leurs auraient également fait une concurrence déloyale en parfaite violation des ententes d’exclusivité en vigueur entre eux. L’avocat des défendeurs a porté à l’attention du Tribunal qu’aucune entente d’exclusivité n’a jamais été produite par les demanderesses depuis l’institution de leurs présentes procédures en décembre 2014 pour la simple raison que de telles ententes sont inexistantes.
[4] Ainsi, alléguant un comportement déloyal des défendeurs, messieurs Haik Moushaghayan (« Moushaghayan ») et Sami Shaheen (« Shaheen »)[2], qui sont décrits comme étant des employés autonomes des demanderesses, on leur reproche en particulier d’avoir détruit des données appartenant aux demanderesses, une allégation qui a permis à ces dernières d’obtenir, le 23 décembre 2014, une première ordonnance de type Anton Piller visant à saisir des ordinateurs et documents informatiques et numériques appartenant aux défendeurs.
[5] Le 16 janvier 2015, les demanderesses obtiennent à nouveau ex parte une deuxième ordonnance, cette fois de type Mareva visant principalement à obtenir de l’information sur les patrimoines des divers défendeurs et à saisir avant jugement leurs biens mobiliers et immobiliers ainsi que certains biens appartenant à des membres des familles de Moushaghayan et de Shaheen. Par ailleurs, certaines des conclusions recherchées sont de la nature d’une ordonnance de type Norwich. Ce deuxième jugement autorisait également des saisies avant jugement et les tiers qui ont fait l’objet de certaines de ces saisies ont présenté des requêtes en annulation de celles-ci.
[6] Dès le 3 février 2015, les défendeurs déposent une requête pour obtenir la cassation des ordonnances de types Anton Piller et Mareva et l’annulation de saisies avant jugement les visant.
[7] Cette requête doit finalement être entendue du 11 au 15 janvier 2016.
[8] Entretemps, les défendeurs contestent le renouvellement de ces ordonnances et le 26 février 2015, ils demandent à la juge Claude Dallaire d’ordonner que les demanderesses fournissent un cautionnement si elle accorde le renouvellement demandé.
[9] Dans son jugement prononcé le 27 février 2015[3], la juge Dallaire refuse d’entendre la requête verbale pour cautionnement aux motifs suivants. La juge reconduit les ordonnances Anton Piller et Mareva et réserve le droit des défendeurs de présenter leur demande de cautionnement devant le forum approprié :
« [13] La salle du juge en chambre étant pleine à craquer, d'autres recours urgents étant déjà annoncés et le temps de présentation d'une preuve appropriée et des représentations respectives annoncées étant importants, il n’est pas possible de donner suite au désir de la défense de procéder sur le champ et avons refusé d'entendre la demande de cautionnement, la considérant moins urgente que les autres recours déjà annoncés.
[14] Nous devons donc faire deux choses par ce jugement, considérant l'expiration des ordonnances ce jour: décider s'il est opportun de renouveler les ordonnances en vigueur et gérer la suite du dossier en lien avec la présentation de la demande de cautionnement. »
[10] Quelques jours plus tard, les défendeurs déposent la présente requête pour cautionnement dont le Tribunal est maintenant saisi quelque huit mois plus tard.
[11] Le Tribunal comprend que cette requête devait être entendue au mois de juin 2015, mais suite à une demande de remise soumise le 25 juin 2015, son audition a été reportée au 22 septembre 2015. Quelques jours avant l’audition refixée au 22 septembre 2015, l’avocat des demanderesses cesse d’occuper, ce qui provoque une nouvelle remise de la présente requête. Le dossier est alors référé à la juge en chef adjointe, l’honorable Eva Petras, qui organisera une conférence de gestion le 8 octobre 2015 à laquelle participent les nouveaux avocats ayant comparu pour les demanderesses, trois jours après la date prévue pour l’audition de la requête en cautionnement.
[12] Voici ce que révèle l’extrait suivant du procès-verbal de cette séance de gestion :
« […]
Le nouveau procureur des demanderesses confirme accepter le dossier dans l’état actuel, s’engage à procéder aux auditions suivantes :
1) Le 19 novembre 2015, l’audition de la Requête en cautionnement pour frais produite par les défenderesses le 3 mars 2015;
2) La Requête en cassation d’injonction de type Anton Pillar, injonction de type Mareva et en saisie avant jugement qui sera entendue du 11 au 15 janvier 2016;
Le Tribunal confirme que les procureurs des demanderesses ne demanderont aucune remise des auditions ci-haut mentionnées.
[…] »
[Soulignements ajoutés]
[13] Étonnamment, dès le début de l’audience sur la présente requête pour cautionnement, l’avocat des demanderesses a demandé la remise de celle-ci au motif qu’il était inutile de procéder sur la question du cautionnement vu la trop grande proximité de la date d’audience sur la requête en cassation en janvier 2016.
[14] Le Tribunal a rejeté la demande de remise tout en rappelant à l’avocat des demanderesses l’engagement clair de ne pas demander une nouvelle remise, tel que constaté par la juge en chef adjointe le 8 octobre dernier.
[15] Manifestement, les demanderesses ne voulaient pas procéder sur cette requête, car outre la soi-disant proximité de la date d’audition sur la requête en cassation, l’avocat des demanderesses soulève que ses clientes n’ont pas les ressources financières pour honorer tout jugement qui leur ordonnerait de fournir un cautionnement. En pareilles circonstances, le Tribunal en décidant de prononcer une telle ordonnance, leur causerait une injustice grave, car il priverait en quelque sorte les demanderesses de continuer les présentes procédures judiciaires qu’elles ont entamées en décembre 2014 pour une raison purement économique.
[16] Il faut rappeler que les défendeurs demandent depuis le 26 février 2015 que les demanderesses fournissent un cautionnement dans le cadre des ordonnances de types Anton Piller et Mareva qu’ils ont obtenues ex parte le 23 décembre 2014 et le 16 janvier 2015 respectivement, ordonnances dont ils demandent la cassation depuis lors.
[17] Un examen des deux ordonnances initiales révèle les éléments pertinents suivants :
- l’ordonnance de type Anton Piller du 23 décembre 2014[4] (l’ « Ordonnance Anton Piller ») est la seule traitant spécifiquement de la question d’un cautionnement dans les termes suivants :
« PREND ACTE de l'engagement des demandeurs de respecter toutes condamnations éventuelles en dommages pouvant être ordonnées par cette Cour suivant une exécution non autorisée de l'ordonnance de la présente ordonnance ou suivant la cancellation de la présente ordonnance;
DISPENSE les demandeurs de fournir caution; »
-
le jugement rendu à nouveau ex parte le 16 janvier 2015
(l’ « Ordonnance Mareva-Norwich »), comporte une
panoplie d’ordonnances extraordinaires, dont certaines autorisant des saisies
avant jugement, d’autres constituant des ordonnances en injonction de type Mareva
(dont il est fait spécifiquement mention à plusieurs reprises dans le jugement),
et enfin certaines ordonnances qui apparaissent aux yeux du Tribunal être des
ordonnances en injonction de type Norwich Pharmacal visant des tiers et
allant jusqu’à les enjoindre de se soumettre, entre autres, à des
interrogatoires hors cour; étonnamment, malgré la sévérité et la gravité des
ordonnances en injonction y prononcées touchant également des tiers et leurs
actifs, l’Ordonnance Mareva-Norwich ne comporte aucun dispositif ayant
trait au cautionnement dont il est pourtant fait mention à l’article
[L’Ordonnance Anton Piller et l’Ordonnance Mareva-Norwich étant ci-après appelées collectivement les « Ordonnances »]
[18]
La jurisprudence et la doctrine nous enseignent qu’en matière
d’ordonnance de type Anton Piller et de types Mareva et
Norwich, le cautionnement prévu à l’article
[19] Le cautionnement est demandé en prévision d’un dédommagement éventuel à être versé à la partie défenderesse si le Tribunal décide que l’ordonnance requise a été obtenue par la partie demanderesse de façon injustifiée et/ou qu’il y a eu exécution abusive ou illégale de celle-ci. En pareilles circonstances, le cautionnement vise essentiellement à compenser la partie défenderesse pour les frais juridiques encourus en rapport avec une telle ordonnance, ainsi que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi dans la mesure où le juge en décide ainsi et tranche alors le montant à être versé, le cas échéant.
[20]
Contrairement à ce que soutenait l’avocat des demanderesses à
l’audience, en matière d’injonctions de types Anton Piller, Mareva
et Norwich, le cautionnement que le juge doit[5]
ordonner de fournir n’est pas une somme d’argent destinée à être versée
immédiatement à la partie défenderesse pour lui permettre d’assumer les frais
de sa défense pleine et entière. Il ne s’agit ni d’une provision pour frais (articles
[21] Il reviendra donc au juge chargé d’entendre l’affaire sur le fond[6] de déterminer l’ampleur des frais et des dommages subis qui devraient être compensés au moyen du cautionnement alors fourni, le cas échéant.
[22] Il faut également garder à l’esprit que chacune des injonctions de types Anton Piller, Mareva et Norwich constitue une forme de procédure extraordinaire, sinon ultime lorsque tout autre moyen plus traditionnel s’avérerait insuffisant. On dit souvent, de chacune de ces injonctions prise séparément, qu’elle fait partie de « l’arsenal nucléaire » des injonctions.
[23] Exceptionnellement, les défendeurs ont décidé d’avoir recours à ces trois types d’injonctions dans cette même affaire. En pareilles circonstances, on doit s’attendre de la partie demanderesse procédant ex parte devant un juge à une divulgation complète et franche des faits précis, objectifs et vrais dans les affidavits devant permettre au juge de prononcer de telles ordonnances, particulièrement extraordinaires et exceptionnelles, en toute connaissance de cause. [Soulignement et caractère gras ajoutés]
[24] Dans l’affaire Task Micro-Electronics inc. c. Bilkhu[7], le juge Jean-Yves Lalonde a écrit:
« [53] Les demandeurs doivent savoir qu'ils ont plusieurs options pour atteindre l'objectif. Parfois, une simple saisie avant jugement peut suffire. Autrement, une demande d'injonction, sans ordonnance de type Anton Piller, peut aussi être suffisante.
[54] Si le choix des demandeurs s'arrête sur l'ordonnance de type Anton Piller, ils devront s'assurer d'avoir procédé à une enquête suffisamment approfondie sur les faits avant de mettre en œuvre une telle demande. À défaut, ils risquent de devoir supporter les coûts de l'opération et d'être passibles à des dommages-intérêts si leur choix ne s'avère pas judicieux ou si l'ordonnance est annulée.
[55] C'est pourquoi les juges saisis de ces demandes d'ordonnance (Anton Piller) ne doivent pas hésiter à exiger des requérants un cautionnement proportionnel aux enjeux des procédures. »
[Soulignements et caractère gras ajoutés]
[25] Plus loin, le juge Lalonde traite de l’obligation de divulgation complète et fidèle de la preuve ainsi :
« [117] Avec à-propos, le juge Derek A. Guthrie dans la cause Saphie Number One Ltd. c. 6091636 Canada inc.[8] a conclu que les faits dénoncés dans les affidavits d'une requérante doivent être précis, objectifs et vrais. Dans cette affaire, le juge Guthrie en est venu à la conclusion que les allégations de la demanderesse étaient imprécises, trompeuses et ne divulguaient pas la totalité des informations nécessaires à obtenir ce type d'ordonnance (Anton Piller). Il en a déduit que la demanderesse avait agi de mauvaise foi.
[118] L'obligation de divulguer la preuve complète et fidèle s'attache au fait que nous sommes en présence d'une procédure soumise initialement ex parte et souvent in camera. Compte tenu du vase clos dans lequel se place le juge émetteur de l'ordonnance, le demandeur a la lourde obligation de faire une divulgation fidèle et complète de l'ensemble des faits pertinents lorsqu'il se présente devant le juge siégeant en son bureau[9]. »
[Soulignements ajoutés]
[26] Dans l’affaire Québec (Sous-ministre du Revenu) c. Weinberg[10], le juge Lalonde souligne le caractère exceptionnel et discute comme suit de l’impact de l’injonction de type Mareva :
« [19] L’injonction de type Mareva n’est prononcée que dans des cas exceptionnels où il est démontré qu’il existe un risque réel de voir disparaître clandestinement les biens d’un débiteur potentiel, au détriment du créancier qui exerce un recours contre lui. Contrairement à la saisie avant jugement prévue au Code de procédure civile du Québec (art. 733), l’injonction de type Mareva est un moyen procédural qui s’applique à la personne visée et non à ses biens.
[20] Pour conclure à l’émission d’une telle injonction mandatoire préventive, le Tribunal appelé à l’émettre doit se convaincre qu’à moins d’imposer des restrictions sévères à la liberté du défendeur de disposer de ses actifs, pendant l’instance, il est raisonnable de craindre que celui-ci cherche à déjouer l’exécution d’un jugement éventuel par la commission d’actes trompeurs (ex : en camouflant les biens de son patrimoine) de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur.
[21] Cette ordonnance est à ce point exceptionnelle, qu’elle ne s’applique qu’en cas extrêmes. Elle fait échec au principe général voulant qu’il n’appartient pas à la Cour d’intervenir quia timet (parce qu’il craint) et d’empêcher le défendeur de disposer de ses biens alors que les droits des parties n’ont pas encore été établis.
[22] D’origine britannique, l’injonction de type Mareva fut conçue pour parer aux déprédations de marins véreux opérant à partir de refuges lointains et habituellement à la limite du commerce organisé. Cet outil procédural a donc été forgé puis adapté à la faveur des créanciers à la poursuite des affréteurs doués d’un don d’ubiquité qui cherchaient à éluder l’obligation d’honorer les droits de fret[11].
[23] Une fois rendue, l’ordonnance Mareva affuble le défendeur qui y est assujetti d’un constat de malhonnêteté telle, que la Cour a acquis à l’avance, sans entendre sa version des faits, la conviction que celui-ci en raison de gestes sans équivoque de malversation, cherche à échapper à l’exécution d’un jugement éventuel.
[24] Mais attention, cette règle subsidiaire, aussi exceptionnelle soit-elle, peut donner lieu à des abus graves. Il appartient aux tribunaux, en tout temps et à chaque étape de l’instance, de s’assurer que le demandeur qui aurait une réclamation apparente n’use pas de l’ordonnance Mareva pour exercer une forme de chantage en forçant le défendeur à régler ou à abdiquer parce qu’il ne peut se permettre de se rendre jusqu’à procès par l’effet de cette ordonnance. »
[Soulignements et caractère gras ajoutés]
[27] Les commentaires fort judicieux du juge Lalonde permettent d’apprécier la gravité liée à l’utilisation d’une ordonnance de type Mareva et des conséquences désastreuses que son exercice peut avoir sur la vie et la réputation des personnes qui en font l’objet, d’autant plus que jusqu’à son prononcé, ces personnes n’ont jamais eu l’opportunité d’offrir au juge appelé à la prononcer leur propre version des faits.
[28] En l’espèce, les défendeurs auront dû attendre plus de douze mois pour enfin avoir une voix au chapitre si l’audience sur la demande de cassation a lieu à partir du 11 janvier 2016.
[29]
En résumé, les conséquences liées à la demande et à l’obtention
d’ordonnances de types Anton Piller, Mareva et Norwich
sont extrêmement sérieuses pour la partie défenderesse et le juge qui accepte
de les accorder sur la seule foi des représentations d’une partie doit
nécessairement ordonner à la partie demanderesse de fournir un cautionnement
dont il fixera le montant proportionnellement aux enjeux soulevés dans le
litige, comme l’exige l’article
[30] Qu’en est-il en l’espèce?
[31] L’Ordonnance Anton Piller comporte une dispense pour les demanderesses de fournir un cautionnement vu « l'engagement des demandeurs de respecter toutes condamnations éventuelles en dommages pouvant être ordonnées par cette Cour suivant une exécution non autorisée de l'ordonnance de la présente ordonnance ou suivant la cancellation de la présente ordonnance ».
[32] Dans l’Ordonnance Mareva-Norwich, dont le dispositif comporte un nombre impressionnant d’ordonnances affectant, entre autres, les droits des défendeurs et même des tiers qui ne sont même pas parties au litige, la question du cautionnement ne semble pas avoir été soulevée, car il n’en est aucunement fait mention dans l’ordonnance en question. Dans la mesure où l’absence de conclusion dispensant les demanderesses de fournir un cautionnement permettait de conclure à l’équivalent d’une telle dispense, il faudrait nécessairement constater qu’une telle dispense, si tant est qu’elle ait été accordée, ce dont le Tribunal doute, n’a pas été justifiée par le juge ayant rendu l’Ordonnance Mareva-Norwich.
[33] Bref, le Tribunal est d’avis qu’en ce qui a trait à l’Ordonnance Mareva-Norwich, aucun cautionnement n’a été ordonné et qu’aucune dispense n’a été accordée, même s’il y a eu dispense de facto.
[34]
En raison des dispositions de l’article
[35] Dans le cas de l’Ordonnance Anton Piller, le Tribunal devra déterminer, à la lumière des faits invoqués par les défendeurs au soutien de leur requête, s’il y a lieu d’augmenter le montant du cautionnement qui est, à toutes fins pratiques, à nil vu la dispense justifiée par l’engagement des demanderesses.
[36] Dans le cas de l’Ordonnance Mareva-Norwich, l’exercice se veut identique, car l’absence de dispense sans aucun motif la justifiant par surcroît, peut être considérée comme une dispense de facto qui est susceptible de révision.
[37] Qu’en dit l’avocat des demanderesses?
[38] L’avocat s’objecte avec véhémence à ce que les demanderesses soient obligées de fournir le cautionnement, que ce soit au montant demandé (200 000 $) ou tout autre montant moindre, vu leur incapacité financière d’honorer une telle ordonnance.
[39] Le Tribunal retient de ses observations que :
- son client Francis s’est fait arnaqué par Moushaghayan et Shaheen, « ses employés » dits autonomes. Il aurait été leur « pantin » dans l’exécution de leurs manœuvres frauduleuses faites à son insu; bref, Francis est la victime dans cette affaire, ignorant jusqu’à la dernière minute ce que les deux défendeurs tramaient dans son dos en se servant illégalement de ses compagnies, les demanderesses;
- l’incapacité financière de chacune des demanderesses d’acquitter un cautionnement entrainerait une injustice grave envers elles en les forçant à abandonner leur recours;
- de toute façon, les défendeurs n’ont pas besoin de cet argent pour assurer leur défense pleine et entière dans la présente cause, car ils auraient accès à des fonds; et
- les juges ayant rendus et renouvelés jusqu’à présent l’Ordonnance Mareva-Norwich et l’Ordonnance Anton Piller n’ont jamais jugé opportun d’exiger un cautionnement des demanderesses; il n’y a donc aucune raison militant en faveur d’un tel changement à ce stade-ci des procédures, d’autant plus que financièrement, aucune des demanderesses n’a la capacité d’honorer une telle ordonnance, le cas échéant.
[40] Il ne fait aucun doute que la solvabilité des demanderesses est la clef de voute des prétentions de l’avocat des demanderesses.
[41] Avec respect, les décisions des juges de dispenser de fournir un cautionnement dans le cadre de l’Ordonnance Anton Piller et la dispense de facto non justifiée dans l’Ordonnance Mareva-Norwich ne lient pas le Tribunal aux fins de la présente requête.
[42]
Afin d’exercer sa discrétion en vertu de l’article
[43] Avant de se pencher plus particulièrement sur cette question, il importe d’examiner le contexte de cette affaire qui semble avoir pris des dimensions surréalistes.
[44] En tout temps pertinent aux présentes, les demanderesses :
- La Boutique du Softwaretech inc./The Softwaretech Store Inc. (“Softwaretech”);
- 8032661 Canada inc., faisant affaires sous les raisons sociales « Distribution Futur-Soft Canada/Futur-Soft Distribution Canada » et « Les ventes en ligne Nexttech directes » (« Futur-Soft »);
- 8032726 Canada inc., faisant affaires sous les raisons sociales de « Canada Software Outlet/L’Entrepôt Canadien des logiciels »; et
- Précharger mon PC inc./Preload my PC Inc.;
étaient essentiellement contrôlées par Francis qui en est l’âme dirigeante.
[45] Francis possède aussi des intérêts dans d’autres sociétés, dont une société[12] qu’il a constituée le 8 avril 2013 à Anguilla, British West Indies, un paradis fiscal dans les Caraïbes qui a transigé avec certaines des demanderesses (D-1).
[46] Pour les fins qui nous occupent, les demanderesses vendent au public (consommateurs, corporations, institutions, etc.), par le biais de leurs plateformes internet directement ou en ligne, entre autres, des logiciels dont les produits sont conçus et développés par Microsoft (« Microsoft ») de Redmond, dans l’État de Washington et par Adobe Systems Incorporated (« Adobe ») de San Jose, dans l’État de la Californie.
[47] En septembre 2014, Francis ainsi que Softwaretech et Futur-Soft font l’objet de procédures judiciaires intentées contre eux en Californie par Adobe pour, entre autres, violations de droits d’auteur reliées à ses produits. Le Tribunal comprend qu’Adobe reproche à Francis et aux sociétés qu’il contrôle de vendre illégalement les logiciels d’Adobe au moyen des logiciels contrefaits ou en vendant à multiples reprises la même clé d’activation unique à chaque logiciel.
[48] Voici ce qu’en disent les défendeurs dans leur requête en cautionnement :
« 18. Jusqu'à l'introduction du présent recours le 23 décembre 2014, les défendeurs Moushaghayan et Sami Shaheen étaient chargés de la gestion de la boutique en ligne (site Internet) thesoftwaretechstore.com appartenant à la demanderesse, La Boutique du Softwaretech inc., et dirigé par monsieur Pierre Francis;
19. Monsieur Pierre Francis est le dirigeant incontesté des demanderesses et du site Internet thesoftwaretechstore.com;
20. Le modèle d'affaire de Monsieur Pierre Francis et des demanderesses repose principalement sur :
1. s'approprier sans droit les clés d'activation des logiciels Adobe;
2. la vente à de multiples reprises d'une même clef d'activation de logiciel à plusieurs clients différents, tel qu'il appert des affidavits des défendeurs Moushaghayan (pièce R-2), Sami Shaheen (pièce R-3) et de monsieur Mishane Arritoppoh (pièce R-4);
21. Les demanderesses proposent à la vente sur plusieurs boutiques en ligne (sites Internet) divers logiciels de différents fabricants dont, notamment, la célèbre compagnie Adobe;
22. Les demanderesses n'étant pas un revendeur agréé par la société Adobe, elles sont obligées de se fournir en clefs d'activation chez des revendeurs agréés, tel que TigerDirect.ca, le tout tel qu'il appert des documents produits en liasse au soutien des présentes comme pièce R-5;
23. Normalement, les demanderesses sont des « revendeuses » et seraient censées simplement communiquer les coordonnées de leur client au fournisseur officiel afin que celui-ci (end-user) reçoive directement par courriel la clef d'activation du logiciel qu'il a commandé et payé;
24. Pour intercepter les clefs d'activation qui sont normalement envoyées directement au client par courriel, les demanderesses créent de faux utilisateurs et de faux courriels dont elles sont les seules à connaître le mot de passe, tel qu'il appert de fausses adresses courriel avec le même mot de passe dénoncées au soutien de la Requête en cassation de l'ordonnance Anton Piller du 23 décembre 2014, de l'ordonnance Mareva du 15 janvier 2015, en annulation de saisies avant jugement et en ordonnance de sauvegarde et des pièces à son soutien;
25. Ensuite, les demanderesses revendent à de multiples reprises les mêmes clefs d'activation à plusieurs clients en multipliant indûment leurs profits, tel qu'il appert de la Requête en cassation de J'ordonnance Anton Piller du 23 décembre 2014, de l'ordonnance Mareva du 15 janvier 2015, en annulation de saisies avant jugement et en ordonnance de sauvegarde et des pièces à son soutien;
26. Ce modèle d'affaires a été implanté chez les demanderesses par monsieur Pierre Francis et les défendeurs Moushaghayan et Sami Shaheen n'ont fait qu'exécuter les ordres de monsieur Pierre Francis;
27. Les demanderesses ont obtenu environ 4800 certificats de licence Adobe pour une somme d'environ 2 200 000.00 $ qu'ils ont revendu à de multiples clients pour environ 10 millions de dollars réalisant a1ns1 une marge bénéficiaire d'environ 450%, tel qu'il appert des affidavits des défendeurs Moushaghayan (pièce R-2), Sami Shaheen (pièce R-3) et de monsieur Mishane Arritoppoh (pièce R-4);
28. Par ailleurs, les défendeurs attirent l'attention de la Cour sur le fait que Monsieur Pierre Francis et certaines de ses anciennes sociétés ont déjà été condamnés personnellement aux États-Unis pour violation de droits concernant des logiciels et ont déjà transigé avec des compagnies de logiciels pour éviter de nouvelles condamnations, tel qu'il appert des documents produits en liasse au soutien des présentes comme pièce R-6;
29. En mai 2014, la société Adobe a introduit un recours contre la société québécoise La Boutique du Softwaretech inc. détenue et dirigée par monsieur Pierre Francis pour violation de leurs droits de propriété intellectuelle, fausse mention de la provenance de leur produit, dilution de leur marque, pratiques de commerce frauduleuses et rupture de contrat, tel qu'il appert de la requête introductive d'instance produite au soutien des présentes comme pièce R-7;
30. Malgré les recommandations du défendeur Moushaghayan, monsieur Pierre Francis a refusé une offre de règlement d'Adobe à hauteur de 1 700 000 $ US, tel qu'il appert du courriel et de l'offre de règlement dénoncé en liasse au soutien des présentes comme pièce R-8; »
[49] Francis, par l’entremise de son avocat qui représente aussi les demanderesses, réfute totalement ces allégations.
[50] Le Tribunal est fort conscient qu’il s’agit, à ce stade-ci, d’allégations non-prouvées émanant des défendeurs visant à contrer les allégations formulées par Francis à leur endroit dans la requête introductive d’instance et en injonction de type Anton Piller, déposée le 23 décembre 2014 dans la présente instance et que ces allégations devront être prouvées, soit dans le cadre de la requête en cassation des ordonnances présentement attaquées ou au fond, le cas échéant.
[51] Il ne revient donc pas au Tribunal de trancher les diverses questions suscitées de part et d’autre, surtout en ce qui a trait à la trame factuelle.
[52] Par contre, tout comme les juges appelés à prononcer les Ordonnances sur la foi d’allégations contenues dans des affidavits souscrits par Francis, le Tribunal peut certes tenir compte des allégations et faits invoqués par les défendeurs aux fins de déterminer si les circonstances justifient une modification au niveau du cautionnement.
[53] Revenons à l’essentiel. Le Tribunal doit déterminer si le cautionnement demandé par les défendeurs depuis février 2015 devrait être fourni par les demanderesses relativement à l’Ordonnance Anton Piller et à l’Ordonnance Mareva-Norwich.
[54] Le Tribunal doit répondre à cette question par l’affirmative.
[55] Voici pourquoi.
[56]
Il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article
[57] Le Tribunal a déjà mentionné que la règle en pareilles matières, surtout lorsqu’il est question d’injonctions de types Anton Piller, Mareva et Norwich, est d’exiger un cautionnement de la partie qui demande une telle ordonnance. Encore plus lorsque la partie demande l’émission de ces trois types d’ordonnances dans la même instance contre les mêmes personnes.
[58] En pareilles circonstances, il fallait des motifs particulièrement importants pour justifier une dispense au niveau du cautionnement.
[59] Afin de mieux apprécier l’ampleur des remèdes extraordinaires demandés dans ces deux ordonnances par les demanderesses à l’encontre des défendeurs et des membres de leurs familles, le Tribunal réfère le lecteur au dispositif de celles-ci annexé au présent jugement pour en faire partie intégrante. [Voir l’Annexe au jugement]
[60] Les allégations des défendeurs dans la présente requête ainsi que dans la contestation qu’ils ont produite dans la présente instance, appuyée d’affidavits de leur part, jettent un éclairage fort différent de celui découlant des allégations faites par Francis dans sa quête pour obtenir l’Ordonnance Anton Piller et subséquemment l’Ordonnance Mareva-Norwich contre les défendeurs. Les juges qui ont rendu ces ordonnances exceptionnelles n’avaient pas le bénéfice du point de vue des défendeurs.
[61] Quoi qu’il en soit, il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur la validité de ces Ordonnances, une question qui manifestement requerra une preuve importante de part et d’autre lors de l’audition de la requête en cassation en janvier 2016 sur une période de cinq jours.
[62] Mais, les allégations de la présente requête et de la contestation déposée dans la présente instance, appuyées de multiples pièces et des affidavits souscrits par les défendeurs, laissent entrevoir à première vue une défense sérieuse et permettent au Tribunal de conclure que les droits d’action invoqués par les demanderesses pour justifier l’émission de l’Ordonnance Anton Piller et de l’Ordonnance Mareva-Norwich ne sont pas aussi clairs et évidents que les juges qui les ont prononcées ont pu le croire.
[63] Ainsi, sans pour autant lier le ou les juges qui se pencheront sur le fond du présent litige et sur la demande de cassation des Ordonnances, les procédures instituées par les demanderesses sous le contrôle et la direction de Francis ne font aucunement allusion au fait que :
- le 8 avril 2009, Francis a été personnellement condamné par défaut par la United District Court, Northern District of Ohio, Eastern Division[13], à des dommages de 207 000$ US en faveur de Microsoft et qu’il a fait l’objet d’une ordonnance en injonction permanente l’enjoignant, entre autres, de cesser de se prêter à la distribution et au trafic de produits Microsoft contrefaits et de distribuer ou vendre des codes d’accès et clés d’activation contrefaits relativement aux produits Microsoft (R-6);
- le même jour, dans un second jugement, la juge O’Malley condamnait des sociétés contrôlées par Francis, dont Futur-Soft, à verser des dommages de 207 000$ US, ces sociétés faisant l’objet de la même injonction permanente visant les produits Microsoft (R-6).
[64] En décembre 2011, Francis et plusieurs de ses sociétés ont fait l’objet de procédures judiciaires d’Adobe (R-6) devant la United States District Court for the Northern District of California. Ils règlent hors cour en 2012, tout en acceptant de faire l’objet d’une injonction permanente en faveur d’Adobe relativement aux mêmes types d’activités illégales liées à la vente des produits Adobe.
[65] En 2014, Adobe découvre que Francis, par l’entremise de ses sociétés, dont Softwaretech, violent les termes et conditions de l’injonction permanente de 2012 et qu’ils se prêtent, entre autres au Canada, à des activités commerciales illégales en violation des droits d’auteur appartenant à Adobe. Francis et ses compagnies sont alors représentés par des avocats en Californie. Le 9 octobre 2014, le tribunal américain émet une ordonnance préliminaire en injonction contre Francis, Softwaretech et d’autres sociétés, les enjoignant, entre autres, de cesser toute utilisation, toute vente et toute distribution des produits Adobe. Softwaretech a spécifiquement consenti à ce qu’une telle injonction préliminaire soit prononcée contre elle, et ce, à la connaissance de Francis.
[66] Le 23 décembre 2014, prétendant tout ignorer des manœuvres frauduleuses de Moushaghayan et Shaheen qui agissaient apparemment à son insu et sans son consentement, Francis entreprend les présentes procédures judiciaires contre les défendeurs les blâmant, à toutes fins pratiques, d’être les auteurs de tous ses problèmes avec Adobe.
[67] Toutes ces informations apparaissent dans un affidavit fort détaillé de 26 pages, souscrit le 12 juin 2015 par monsieur Michael Draper (« Draper »), le Global Manager Piracy Investigations d’Adobe (R-12[14]), au soutien d’une réquisition pour l’émission d’un bref de saisie avant jugement dans le cadre d’un recours en dommages au montant de 10 M$ et en injonction permanente instituée le 12 juin 2015 contre Francis et les quatre sociétés demanderesses aux présentes (Dossier 500-17-088917-151) (le « Recours Adobe »).
[68] Le 31 juillet 2015, le juge Marc-André Blanchard a entendu une requête de Francis et de ses sociétés (les demanderesses dans la présente cause) afin d’annuler la saisie avant jugement pratiquée par Adobe au motif de la fausseté de l’affidavit souscrit par Draper.
[69] Après une audition ayant duré toute la journée et au cours de laquelle seul Francis a témoigné afin d’établir la fausseté de l’affidavit de Draper, selon le procès-verbal de cette audience[15]), le juge Blanchard a rejeté séance tenante la requête de Francis, Softwaretech, Futur-Soft, Preload my PC et Canada Software Outlet.
[70] Voici certains extraits du jugement du juge Blanchard :
« Considérant que le Tribunal a eu le loisir d’entendre Monsieur Francis;
[…]
Considérant que le témoignage de Monsieur Francis laisse subsister dans l’esprit du Tribunal de sérieux doutes quant à sa probité ainsi que la probité des gestes posés par des entités corporatives qu’il contrôle notamment à la vue des pièces RD-1 et RD-4 où l’on retrouve l’utilisation d’alias pour masquer le nom de la personne contact;
Considérant la reconnaissance de la déclaration assermentée P-42 produite par Monsieur Francis devant le Tribunal californien et notamment les paragraphes 58 et 63 de cette déclaration;
Considérant les explications nébuleuses et défaillantes de Monsieur Francis quant au stratagème explicité par la pièce P-43;
Considérant que la pièce P-35 qui en vertu de la Loi concernant le cadre des technologies de l’information L.R.Q. c. C-1.1 doit être considéré comme un document intègre et qui à sa lecture, Monsieur Francis pose des gestes qui prima facie constituent des contraventions à ses obligations mais également qu’il entend poser des gestes pour soustraire des actifs de la portée de ses créanciers;
Considérant que les transactions fiscales envisagées par Monsieur Francis ont comme finalité le même objectif, le Tribunal s’abstient d’en qualifier la motivation;
Considérant la façon nébuleuse avec laquelle le témoin Francis explique l’existence de prêts entre diverses sociétés;
Considérant donc que le Tribunal ne peut accorder à Monsieur Francis la crédibilité que celui-ci souhaiterait recevoir;
Considérant donc que le Tribunal en vient à la conclusion que Francis et par voie de conséquence les entreprises qu’il contrôle se comportent d’une façon soit déloyale, soit douteuse, soit louche ou soit reprochable, tel que l’on peut être sérieusement porté à croire qu’il tente de soustraire subrepticement ses actifs des mains de ses créanciers;
Considérant de l’ensemble des procédures entreprises en Californie, entreprises contre Monsieur Francis et des compagnies qu’il contrôle et le peu de crédibilité que le Tribunal accorde dans l’état actuel du dossier et avec la preuve dont il dispose ce jour;
Considérant donc que le Tribunal en vient à la conclusion que la déclaration assermentée au soutien de la demande des saisies avant jugement et comporte suffisamment d’éléments probants pour justifier l’émission des saisies avant jugement;
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE la requête en cassation des saisies avant jugement, avec dépens. »
[71] À l’audience de la présente requête, le Tribunal s’est vu remettre, entre autres, le jugement rendu très récemment, en date du 10 novembre 2015 par le juge Ronald M. Whyte, United States District Judge (R-12). Selon ce jugement, le juge américain a trouvé Francis, Softwaretech et Futur-Soft coupables d’outrage au tribunal pour avoir violé les termes de l’injonction permanente prononcée en 2013, dans le contexte d’un règlement hors cour par surcroît, et l’injonction provisoire d’octobre 2014 en vertu de laquelle Francis et lesdites sociétés faisaient l’objet d’une interdiction totale de vendre tout produit d’Adobe, légaux ou contrefaits.
[72] Le juge a analysé la preuve produite de part et d'autre, car Francis et ses sociétés y étaient représentés par avocats américains.
[73] Voici certains extraits pertinents du jugement en question :
« [Page 5, ligne 8]
After reviewing the parties’ submissions, the court found that although there were serious questions raised about the admissibility and credibility of defendants’ evidence, an evidentiary hearing was necessary before the court could rule on the merits of the motion. Dkt. No. 84 at 6. As previously noted, the court held the evidentiary hearing on October 30, 2015. Defendants failed to appear at the hearing, and the testimony of Adobe’s witness Mr. Draper went unrebutted. Defendants made no attempt to address the court’s concerns with their evidence. Based on the parties’ written submissions and Mr. Draper’s testimony, the court finds that Adobe has shown by clear and convincing evidence that defendants violated the Preliminary Injunction and that sanctions are appropriate.
[…]
[Page 6, ligne 6]
Although defendants acknowledge that the February 7, 2015 sale violated the Preliminary Injunction, defendants’ argue that they should not be held in contempt and sanctioned because the sales of Adobe products “stemmed from a vast conspiracy of former employees of Software Tech to defraud defendants Pierre Francis and Software Tech out of hundreds of thousands, if not millions, of dollars.” Dkt. No. 75 at 1. Defendants rely on the declaration of Francis, who states that he “entrusted the day-to-day operations of the business to a key set of employees,” who, it turns out, have “systematically defrauded [him] over a number of years.” Dkt. No. 75-1 ¶¶ 17, 20.
Francis claims that he has sued at least two of his now-former employees in Canadian court. Id. ¶ 22. Francis also states that the evidence Adobe relies upon in support of its motion (including depositions/declarations of former Software Tech employees, emails, and text messages) is false or was fraudulently created by the former employees. See, e.g., id. ¶ 42 (“The declaration of Mr. Moushaghayan in support of Adobe’s Motion includes false information. In particular, the purported text message exchange between me and Mr. Moushaghayan is entirely fabricated.”); id ¶¶ 87-94.
Defendants’ arguments that they should not be held in contempt are unpersuasive. First, there is no doubt that the corporate defendants, La Boutique du Softwaretech, Inc., Software Tech, Software Tech Store, and Futur-Soft Solutions Corporation, are liable for the Adobe sales as the sales were made from the corporations’ websites. A corporation can only act through its employees, agents, directors or officers, and thus, corporations are responsible for the acts of those same persons. S.E.C. v. Jenkins, 718 F. Supp. 2d 1070, 1075 (D. Ariz. 2010) (citing In re Am. Int’l Group, Inc., 965 A.2d 763, 802, 823 (Del. Ch. 2009)). In addition, Francis set up and controlled the bank accounts associated with the corporate websites. Dkt. No. 77-5 (Drey Decl.) 7 and Ex. OO (M. Verma Dep.).
Second, some of the unauthorized purchases at issue occurred after defendants fired the employees involved in the alleged conspiracy between November 2014 and January 2015. See Dkt. No. 77 at 6; Dkt. No. 75-1 (Francis Decl.) ¶¶ 36, 45, 50, 53, 56 & 57. At the October 30, 2015 hearing on the instant motion, Adobe presented unrebutted testimony that product serial numbers associated with defendants’ sales were being used to activate Adobe software as late as October 28, 2015. Thus, defendants’ protestation that the sales were the result of the conduct of rogue employees cannot account for all violations of the Preliminary Injunction.
Third, Francis’s professed ignorance of the scheme is not persuasive. Defendants Futur-Soft Solutions and Francis have been on notice that they were selling Adobe products in violation of Adobe’s licensing policies for over two years, since the filing of the Prior Action. Francis is “in charge of the big picture aspects of Software Tech, including handling large financial issues (e.g., paying bills, managing the bank accounts of the business, and paying employees, contractors, and service providers) and staffing decisions.” Dkt. No. 75-1 ¶ 16. Nonetheless, Francis avers that “rogue employees deleted a substantial number of computerized business records for a period of at least a year and a half without [his] knowledge.” Id. ¶ 32.2 If Francis was admittedly responsible for “handling large financial issues” such as “paying bills,” Francis should have discovered the “vast” fraud extending over a two-year period. Moreover, Francis engaged in the same improper behavior of which he accuses his employees, including shipping Adobe products to his home or homes of immediate family members and not to business addresses, “presumably in an effort to avoid Adobe’s internal system from flagging too much product being sent to one person or company.” Dkt. No. 77 at 8 (citing invoices from supplier Tiger Direct (Dkt. No. 77-8)).
In sum, the court finds that Adobe has shown by clear and convincing evidence that defendants violated the terms of the Preliminary Injunction. Dual-Deck, 10 F.3d at 695.
[…]
[Page 9, ligne 1]
The court thus turns to the question of determining an appropriate amount for the sanctions. Here, Adobe presented unrebutted testimony from Mr. Draper, Adobe’s global manager of piracy investigations. Adobe’s manager testified that after this court issued the Preliminary Injunction on October 9, 2014, there have been 17,146 unauthorized activations of Adobe software products using license keys associated with defendants. Adobe’s manager also submitted a report showing the product name, date, machine ID, serial number, and IP address associated with each of these activations. See Dkt. No. 98. The report listed 19 separate Adobe products and showed the retail value of each Adobe product involved in each product activation. Id. In total, Mr. Draper’s report estimated that these unlicensed activations were worth $14,842,254. Id.
[Soulignements et caractère gras ajoutés]
[74] Le juge Whyte a condamné Francis, Softwaretech et Futur-Soft à verser à Adobe la somme de 1,9 M$ US à titre de compensation.
[75] Bref, ces éléments factuels, combinés à divers autres documents produits par les défendeurs au soutien de leur requête, ne laissent aucun doute dans l’esprit du Tribunal quant à la nécessité d’appliquer en l’espèce la règle voulant qu’un cautionnement soit fourni dans le cadre d’injonctions de type exceptionnel, tel que celles qui nous intéressent.
[76] De plus, la situation actuelle, alimentée par les divers faits invoqués par les défendeurs au soutien de la présente requête, se distingue prima facie complètement de celle qui a été décrite par Francis, au nom de ses entreprises demanderesses, aux juges qui ont émis ces Ordonnances.
[77] Ce sera évidemment au juge se prononçant sur la demande de cassation de ces Ordonnances et/ou sur le fond de trancher.
[78] Par contre, en ce qui a trait à la question du cautionnement, le Tribunal considère que l’engagement des demanderesses, constaté par le juge qui a émis l’Ordonnance Anton Piller et qui a justifié la dispense de fournir un tel cautionnement, ne tient plus en raison de leur aveu d’insolvabilité dont il sera plus amplement question ci-après, d’autant plus que le Tribunal dispose d’indices sérieux de tentatives possibles des demanderesses de soustraire leurs actifs de leurs créanciers.
[79] En effet, un autre élément fort significatif est intervenu qui n’a été dévoilé au Tribunal que le jour de l’audience au moyen d’un affidavit souscrit par Francis et déposé au début de l’audience.
[80] Le Tribunal a été informé que le 30 septembre 2015, chacune des quatre demanderesses a déposé un avis d’intention de déposer une proposition concordataire en vertu de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (la « LFI ») à ses créanciers (les « Avis d’intention ») et quant à Francis, il a fait de même entre les mains du même syndic MNP ltée., le 8 octobre 2015 (R-14).
[81] Il est tout à fait étonnant, voire même ahurissant, de constater qu’au cours de l’après-midi du 8 octobre 2015, l’avocat des demanderesses ayant participé à la conférence de gestion durant laquelle la juge en chef adjointe Eva Petras était appelée à fixer les dates d’audience pour la présente requête et celle en cassation des ordonnances devant se dérouler pendant cinq jours à compter du 11 janvier 2016, ne lui ait jamais mentionné ces faits pourtant fort pertinents.
[82] À l’audience, l’avocat des demanderesses ne voyait toujours pas la pertinence ou la nécessité d’en informer la juge en chef adjointe à l’époque, car quant à lui les audiences fixées devaient toujours avoir lieu, nonobstant les Avis d’intention.
[83] Quoi qu’il en soit, le Tribunal voit, par le dépôt de ces Avis d’intention, un aveu d’insolvabilité des demanderesses qui rend caduc, à toutes fins pratiques, leur engagement constaté dans l’Ordonnance Anton Piller de respecter toutes condamnations éventuelles en dommages pouvant être ordonnées par la Cour suivant une exécution non autorisée ou suivant son annulation, le cas échéant.
[84] Étonnamment, l’avocat des demanderesses ne le voyait pas du même œil, car selon lui ces engagements demeurent tout autant valides malgré le dépôt des Avis d’intention. Encore plus surprenant, l’avocat a tenu à rassurer le Tribunal que si les demanderesses devaient éventuellement faire l’objet d’une condamnation à payer des dommages relativement aux Ordonnances, il reviendra au « syndic » des demanderesses de décider s’il honorera ou non leur engagement (sans préciser s’il s’agirait d’un syndic à la proposition concordataire ou un syndic à la faillite des demanderesses).
[85] De plus, l’avocat des demanderesses voyait plutôt le dépôt des Avis d’intention par ses clientes comme une preuve additionnelle que celles-ci n’ont clairement pas les fonds nécessaires pour fournir tout cautionnement que le Tribunal pourrait ordonner en l’espèce. À nouveau, l’avocat a réitéré que d’ordonner le dépôt d’un tel cautionnement, vu leur insolvabilité évidente, les forcerait à abandonner le présent recours contre les défendeurs et que pour ses clientes, il était toujours crucial de procéder à l’audience du 11 au 15 janvier 2015. Une telle situation constituerait, à son avis, un déni de justice à leur endroit.
[86]
Avec respect, le Tribunal ne partage pas cet avis, le cautionnement à
être fourni n’est pas relié au fond du litige et n’a aucun impact sur celui-ci.
Le cautionnement de l’article
[87] Quoi qu’il en soit, force est de constater que l’impact et les conséquences de l’Ordonnance Anton Piller et l’Ordonnance Mareva-Norwich sur les défendeurs depuis presque un an ne semblent pas être une source de préoccupation pour les demanderesses et Francis.
[88] Si les demanderesses n’ont pas les fonds nécessaires pour verser un cautionnement clairement prévu par la loi en décidant de se prévaloir de procédures extraordinaires en injonction de l’ampleur de celles qu’elles ont volontairement décidé d’exercer, comment pourront-elles assumer les coûts inhérents aux cinq journées de procès fixées du 11 au 15 janvier 2016 pour trancher la demande d’annulation des Ordonnances?
[89] Comment expliquer que ces mêmes demanderesses, qui sont codéfenderesses avec Francis[16] dans le Recours Adobe, aient les ressources financières nécessaires pour signifier aux défendeurs, le 16 novembre dernier, deux nouvelles requêtes et ainsi entamer, d’une part, un recours en garantie réclamant de ceux-ci de les indemniser en cas d’une condamnation éventuelle des 10 M$ réclamés par Adobe et demander, d’autre part, la réunion la présente cause avec le Recours Adobe?
[90] Une fois la présente requête prise en délibéré, l’avocat des demanderesses a communiqué avec le bureau du Tribunal pour demander la permission de soumettre dès le lendemain une « proposition pour permettre une « solution » sans pour autant avoir à rouvrir des débats ».
[91] Le Tribunal a accédé à cette demande sans réaliser que la « solution » de l’avocat était plutôt de lui permettre de plaider un nouvel argument juridique en lien avec les Avis d’intention déposés par les demanderesses et la LFI.
[92]
À 16h37, le vendredi 20 novembre 2015, le Tribunal a reçu par
télécopieur une lettre de trois pages de l’avocat des demanderesses portant les
mentions « Sous toutes réserves - sans admission » dans laquelle
celui-ci soulève un nouvel argument. Maintenant, les demanderesses, ont droit à
la protection de la LFI et le Tribunal ne peut plus ordonner qu’elles
fournissent un cautionnement relativement aux Ordonnances en raison des
dispositions de l’article
[93] Pour bien apprécier la position de l’avocat des demanderesses, voici le contenu de sa lettre :
« La présente fait suite à notre demande faite auprès de vous immédiatement après l'audition d'hier relativement au dossier mentionné en objet, et par lequel vous nous avez autorisés à vous transmettre la présente correspondance.
Dans un premier temps, et toutefois sans vouloir soulever à nouveau le débat tenu hier, nous souhaiterions vous présenter respectueusement les informations suivantes en lien avec le questionnement émis au sujet des avis d'intention des demanderesses tels que décrit dans la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.
Nous vous soumettons que selon les termes de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, l'avis d'intention doit opérer automatiquement sursis des actions tenues à l'encontre de la personne qui a déposé ledit avis, et ce, sans que le dépôt d'un avis de surseoir ne soit nécessaire.
Nous prenons la liberté de reproduire ci-dessous les
termes de l'article
69. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et des articles 69.4, 69.5 et 69.6, entre la date du dépôt par une personne Insolvable d'un avis d'intention aux termes de l'article 50.4 et la date du dépôt, aux termes du paragraphe 62(1), d'une proposition relative a celte personne ou la date à laquelle celle-ci devient un failli :
a) les créanciers n'ont aucun recours contre la personne insolvable ou contre ses biens et ne peuvent intenter ou continuer aucune action, exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite;
La lettre de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité a pour objet de protéger le débiteur ainsi que son syndic.
Dans cette même optique, l'article
Par leur demande reconventionnelle, en plus de leur requête en cautionnement, les défendeurs deviennent créanciers des parties demanderesses. Le cautionnement requis par eux correspond à leur demande reconventionnelle quant aux prétendus dommages issus des ordonnances émises à leur encontre.
Nous considérons que l'article 69(1) trouve application dans la présente affaire, et a pour effet de rendre inapplicable l'imposition d'une caution aux demanderesses à cette étape.
Tel qu'il l'a été soulevé devant vous lors de l'audition, les parties demanderesses sont dans l'impossibilité d'acquitter un cautionnement tel que requis par les défendeurs, soit d'un montant de deux cent mille dollars (200 000,00 $).
Nous réitérons nos propos à l'effet qu'imposer cette obligation à nos clients reviendrait à mettre fin à leur recours, et ce, avant l'audition sur la cassation qui aura lieu les 11 janvier 2016 et suivants.
Parallèlement à cela, nous sommes aux faits que le syndic des demanderesses déposera incessamment un avis de sursoir auprès de la présente cour de justice quant à l'affaire qui nous occupe.
Par ailleurs, et tel que mentionné hier, les documents et informations qui font l'objet de l'ordonnance Anton Piller du 23 décembre 2014 sont primordiaux pour les demanderesses et leur représentant, monsieur Pierre Francis. Ces documents sont nécessaires à la preuve en la présente instance, mais également nécessaires au soutien de sa défense dans l'éventualité où une poursuite criminelle serait déposée à l'encontre de monsieur Francis en lien avec les faits dont il est question dans le présent dossier.
Nous vous rappelons également que les documents qui font l'objet de l'ordonnance Anton Piller ont été remis aux défendeurs en janvier et février 2015.
Nous comprenons, suite à vos commentaires et suite aux prétentions des parties adverses, que dans l'éventualité où des dommages seraient reconnus aux défendeurs, ceux-ci seraient d'avantage issus des répercutions que l'ordonnance en Mareva leur a occasionnés, et non pas des effets que l'ordonnance Anton Piller a pu avoir sur eux.
De ce fait, nous souhaiterions vous soumettre l'orientation subsidiaire suivante quant à l'issue de votre décision.
Afin de ne pas mettre prématurément fin au litige, satisfaire les parties, et en vue de palier aux dommages qui pourraient découler de l'ordonnance en Mareva, nous vous proposons qu'une caution soit ordonnée seulement en lien avec l'ordonnance en Mareva.
Ainsi, dans l'éventualité où les demanderesses seraient dans l'impossibilité de s'acquitter de la caution, seule l'ordonnance en Mareva tomberait, laissant intacte l'ordonnance Anton Piller pour les données que les défendeurs ont déjà récupérées et permettrais à ceux-ci de récupérer leurs actifs.
Les documents et informations nécessaires à la protection des droits des demanderesses et de monsieur Francis seraient ainsi protégés. »
[94] À titre de commentaire préliminaire, ce renversement complet d’approche étonne. À l’audience, le dépôt des Avis d’intention par les demanderesses le 30 septembre 2015 (une fois cette information dévoilée au Tribunal), ne constituait, à toutes fins pratiques, qu’un fait anodin qui ne méritait même pas d’avoir été porté à l’attention de la juge en chef adjointe lors de la conférence de gestion du 8 octobre 2015, pour fixer les dates d’audition de la présente requête et de la requête en cassation des Ordonnances. Ce fait « non pertinent » à l’audience, selon l’avocat des demanderesses, n’a été utilisé par celui-ci que pour étayer sa prétention que les demanderesses n’avaient pas les fonds requis pour fournir quelque cautionnement que ce soit, d’où l’impossibilité d’en ordonner un afin de ne pas créer un déni de justice à l’endroit des demanderesses.
[95] Soudainement, ce fait anodin et non pertinent devient primordial au point de permettre aux demanderesses de surseoir, voire même de paralyser, les procédures qu’exercent les défendeurs depuis le mois de février dernier pour s’extirper du marasme que leur ont imposé les demanderesses en obtenant ex parte l’Ordonnance Anton Piller et l’Ordonnance Mareva-Norwich.
Les Avis d’intention de
déposer une proposition concordataire et l’article
[96]
Il est exact que l’article
[97] Dans le cadre du dépôt d’un avis d’intention, le syndic nommé par la personne insolvable n’a pas la saisine des biens de celle-ci et il n’a pas les attributs de la fonction de séquestre intérimaire en vertu des articles 47 (1) et 47.1 de la LFI[18]. Il est essentiellement chargé de surveiller les opérations de la personne insolvable.
[98] En matière d’avis d’intention, il faut conserver à l’esprit que malgré son dépôt, la personne insolvable qui se prévaut de ces dispositions de la LFI continue à vaquer à ses occupations ou opérations et à exercer la très grande majorité de ses droits et recours sans aucune interférence. Ceci ne la libère cependant pas de l’obligation fondamentale d’agir de bonne foi et d’exercer ses droits et recours de bonne foi.
[99]
L’effet suspensif de l’article
[100] Quant aux créanciers, le dépôt d’un avis d’intention a pour effet d’empêcher l’institution ou de suspendre la poursuite de procédures judiciaires contre la personne insolvable ou contre ses biens dans la mesure où celles-ci visent ou couvrent une réclamation prouvable contre la personne insolvable au sens de la LFI.
[101] Ainsi, pendant la période couverte par le dépôt de l’avis d’intention, la personne insolvable conserve la saisine de ses biens et peut continuer à exercer elle-même ses opérations commerciales, le cas échéant, ainsi que ses droits et recours, tout en se plaçant temporairement à l’abri de ses créanciers qui détiennent une réclamation prouvable contre elle.
[102] En pareilles circonstances, rien n’empêche les défendeurs de continuer à se défendre contre les procédures initiées par les demanderesses qui sont libres et qui manifestement désirent continuer leurs propres procédures judiciaires. Mais, la poursuite de ces procédures ne peut s’exercer par les demanderesses dans un contexte où elles vont bénéficier d’une « immunité » totale face aux défendeurs grâce à la LFI.
[103] Cette mise
au point étant faite, les dispositions de l’article
[104] Faut-il rappeler que la présente requête et celle ayant trait à l’annulation des Ordonnances ne portent aucunement sur la demande reconventionnelle formulée par les défendeurs à l’encontre des demanderesses?
[105] Le Tribunal n’a pas à se prononcer dans le cadre de la présente requête si les montants réclamés par les défendeurs dans la demande reconventionnelle constituent ou non des réclamations prouvables. D’emblée, il s’agit à l’heure actuelle de créances éventuelles et non liquidées qui seront déterminées lorsqu’un juge exercera son pouvoir discrétionnaire et déterminera au besoin l’existence et le quantum de cette créance des défendeurs présentement incertaine.
[106] Ceci
étant, le Tribunal ne partage pas l’avis de l’avocat des demanderesses que la
requête en cautionnement a pour effet de convertir les défendeurs, demandant le
dépôt d’un tel cautionnement, en créanciers de cette somme d’argent à l’endroit
des demanderesses, d’où l’application du sursis prévu à l’article
[107] Le Tribunal est plutôt d’avis que le cautionnement requis par les défendeurs ne « correspond [pas] à leur demande reconventionnelle quant aux prétendus dommages issus des ordonnances émises à leur encontre. »
[108] Le
cautionnement prévu à l’article
[109] En l’espèce, les défendeurs, aux fins de la présente requête, ne sont pas des créanciers des demanderesses en vertu de la LFI et ils ne cherchent pas à recouvrer présentement une réclamation prouvable au sens de cette loi.
[110] Le Tribunal partage entièrement l’avis de l’avocat des défendeurs que par l’entremise de la présente requête en cautionnement, les défendeurs ne font que demander que les demanderesses exécutent une obligation préalable à l’exercice des injonctions de types Anton Piller, Mareva et Norwich.
[111] Ceci
étant, dans la mesure où une personne insolvable sous le coup d’un avis
d’intention décidait par après d’instituer un nouveau recours judiciaire
assorti d’une demande d’injonction provisoire, le Tribunal ne peut croire pour
un seul instant que cette personne insolvable serait automatiquement
exemptée de devoir verser le cautionnement alors ordonné par le Tribunal, et
ce, par l’effet de l’article
[112] Un tel raisonnement, aussi invraisemblable puisse-t-il être, pourrait donner ouverture à des abus que le législateur n’a jamais voulu permettre à une personne insolvable qui décide de se prévaloir des dispositions ayant trait aux avis d’intention.
[113] En fait,
tout comme l’obligation d’acquitter les timbres judiciaires reliés à
l’institution de procédures judiciaires assorties d’une demande d’injonction
provisoire, la personne insolvable ayant alors déposé un avis d’intention
ne sera pas exemptée pour autant de fournir le cautionnement ordonné par le
Tribunal en vertu de l’article
[114] Ainsi, en
matière du cautionnement prévu à l’article
[115] Encore une fois, ce cautionnement une fois déposé n’appartient pas dès lors au défendeur, qui n’a aucun droit à cet égard tant et aussi longtemps qu’un juge ne se prononcera pas ultérieurement quant à son attribution et à sa disposition.
[116] En
conclusion, les Ordonnances dans la présente instance sont des procédures de la
nature d’injonctions qui sont étrangères aux recours en recouvrement d’une réclamation
prouvable au sens de la LFI. De telles procédures ne sont donc pas visées
par le sursis de procédure de l’article
[117] À titre de commentaire additionnel, le Tribunal voit difficilement comment un syndic aux Avis d’intention pourrait transmettre et faire déposer au dossier de la Cour un avis de surseoir dans le contexte de la présente requête en cautionnement ainsi que de celle en cassation des Ordonnances prévue pour la mi-janvier 2016.
[118] Qui plus
est, l’émission ou le dépôt d’un avis de surseoir au dossier de la Cour n’est
pas un prérequis obligatoire pour que le sursis prévu par la LFI s’opère. La
simple connaissance, une fois raisonnablement et suffisamment confirmée, du
dépôt d’un avis d’intention, d’une proposition concordataire ou d’une cession
de bien en vertu de la LFI, suffit pour faire en sorte que les dispositions des
articles
[119] Le fait qu’aucun avis de surseoir n’ait été déposé au dossier de la Cour ne constitue pas en soi un aveu tacite du syndic à l’avis d’intention et qu’il ne s’agit pas, en l’espèce, d’une réclamation prouvable à l’endroit des demanderesses, comme l’a suggéré l’avocat des défendeurs.
[120] De retour à la question du cautionnement, rappelons que dans le cas de l’Ordonnance Anton Piller, il y a eu dispense sur la foi de l’engagement des demanderesses de respecter toutes condamnations éventuelles en dommages pouvant être ordonnées par cette Cour suivant une exécution non autorisée de cette ordonnance ou suivant son annulation.
[121] Or, le dépôt des avis d’intention par chacune des demanderesses [ainsi que par leur âme dirigeante unique] constitue un aveu d’insolvabilité de leur part qui justifie de remettre en question la validité ou le caractère approprié d’un tel engagement. Qui plus est, les diverses affirmations faites par leur avocat ne laissent aucun doute sur leur état d’insolvabilité qui les empêcherait, semble-t-il, de fournir quelque cautionnement que ce soit.
[122] Par ailleurs, une telle affirmation d’incapacité financière des demanderesses de fournir un cautionnement en matière d’injonctions surtout de types Anton Piller, Mareva et Norwich, ne constitue pas en soi une échappatoire automatique.
[123] Le Tribunal ajouterait que les faits mis en preuve aux fins de la présente requête lui permettent de douter de l’état réel d’insolvabilité des demanderesses et de Francis, leur âme dirigeante unique, qui s’est lui-même réfugié derrière la protection offerte par la LFI.
[124] Aux fins de déterminer si un cautionnement doit maintenant être fourni à l’égard des deux Ordonnances, le Tribunal ne peut ignorer les indices sérieux permettant de croire prima facie que les demanderesses se sont mises volontairement à l’abri de leurs créanciers avant d’avoir recours au dépôt des Avis d’intention.
[125] Le Tribunal dispose de suffisamment d’indices sérieux et pertinents permettant de raisonnablement douter de l’état d’insolvabilité réel des demanderesses qui sont toujours contrôlées par Francis lui-même, et ce, même après qu’il ait transféré toutes les actions qu’il détenait dans chacune des demanderesses dans une nouvelle société détenue par une fiducie familiale ou corporative qu’il contrôle.
[126] Le Tribunal ne peut ignorer non plus les constats faits par le juge Blanchard dans son jugement du 31 juillet 2015, en vertu duquel il a rejeté la requête de Francis et des demanderesses dans la présente cause, demandant de casser la saisie avant jugement effectuée par Adobe dans le Recours Adobe en raison de la fausseté de l’affidavit souscrit par Draper d’Adobe concernant, entre autres, les manœuvres évasives de Francis et des demanderesses, par l’entremise de celui-ci, en vue de mettre leurs actifs à l’abri de leurs créanciers.
[127] Qui plus est, il a été mis en preuve à l’audience que Francis a repris ses opérations commerciales par l’entremise de Pipertech inc. (« Pipertech ») constituée le 23 septembre 2015, quelques jours à peine avant le dépôt des divers Avis d’intention par les demanderesses et par Francis lui-même.
[128] Selon le CIDREQ, Pierre Francis est l’unique officier et administrateur de Pipertech alors que son actionnaire est la « Fiducie corporative Pierre ».
[129] Pipertech opère au même endroit que les quatre demanderesses et utilise le même numéro de téléphone dont se servait jusqu’alors Canada Software Outlet, une des demanderesses.
[130] Pipertech vend toujours des logiciels.
[131] Bref, le dépôt des Avis d’intention ne signifie pas pour autant que les demanderesses n’ont pas d’actifs ni de liquidités. Puisque de l’aveu même de leur avocat, les demanderesses ne sont plus en mesure d’honorer leur engagement constaté dans l’Ordonnance Anton Piller, la fourniture d’un cautionnement devient nécessaire à la lumière de leur prétention d’insolvabilité.
[132] Rappelons que malgré le dépôt des avis d’intention, les demanderesses conservent toujours la saisine et le contrôle de leurs actifs et qu’il n’y a aucun empêchement connu quant à leur capacité d’effectuer les opérations nécessaires pour fournir le cautionnement que le Tribunal va ordonner en vertu du présent jugement.
[133] De plus,
le dépôt d’un tel cautionnement par les demanderesses ne constituera pas le
paiement d’une réclamation prouvable au sens de la LFI et, par conséquent, ne
peut être visé par le sursis de l’article
[134] Enfin, comment pouvoir raisonnablement conclure à l’incapacité financière de chacune des demanderesses alors que celles-ci disent vouloir contester la requête en cassation des Ordonnances des défendeurs et être en mesure de procéder dans le cadre de l’audience de cinq jours qui doit avoir lieu à la mi-janvier 2016?
[135] Comment expliquer également leur capacité financière, à tout le moins apparente, d’entamer le recours en garantie de quelque 10 M$ que les demanderesses et Francis viennent de déposer en novembre 2015 contre les défendeurs dans le cadre du Recours Adobe ainsi que la requête visant à réunir ledit Recours Adobe avec le recours actuel?
[136] Il ne fait aucun doute que l’ensemble de ces procédures instituées par les demanderesses augmente significativement la complexité des enjeux auxquels, tant les demanderesses que les défendeurs, devront faire face en plus des enjeux financiers qui passent en demande de 2 M$ à 12 M$.
[137] Bref, le Tribunal ne croit pas les demanderesses et leur représentant Francis quant à leur incapacité de fournir un cautionnement à l’égard des Ordonnances qui sont toujours en vigueur à l’approche de l’anniversaire de l’Ordonnance Anton Piller.
[138] Exerçant
la discrétion judiciaire que lui confère l’article
[139] Enfin, compte tenu des particularités de la présente affaire, il n’y a pas lieu de scinder, tel que demandé par l’avocat des demanderesses, ledit cautionnement de 200 000 $ en fonction de chacune des deux Ordonnances, d’autant plus que l’audition devant débuter le 11 janvier 2016 portera en même temps sur celles-ci sans distinction.
[140] Il y a également lieu d’exiger que l’ordonnance de fournir le cautionnement de 200 000 $ soit une obligation solidaire des demanderesses.
[141] Enfin, compte tenu de l’historique du présent dossier et des manœuvres des demanderesses pour éviter la tenue des audiences, tant sur la présente requête que sur celle du 11 janvier 2016 sur la cassation des deux Ordonnances qui auront alors été en vigueur pendant douze mois malgré les efforts diligents des défendeurs et de leur avocat, il y a aussi lieu d’ordonner l’exécution provisoire nonobstant appel. Faut-il rappeler que les défendeurs réclament un tel cautionnement depuis février dernier, bien avant que les demanderesses, ne se placent en état d’insolvabilité?
[142] En conclusion, le commentaire suivant de l’honorable Pierre J. Dalphond, alors qu’il était juge à la Cour supérieure, dans l’affaire Group Packaging inc. c. Banque Royale du Canada[19], apparaît, aux yeux du Tribunal, fort approprié dans les circonstances actuelles :
« [37] [...] il est surprenant de voir la demanderesse requérir la suspension de ses propres procédures [...] Cela dénote, encore une fois, la créativité des procureurs de la demanderesse pour éviter de débourser le cautionnement ordonné [...] »
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[143] ACCUEILLE la requête des défendeurs en cautionnement;
[144] DÉCLARE qu’il y a lieu de modifier les dispenses du cautionnement devant être fourni par les demanderesses en rapport avec l’Ordonnance Anton Piller, prononcée ex parte le 23 décembre 2014 et l’Ordonnance Mareva-Norwich, prononcée également ex parte le 16 janvier 2015, telles que ces deux Ordonnances ont été renouvelées jusqu’à présent;
[145] DÉCLARE qu’il y a lieu d’ordonner qu’un cautionnement unique soit fourni solidairement par les demanderesses en rapport avec l’Ordonnance Anton Piller, prononcée ex parte le 23 décembre 2014 et l’Ordonnance Mareva-Norwich, prononcée également ex parte le 16 janvier 2015, telles que ces deux Ordonnances ont été renouvelées jusqu’à présent;
[146] ORDONNE aux demanderesses :
- La Boutique du Softwaretech inc./The Softwaretech Store Inc.,
- 8032661 Canada inc., faisant affaires sous les raisons sociales Distribution Futur-Soft Canada, Futur-Soft Distribution Canada et Les ventes en ligne Nexttech directes;
- 8032726 Canada inc., faisant affaires sous les raisons sociales de Canada Software Outlet et L’Entrepôt Canadien des logiciels; et
- Précharger mon PC inc./Preload my PC Inc.;
de fournir solidairement à titre
de cautionnement prévu à l’article
[147] ORDONNE que ledit cautionnement de 200 000 $ soit déposé par les demanderesses dans un délai venant à échéance le 18 décembre 2015 à 16h00;
[148] ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel;
[149] LE TOUT, avec dépens contre les demanderesses solidairement en faveur des défendeurs.
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__________________________________ MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
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Me François David Bernier Me Benoit Denis |
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BARON LAFRENIERE INC. |
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Procureurs des demanderesses |
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Me Alain Pierre Lecours Lecours, Hébert Avocats inc. |
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Lecours, Hébert Avocats inc. |
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Procureur des défendeurs |
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Date d’audience: |
19 novembre 2015 |
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PS : L’ANNEXE CI-JOINTE FAIT PARTIE INTÉGRANTE DU PRÉSENT JUGEMENT
ANNEXE AU JUGEMENT 500-17-085985-144
I- L’ORDONNANCE ANTON PILLER DU 23 DÉCEMBRE 2014 :
« LE JUGE EN CHAMBRE, après avoir étudié les procédures ainsi que la preuve;
ATTENDU QUE cette Cour est saisie d'une requête introductive d'instance en injonction « Anton Piller »;
ATTENDU QUE les allégués de la requête introductive d'instance établissent la preuve prima facie d'un préjudice irréparable pour les demanderesses ;
POUR CES RAISONS, LA COUR :
ACCORDE la présente requête introductive d'instance en injonction « Anton Piller»;
INJONCTION « ANTON PILLER »
ÉMET une injonction « Anton Piller » demeurant en vigueur pour une période de dix (10) Jours, soit jusqu'au 5 janvier 2015 et qui durant cette période demeurera exécutable et opposable aux défenderesses, leurs représentants, leurs agents, leurs employés ou tout autre personne sous leur contrôle et toute personne à qui la présente ordonnance est signifiée;
ORDONNE aux défendeurs Haik Moushaghayan, 8338442 Canada Inc., 9211-0022 Québec Inc., Sami Shaheen, 8338531 Canada Inc., leurs administrateurs, leurs officiers, leurs actionnaires, leurs employés, leurs agents, ainsi que toutes personnes à la charge du lieu du domicile élu de l'entreprise ou de l'individu et de toutes autres personnes ayant connaissance de la présente ordonnance, comme étant circonscrite par cette Cour de la façon suivante :
1) Fournir et enlever aux demandeurs les éléments suivants :
a) tous les appareils cellulaires, ordinateurs, ordinateurs portables, tout disque dur en possession des défendeurs Haik Moushaghayan et Sami Shaheen, toute clé USB détenue par Haik Moushaghayan et Sami Shaheen banque serveur électronique afin de permettre l’enlèvement complet et intégral desdits disques durs de tout ordinateur ou disques durs contenant de l'information comptable, des documents, des factures ou toutes autres informations pertinentes relativement aux entreprises des demanderesses et des entreprises des défendeurs mentionnées en titre ayant exclusivité entière avec le demanderesses dans toutes ses activités pour en confier la garde à Me Di Nicolas Tomassi jusqu’au 5 janvier 2015
b) Les éléments de preuve suivants, afin que l'enlèvement des éléments par l'avocat indépendant Me Nicolas Di Tomaso lui permettant d'agir à titre de gardien des éléments jusqu'au 5 janvier 2015, commençant à l'immeuble de Sami Shaheen, 1208 Dufort app. 404, Montréal (Québec), District de Montréal, H3G 287, pour ensuite de se diriger vers 605-1420 rue Crescent, Montréal (Québec), District de Montréal, H3G 287 et finalement au bureau des demanderesses au 7415 boul. Gouin 0, Montréal (Québec) District de Montréal, H4K 1B8 à partir de la date de la présente :
i) toutes correspondances ou documents reliés aux transactions entre les défendeurs et les entreprises du demandeur;
ii) toutes la correspondance, courriels, ou autres évidences ayant trait à la détermination des commandes, du calcul des commandes ou du coût des commandes placées par les entreprises de la demanderesse par les défendeurs ou les entreprises des défendeurs ayant été livrées ou non livrées par la suite aux clients de la demanderesse;
iii) toutes les factures des entreprises des défendeurs à d'autres entreprises que les entreprises des demanderesses émises et soumises aux entreprises de la défenderesse afin d'obtenir leur rémunération mensuelle découlant des activités parallèles entreprises en contravention de leurs engagements d'exclusivité;
3) Permettre aux procureurs des demandeurs, leurs huissiers et/ou leurs représentants, d'entrer dans la propriété et la place d'affaires des défendeurs Haik Moushaghayan et Sami Shaheen situés au 1208 Dufort app.404, Montréal (Québec), District de Montréal, H3G 297, pour ensuite se diriger vers 605-1420 rue Crescent, Montréal (Québec), District de Montréal, H3G 287 et au bureau des demanderesses au 7415 boul. Gouin O, Montréal (Québec, district de Montréal, H4K 1B8 et la propriété et place d’affaires de Haik Moushaghayan au 87 Rang St-Marc, Saint-Philippe, Québec, J0L 2K0 et y demeurer même en dehors des heures légales si besoin, et donner tout accès aux lieux visés et ordonner aux défendeurs de :
a) s'abstenir d'effacer, d'altérer, de détruire, d'endommager ou de cacher une partie ou tous les items référés au paragraphe 1 des présentes conclusions;
b) de plus, révéler aux personnes mentionnées au paragraphe 2 l'emplacement des items référés au paragraphe 2 desdites conclusions;
ORDONNE que tous les éléments livrés dans la présente ordonnance soient déposés auprès de Me Nicolas Di Tomaso, pour une période de dix (10) jours valant jusqu'au 5 janvier 2015 et que ce dernier soit gardien des éléments dans l'intervalle ou ses membres de la firme puissent faire des copies de l'image du disque dur et toutes les données et documentations, en présence des défendeurs, qui form.ent l'objet de la présente ordonnance de type " Anton Piller " permettant de reconnaître le droit d'action comme le véritable droit d'action;
ORDONNE à Me Nicolas Di Tomaso d'expliquer la nature et les effets de l'ordonnance en langage clair à la personne signifiée avec l'ordonnance, et d'aviser les défendeurs de leurs droits de retenir un avocat et de consulter un avocat, et ce pour une période de deux (2) heures, avant de remplir cette ordonnance, et que cet avis doit être fourni et obtenu immédiatement ;
ORDONNE que les saisies en date du 23 décembre 2014 soient effectuées, au plus tard, jusqu'à 23 heures;
ORDONNE que les saisies prévues en date du 24 décembre 2014 soient effectuées entre 8 heures jusqu'à 17 heures;
ORDONNE à Me Nicolas Di Tomaso de s'assurer que les termes de l'ordonnance sont respectés par la personne exécutant cette ordonnance;
PERMET au demandeur le droit de retirer tous les éléments identifiés ci-haut et en faire copie afin d'examiner et reproduire dans le cadre du présent dossier de Cour, avant de remettre l'original de la documentation aux défendeurs par la suite, le tout sujet à toutes ordonnances subséquentes rendues par cette honorable Cour;
PERMET au procureur des demandeurs, leurs agents, et
toutes autres personnes autorisées par le procureur des demandeurs et huissiers
de la Province du Québec d'ouvrir en conformité avec la section
PREND ACTE de l'engagement des demandeurs de respecter toutes condamnations éventuelles en dommages pouvant être ordonnées par cette Cour suivant une exécution non autorisée de l'ordonnance de la présente ordonnance ou suivant la cancellation de la présente ordonnance;
DISPENSE les demandeurs de fournir caution;
ORDONNE que toutes ordonnances rendues soient exécutoires, malgré appel subséquent;
RÉSERVE les droits des demandeurs d'amender la présente procédure pour inclure le préjudice subit et qui se maintient en conséquence des agissements des défendeurs à l'action de la présente instance;
LE TOUT avec intérêts et dépens, incluant les frais d'expertise si nécessaire. »
II- L’ORDONNANCE MAREVA-NORWICH DU 16 JANVIER 2015 :
« I, the undersigned, Judge for the Superior Court of Quebec, for the District of Montreal, having heard the representations made on the part of the Plaintiff's Attorney, in order that a provisional order for interlocutory injunction be granted, as well as having taken cognizance of the allegations contained in the Plaintiff's motion and the affidavit in support of the said motion:
CONSIDERING that the Plaintiff is asking that a provisional interlocutory injunction be granted immediately, based on the grounds that appear in the Plaintiff's motion, the affidavit in support of the motion and for the purpose specified in the conclusions of said motion;
CONSIDERING Articles
CONSIDERING that there is cause for a provisional order for an interlocutory injunction and a seizure before judgment to be granted against the Defendant and Garnishee/ Mis en cause, so that they be enjoined to accomplish all acts and demands hereafter mentioned; the present provisional and immediate order for interlocutory injunction will remain in effect until January 27, 2015 at 23:59 hours.
FOR ALL THESE REASONS, THE COURT:
GRANTS the motion for a provisional interlocutory injunction, a "mareva injunction" and seizure before judgement;
ISSUE a provisional an immediate order for interlocutory injunction as follows, and to remain in full force until January 27th 2015 at 23h59:
a. ORDERS that Defendants, employees, agents, assigns, officers, directors and anyone else acting on their behalf and/or in conjunction with any of them, and any all persons with notice of the present Order, are restrained from directly or indirectly, by any means whatsoever;
i. Selling, removing, dissipating, alienating, transferring, assigning, encumbering, or similarly dealing any assets of the defendant, wherever situated, in Canada, The United States in the State of New-Jersey or elsewhere, including but not limited to the assets or any accounts in any Financial Institutions;
ii. Instructing, requesting, counselling, demanding, or encouraging any person to do so;
iii. Facilitating, assisting in, aiding, abetting, or participating in any acts the effect is which is to do so;
b. ORDERS that paragraph (a) applies to all of the defendants assets, whether or not they are in their own name and whether they are solely or jointly owned. For the purpose of the order the defendants' assets include any asset which they have the power, directly or indirectly to dispose of or deal with as if it were their own. The defendants are to be regarded as having such power if a third party holds or controls the assets in accordance with their direct or indirect instructions;
c. ORDERS the mises en cause, not to dispose of any documents belonging to the defendants and hold the documents until further Order from this Honourable Court;
d. ORDERS the defendants and the garnishee I mise en cause, Miss Muna Shahim not to mortgage, pledge, encumber, transfer dispose, cede, assign, sell, transfer, donate, bestow, remove or alienate in any form, manner or fashion their assets and property wherever situated, in Canada, the United States of America (most likely New-Jersey) or elsewhere, whether they be held directly or indirectly through the intermediary of other physical persons, whether they be physical, moral or legal persons, including all representatives as well as mandated persons, including in particular, however, by no means restricting the generality which precedes the following movable and immovable property and interests and/or rights of the following;
i. The immovable property situated at 87 rang St-Marc, Saint-Philippe, Province of Quebec, J0L 2K0, Canada;
ii. The immovable property situated at 1208 Du Fort Street, apartment 404, in the city of Montreal, Province of Quebec, H3H 2B3, Canada;
iii. The immovable property situated at 1208 Du Fort Street, apartment 402, in the city of Montreal, Province of Quebec, H3H 2B3, Canada;
iv. The movable property consisting of an automobile owned directly or indirectly by Sarni Shaheen, namely:
1. An Audi A4 2009 with the serial number WAULF78K59A085027, with the licence plate number "E45 CKB.";
v. All funds, securities, Investments, proceeds, interest payments, dividends or all other assets held by Haik Moushaghyan and/or his alter egos, 8338442 Canada Inc. and 9211-0022 Quebec Inc. on the part of Royal Bank of Canada (RBC) situated in Canada, the United States or abroad;
vi. All funds, securities, Investments, proceeds, interest payments, dividends or all other assets held by Sarni Shaheen and/or his alter ego, 8338531 Canada Inc. on the part of Toronto Dominion Bank (TD Bank) situated in Canada, the United States or abroad;
e. ORDERS that the Defendants prepare and provide to the Plaintiffs within five (5) days of the date of service of this Order, a sworn statement describing the nature, value and location of their assets worldwide, whether in their own names or not, and whether solely or jointly owned;
f. ORDERS that the defendants submit to examinations under oath within five (5) days of the delivery by the defendants of the aforementioned sworn statements;
g. ORDERS that if the provision of any of this information is likely to incriminate the defendants, they may be entitled to refuse to provide it, but is recommended to take legal advice before refusing to provide the information;
h. ORDERS the Defendants and the following Mise en cause, MUNA CHAHIN, MANAL SHAHIN, HUSSAIN M. FAROOK, SOFTWARE CITY LLC (through a representative), BIG COMMERCE (through a representative), LINA DAWLI and GEORGETTE HAMWI, to fully collaborate with the Plaintiffs by answering all questions in relation to the locations where assets are held as well as in collaboration in helping Plaintiffs obtain documents and information not in the possession of the defendants but rather in the possession third parties;
i. ORDERS that the Mises en cause, MUNA CHAHIN, MANAL SHAHIN and HUSSAIN M. FAROOK prepare and provide to the Plaintiffs within five (5) days of the date of service of this Order, a sworn statement describing the nature, value and location of their assets worldwide, whether in their own names or not, and whether solely or jointly owned;
j. ORDERS that the Mises en cause, MUNA CHAHIN, MANAL SHAHIN and HUSSAIN M. FAROOK submit to examinations under oath within five (5) days of the delivery by the defendants of the aforementioned sworn statements;
k. ORDERS that if the provision of any of this information is likely to incriminate the Mises en cause, MUNA CHAHIN, MANAL SHAHIN and HUSSAIN M. FAROOK, they may be entitled to refuse to provide it, but is recommended to take legal advice before refusing to provide the information;
I. ORDERS the Mis en cause MUNA CHAHIN, MANAL SHAHIN and HUSSAIN M. FAROOK forthwith to disclose and deliver up to the Plaintiffs, within 72 hours of the services of the judgement on the present proceeding any and all records held by them and or by the Bank concerning Defendants' assets and accounts including the existence, nature, value and location of any monies or assets or credit, statements of accounts of all the bank accounts of all the Defendants, copies of any wire transfers and/or any document of transfer of funds from defendants' bank accounts to any other bank accounts for the last four years (since 2011);
m. ORDERS the Defendants not to destroy, alter, modify or purposely dispose of documents herein below requested by Plaintiffs, or give instructions to third persons, in possession of certain documents requested to refuse access or provide copies of such documents. The documents and information requested are:
i. Statement of property taxes along statement of other taxes pertaining to the property situated at 87 rang St-Marc, Saint-Phillipe (Quebec), District of Longueuil, J0L 2K0, along with checks showing payment of said taxes for the period from which the property was purchased by HAIK MOUSHAGHAYAN;
ii. Statement of property taxes along statement of other taxes pertaining to the property situated at 1208 Du Fort app.404, Montreal (Quebec), District of Montreal, H3G 2B7, along with checks showing payment of said taxes for the period from which the property was purchased by SAMI SHASHEEN;
iii. All documents showing the source of funds that were utilized by the defendant HAIK MOUSHAGHAYAN in order to acquire the property situated at 87 rang St-Marc, Saint-Phillipe (Quebec), District of Longueuil, J0L 2K0;
iv. All documents showing the source of funds that were utilized by the defendant SAMI SHASHEEN in order to acquire the property situated at 1208 Du Fort app.404, Montreal (Quebec), District of Montreal, H3G 2B7;
v. All checks, bank statements, or other proof of payment for all the mortgage payments made by the defendant HAIK MOUSHAGHAYAN in regards to the property situated at 87 rang St-Marc, Saint-Phillipe (Quebec), District of Longueuil, J0L 2K0, for the period starting from acquisition up until the present date;
vi. All checks, bank statements, or other proof of payment for all the mortgage payments made by the defendant SAMI SHASHEEN in regards to the property situated at 1208 Du Fort app.404, Montreal (Quebec), District of Montreal, H3G 2B7, for the period starting from acquisition up until the present date;
vii. All bank statements for accounts held by the defendants personally and their alter egos 8338442 CANADA INC., 9211-0022 QUEBEC INC., 8338531 CANADA INC with the Royal Bank of Canada (ABC) in Canada and Toronto Dominion Bank (TD Bank), in the State New-Jersey or elsewhere in or outside Canada and the New-Jersey from the date those accounts were opened to the present date;
viii. All investments, statements, Portfolios, securities statements or other statements relating to assets held the Defendants with the RBC and TD Bank in Canada or in the State of New-Jersey or elsewhere in or outside of Canada or the State of New-Jersey for the period beginning in 2010 up until the present;
n. ORDERS the Mises en cause in regards with the documents enumerated in the hereinabove paragraph m) to disclose and deliver up to the Plaintiffs, within 72 hours of the request made by the Plaintiffs, copies of the documents mentioned in the said paragraph m) and or give free access to them;
o. ORDERS the Mise en cause HUSSAIN M. FAROOK not to destroy, alter, modify or purposely dispose of documents herein below requested by Plaintiffs, or give instructions to third persons, in possession of certain documents requested to refuse access or provide copies of such documents. The documents and information requested are:
i. Statements of personal income taxes and business income taxes along with statements of all other financial information pertaining to the Defendants for the period beginning in 2010 up until the present;
ii. All accounting document, but not limited to, such as Bank accounts, Bank statements, cancelled checks, deposit books, cash flow journals, journal of expenditure, all the detailed transactions ledger (General Ledger), or any hand-written documents resembling the mentioned documents and any invoices related with the defendants' activities, whether personal or business through 8338442 CANADA INC., 9211-0022 QUEBEC INC., 8338531 CANADA INC;
p. ORDERS that anyone served with and notified of this Order may apply to the Court at any time to vary and discharge this Order, on two (2) days notice to Plaintiffs;
q. ORDERS that Plaintiffs shall apply for an extension of this Order within ten (10) days failing which, this Order will terminate;
r. DECLARES that Defendants, will not have the right to request to retain an amount to be determined by this Honourable Court to be exempt from the present interlocutory injunction and further seizure before judgement issued herein as necessary for its support and expenses, unless a fully justified motion is presented to the Court for which Plaintiffs reserve its right to contest;
s. GRANTS Plaintiffs with the permission to serve by all necessary means and to all parties mentioned in the header of the present motion, the Interlocutory Injunctive Order notwithstanding the restrictions of legal hours and non-juridical days;
t. ORDERS the provisional execution of the Judgment to be rendered herein notwithstanding appeal;
THE WHOLE WITH COSTS. »
[1] L'utilisation des noms de famille dans le présent jugement n’a que pour but d’alléger le texte. Le lecteur ne devrait pas y voir une marque de manque de respect envers les personnes mentionnées.
[2] Et de leurs alter egos, à savoir les codéfenderesses 8338442 Canada inc., 9211-0022 Québec inc. et 8385531 Canada inc.
[3] 2015 QCCS 964.
[4] Ainsi que son renouvellement du 5 janvier 2015.
[5] Il faudra une cause précise
pour justifier la dispense de fournir le cautionnement prévu à l’article
[6] Ou possiblement le juge qui sera appelé à prononcer la cassation de l’ordonnance attaquée, le cas échéant.
[7]
[8] J.E. 2008-1287 (C.S.).
[9] Celanese Canada Inc. c. Murray Demolition Corp., précité, note 10, paragr. 37.
[10]
[11] Aetna Financial
Services Limited c. Feigelman,
[12] FPDK Corporation (D-2).
[13] Case No. 1 :08-cv-01086-KMO, Judge Kathleen M. O’Malley.
[14] Cahier de décisions déposé par l’avocat des défendeurs.
[15] Pièce 12 du cahier de décisions déposé par l’avocat des défendeurs.
[16] Qui a lui-même déposé un avis d’intention le 8 octobre 2015.
[17]
Tel que cette expression est définie à l’article
2. « personne insolvable » Personne qui n’est pas en faillite et qui réside au Canada ou y exerce ses activités ou qui a des biens au Canada, dont les obligations, constituant à l’égard de ses créanciers des réclamations prouvables aux termes de la présente loi, s’élèvent à mille dollars et, selon le cas :
a) qui, pour une raison quelconque, est incapable de faire honneur à ses obligations au fur et à mesure de leur échéance;
b) qui a cessé d’acquitter ses obligations courantes dans le cours ordinaire des affaires au fur et à mesure de leur échéance;
c) dont la totalité des biens n’est pas suffisante, d’après une juste estimation, ou ne suffirait pas, s’il en était disposé lors d’une vente bien conduite par autorité de justice, pour permettre l’acquittement de toutes ses obligations échues ou à échoir.
[18] Gestion Max Boutin c. Brasserie Molson O”Keefe, 1994 CanLII 5667 (QC CA).
[19] Group Packaging inc. c. Banque royale du Canada, 1997 IIJCan 8698 (QC CS).