Décision

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Goda c. Howell

2025 QCTAL 10696

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Longueuil

 

Nos dossiers :

820609 37 20240919 T

820609 37 20240919 T

Nos demandes :

4507887

4566063

 

 

Date :

25 mars 2025

Devant la juge administrative :

Anne Mailfait

 

Adnan Goda

 

Locateur - Partie demanderesse

c.

Linda Howell

 

William Howell

 

Locataires - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

  1.          Le Tribunal est saisi de deux demandes de rétractation déposées par le mandataire du locateur.

Les étapes procédurales

  1.          Les locataires réclament une ordonnance pour exécution en nature de l’obligation du locateur de fournir et respecter la place de stationnement prévue au bail.
  2.          L’audience est tenue le 8 octobre 2024 en présence du mandataire du locateur, qui est aussi celui qui rédige, signe, administre la preuve et plaide pour le locateur en titre, son père.
  3.          Le 30 octobre 2024, ce représentant du locataire dépose un recours en rétractation aux motifs suivants :

« Le demandeur s’est mépris quant à la nature de l’audience, ayant cru qu’il s’agissait de son dossier en fixation de loyer impliquant les mêmes locataires. L’avis d’audience étant en français et n’étant pas très détaillé, le demandeur n’a pas apporté les preuves pertinentes au bon dossier. Il n’a pas été négligent, et aurait eu des preuves pertinentes à apporter s’il avait su la véritable nature du dossier ».

  1.          L’audience sur cette première demande de rétractation est tenue le 28 novembre 2024, en l’absence du locateur-demandeur, d’où son rejet.
  2.          La soussignée est également saisie de cette seconde demande de rétractation sur la décision rejetant la première, et qui allègue que le mandataire du locateur n’a pas reçu l’avis d’audition sans faute de sa part.

  1.          Questionné, le locateur ne peut expliquer la raison pour laquelle il n’a pas reçu cet avis alors que, habitant dans la même bâtisse que celle du logement en litige, les locataires l’ont reçu et qu’il avait préalablement reçu le premier avis d’audition.
  2.          Sur les moyens de défense, il écrit que le bail original n’a aucune identification des espaces et il prétend que la locataire prend quatre (4) espaces de « parking » et qu’elle se gare en diagonal, au détriment des autres locataires.

ANALYSE

Sur la première demande de rétractation, celle concernant la décision du 16 octobre 2024

  1.          Les critères applicables à un tel recours sont inscrits à l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.      La jurisprudence circonscrit l’application de cet article à la lumière du principe selon lequel en matière de rétractation de jugement, il faut trouver un juste équilibre entre deux principes qui s’affrontent : la stabilité des jugements et la règle fondamentale audi alteram partem qui veut que toute personne ait le droit de se faire entendre devant les tribunaux.
  2.      La Cour d’appel a décidé que :

« Il ne faut pas confondre formalisme et procédure : celle-ci est essentielle à la marche ordonnée des instances. Le principe de l'irrévocabilité des jugements est nécessaire à une saine administration de la justice, d'où le sérieux que doivent avoir les motifs de rétractation. La procédure doit contribuer à la protection des droits des deux parties et la remise en question des décisions doit demeurer l'exception et ne pas devenir la règle. »[1]

  1.      La question est donc de déterminer si le fait d’avoir confondu deux dossiers et conséquemment, de n’avoir pas apporté les documents pertinents à la cause, constitue une surprise, une raison jugée nécessaire ou suffisante.
  2.      Il importe de noter à cet égard, que le locateur prétend n’avoir pas compris l’avis d’audition car d’une part, il était écrit en français et qu’il était peu détaillé.
  3.      Ces affirmations laissent planer le doute sur la bonne foi du locateur.
  4.      Les avis de renouvellements utilisés par le locateur, qui certes désire s’exprimer en anglais durant l’audience, sont toutefois en version française, et cela pour les années 21-22, 23-24 et 24-25.
  5.      D’autre part, les avis d’audition du TAL portent toujours la mention de la nature des conclusions recherchées et elle identifie le demandeur, ici les locataires alors qu’il était le demandeur dans le dossier de fixation.
  6.      Ajoutons que le locateur ne dépose aucunement cet avis d’audition ni celui relatif à la demande de fixation qu’il aurait déposée.

  1.      Mais ce n’est pas tout.
  2.      Questionné par le Tribunal afin d’évaluer l’exactitude et l’impact d’une telle situation lors de l’audience, le locateur répond dans un premier temps qu’il n’a pas soulevé la confusion dont il prétend avoir été victime dès le début de l’audience. Puis, il se reprend et affirme qu’il l’a fait. Quand et à quel moment ? il ne peut préciser.
  3.      Ce témoignage met en lumière la mauvaise foi du locateur puisque la décision rapporte ceci :

« [9] Le 24 avril 2024, le locateur donnait aux locataires un avis d’augmentation de loyer et de modification d’une autre condition du bail (pièce #3).

[10] L’avis du 24 avril 2024 avise les locataires que le loyer actuel de 1 350 $ sera augmenté à 1 540 $. L’avis fait aussi état d’une autre modification à savoir :

« One of the two double indoor garage spot will be taken as of Sep 1st, 2024. Therefore your lease will include only one indoor double garage spot. »

[11] Le 3 mai 2024, les locataires avisaient le locateur qu’ils refusaient l’avis d’augmentation de loyer ainsi que la modification d’une autre condition du bail qu’ils ont reçu le 24 avril 2024 (pièce#7).

[12] Sur réception de l’avis de refus des locataires, le locateur a introduit une demande de modification du bail (F) en date du 30 mai 2024.

[13] Dans sa demande, le locateur demande uniquement au Tribunal de fixer le loyer mensuel en tenant compte des normes fixées par le règlement à compter du 1er septembre 2024 et de condamner la partie défenderesse au paiement des frais. C’est là dire que le locateur ne demande pas au Tribunal de statuer sur la modification d’une condition du bail en lien avec les espaces de stationnement dont disposent les locataires en vertu du bail.

[…]

[17] Pour sa part, le représentant du locateur, en l’occurrence son fils Alla Goda, insiste pour dire que les locataires n’ont pas besoin de deux espaces de double stationnement dans le garage intérieur, mais que d’un seul espace de stationnement.

[18] Le représentant du locateur ajoute qu’il habite lui aussi l’immeuble depuis plus de 20 ans et que le bail des locataires n’indique pas spécifiquement que leurs espaces de stationnement portent les numéros 109 et 110. Pour autant, il admet qu’il est de connaissance publique des autres occupants de l’immeuble que les locataires occupent ces deux espaces de stationnement que sont les numéros 109 et 110 depuis maintenant 24 années.

C’est ainsi que depuis le 11 septembre 2024, le fils du locataire occupe avec sa voiture ou celle de sa belle-sœur l’espace de stationnement numéro 110. »

  1.      Ces paragraphes indiquent que non seulement le locateur n’a jamais émis la moindre réserve ou surprise quant à la nature du dossier, mais qu’il était prêt à faire la preuve nécessaire et à faire sa défense avec précision. Ajoutons que même son dossier de fixation a été discuté et mis en perspective dans le cadre du litige sur le stationnement.
  2.      Il faut donc en conclure qu’aucun critère énoncé à l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement n’est démontré et que le locateur entend bonifier ou refaire une preuve en espérant une décision autre.
  3.      En rejetant la demande de rétractation de cette première décision, cela clôt le débat.

Sur la seconde demande de rétractation, celle concernant la décision du 4 décembre 2024

  1.      Pour autant, le Tribunal statue que la seconde demande de rétractation sanctionnant l’absence de son demandeur ne peut non plus être accueillie.
  2.      S’il est, certes, possible, de ne pas recevoir un avis d’audition, il devient peu probable que cela survienne quand dans une même bâtisse, un reçoit le courrier et l’autre pas.
  3.      La probabilité est que le locateur soit quelque peu nonchalant dans la gestion de son courrier, à l’instar de ce qu’il invoque comme confusion sur la lecture du premier avis d’audition.
  4.      Cette nonchalance ne peut suffire à renverser le principe de la stabilité des jugements et de la diligence avec laquelle un justiciable gère son cursus judiciaire, et cela particulièrement lorsqu’il est lui-même le demandeur à la rétractation.

  1.      Le Tribunal note qu’en outre, cette demande omet d’inscrire la date à laquelle le demandeur a eu connaissance de la décision, ce qui constitue une irrégularité déterminante puisque le délai prévu à l’article 89 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement en est un de rigueur.

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d’une décision lorsque le Tribunal a omis de statuer sur une partie de la demande ou s’est prononcé au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l’empêchement.

La demande de rétractation suspend l’exécution de la décision et interrompt le délai d’appel ou de révision jusqu’à ce que les parties aient été avisées de la décision.

Une partie qui fait défaut d’aviser de son changement d’adresse conformément à l’article 60.1 ne peut demander la rétractation d’une décision rendue contre elle en invoquant le fait qu’elle n’a pas reçu l’avis de convocation si cet avis a été transmis à son ancienne adresse. »

  1.      A ces motifs de rejet, le Tribunal questionne la validité des procédures engagées puisque rédigées et plaidées par le fils du locateur qui n’est pas avocat.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      REJETTE les deux demandes de rétractation;
  2.      MAINTIENT les décisions du 16 octobre 2024 et du 4 décembre 2024.

 

 

 

 

 

 

 

 

Anne Mailfait

 

Présence(s) :

le locateur

les locataires

Date de l’audience : 

14 février 2025

 

 

 


 


[1] Entreprises Roger Pilon inc. et al. c. Atlantis Real Estate Co., [1980] C.A. 218.

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