Décision

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9385-8959 Québec inc. c. Depatie

2022 QCTAL 24555

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau de Montréal

 

No dossier:

628289 31 20220422 F

No demande:

3533376

RN :

 

3535355

 

Date :

30 août 2022

Devant la greffière spéciale : :

Me Shuang Shuang

 

9385-8959 Québec inc.

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Therese Depatie

Locataire - Partie défenderesse

 

DÉCISION

 

 

[1]         La locatrice a produit une demande de fixation de loyer et de modification d’une autre condition du bail, conformément aux dispositions de l’article 1947 du Code civil du Québec, ainsi qu’une demande de remboursement des frais.

[2]         Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2021 au 30 juin 2022, à un loyer mensuel de 319,00 $.

[3]         Lors de l’audience tenue devant le Tribunal le 19 juillet, les parties sont représentées par leur mandataire respectif.

DEMANDE DE FIXATION DE LOYER

[4]         Le Tribunal, lorsque saisi d’une demande de fixation ou de réajustement de loyer, en vertu de l’article 1947 du Code civil du Québec, modifie le loyer au terme du bail en tenant compte, selon la part attribuable au logement, des critères prévus au Règlement sur les critères de fixation de loyer[1].

[5]         La locatrice a produit le formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, ainsi que les pièces justificatives et les factures au soutien de ces renseignements.

Primes des assurances

[6]         Le mandataire de la locatrice a produit en preuve les factures attestant les primes des assurances concernant l’immeuble, pour les périodes requises en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer.

[7]         Selon l’article 1 dudit règlement, seule la variation entre les primes de l’assurance incendie et de l’assurance responsabilité, exigibles au cours des périodes requises sont à considérer aux fins du calcul de l’ajustement du loyer.


[8]         Par conséquent, le Tribunal déduit les montants représentant les frais de service du courtier et les frais d’intérêts des primes d’assurances, pour les périodes visées aux fins de la présente fixation.

Dépenses d’immobilisation

[9]         Le mandataire de la locataire conteste une dépense de 3 710,67 $ relative aux travaux de réparations du mur dans le hall de l’entrée principale de l’immeuble, alléguant que le montant de la dépense est exagéré. Il prétend également que la dépense ne concerne que l’appartement 1 de l’immeuble, puisque les travaux ont tous eu lieu à l’intérieur de ce logement.

[10]     Le mandataire de la locatrice témoigne qu’en raison d’une fuite d’eau survenue dans le mur du hall de l’entrée principale, il a engagé un premier plombier pour d’abord inspecter le problème, qui s’est avéré être un tuyau défectueux sortant de la dalle de béton de l’immeuble. Il précise que ce tuyau dessert l’ensemble de l’immeuble, mais que pour y accéder, il a fallu qu’un deuxième plombier entre dans l’appartement 1 pour effectuer des travaux de réparation.

[11]     À la fin des travaux de plomberie, afin de refaire le mur qui a été partiellement détruit à cause des travaux, le mandataire de la locatrice a engagé la compagnie SPG Construction, pour y installer des panneaux de finition.

[12]     Le mandataire de la locataire allègue qu’il est charpentier-menuisier de profession. Selon lui, si le tuyau qui a été réparé desservait l’ensemble de l’immeuble, il y aurait dû avoir une coupure d’eau dans tous les logements lors des travaux. Or, cela n’a pas été le cas. Ainsi, il prétend que la dépense reliée aux travaux de plomberie et d’installation des panneaux de finition ne vise que l’appartement 1.

[13]     De plus, le mandataire de la locataire soutient que la facture de SPG Construction ne contient pas de description détaillée permettant de connaître la nature exacte des travaux qui ont été réalisés. À la demande du Tribunal, le mandataire de la locatrice a produit, après audience, une facture détaillée émise par SPG Construction pour compléter la preuve au dossier.

[14]     En plus du numéro de licence de la Régie du bâtiment du Québec et des numéros de TPS et TVQ, la facture produite par le mandataire de la locatrice comporte également la description suivante des travaux :

« Catégories : temps hommes ccq 75 $

Tâches : Refaire le hall d’entré principale, installer de nouveaux panneaux chic, installation de moulure et de plinthes (reniveler le mur du hall d’entrée), boucher les trous sur les murs pour le système d’alarmes.

Unités : 34.5hrs

Prix : 2 588 $

Rona et autres : moulures, latex, acheter des panneau Finitions Manquants (hall)

Prix : 363.82 $

[…]

Total : 3 710.67 $ » (sic)

[15]     À l’audience, le mandataire de la locatrice a montré au Tribunal d’autres factures de SPG Construction pour les travaux spécifiques à certains logements. Le Tribunal a pu constater que ces factures spécifient le numéro du logement lorsque les travaux lui sont spécifiques. Le mandataire de la locatrice explique que la facture pour l’installation des panneaux muraux n’indique pas de numéro de logement spécifique, puisqu’elle est en lien avec les travaux qui bénéficient à l’ensemble de l’immeuble.

[16]     De son côté, le mandataire de la locataire soulève également des doutes par rapport à la facture de Plomberie Picard inc. reliée aux travaux de réparation du tuyau défectueux et à la facture de Fournier électrique inc., reliée à l’installation d’une prise et d’un luminaire extérieur.

[17]     L’article 2831 du Code civil du Québec énonce que :

« 2831. L’écrit non signé, habituellement utilisé dans le cours des activités d’une entreprise pour constater un acte juridique, fait preuve de son contenu. »

[18]     Les factures et les reçus de caisse sont des écrits habituellement utilisés dans le cours des activités d’une entreprise. Ils font ainsi preuve de leur contenu.


[19]     Par ailleurs, l’écrit d’entreprise peut être contredit par tous les moyens, sous réserve de l’appréciation de la preuve probante[2].

[20]     Le Tribunal estime que les prétentions du mandataire de la locataire sont fondées essentiellement sur des doutes et des soupçons qui ne sont appuyés par aucun élément de preuve probant. Il n’a pas établi sa qualité d’expert et n’a produit aucune expertise pour soutenir ses prétentions.

[21]     Or, la jurisprudence a bien établi que de simples doutes et appréhensions sont, en l’absence d’autres éléments de preuve probants, insuffisants pour rejeter d’emblée les dépenses assumées pour l’exécution de travaux majeurs. Le mandataire de la locataire n’a donc pas réussi à repousser la présomption prévue à l’article 2831 C.c.Q.

[22]     Compte tenu des factures produites par le mandataire de la locatrice et son témoignage crédible et précis à l’audience, le Tribunal conclut que la preuve prépondérante établit qu’une dépense globale de 4 276,27 $ a été encourue en 2021 pour l’installation des panneaux de finition du mur dans le hall de l’entrée principale. Ce montant sera ainsi retenu pour les fins du réajustement de loyer. Le Tribunal retient également, pour les fins de fixation de loyer, la dépense au montant de 1 313,89 $ reliée à l’installation d’une prise et d’un luminaire extérieur, ainsi que celle au montant de 916,35 $ relative aux travaux majeurs de plomberie de l’immeuble.

[23]     Après calcul, l’ajustement du loyer permis en vertu du Règlement sur les critères de fixation de loyer[3] est de 17,02 $ par mois, s’établissant comme suit :

Taxes municipales et scolaires

0,65 $

Assurances

 5,04 $

Gaz

 0,00 $

Électricité

 0,00 $

Mazout

 0,00 $

Frais d’entretien

0,15 $

Frais de services

 0,00 $

Frais de gestion

 0,43 $

Réparations majeures, améliorations majeures,

mise en place d’un nouveau service

 

 7,39 $

Ajustement du revenu net

 3,36 $

 

 

TOTAL

 

 17,02 $

 

DEMANDE DE MODIFICATION

[24]     La locatrice demande au Tribunal de modifier le bail afin que celui-ci contienne un document intitulé « Règlements de l’immeuble », comportant 26 clauses différentes, coté P-1 au dossier.

[25]     Au soutien de sa demande, le mandataire de la locatrice explique que le but recherché par l’adoption des règlements de l’immeuble est de spécifier les règles de conduite que doivent respecter tous les locataires afin d’assurer une meilleure gestion de la vie en communauté au sein de l’immeuble. Il précise que le « Règlement de l’immeuble » est un document standard établi par une corporation de propriétaires.

[26]     Pour sa part, le mandataire de la locataire conteste l’ajout de l’ensemble des règlements de l’immeuble. Il explique que la locataire demeure dans le logement depuis 35 ans. Elle a toujours été une bonne locataire et refuse donc de se faire imposer les règlements de l’immeuble. Plus particulièrement, il conteste la clause 5 du Règlement de l’immeuble portant sur l’assurance habitation, en soutenant qu’aucune loi n’impose l’obligation au locataire de souscrire à une telle assurance.

[27]     Le document intitulé « Règlements de l’immeuble » se lit ainsi :

  1. « ACCÈS AU TERRAIN

Le locataire n’a pas accès à la cour ni au terrain de l’immeuble, sauf sur autorisation écrite du propriétaire. Une autorisation est aussi nécessaire pour toute installation (piscine, cabanon, table, abri, etc.) ou aménagement (potager, plantation, etc.), à défaut de quoi ils seront interdits. Aucun effet personnel ne peut être laissé sur le terrain, et ce, en tout temps.


  1. ACTIVITÉ COMMERCIALE

Toute activité commerciale qui implique la visite de clientèles ou de collaborateurs est interdite, à moins d’obtenir une autorisation écrite du propriétaire et de lui présenter une preuve d’assurance. Cette interdiction s’applique également à une utilisation du logement à des fins de service de garde et à toute activité d’hébergement touristique, qu’il y ait rémunération ou non.

  1. AFFICHAGE ET APPARENCE

Il est strictement interdit de suspendre aux fenêtres, balcons, murs ou toit du logement, tout objet pouvant nuire à l’apparence de l’immeuble, notamment : vélo, corde à linge, canot, drapeau. De plus, le locataire ne peut construire ni installer, ni faire construire ou faire installer, toute enseigne ou affiche, tout avis ou panneau-réclame à l’extérieur de son logement, de même qu’à l’intérieur s’il est visible de l’extérieur. Toutefois, la présente clause est assujettie aux lois électorales.

  1. ANTENNE, CÂBLAGE, CLIMATISEUR

Il est interdit au locataire d’installer ou de faire installer toute antenne, câblage ou climatiseur. Il lui est également interdit d’installer ou de faire installer tout autre équipement, nécessitant un perçage ou une modification de l’immeuble. Si la demande lui est faite, le propriétaire peut accepter de déroger à cette interdiction. Le locataire devra alors obtenir son consentement par écrit. Le cas échéant, les conditions d’installation seront spécifiées et elle devra être effectuée par un professionnel approuvé par le propriétaire.

  1. ASSURANCE

Le locataire s’engage à détenir en tout temps une assurance habitation couvrant sa responsabilité. Il devra fournir au propriétaire une preuve d’assurance lors de chaque renouvellement de son bail.

  1. AVERTISSEUR DE FUMÉE

Le locataire est tenu de remplacer périodiquement la pile de l’avertisseur de fumée et de veiller à ce qu’il demeure fonctionnel.

  1. BON USAGE DES LIEUX

Le locataire est tenu de faire usage des lieux de façon prudente et diligente. Il est tenu de maintenir le logement en bon état de propreté et d’effectuer les menues réparations d’entretien, à l’exception de celles résultant de la vétusté ou d’une force majeure. Le locataire est tenu d’assumer les frais relatifs aux dommages survenus au bien loué.

  1. BUANDERIE

Le locataire doit fermer les robinets de la laveuse à linge après usage.

  1. CHAUFFAGE

Le locataire s’engage à maintenir un chauffage minimal de 18°C en tout temps. Si le chauffage est à la charge du propriétaire, le locataire s’engage à ne pas surchauffer (maximum de 24°C) le logement et à maintenir son herméticité. Le locataire, s’il est responsable des frais d’électricité ou de chauffage selon son bail, est tenu de payer les factures d’énergie de son logement jusqu’au terme du bail. Il s’engage à s’abonner auprès du fournisseur.

  1.  CINÉMA MAISON

Il est strictement interdit d’utiliser un caisson de grave (subwoofer) pour le cinéma maison, l’ordinateur ou pour tout autre appareil électronique.

  1.  CLÉS ET SERRURES

Une serrure ou un mécanisme qui restreint l’accès au logement ne peut être posé ni changé qu’avec le consentement du locataire et du propriétaire.

  1.  COMPORTEMENT

Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires. Le locataire est tenu, envers le propriétaire et les autres locataires de l’immeuble, responsable des dommages et intérêts pouvant résulter de la violation de cette obligation, même si cette violation est le fait des personnes auxquelles le locataire donne accès au logement ou à l’immeuble. Le propriétaire peut, en cas de préjudice sérieux à la suite d’une telle violation, demander la résiliation du bail et l’expulsion du locataire et de tous les occupants du logement.


  1.  CONCIERGERIE

Il est interdit d’utiliser les services de conciergerie à des fins personnelles.

  1.  CONSTAT DE L’ÉTAT DES LIEUX

L’état du logement peut être constaté d’après la description qu’en ont faite les parties ou les photos prises à cet effet. À défaut d’un constat sur l’état des lieux, le locataire est présumé avoir reçu le logement en bon état au début du bail.

  1.  CORRIDORS ET VESTIBULES

Le locataire s’engage à ne pas utiliser, ni permettre que soient utilisées les aires communes de l’immeuble à des fins d’amusement, de flânage ou d’entreposage (y compris d’un vélo). Le démarchage et le porte-à-porte sont interdits.

  1.  DÉCHETS ET RECYCLAGE

Le locataire ne devra pas jeter ou déposer des déchets dans la cour, dans la ruelle ou dans les corridors de l’immeuble. Les ordures ménagères devront être déposées, par le locataire, aux endroits prévus à cette fin et dans les contenants appropriés, aux jours et heures de collecte.

  1.  INFRACTION

Le locataire qui commet une infraction en vertu d’un règlement municipal, provincial ou d’immeuble de copropriétés (ou autres) s’engage à rembourser toute amende reçue et à réparer tout dommage subi par le propriétaire du logement qu’il loue.

  1.  LOI CONCERNANT LA LUTTE CONTRE LE TABAGISME

Il est interdit de fumer dans toutes les aires communes de l’immeuble.

  1.  MODIFICATION DES LIEUX

Le propriétaire et le locataire ne peuvent changer la forme ou l’usage du logement pendant toute la durée du bail. À la fin du bail, le locataire doit enlever lors de son départ les constructions, ouvrages ou plantations qu’il a réalisés. À défaut par le locataire de les enlever sans détériorer le logement, le propriétaire peut à sa seule discrétion les conserver en lui payant la valeur ou obliger le locataire à les enlever et à remettre le logement à l’état original. 

  1.  PRODUITS DANGEREUX ET POÊLES

Le locataire ne peut, sans le consentement écrit du propriétaire, employer ou conserver dans le logement une substance constituant ou pouvant constituer un risque d’incendie ou d’explosion et qui pourrait faire augmenter les primes d’assurance du propriétaire. Sans restreindre la généralité de ce qui précède, l’usage d’un poêle à charbon, de bois ou autre qui utilisent des matières inflammables n’est permis qu’à l’extérieur de l’immeuble et qu’à une distance minimale de 10 pieds et il est absolument interdit sur les balcons. Le locataire s’engage à respecter la réglementation municipale à cet effet.

  1.  SOUS-LOCATION ET CESSION DE BAIL

La sous-location et la cession de bail sont des pratiques encadrées par la loi. Le locataire doit soumettre le nom et les coordonnées de la personne à qui il entend sous-louer ou céder son bail et doit obtenir le consentement du propriétaire. Si le candidat répond aux critères du propriétaire, celui-ci peut exiger le remboursement de dépenses raisonnables (Ex. enquêtes de crédit).

  1.  SOUS-LOCATION AUX FINS D’HÉBERGEMENT TOURISTIQUE

Il est interdit de sous-louer en tout ou en partie le logement à des touristes. Le locataire s’explose à de sévères amendes en vertu de la loi sur les établissements d’hébergement touristique, ainsi qu’à la résiliation de son bail en vertu du Code civil du Québec.

  1.  STATIONNEMENT
  1. Le locataire n’ayant pas d’automobile n’a pas droit au stationnement.
  2. Le locataire ne pourra stationner qu’un véhicule de promenade (sont donc interdits camion, roulotte, remorque, etc.) dans la place qui lui est allouée à cette fin. Le locataire ne devra pas utiliser les places de stationnement réservées aux visiteurs et aux autres locataires de l’immeuble. Le locataire s’engage à ce que les occupants du logement ou ses visiteurs ne stationnent leur véhicule qu’à l’endroit désigné.

  1. Le locataire s’engage à ne pas utiliser la place de stationnement à des fins d’entreposage de véhicules ou d’objets. Le locataire s’engage à la libérer aux fins de déneigement. Le locataire s’engage également à ne pas utiliser la place de stationnement à des fins de réparations ou d’entretiens mécaniques.
  2. Il est interdit d’installer un abri à auto sans avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite du propriétaire.
  3. Il est interdit de brancher un véhicule sur une prise de courant située à l’extérieur du logement, à moins d’avoir l’autorisation écrite du propriétaire.
  1.  TAPISSERIE ET PEINTURE

Le locataire s’engage à ne pas installer de tapisserie ni de papier peint, ni à utiliser de peinture de couleur foncée ou vive sans l’autorisation écrite du propriétaire. Les plafonds doivent conserver leur couleur d’origine. Le locataire est tenu de conserver l’état d’origine de toutes les surfaces non peintes. 

  1.  VENTE-DÉBARRAS

Pour organiser une vente-débarras à l’extérieur de l’immeuble, le locataire devra obtenir l’autorisation écrite du propriétaire.

  1.  AUTRES CONDITIONS

Toute installation de lave-vaisselle ou laveuse doit être faite par un professionnel sinon tout dommage causé par ces derniers seront aux frais du locataire.

L’entreposage dans les aires communes, le terrain et les balcons est interdit.

  1. AVERTISSEMENT

Tout locataire qui ne respecterait pas l’une des clauses ci-dessus s’expose à une résiliation de son bail. »

Droit applicable

[28]     Selon la loi, le locateur a la possibilité de modifier les conditions du bail lors de sa reconduction, s’il donne un avis à cet effet au locataire dans les délais prescrits.

[29]     Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec se lisent comme suit :

« 1942. Le locateur peut, lors de la reconduction du bail, modifier les conditions de celui-ci, notamment la durée ou le loyer; il ne peut cependant le faire que s’il donne un avis de modification au locataire, au moins trois mois, mais pas plus de six mois, avant l’arrivée du terme. Si la durée du bail est de moins de 12 mois, l’avis doit être donné, au moins un mois, mais pas plus de deux mois, avant le terme.

Lorsque le bail est à durée indéterminée, le locateur ne peut le modifier, à moins de donner au locataire un avis d’au moins un mois, mais d’au plus deux mois.

Ces délais sont respectivement réduits à 10 jours et 20 jours s’il s’agit du bail d’une chambre.

1943. L’avis de modification qui vise à augmenter le loyer doit indiquer en dollars le nouveau loyer proposé, ou l’augmentation en dollars ou en pourcentage du loyer en cours. Cette augmentation peut être exprimée en pourcentage du loyer qui sera déterminé par le tribunal, si ce loyer fait déjà l’objet d’une demande de fixation ou de révision.

L’avis doit, de plus, indiquer la durée proposée du bail, si le locateur propose de la modifier, et le délai accordé au locataire pour refuser la modification proposée. »

[30]     En cas de refus du locataire, le locateur peut alors demander au Tribunal d’autoriser la modification demandée dans le mois de la réception du refus :

« 1947. Le locateur peut, lorsque le locataire refuse la modification proposée, s’adresser au tribunal dans le mois de la réception de l’avis de refus, pour faire fixer le loyer ou, suivant le cas, faire statuer sur toute autre modification du bail; s’il omet de le faire, le bail est reconduit de plein droit aux conditions antérieures. »


[31]     D’autres articles du Code civil du Québec régissent la relation juridique entre le locateur et le locataire. Parmi ceux-ci, soulignons l’article 1936 qui prévoit le principe fondamental du maintien dans les lieux et l’article 1941 C.c.Q. qui, quant à lui, prévoit le droit du locataire à la reconduction de plein droit du bail :

« 1936. Tout locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux; il ne peut être évincé du logement loué que dans les cas prévus par la loi.

1941. Le locataire qui a droit au maintien dans les lieux a droit à la reconduction de plein droit du bail à durée fixe lorsque celui-ci prend fin.

Le bail est, à son terme, reconduit aux mêmes conditions et pour la même durée ou, si la durée du bail initial excède 12 mois, pour une durée de 12 mois. Les parties peuvent, cependant, convenir d’un terme de reconduction différent. »

[32]     Selon les règles de preuve du Code civil du Québec, il appartient au demandeur de toute demande en justice de démontrer le bien-fondé de sa demande en faisant une preuve prépondérante :

« 2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu’un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l’existence d’un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n’exige une preuve plus convaincante. »

[33]     En l’instance, il incombe à la locatrice de prouver le bien-fondé de sa demande en établissant les motifs au soutien de la modification au bail demandée et qu’une telle modification ne porte pas atteinte au droit de la locataire au maintien dans les lieux.

[34]     Soulignons que, appelé à juger de la validité d’une clause dont le locateur demande l’ajout au bail, le Tribunal doit évaluer la clause telle que présentée et rédigée dans son ensemble. Il ne lui appartient pas de la modifier ou de la scinder pour la rendre conforme à la loi. 

Analyse et décision

Clauses non applicables

[35]     Le Tribunal est d’avis que la clause 13 est non applicable, car elle concerne l’administration du personnel de la locatrice. Étant de nature administrative, cette clause n’a pas lieu d’être dans le règlement de l’immeuble.

[36]     La clause 14, qui concerne le constat des lieux, est inapplicable et sans objet pour la locataire, qui demeure dans le logement depuis 35 ans.

[37]     La clause 23 est non applicable à la locataire, puisque son bail ne prévoit pas le droit à un espace de stationnement.

Règles prévues par le Code civil du Québec

[38]     En ce qui concerne les clauses 7, 11, 12, 19, 20 et 21, le Tribunal souligne que le Code civil du Québec prévoit des règles traitant des sujets de ces clauses. Leur ajout au bail est donc inutile et redondant, puisque ces clauses ne constituent pas réellement une modification du bail.

Clause 7 : Bon usage des lieux

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence.

1862. Le locataire est tenu de réparer le préjudice subi par le locateur en raison des pertes survenues au bien loué, à moins qu’il ne prouve que ces pertes ne sont pas dues à sa faute ou à celle des personnes à qui il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Néanmoins, lorsque le bien loué est un immeuble, le locataire n’est tenu des dommages-intérêts résultant d’un incendie que s’il est prouvé que celui-ci est dû à sa faute ou à celle des personnes à qui il a permis l’accès à l’immeuble.


1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l’exception des menues réparations d’entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu’elles ne résultent de la vétusté du bien ou d’une force majeure. »

Clause 11 : Clés et serrures

« 1934. Aucune serrure ou autre mécanisme restreignant l’accès à un logement ne peut être posé ou changé sans le consentement du locateur et du locataire.

Le tribunal peut ordonner à la partie qui ne se conforme pas à cette obligation de permettre à l’autre l’accès au logement. »

Clause 12 : Comportement

« 1860. Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail. »

Clause 19 : Modification des lieux

« 1856. Ni le locateur ni le locataire ne peuvent, au cours du bail, changer la forme ou la destination du bien loué.

1891. Le locataire est tenu, à la fin du bail, d’enlever les constructions, ouvrages ou plantations qu’il a faits.

S’ils ne peuvent être enlevés sans détériorer le bien, le locateur peut les conserver en en payant la valeur au locataire ou forcer celui-ci à les enlever et à remettre le bien dans l’état où il l’a reçu.

Si la remise en l’état est impossible, le locateur peut les conserver sans indemnité. »

Clause 20 : Produits dangereux et poêles

« 1919. Le locataire ne peut, sans le consentement du locateur, employer ou conserver dans un logement une substance qui constitue un risque d’incendie ou d’explosion et qui aurait pour effet d’augmenter les primes d’assurance du locateur. »

Clause 21 : Sous-location et cession de bail

« 1870. Le locataire peut sous-louer tout ou partie du bien loué ou céder le bail. Il est alors tenu d’aviser le locateur de son intention, de lui indiquer le nom et l’adresse de la personne à qui il entend sous-louer le bien ou céder le bail et d’obtenir le consentement du locateur à la sous-location ou à la cession. »

Clauses abusives et contraires à la loi

[39]     De l’avis du Tribunal, les clauses suivantes du Règlement de l’immeuble sont abusives et limitent inutilement, voire de manière excessive, la jouissance paisible du logement ou le droit d’usage des aires communes par la locataire : 8, 9, 10 et 15.

[40]     Les clauses 1 et 4 sont également jugées abusives par le Tribunal, puisqu’elles n’indiquent pas quelles sont les conditions permettant l’autorisation par la locatrice pour accéder à la cour et au terrain de l’immeuble, pour installer une antenne, un câblage ou un climatiseur. Ainsi, la locatrice pourrait, malgré une demande formelle de la locataire, refuser d’une manière arbitraire d’autoriser l’installation. Pour ces motifs, le Tribunal refuse l’ajout de ces clauses au bail.

Autres clauses refusées

[41]     Le Tribunal refuse l’ajout de la clause 5, puisque l’obligation de détenir une assurance responsabilité et d’en fournir une preuve à la locatrice, à chaque renouvellement de bail, aurait pour effet d’augmenter indirectement le loyer payé par la locataire.


[42]     La mention Avertissement ne peut être ajoutée au bail.

[43]     Pour tous ces motifs, le Tribunal fait droit à la demande de modification, en partie, refusant l’ajout au bail des clauses 1, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 23 et la mention Avertissement et autorisant l’ajout au bail des clauses 2, 3, 6, 16, 17, 18, 22, 24, 25 et 26 du Règlement de l’immeuble.

LES FRAIS

[44]     La locatrice demande également que la locataire soit condamnée au paiement des frais de la demande.

[45]     La preuve démontre que la locatrice a, par avis de renouvellement du bail, proposé une augmentation de loyer de 18 $, laquelle a été refusée par la locataire. La locatrice a donné accès à la locataire à la grille de calcul, ainsi que les données pertinentes à la fixation, avant l’introduction de la demande au Tribunal administratif du logement.

[46]     En matière de remboursement des frais engagés lors d’une demande de fixation de loyer, le principe veut que ce soit le locateur qui assume les frais introductifs de la demande de fixation. Ce principe est réitéré dans l’affaire A. Rossi buildings c. Bradley[4], maintes fois citée par la jurisprudence subséquente :

« […] en matière de fixation de loyer, le législateur a tarifié le coût de cette demande alors que le locateur exerce un recours prévu par la loi qui constitue le seul moyen de fixer l’augmentation à laquelle il peut avoir droit. Par ailleurs, le locataire a parallèlement exercé son option de refuser l’augmentation demandée et ce faisant, il exerce lui-même un droit conféré par la loi. 

C’est pourquoi, lorsque la Régie statue sur une telle demande, elle détermine l’augmentation à laquelle le locateur a droit sans blâmer pour autant le locataire d’avoir contesté et dans la majorité des cas, le locateur doit assumer le coût de cette procédure. »

[47]     Cela dit, le Tribunal administratif du logement a établi, dans la même affaire, les critères applicables pour déroger au principe général. Ainsi, pour réussir à récupérer les frais de la demande, le locateur doit en premier lieu, avant même de déposer sa demande, établir qu’il a tenté de négocier avec le locataire, notamment en lui donnant accès aux données pertinentes à la fixation de loyer et, en second lieu, il doit obtenir par la décision une augmentation égale ou supérieure à celle demandée dans son avis.

[48]     Le Tribunal souligne que les critères susmentionnés sont cumulatifs et qu’il appartient à la locatrice d’établir, à la satisfaction du Tribunal, ces deux éléments factuels pour réussir à récupérer les frais déboursés pour l’introduction de sa demande au Tribunal.

[49]     Dans une autre décision[5] rendue en révision par le Tribunal administratif du logement, les juges administratives Francine Jodoin et Christine Bissonnette précisent les balises jurisprudentielles en matière de condamnation du locataire aux frais introductifs de la demande. Elles s’expriment comme suit :

« [36]  Par ailleurs, le Tribunal a dû se pencher sur diverses situations qui lui étaient présentées pour décider s'il y avait lieu de condamner le locataire à rembourser les frais au locateur.

[37]  Tentant d’endiguer une certaine pratique où le locataire exerçait son droit de refus de façon déraisonnable, la jurisprudence a développé certaines balises.

[38]  Cette première décision du bureau de révision a identifié certaines exceptions au principe desquelles se dégageaient alors deux critères que le locateur doit remplir pour faire valoir le remboursement aux frais.

[39]  Le premier critère vise à analyser le contexte de négociation entre les parties et les efforts du locateur. La seconde condition est d'obtenir par la décision rendue une augmentation au moins égale à celle qui a été demandée. Or, pour faire l'analyse de ces conditions, le locateur doit offrir une preuve claire et précise dans chaque cas puisqu'il s'agit d'une question de faits.

[40]  À cet égard, c'est à tort que le procureur du locateur indique que la bonne ou la mauvaise foi ou l'attitude générale du locataire n'est pas en cause dans ces négociations, car la jurisprudence citée démontre au contraire que le Tribunal a sanctionné chez le locataire un comportement insouciant ou un refus systématique de négocier par la condamnation aux frais parce qu'il en résultait de sa part, un exercice déraisonnable de son droit en vertu des articles 6, 7 et 1375 du Code civil du Québec qui traitent de la bonne foi et qui se lisent comme suit :

« 6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi. »

« 7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi. »

« 1375. La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant au moment de la naissance de l'obligation qu'à celui de son exécution ou de son extinction. »

[41]  Est-ce à dire que le locateur doit prouver la mauvaise foi du locataire dans chaque cas? Le Tribunal ne croit pas. Il doit cependant démontrer que le locataire n'a pas participé à une négociation légitime alors que de son côté, tous les documents et les explications nécessaires lui ont été fournis pour en venir à un règlement. »

(Soulignements du Tribunal)

[50]     Dans le dossier à l’étude, le Tribunal estime que le mandataire de la locatrice a démontré qu’il a fourni tous les documents pertinents à la fixation avant l’introduction de la demande.

[51]     Toutefois, l’augmentation obtenue par la présente décision est inférieure à celle qui a été proposée par la locatrice dans son avis de renouvellement de bail.

[52]     Étant donné que les critères en matière de remboursement des frais sont cumulatifs, le Tribunal ne peut faire droit à la demande de la locatrice quant aux frais.

[53]     CONSIDÉRANT l'ensemble de la preuve faite à l'audience;

[54]     CONSIDÉRANT qu’un ajustement mensuel de 17,02 $ est justifié;

[55]     CONSIDÉRANT que le Tribunal refuse la modification demandée relative à l’ajout des clauses 1, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 23 et à la mention Avertissement du Règlement de l’immeuble;

[56]     CONSIDÉRANT que le Tribunal autorise la modification demandée relative à l’ajout des clauses 2, 3, 6, 16, 17, 18, 22, 24, 25 et 26 du Règlement de l’immeuble;

[57]     CONSIDÉRANT que la locatrice n’a pas établi qu’il y a lieu de condamner la locataire au paiement des frais introductifs de la demande;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[58]     FIXE le loyer, après arrondissement au dollar le plus près, à 336,00 $ par mois, du 1er juillet 2022 au 30 juin 2023;

[59]     REJETTE la demande de modification du bail relative à l’ajout des clauses 1, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 19, 20, 21, 23 et à la mention « Avertissement » du Règlement de l’immeuble;

[60]     AUTORISE la demande de modification du bail relative à l’ajout des clauses 2, 3, 6, 16, 17, 18, 22, 24, 25 et 26 du Règlement de l’immeuble;

[61]     Les autres conditions du bail demeurent inchangées.

[62]     La locatrice supporte les frais de la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Shuang Shuang, greffière spéciale

 

Présence(s) :

le mandataire de la locatrice

le mandataire de la locataire

Date de l’audience : 

19 juillet 2022

 

 

 


[1] RLRQ, c. T-15.01, r. 2.

[2] Article 2836 C.c.Q. : « Les écrits visés par la présente section peuvent être contredits par tous moyens. »

[3] Préc., note 1.

[4] R.L. révision Montréal 31-040416-297-V-041221, le 1er février 2007, rr. Bernard et Bissonnette.

[5] Capital Augusta inc. c. Faye, 2011 QCRDL 12803.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.