Décision

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Décision

Yu c. Grimard

2020 QCTAL 4081

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Montréal

 

No dossier :

511073 31 20200228 T

No demande :

3055654

 

 

Date :

07 octobre 2020

Devant la juge administrative :

Claudine Novello

 

Mei Hong Yu

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Stéphane Grimard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N

 

 

[1]      La locatrice demande la rétractation d'une décision rendue le 14 août 2020, suite à une audience tenue le 29 juillet 2020, lors de laquelle les deux parties étaient présentes.

[2]      La décision contestée rejette sa demande de résiliation de bail et recouvrement de loyer.

[3]      Au soutien de sa demande, la locatrice allègue qu'elle est insatisfaite de la décision rendue le 14 août 2020. Elle reproche au juge administratif, saisi du dossier, de ne pas l'avoir écouté et d'avoir mal apprécié sa preuve. Aussi, elle prétend ne pas avoir eu l'opportunité de faire valoir l'ensemble de ses moyens de preuve. Plus particulièrement, elle allègue qu’elle souhaitait faire entendre son fils à titre de témoin, ce que la juge administrative a refusé. C’est son fils qui gère la propriété en son absence et il a une connaissance personnelle du dossier ainsi que des défauts et comportements reprochés au locataire.

[4]      Elle souhaite donc reprendre les débats et refaire sa preuve. Elle est d'avis que si elle avait l'opportunité de refaire sa preuve, l'issue du litige serait différente.

[5]      Le locataire conteste la demande en rétractation de la locatrice. Il considère la décision rendue le 14 août 2020 bien fondée en fait et en droit.

[6]      Le recours de la locatrice se fonde sur l'article 89 de la Loi sur la Régie du logement qui se lit comme suit :

« 89. Si une décision a été rendue contre une partie qui a été empêchée de se présenter ou de fournir une preuve, par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante, cette partie peut en demander la rétractation.

Une partie peut également demander la rétractation d'une décision lorsque la Régie a omis de statuer sur une partie de la demande ou s'est prononcée au-delà de la demande.

La demande de rétractation doit être faite par écrit dans les dix jours de la connaissance de la décision ou, selon le cas, du moment où cesse l'empêchement.

La demande de rétractation suspend l'exécution de la décision et interrompt le délai d'appel ou de révision jusqu'à ce que les parties aient été avisées de la décision. »


[7]      Dans les faits, ce que demande la locatrice, c'est d'apprécier la justesse de la décision rendue par le juge administratif saisi du dossier, ainsi que l'analyse de la preuve faite par ce dernier.

[8]      Or, l'appréciation de la preuve relève de l'entière discrétion du juge qui préside le procès.

[9]      À ce sujet, l'honorable juge Desjarlais, dans la cause Fairway House Enr. c. Wolofsky([1]) mentionne :

« L'empêchement de présenter une preuve qui origine du refus d'un juge d'entendre un témoignage qu'il ne juge pas pertinent ne peut faire l'objet d'une demande de rétractation mais plutôt d'une demande d'appel. On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence: celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement qu'à la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer.

Dans cette cause, on a demandé à un régisseur de la Régie du logement de prononcer la rétractation d'une décision d'un autre régisseur qui a refusé d'entendre la preuve d'un témoin qu'il jugeait inutile.

Ce n'était pas de la compétence du régisseur siégeant en rétractation de juger du bien-fondé de la décision de son collègue qui, au mérite, a décidé de ne pas entendre un témoin mais plutôt au palier supérieur en l'instance, le tribunal de révision, puisqu'il s'agit de réajustement de loyer, suivant la Loi sur la fiscalité municipale, à décider s'il doit entendre ce témoin et à s'exécuter, s'il y avait lieu. »

[10]   Considérant que les motifs invoqués par la locatrice ne donnent pas ouverture à la rétractation, sa demande doit être rejetée.

[11]   De plus, l'insatisfaction d'une partie face à une décision rendue ne constitue pas un motif de rétractation, mais plutôt un motif d'appel.

[12]   À ce sujet, madame Thérèse Rousseau-Houle et Me Martine de Billy([2]), écrivent dans leur traité sur le bail d'un logement:

« L'article 89 ne peut être utilisé à titre d'appel déguisé. Si une partie n'est pas satisfaite de la décision rendue, elle ne peut pas en demander la rétractation afin de présenter une meilleure preuve.

On ne peut en effet demander à la Régie du logement d'accorder la rétractation pour ce motif, car ce serait confier au régisseur siégeant en rétractation une fonction qui va au-delà de sa compétence: celle de juger de la justesse de la décision d'un collègue, une tâche réservée tant à la Cour provinciale siégeant en appel dans les cas prévus à l'article 91 de la Loi sur la Régie du logement siégeant en révision des décisions portant sur une demande dont le seul objet est la fixation, la révision ou le réajustement de loyer. »

[13]   En l'instance, la locatrice n'a pas démontré avoir été empêchée de fournir une preuve par surprise, fraude ou autre cause jugée suffisante et en conséquence, le tribunal ne peut faire droit à sa demande.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[14]   REJETTE la demande de rétractation.

 

 

 

 

 

 

 

Claudine Novello

 

Présence(s) :

la locatrice

le locataire

Date de l’audience :  

21 septembre 2020

 

 

 


 



[1] Fairway House enr. c. Wolofsky, C.Q. 500-02-018264-841, 20 février 1985.

[2] Rousseau-Houle, Thérèse et Martine de Billy, Le bail du logement, Montréal, 1989, Wilson et Lafleur, p. 310.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.