Gavrilova c. Solven Gestion inc. |
2016 QCRDL 29821 |
RÉGIE DU LOGEMENT |
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Bureau dE Montréal |
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No dossier : |
181620 31 20141024 G |
No demande : |
1605339 |
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Date : |
30 août 2016 |
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Régisseure : |
Luce De Palma, juge administrative |
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OLGA GAVRILOVA |
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Locataire - Partie demanderesse |
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c. |
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Solven Gestion Inc. |
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Locateur - Partie défenderesse |
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D É C I S I O N
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[1] Le 24 octobre 2014, la locataire demandait l’exécution en nature de certaines obligations du locateur, de même que l’autorisation de déposer son loyer à la Régie du logement.
[2] Elle demandait également une diminution du loyer payable de l’ordre de 20 % par mois à compter du 1er juillet 2014, avec exécution provisoire et frais.
[3] Il appert de la preuve que la locataire emménageait dans ce logement le 1er février 2010.
[4] Bien que la date de son entrée en fonction n’ait pas été clairement expliquée, il appert également que la locataire occupait ensuite un emploi de concierge pour le locateur, tout en demeurant dans ce même logement.
[5] Au printemps 2014, le locateur mettait fin à tout contrat de conciergerie entre eux, de sorte qu’ils poursuivaient leur relation vertu d’un bail principal de logement à compter du 1er juillet 2014. La durée de celui-là était de 12 mois, moyennant un loyer mensuel de 750 $.
[6] La locataire quittait définitivement ce logement le, ou vers le 28 novembre 2014, alors qu’un incendie se déclarait dans cet immeuble. Le Tribunal comprend par ailleurs que le logement était vidé de tout contenu le 1er janvier 2015 et qu’aucun loyer n’a été payé pour le mois de décembre 2014, étant donné l’état d’inhabilité du logement.
[7] Au soutien de la présente demande, la locataire allègue que du temps de son occupation des lieux, le locateur a fait défaut de remplir ses obligations à son égard, négligeant d’effectuer nombre de réparations nécessaires dans son logement. Qui plus est, allègue-t-elle aussi, la nouvelle concierge de l’immeuble adoptait un comportement inapproprié à son égard et nuisait à sa jouissance des lieux.
[8] La
locataire invoque ainsi les termes des articles
« 1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l'usage pour lequel il est loué, et de l'entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail. »
« 1864. Le locateur est tenu, au cours du bail, de faire toutes les réparations nécessaires au bien loué, à l'exception des menues réparations d'entretien; celles-ci sont à la charge du locataire, à moins qu'elles ne résultent de la vétusté du bien ou d'une force majeure. »
« 1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d'habitabilité; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d'habitabilité est sans effet. »
« 1863. L'inexécution d'une obligation par l'une des parties confère à l'autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l'exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l'inexécution lui cause à elle-même ou, s'agissant d'un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.
L'inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l'avenir. »
[9] Plus amplement, la locataire témoigne d’abord que tout au long de son occupation de ce logement, elle déplorait que celui-ci présentait plusieurs défauts, lesquels diminuaient grandement sa jouissance des lieux et empiraient, avec le passage du temps.
[10] Aussi, le 9 juillet 2014, alors qu’elle cessait d’être la concierge de cet immeuble, expédiait-elle une mise en demeure au locateur, laquelle se lit comme suit :
« Madame, Monsieur,
Nous vivons actuellement dans notre logement et notre immeuble les problèmes suivants :
— La chambre à coucher est insuffisamment chauffée pendant les journées froides.
— Le balcon, rouillé et mal-entretenu, est devenu dangereux car le garde-corps vacille et chancèle.
— La baignoire est en piètre état; le robinet est rouillé et l'émail est abimé. Aussi, la salle de bain se détériore rapidement; la baignoire s'enfonce dans le plancher qui s'écroule avec l'usure.
— Le lavabo dans la cuisine est endommagé et coule de l'eau en permanence.
— L'armoire en dessous du lavabo est aussi en état de dégradation.
— Les planchers sont usés et érodés, et devront être sablés.
— L'eau des robinets dans le logement est de couleur jaunâtre et malpropre. Ceci est inacceptable.
— Le comportement de la concierge à notre égard est inapproprié et nous cause inconvénient et préjudice, affectant négativement, entre autres, la pleine jouissance de notre demeure.
Nous vous mettons en demeure de remédier à ces problèmes dans les dix (10) jours suivants la réception de la présente lettre, à défaut de quoi nous entreprendrons des recours légaux. Un de ces recours pourrait être une requête pour déposer notre loyer à la Régie du logement. » (sic)
[11] Lors de l’audience, la fille et témoin de la locataire, Mlle Elena Gavrilova, reconnaît que le locateur a ensuite apporté des correctifs à un évier et a vu à solidifier la rampe du balcon, mais sans plus.
[12] Elle affirme qu’à leur départ, nombre de problèmes demeuraient entiers.
[13] Elle précise que dans l’ensemble de ce logement de trois pièces et demie, le plancher de bois était dans un état désastreux et nécessitait un sablage depuis fort longtemps.
[14] Elle ajoute que le garde-corps du balcon était toujours empreint de larges traces de rouille.
[15] Dans la salle de bain, elle déplorait que la baignoire présentait également des taches de rouille, plus particulièrement à l’endroit prévu pour le drainage de l’eau. De plus, l’émail du bail était jaune et pelait.
[16] À l’extérieur de l’immeuble, plusieurs morceaux de bois et autres matériaux ou détritus étaient empilés, alors que l’entretien était hautement négligé, malgré des demandes de nettoyage répétées de la part de sa mère.
[17] Dans un autre ordre d’idée, la fille de la locataire ajoute que la concierge en poste à compter du mois de juillet 2014 adoptait une attitude harcelante à leur endroit.
[18] Elle explique que cette dernière avait tendance à les prendre par les épaules et à s’exclamer qu’elles étaient « des sœurs », façon de faire déplacée et qui les exaspérait.
[19] Aussi, le 25 septembre 2014, jugeaient-elles indiqué d’alerter la police, excédées.
[20] Par ailleurs, précise-t-elle, cette concierge n’a plus été revue à l’immeuble à compter du 15 novembre 2014, preuve qu’elle adoptait un comportement inapproprié.
[21] De son côté, le locateur affirme n’être aucunement en faute dans cette affaire et avoir, bien au contraire, rempli tous ses devoirs à l’endroit de la locataire.
[22] En effet, dès qu’il était avisé de ses doléances, le ou vers le 9 juillet 2014, il dépêchait un ouvrier dans son logement.
[23] Ce dernier procédait aux réparations nécessaires, alors que le 24 juillet 2014, la locataire signait un document voulant que la vanité de salle de bain ait été remplacée, que le silicone à la base et autour du bain ait été rajeuni et que la rampe du balcon ait été solidifiée.
[24] Pour lui, l’essentiel des travaux nécessaires était ainsi réalisé, alors que si des traces de rouille se sont formées dans la baignoire ou sur la robinetterie, au fil du temps, sans doute la locataire était-elle en faute, ayant négligé d’utiliser des produits adéquats pour les maintenir en bon état de propreté, avance-t-il.
[25] En ce qui a trait au garde-corps du balcon, les traces de rouille y apparaissant étaient d’ordre purement esthétique et n’empêchaient nullement une pleine utilisation de celui-là.
[26] Quant aux planchers de bois, le locateur, encore là, tient la locataire en grande partie responsable des dégradations de ceux-ci.
[27] Il soumet qu’elle possédait un chat qui a pu l’égratigner, alors qu’un visiteur s’amenait régulièrement chez elle avec deux chiens, ce qui n’aidait certes en rien à la bonne conservation de ce plancher.
[28] Par ailleurs, alors que la locataire se plaignait d’un problème de chauffage, dans sa lettre du 9 juillet 2014, elle ne donnait pas suite à cette doléance, l’automne venu, de sorte qu’il la relançait et lui indiquait souhaiter se rendre inspecter son logis, le 20 novembre.
[29] Cet avis n’a pas eu de suite, vu l’incendie qui endommageait lourdement ce logement.
[30] Eu égard aux relations de la locataire avec l’ancienne concierge, le locateur explique que celles-ci étaient réciproquement tendues.
[31] La locataire ou sa fille adoptaient elles-mêmes une attitude provocatrice à l’endroit de cette dernière, brisant même la porte de son logis, le 25 septembre 2014. Il lui réclamait ensuite le coût de cette porte, alors que c’est à la suite de cet incident que la police intervenait, ce jour-là.
[32] Il nie par ailleurs avoir sommé cette concierge de quitter à cause d’un comportement répréhensible.
[33] La locataire et sa fille réitèrent, quant à elles, avoir réellement été victimes d’une attitude malveillante et harcelante de la part de la concierge.
[34] Elles ne documentent pas leurs doléances au niveau du chauffage, mais insistent sur le fait que la baignoire avait un réel besoin d’entretien, de même que le plancher de bois, niant catégoriquement avoir joué un rôle dans la dégradation de ces items.
[35] Bien au contraire, réitèrent-elles, ils étaient en mauvais état dès le début de leur période de location, alors que seul le passage des ans a contribué à leur importante détérioration. Elles assurent que le locateur ne souhaitait pas y apporter les correctifs nécessaires, simplement parce qu’il n’avait aucune estime pour elles.
[36] Ainsi se résume l’essentiel de la preuve.
[37] Après analyse de celle-ci et délibérations, le Tribunal peut croire, des témoignages de la locataire et de sa fille, de même que des photos produites, que la baignoire et le plancher de bois de ce logement nécessitaient une réfection importante.
[38] En effet, le plancher était dans un état de dégradation avancée et il apparaît improbable que cette dégradation soit l’œuvre d’un chat ou encore de chiens amenés en visite. Il semble plus probable, en effet, que celui-ci, de même que la baignoire, se soient détériorés avec les années, au terme d’un usage normal.
[39] Le locateur aurait donc dû voir à remédier à ces défauts et ce, peu importe que la locataire ait pu accepter ce logement en connaissance de cause, en 2010.
[40] Pour ces défauts jugés significatifs, le Tribunal estime juste et raisonnable d’accorder à la locataire une diminution du loyer payable finale et globale de 300 $ pour la période du 1er juillet au 28 novembre 2014.
[41] En ce qui a trait aux autres doléances de la locataire, la soussignée ne peut les retenir.
[42] D’abord, les autres problèmes dénoncés dans sa mise en demeure du 9 juillet 2014 ont été soit réglés dans les jours suivant cette lettre, soit insuffisamment prouvés.
[43] Quant aux traces de rouille apparaissant sur le garde-corps du balcon, elles étaient davantage d’ordre esthétique que fonctionnel, effectivement, et n’empêchaient nullement la locataire ou sa fille de se servir de ce balcon. Ces défauts, bien que répréhensibles, ne peuvent donc donner lieu à une diminution du loyer additionnelle.
[44] Relativement au comportement de la concierge, le Tribunal conclut davantage à un conflit nourri de part et d’autre qu’à une attitude volontairement inappropriée de la part de cette dernière à l’endroit de la locataire ou de sa fille, et occultée par le locateur, au terme de la preuve très sommaire apportée à cet égard.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[45] DIMINUE le loyer d’une somme finale et globale de l’ordre de 300 $;
Et, en conséquence :
[46] CONDAMNE le locateur à payer à la locataire le somme de 300 $, plus 9 $ à titre de frais de signification;
[47] REJETTE la demande pour tout surplus.
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Luce De Palma |
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Présence(s) : |
la locataire le mandataire du locateur |
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Date de l’audience : |
19 juillet 2016 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.