Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (D.R. et autres) c. Ducharme |
2020 QCTDP 16 |
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TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
BEAUHARNOIS |
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N° : |
760-53-000006-195 |
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DATE : |
28 septembre 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
mario gervais |
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AVEC L’ASSISTANCE DES ASSESSEURES : |
Me Carolina Manganelli Me Myriam Paris-Boukdjadja |
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COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE, agissant dans l’intérêt public et en faveur de D... R..., S... C... et X |
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Partie demanderesse |
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c. |
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jean ducharme |
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Partie défenderesse |
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et |
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D... R... |
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et |
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S... C... |
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Parties victimes et plaignantes |
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et |
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X |
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Partie victime |
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JUGEMENT RECTIFIÉ |
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Article 127 de la Charte des droits et libertés de la personne |
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Des erreurs matérielles se sont glissées dans le jugement rendu le 4 septembre 2020. Compte tenu du paragraphe [163], il n’aurait pas dû être indiqué aux paragraphes [161] et [162] les mentions relatives aux intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle. Ces mentions ont donc été retirées. De plus, dans les informations apparaissant après le dispositif, le nom de la stagiaire agissant pour la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a été omis. Son nom a donc été ajouté.
Le Tribunal rend ce jugement rectifié qui doit se lire ainsi :
[1] La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Commission) allègue qu’en avril 2016, M. Jean Ducharme a refusé de louer un logement à Mme S... C..., à M. D... R... et à leur fils X en raison de la présence du chien d’assistance de ce dernier. Elle soutient que M. Ducharme a ainsi compromis leur droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leur droit de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public, ainsi que de leur droit à la sauvegarde de leur dignité, sans distinction ou exclusion fondée sur le moyen pour pallier le handicap ou l’état civil, contrairement aux articles 4, 10 et 12 de la Charte des droits et libertés de la personne[1] (Charte).
[2] La Commission demande que M. Ducharme soit condamné au versement des sommes suivantes :
Ø 840 $ à Mme C... et 840 $ à M. R... à titre de dommages matériels;
Ø 4 000 $ respectivement à Mme C..., M. R... et X, à titre de dommages moraux;
Ø 500 $ respectivement à Mme C..., M. R... et X à titre de dommages punitifs.
[3] M. Ducharme admet avoir refusé de louer un logement à la famille C...-R.... En revanche, il nie le caractère discriminatoire de ce refus, les véritables motifs étant :
Ø Le manque de transparence de Mme C... et de M. R... et le manque de savoir-vivre de Mme C... qui s’est emportée envers M. Ducharme et l’a expulsé de son domicile;
Ø L’engagement de M. Ducharme auprès d’un autre locataire potentiel.
[4] Selon M. Ducharme, chacun de ces motifs est suffisant pour qu’il refuse de leur louer un logement, et ce, à l’exclusion de toute autre considération.
[5] Subsidiairement, M. Ducharme invoque la crainte que le chien d’assistance ne cause des dommages au plancher du logement, déjà en fin de vie utile, de telle sorte que l’installation d’un nouveau plancher soit nécessaire à plus ou moins brève échéance, entraînant des coûts importants.
1) M. Ducharme a-t-il refusé de louer un logement à Mme C..., M. R... et leur fils en raison de la présence du chien d’assistance de ce dernier, à l’encontre de leurs droits garantis par les articles 4, 10 et 12 de la Charte?
2) Dans l’affirmative, quelle est la réparation appropriée en vertu de l’article 49 de la Charte?
[6] Mme C... et M. R... sont les parents d’un jeune adulte, X, né le [...] 1995. M. R... est curateur à la personne et aux biens de son fils[2].
[7] X est atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques. Ce diagnostic a été émis alors qu’il était âgé de 4 ans. De surcroit, il présente une déficience intellectuelle.
[8] À ce jour, X ne maîtrise pas le langage et communique à l’aide de pictogrammes. Il ne parvient pas à distinguer ses propres émotions de celles qui émanent des personnes qui l’entourent. Il est facilement envahi par ses émotions et éprouve des difficultés à les contrôler. Il peut alors manifester de l’agitation, de l’agressivité ou poser des gestes d’automutilation.
[9] X est dépendant des autres personnes et requiert une supervision constante. Il reçoit de nombreux services spécialisés.
[10] Depuis décembre 2010, la famille bénéficie d’un chien d’assistance de la Fondation Mira (Mira), nommé Z, afin de pallier le handicap de X[3].
[11] Un expert de Mira, M. Noël Champagne[4], a informé le Tribunal que Z est un Labernois[5] de taille moyenne pesant entre 50 à 60 livres. Ce chien a été retenu par Mira en raison de son calme, son doux caractère et son faible taux d’activité. De fait, Z profite de la moindre occasion pour simplement s’étendre et s’assoupir.
[12] Z a été dressé par Mira afin de devenir un chien d’assistance auprès d’une personne aux prises avec un trouble envahissant du développement relevant du spectre de l’autisme. Son pairage avec la famille C...-R... a été accepté une fois produite la documentation officielle confirmant les diagnostics de X.
[13] Ses maîtres sont Mme C... et M. R... qui ont reçu une formation à cette fin. Bien qu’il réponde d’abord aux commandes de ses maîtres, Z peut aussi intervenir de sa propre initiative auprès de X lorsqu’il sent que celui-ci éprouve un malaise.
[14] Z est si proche et utile à X qu’il en est devenu son meilleur ami. Pour les parents, Z est aussi d’une aide précieuse pour intervenir auprès de lui. Les effets concrets de sa présence auprès de X sont :
Ø Elle diminue son anxiété;
Ø Elle facilite son sommeil;
Ø Elle apaise X lorsqu’il s’apprête à perdre le contrôle de ses émotions;
Ø Elle le réconforte et favorise le retour au calme de X lorsqu’il vit un épisode d’agressivité ou de perte de contrôle;
Ø Elle assure la sécurité de X pendant ses déplacements, évitant les dangers et l’empêchant de s’écarter de la ligne de direction;
Ø Elle favorise la socialisation de X, le médaillon Mira porté ostensiblement par Z faisant en sorte de susciter une saine curiosité des passants qui adresseront quelques mots à X et à l’adulte qui le supervise.
[15] En 2016, M. Ducharme est propriétaire d’immeubles comportant un total de 13 logements, dont celui situé au 5380-5386, avenue Charlemagne, dans l’arrondissement de Rosemont-La-Petite-Patrie à Montréal[6]. Les loyers perçus constituent sa principale source de revenus.
[16] Le 2 avril 2016, M. Ducharme publie sur le site Kijiji une annonce[7] offrant la location du logement situé au 5384, avenue Charlemagne à Montréal, avec la mention « autre logement disponible » et « animaux acceptés ».
[17] Au printemps 2016, Mme C... et M. R... sont à la recherche d’un nouveau logement pour leur famille.
[18] Le 2 avril 2016, Mme C... communique avec M. Ducharme. Celui-ci l’informe que 4 logements sont actuellement offerts à la location, certains pour prise de possession immédiate, d’autres à compter du 1er juillet 2016. Un rendez-vous est convenu pour le lendemain, à 16 h, devant l’immeuble 5380-5386, avenue Charlemagne.
[19] À l’heure convenue, Mme C... et M. R... rencontrent M. Ducharme. X et Z sont à la maison sous la supervision d’une amie de la famille. Selon Mme C..., ils se présentent à M. Ducharme en tant que couple avec un enfant à la recherche d’un logement pour la famille. Selon M. Ducharme, Mme C... et M. R... se sont plutôt présentés à lui uniquement en tant que couple.
[20] Mme C... et M. R... visitent avec M. Ducharme 3 des 4 logements qu’il offre en location. Ils jugent inutile de visiter le 4e logement, tant ils sont enthousiastes à l’idée de louer le logement situé au 5380, avenue Charlemagne. Le logement est bien rénové et lumineux. Il est localisé dans un secteur faisant en sorte que la continuité des services spécialisés offerts à X sera assurée.
[21] Mme C... et M. R... font immédiatement part de leur intérêt à M. Ducharme.
[22] Selon Mme C... et M. R..., M. Ducharme, après avoir été informé de leurs revenus d’emploi, leur propose de se rendre à leur domicile afin de signer un bail. En revanche, si M. Ducharme reconnait avoir proposé de se rendre avec eux à leur domicile, ce n’était qu’à la seule fin de compléter le document de pré-location[8], communément désigné l’enquête de crédit.
[23] Dès son entrée à leur domicile, M. Ducharme aperçoit le chien d’assistance qui, pour faire image, l’accueille chaleureusement. Une fois dans la cuisine, M. Ducharme est stupéfait et sous le choc. Il exprime sa préoccupation pour les dommages que le chien pourrait causer au plancher du logement. Mme C... et M. R... lui expliquent avoir recours à un chien d’assistance de Mira auprès de leur fils en raison de ses diagnostics. Ils font monter X qui est dans le sous-sol afin de le présenter à M. Ducharme.
[24] Mme C... et M. R... informent plus en détail M. Ducharme de la nature des diagnostics de leur fils, de ses difficultés, de la vocation d’un chien d’assistance de Mira, du rôle que Z assume au quotidien auprès de X en plus de répondre à toutes ses questions.
[25] M. Ducharme déclare alors : « Je vois bien que vous êtes des bons parents… c’est comme s’occuper d’un bébé toute sa vie… sinon on les place ». Mme C... et M. R... sont blessés par ces propos qu’ils considèrent inappropriés et chargés d’un jugement de valeur. À l’audience, M. Ducharme s’en excuse.
[26] L’atmosphère à domicile s’alourdit considérablement. X, si sensible aux moindres perturbations dans son environnement, démontre de l’inconfort, du stress et de l’anxiété. Il redescend au sous-sol.
[27] Mme C... et M. R... constatent qu’en dépit de leurs explications concernant la condition particulière de leur fils et la présence d’un chien d’assistance, M. Ducharme ne fait que répéter sa préoccupation pour l’état des planchers.
[28] Selon Mme C..., celle-ci demande alors poliment, mais fermement à ce que cesse cette discussion qui se dirige vers une impasse. Selon M. Ducharme, Mme C... s’est plutôt emportée et l’a sommé de quitter leur domicile.
[29] M. Ducharme informe le couple qu’il a besoin d’un peu de temps pour réfléchir à la présence du chien d’assistance et qu’il ne prendra une décision finale qu’après en avoir discuté avec son épouse. Il est convenu qu’il les rappellera pour leur en faire part.
[30] En témoignage, M. Ducharme affirme toutefois que sa décision était alors déjà prise. Mme C... et M. R... lui ayant « menti » en ne lui divulguant pas qu’ils avaient un enfant avec un chien d’assistance, il allait refuser de leur louer un logement. En outre, l’emportement de Mme C... et son expulsion de leur domicile justifiaient également son refus. Le fait d’en référer à son épouse n’était qu’un prétexte pour élégamment quitter les lieux.
[31] Le même jour, M. R... transmet par courriel à M. Ducharme le document de pré-location dûment rempli.
[32] Le 4 avril 2016, M. Ducharme expédie à M. R... un courriel[9] dans lequel il l’avise en des termes laconiques de son refus de leur louer un logement.
[33] En soirée, M. R... téléphone à M. Ducharme afin d’en connaître davantage sur les motifs de son refus. Au préalable, il communique avec Mme R... Ch..., une accompagnatrice de X, afin qu’elle soit présente chez lui et qu’elle enregistre la conversation à l’aide de son appareil I-Phone.
[34] Les principaux éléments du contenu de cet enregistrement[10] seront détaillés dans l’analyse. Toutefois, M. R... reconnaît d’emblée que cet enregistrement est incomplet, ne débutant qu’une fois la conversation en cours depuis 30 secondes à une minute.
[35] Mme Ch... et M. R... ignorent ce qui pourrait être à l’origine de ce délai et ne peuvent qu’émettre des hypothèses. Mme Ch... affirme avoir transmis l’enregistrement tel quel par courriel à M. R....
[36] De son côté, M. R... affirme que la pièce P-8a constitue l’enregistrement tel que reçu, sans qu’il ne l’ait modifié. Il ne manque à cet enregistrement que les propos où il s’identifie et où il exprime son insatisfaction face à ce courriel alors que les parties avaient convenu que M. Ducharme les rappelle pour les informer de sa décision.
[37] M. Ducharme rétorque que l’enregistrement n’est pas représentatif de leur discussion en ce qu’il n’inclut pas plusieurs minutes du début de la conversation. Selon lui, l’enregistrement omet un élément important, soit lorsqu’il demande à M. R... s’il était prêt à assumer l’entière responsabilité pour tous les dommages qui pourraient être causés par le chien. M. R... aurait refusé en soulignant que cette responsabilité incombait au propriétaire et qu’en raison de la présence d’un chien d’assistance, il avait « tous les droits ».
[38] M. R... nie avoir reçu cette proposition de M. Ducharme et nie avoir exprimé qu’il considérait avoir « tous les droits ». Bien au contraire, il considère devoir être « avenant et prudent ». Au surplus, il déclare qu’il dispose d’une assurance couvrant les dommages pouvant être causés par le chien d’assistance.
[39] La conjointe du défendeur, Mme Marylyn Jean, qui n’était en mesure d’entendre que ce que M. Ducharme disait lors de cette même conversation téléphonique, corrobore l’essentiel de ce que ce dernier en rapporte.
[40] Finalement, le logement convoité par Mme C... et M. R... est loué à une étudiante, le 6 avril 2016[11]. M. Ducharme précise que cette personne avait visité le logement le 28 mars 2016 et qu’il s’était engagé à lui louer le logement à condition que sa mère s’en porte caution, condition qui avait été acceptée et qu’il ne restait qu’à formaliser.
[41] Conséquemment, selon M. Ducharme, les discussions sur la location du même logement à la famille C...-R... ne lui étaient utiles que si l’étudiante devait se désister. M. Ducharme reconnaît ne pas avoir divulgué cette information à Mme C... et à M. R..., considérant ne pas avoir à le faire.
III. LE DROIT APPLICABLE
[42] Les dispositions pertinentes de la Charte à la résolution du litige sont :
4. Toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.
10. Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.
12. Nul ne peut, par discrimination, refuser de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.
49. Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnue par la présente Charte confère à la victime le droit d’obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
[43] Le droit au logement constitue un droit social visant à combler un besoin fondamental[12]. Ce droit est reconnu sur le plan international, notamment par son intégration au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[13] qui énonce spécifiquement le droit de toute personne à un logement suffisant. Au surplus, les pays signataires de ce traité s’engagent à ce que ce droit puisse s’exercer sans discrimination[14].
[44] Le Tribunal a rappelé dans plusieurs décisions qu’un logement est un bien ou un service de nature spéciale[15] en ce qu’il réfère à un besoin vital et que chacune des composantes du droit au logement doit s’exercer de manière non discriminatoire[16].
[45] Ainsi, dans Fornella[17], le Tribunal procède à une revue détaillée du droit à l’égalité dans l’exercice du droit au logement, lequel constitue un droit fondamental enchâssé dans divers instruments internationaux. Il déplore que « certains groupes ou individus se heurtent à des difficultés particulières lorsqu’il s’agit d’exercer leur droit à un logement du fait de qui ils sont, de la discrimination ou de la stigmatisation dont ils sont l’objet ou de la combinaison de ces facteurs »[18].
[46] Par ailleurs, l’article 10 de la Charte ne protège pas le droit à l’égalité de façon autonome en ce qu’il « proclame le droit à l’égalité, mais uniquement dans la reconnaissance et l’exercice des droits et libertés garantis [par la Charte] »[19].
[47] Dans la présente affaire, le droit à l’égalité édicté à l’article 10 doit être rattaché à l’article 12 de la Charte qui interdit la discrimination dans la conclusion d’un acte juridique ayant pour objet un bien ou un service ordinairement offert au public, ce qui inclut un bail de logement. Il en résulte que la location d’un logement ne peut être refusée pour un des motifs interdits de discrimination énoncés à l’article 10 de la Charte[20], notamment en raison de l’utilisation d’un moyen pour pallier un handicap ou l’état civil, tel qu’allégué en l’espèce.
[48] Au sujet du motif interdit de discrimination que constitue l’utilisation d’un moyen pour pallier un handicap, le droit d’une personne atteinte d’un trouble envahissant du développement d’avoir recours à un chien d’assistance pour pallier cette déficience est bien établi en jurisprudence[21]. De manière générale pour une personne handicapée ou dans ce cas précis, la présence du chien d’assistance est considérée comme étant une continuité de la personne handicapée dont elle est indissociable afin de préserver son droit à l’égalité[22].
[49] En ce qui concerne l’état civil en tant que motif de discrimination, la jurisprudence du Tribunal considère qu’il y a discrimination fondée sur ce motif lorsqu’une personne, en raison de son état parental, fait l’objet d’un traitement préjudiciable différent en lien avec les caractéristiques particulières de son enfant[23].
[50] En matière de discrimination, l’article 10 de la Charte requiert du demandeur qu’il apporte une preuve prépondérante[24] de trois éléments[25] :
1. une « distinction, exclusion ou préférence »;
2. qui est fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa de cet article;
3. qui a pour effet de « détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne ».
[51] Si ces trois éléments sont établis, il y a alors discrimination prima facie ou à première vue.
[52] Il n’est pas nécessaire que le refus de conclure un bail de location de logement repose uniquement sur un motif de discrimination. Il suffit que le motif discriminatoire ait été un facteur de la décision[26].
[53] La présentation d’une preuve prépondérante à l’égard des trois éléments sera suffisante pour permettre au Tribunal de conclure à la violation de l’article 10 de la Charte, à moins que le défendeur ne présente soit des éléments de preuve réfutant l’allégation, soit une défense la justifiant, ou les deux[27].
[54] En ce qui concerne plus particulièrement la défense de justification, dans la récente affaire El Harrad c. Azizi[28], le Tribunal résume ainsi la charge qui incombe au défendeur :
[57] […] il [le défendeur] doit établir selon la prépondérance des probabilités que sa décision ou sa norme se justifie malgré qu’elle soit préjudiciable au demandeur en raison d’un motif interdit. Développée dans le domaine de l’emploi, la preuve de justification a été étendue aux autres domaines en raison des caractéristiques générales du droit à l’égalité réelle[29].
[58] Pour qu’une mesure a priori discriminatoire soit justifiée, le défendeur doit démontrer que sa décision ou sa norme est[30] :
a. liée de façon rationnelle à la poursuite d’objectifs légitimes; et
b. raisonnablement nécessaire à l’atteinte de ses objectifs parce qu’il lui est impossible de composer avec les personnes qui présentent une caractéristique énumérée à l’article 10 de la Charte, sans subir une contrainte excessive.
[55] En dernier lieu, la Commission plaide non seulement que le défendeur a contrevenu au droit des victimes à l’égalité dans l’exercice du droit protégé par l’article 12 de la Charte, mais aussi dans la reconnaissance de leur droit à la dignité garanti par l’article 4 de la Charte.
[56] Dans l’arrêt Law c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration)[31], la Cour suprême définit le concept de la dignité humaine dans le cadre de l’article 15 (1) de la Charte canadienne des droits et libertés comme suit :
[53] […] La dignité humaine signifie qu’une personne ou un groupe ressent du respect et de l’estime de soi. Elle relève de l’intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. Elle est rehaussée par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent à leurs différences. La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne. […].
[57] Dans Panacci[32], le Tribunal rappelle les fondements de la notion de dignité au sens de la Charte :
[89] La dignité humaine apparaît ainsi comme « la pierre angulaire »[33] de la Charte. En d’autres termes, il s’agit d’une « valeur sous-jacente »[34] à l’ensemble des droits et libertés qui y sont consacrés.
[90] Selon la Cour d’appel du Québec, « la dignité est le respect auquel a droit la personne pour elle-même, en tant qu’être humain et sujet de droit »[35]. La notion de dignité est étroitement liée à celle d’égalité : « Discriminer une personne, c’est porter atteinte au respect qu’elle mérite comme être humain »[36].
[58] En dernier lieu, dans Fornella, le Tribunal réitère avec force que l’accès à un logement est un besoin fondamental qui « est donc au cœur de la reconnaissance de la dignité de toute personne garantie par l’article 4 de la Charte »[37].
IV. L’ANALYSE
1re QUESTION : |
M. Ducharme a-t-il refusé de louer un logement à Mme C..., M. R... et leur fils en raison de la présence du chien d’assistance de ce dernier, à l’encontre de leurs droits garantis par les articles 4, 10 et 12 de la Charte? |
[59] La Commission a fait la démonstration par prépondérance de preuve des faits suivants :
Ø En mars et avril 2016, M. Ducharme offre au public la location de 4 logements, selon le cas, pour occupation immédiate ou à compter du mois de juillet 2016;
Ø L’affichage, via un site internet, mentionne spécifiquement que la présence d’animaux est acceptée;
Ø À la même époque, Mme C... et M. R... sont à la recherche d’un nouveau logement pour y habiter avec leur fils X à partir du 1er juillet 2016. Ils prennent rendez-vous avec M. Ducharme le 3 avril 2016;
Ø X est un jeune adulte atteint d’un handicap au sens de la Charte. Il est atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques. En outre, il présente une déficience intellectuelle. Le handicap de X a de sérieuses conséquences sur le plan psychologique et comportemental. Il reçoit de nombreux services spécialisés pour optimiser son potentiel. X n’est pas autonome et requiert une supervision constante;
Ø X bénéficie depuis le mois de décembre 2010 d’un chien d’assistance nommé Z, dressé et accrédité par la Fondation Mira afin de pallier son handicap. La présence d’un chien d’assistance auprès de X lui facilite grandement la vie, de même qu’à ses parents. Des bienfaits concrets sont observés tels l’apaisement, la réduction du stress et de l’anxiété, un meilleur sommeil et l’augmentation de contacts sociaux;
Ø Lorsqu’il se rend au domicile de Mme C... et de M. R..., M. Ducharme apprend l’existence du chien d’assistance auprès de X. Il est alors sous le choc et sidéré. Il exprime sa réticence à louer un logement à cette famille et sa préoccupation pour les dommages que le chien pourrait causer aux planchers du logement;
Ø Mme C... et M. R... informent M. Ducharme du diagnostic de leur fils, du fait que Z est un chien d’assistance provenant de Mira, de sa vocation et du rôle qu’il assume auprès de leur fils. Ils répondent aux questions de M. Ducharme, tant en ce qui concerne leur fils que le chien d’assistance;
Ø Lorsque M. Ducharme évoque à nouveau ses préoccupations pour ses planchers, ils lui montrent les trois grands tapis déposés à des endroits stratégiques pour éviter les dommages au plancher. Ils invitent également M. Ducharme à contacter leur propriétaire actuel;
Ø Le lendemain, M. Ducharme avise Mme C... et M. R... par courriel de son refus du louer le logement convoité par cette famille.
[60] Examinons maintenant ces éléments de preuve en regard des trois critères requis pour conclure à l’existence d’une discrimination.
[61] En ce qui concerne le premier critère, l’existence d’une « distinction, exclusion ou préférence »[38] est démontrée par le refus de M. Ducharme de conclure avec Mme C... et M. R... un acte juridique, soit un bail de logement pour leur famille.
[62] Quant au deuxième critère, la preuve révèle que ce refus est « fondé sur l’un des motifs énoncés au premier alinéa »[39] de l’article 10 de la Charte, soit l’utilisation par X d’un moyen pour pallier son handicap en recourant à un chien d’assistance provenant de la Fondation Mira. Le Tribunal réitère que le droit d’une personne atteinte d’un trouble envahissant de développement d’avoir recours à un chien d’assistance pour pallier cette déficience est bien établi en jurisprudence[40]. Du même souffle, Mme C... et M. R... sont victimes de discrimination pour ce même motif[41]. En outre, en tant que parents d’un enfant handicapé ayant recours à un chien d’assistance pour y pallier, ils sont affectés et discriminés sur la base de leur état civil par ce refus.
[63] Certes, M. Ducharme a bien tenté de réfuter le motif allégué de son refus. Force est toutefois de constater que son témoignage visant à nier la prise en compte de la présence du chien d’assistance est incohérent, contradictoire et comporte ultimement un aveu de sa part.
[64] M. Ducharme invoque l’importance, en tant que propriétaire, d’entretenir un lien de confiance avec ses locataires. Il mentionne avoir été sidéré que Mme C... et M. R... ne l’aient pas informé lors de leur visite que le logement recherché devait également permettre d’y loger leur fils et un chien d’assistance :
On fait pas des affaires en mentant. On vient de me bouleshitter […] on vient de me conter des histoires, ils me disent qu’ils sont un couple — oui ils sont un couple — mais là je découvre qu’y a un chien, qu’y a un chien qui habite avec eux et un jeune homme d’une carrure impressionnante.[42]
[65] Selon M. Ducharme, il y a eu alors rupture du lien de confiance si essentiel à sa relation avec tous ses locataires qu’il en écarte, dès ce moment, la candidature de cette famille :
Ce qui me dérange, c’est qu’on m’a conté des histoires […] C’est ça qui est important dans la vie, c’est dire la vérité […] moi, ça là, je le prends pas, je le prends pas pantoute, tout de suite en partant, pour moi c’est un turn-off.[43]
[…]
Je ne perçois pas faire des affaires avec ces gens-là - drette-là.[44]
[66] M. Ducharme avance également que lors de la discussion tenue au logement occupé par la famille C...-R..., Mme C... a subitement eu un comportement rude à son endroit et l’a expulsé du domicile. Cette attitude l’a conforté dans sa décision de ne pas leur louer le logement :
On peut pas établir une relation avec des gens qui te mentent et qui, en plus, y te mettent dehors […] Ça marche pas pantoute pantoute pantoute avec moi.[45]
[67] Bref, selon le défendeur, dans son exposé de cause en conférence préparatoire et au début de son témoignage, la présence d’un chien d’assistance pour pallier le handicap de X ne constituait aucunement un facteur dans le refus qu’il a exprimé.
[68] Or, plus loin en témoignage principal et en contre-interrogatoire, M. Ducharme tient des propos on ne peut plus clairs selon lesquels, la présence du chien d’assistance était au cœur de sa décision de ne pas conclure de bail de location avec la famille C...-R....
[69] La description qu’il fait de sa prise en compte de la présence du chien d’assistance s’exprime sous forme d’un crescendo. En expliquant les motifs de son refus, il déclare qu’il s’agissait d’un facteur parmi d’autres dont il a tenu compte pour ensuite en arriver à en faire la considération principale, voire le seul motif de son refus :
Tout ce que je leur reproche, c’est d’avoir menti et de ne pas avoir voulu prendre la responsabilité des dommages que leur chien ferait au logement, c’est uniquement ça.[46]
Si y en a pas de chien, y en a pas de problème, c’est clair, si y a pas de chien, y a pas de problème, on passe à d’autres choses.[47]
Moi-là, j’aimais tellement M. R... […] au téléphone, j’y ai même dit : « si je changeais mon fusil d’épaule puis que je revenais sur votre côté, est-ce que vous seriez prêts à assumer les coûts ? ». Ça été non, pis ça été non.[48]
Prenez-vous la responsabilité des dommages que votre chien va causer, c’est toujours ça — que ce soit en haut, en bas, à côté — c’est toujours ça, c’est toujours ça la priorité pour moi.[49]
[70] En outre, l’enregistrement de la conversation téléphonique entre M. R... et M. Ducharme à la suite de son refus révèle à cet égard :
M. R...: Si je comprends bien, si on avait pas eu de chien, vous nous auriez loué ?
M. Ducharme : Oui bien sûr… bien sûr.[50]
[…]
M. Ducharme : La seule chose c’est l’histoire du chien […] vous êtes de bonnes personnes, chez vous c’est propre, vous êtes des parents exemplaires, par rapport à votre fils, je trouve ça admirable.
[71] Incontestablement, il découle des extraits précités et des aveux de M. Ducharme que la présence d’un chien d’assistance a, à tout le moins, largement contribué à sa décision de refuser la location du logement à cette famille. Or, rappelons qu’il suffit que le motif prohibé de discrimination ait été un facteur ayant mené à la décision pour établir la preuve d’une discrimination[51].
[72] Bien que l’examen du témoignage de M. Ducharme permette à lui seul d’en arriver à cette conclusion, le Tribunal ajoute qu’il n’accorde pas foi à ses propos lorsqu’il prétend que Mme C... et M. R... sont des personnes malhonnêtes qui se seraient présentées à lui uniquement comme un couple à la recherche d’un logement. Il en va de même de sa prétention selon laquelle il aurait été expulsé de leur domicile par Mme C... lorsqu’elle « a pété les plombs ».
[73] À cet égard, M. Ducharme est contredit par Mme C... qui affirme l’avoir informé que le couple était à la recherche d’un logement pour eux-mêmes et leur enfant. De l’avis du Tribunal, le fait de ne pas avoir mentionné, au moment de se présenter, que leur fils était handicapé et qu’il bénéficiait d’un chien d’assistance, avec les discussions de nature très privée que cela peut entraîner, est sans incidence. En acceptant d’accueillir M. Ducharme à leur domicile, il est évident que Mme C... et M. R... n’entendaient pas dissimuler ce fait, à plus forte raison dans le contexte où l’annonce de la disponibilité du logement pour location mentionnait expressément que les animaux étaient acceptés.
[74] D’autre part, tant Mme C... que M. R... mentionnent que l’intervention de Mme C..., visant à mettre fin à une conversation qui tournait en rond devant la fermeture de M. Ducharme, a été faite de manière polie, mais ferme. Jamais M. Ducharme n’a-t-il été expulsé de leur résidence. En cela, les témoignages de Mme C... et de M. R... sont conformes à ce que Mme C... dégage comme personne en observant son témoignage, soit de la bienveillance et de la délicatesse.
[75] En dernier lieu, il est inconcevable que M. Ducharme ait véritablement considéré Mme C... et M. R... comme des personnes qui lui ont menti — faute capitale en ce qui le concerne — et qui ont manqué de savoir-vivre à son endroit, à l’encontre de ses valeurs les plus profondes, alors qu’il n’a eu cesse d’exprimer lors de la conversation téléphonique enregistrée ou lors de son témoignage combien il trouvait regrettable de ne pouvoir louer à de si bonnes personnes, qu’il aime tant et qui sont si admirables.
[76] Le Tribunal conclut que la présence d’un chien d’assistance pour pallier le handicap de X a été le facteur principal, voire le seul motif du refus de M. Ducharme de louer un logement au bénéfice de la famille C...-R....
[77] Quant au troisième critère, la « distinction, exclusion ou préférence » — « fondée sur l’un des motifs énoncés au premier alinéa de l’article 10 de la Charte » — doit avoir comme effet « de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne »[52].
[78] M. Ducharme allègue qu’il n’a pas compromis le droit de cette famille d’être traitée en pleine égalité dans l’exercice de son droit de conclure un bail de logement, au motif s’était déjà engagé à louer le logement convoité à une autre personne. Certes, a-t-il discuté de la location du logement avec Mme C... et M. R.... Toutefois, il ne les considérait que comme solution de rechange, « de bons deuxièmes » si cette personne devait se désister.
[79] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bernucci[53] et dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Côté) c. Bergeron[54], le Tribunal a déjà statué qu’un tel argument est sans fondement.
[80] L’affaire à l’étude met en cause un acte juridique essentiel, soit un bail de logement. L’objectif poursuivi par l’article 12 de la Charte est clair, soit celui d’interdire la discrimination empêchant la conclusion d’un acte juridique, tel un bail de logement.
[81] De l’avis du Tribunal, un locateur ne peut se retrancher derrière le fait qu’il s’était déjà engagé auparavant envers une autre personne pour éluder sa responsabilité. Les droits et libertés protégés par la Charte s’appliquent en tout temps et à toutes les étapes des discussions entre un propriétaire et les locataires potentiels, incluant lorsque ceux-ci ne sont considérés qu’à titre de « bons deuxièmes ».
[82] Concrètement, cela signifie qu’indépendamment du fait que pour M. Ducharme, la famille C...-R... ne constituait qu’une solution de rechange en cas de désistement de la personne à qui le logement avait été promis, il lui était formellement interdit de faire une sélection discriminatoire. Que ce soit à leur égard ou envers toute autre personne, M. Ducharme ne pouvait écarter une candidature de réserve en raison de la présence d’un chien d’assistance pour pallier un handicap ni, par hypothèse, de la couleur de la peau, de l’orientation sexuelle ou de tout autre motif prohibé énoncé à l’article 10 de la Charte.
[83] En l’occurrence, leur droit à l’égalité dans l’exercice du droit de conclure un acte juridique est compromis par le refus de M. Ducharme de leur louer le logement qu’ils convoitaient. En écartant la candidature de cette famille en tant que locataire d’un logement qu’il offrait au public, en raison de la présence du chien d’assistance, il a clairement refusé « de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public », à l’encontre de l’article 12 de la Charte.
[84] En dernier lieu, M. Ducharme prétend que son refus était justifié et légitime en ce que la présence du chien d’assistance risquait d’entraîner des dommages à sa propriété, particulièrement aux planchers de bois du logement qui étaient en fin de vie utile. À défaut de pouvoir les sabler, les coûts de remplacement s’avèreraient onéreux.
[85] La position de M. Ducharme, locateur d’expérience, doit être évaluée en regard des droits et obligations qui incombent aux locateurs et aux locataires, en vertu du Code civil du Québec, et qui sont pertinents à la résolution du litige :
1854. Le locateur est tenu de délivrer au locataire le bien loué en bon état de réparation de toute espèce et de lui en procurer la jouissance paisible pendant toute la durée du bail.
Il est aussi tenu de garantir au locataire que le bien peut servir à l’usage pour lequel il est loué, et de l’entretenir à cette fin pendant toute la durée du bail.
1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence.
1890. Le locataire est tenu, à la fin du bail, de remettre le bien dans l’état où il l’a reçu, mais il n’est pas tenu des changements résultant de la vétusté, de l’usure normale du bien ou d’une force majeure.
L’état du bien peut être constaté par la description ou les photographies qu’en ont faites les parties ; à défaut de constatation, le locataire est présumé avoir reçu le bien en bon état au début du bail.
1910. Le locateur est tenu de délivrer un logement en bon état d’habitabilité ; il est aussi tenu de le maintenir ainsi pendant toute la durée du bail.
La stipulation par laquelle le locataire reconnaît que le logement est en bon état d’habitabilité est sans effet.
1911. Le locateur est tenu de délivrer le logement en bon état de propreté ; le locataire est, pour sa part, tenu de maintenir le logement dans le même état.
Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté.
[86] Entre autres obligations, le locateur doit fournir au locataire un logement dans un état convenable, l’entretenir et lui en procurer la jouissance paisible pendant la durée du bail.
[87] Quant au locataire, s’il dispose d’un droit d’usage, celui-ci doit être exercé de manière raisonnable, avec prudence et diligence. Le locataire doit maintenir le logement en bon état de propreté. Il doit se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance paisible des autres locataires ou du locateur. Au terme du bail, il doit remettre le logement dans le même état qu’il l’a reçu, exception faite de l’usure normale.
[88] Juxtaposons à ce qui précède les propos précités de la décision El Harrad c. Azizi[55] :
[58] Pour qu’une mesure a priori discriminatoire soit justifiée, le défendeur doit démontrer que sa décision ou sa norme est :
a. liée de façon rationnelle à la poursuite d’objectifs légitimes; et
b. raisonnablement nécessaire à l’atteinte de ses objectifs parce qu’il lui est impossible de composer avec les personnes qui présentent une caractéristique énumérée à l’article 10 de la Charte, sans subir une contrainte excessive.
[89] Ces deux étapes étant cumulatives, le défaut de M. Ducharme de satisfaire à l’une ou l’autre amènera le Tribunal à rejeter sa défense de justification.
[90] Concernant la première étape, la mise à l’écart de la famille C...-R... en raison de la présence d’un chien d’assistance de la Fondation Mira, dans le seul souci de maintenir l’état actuel des planchers, poursuivait-elle un objectif légitime dans le contexte de la présente affaire?
[91] Le Tribunal répond à cette question par la négative.
[92] Fin de vie utile ou non, si tous les propriétaires devaient partager aussi fortement la préoccupation rigide de M. Ducharme pour l’état de ses planchers, le résultat serait que cette famille comme toute personne disposant des services d’un chien d’assistance pour pallier un handicap, par hypothèse une personne non voyante, se trouveraient brutalement à la rue.
[93] Or, le Tribunal le répète, le logement est un bien ou un service de nature spéciale, répondant à un besoin fondamental et vital qui se retrouve au cœur de la reconnaissance de la dignité de la personne.
[94] L’écoute de l’enregistrement de la conversation téléphonique entre M. R... et M. Ducharme à la suite de la réception du courriel de refus est troublante. En désarroi, M. R... a tenté de sensibiliser M. Ducharme à la situation dans laquelle sa famille se retrouverait si tous les propriétaires devaient agir de la sorte. En guise de réponse, M. Ducharme l’a timidement invité à s’acheter une maison, ce qui lui permettrait « de faire ce qu’il veut ». Or, toute personne a le droit de choisir la manière dont il souhaite se loger, que ce soit à titre de propriétaire de sa résidence ou en tant que locataire[56].
[95] M. Ducharme échouant à démontrer que sa décision d’exclure la famille C...-R... était rationnellement liée à la poursuite d’un objectif légitime, sa défense de justification doit être rejetée.
[96] Cela dit, bien que cette conclusion suffise pour conclure que le refus de M. Ducharme n’était pas justifié, sa défense échouerait également à la deuxième étape. Celle-ci consiste à répondre à la question : la mise à l’écart de la famille C...-R... en raison de la présence d’un chien d’assistance de la Fondation Mira dans le seul souci de maintenir l’état actuel des planchers était-elle nécessaire en ce qu’il était « impossible de composer avec les personnes qui présentent une caractéristique énumérée à l’article 10 de la Charte [présence d’un chien d’assistance pour pallier un handicap], sans subir une contrainte excessive »?
[97] À ce sujet, mentionnons brièvement que dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard)[57], la Cour d’appel énonce qu’à cette étape, l’existence d’une contrainte est insuffisante en elle-même[58] et qu’il appartient au défendeur « d’accommoder [la personne visée par le refus] en vue d’atténuer ces risques, et ce, à la limite de la contrainte excessive »[59].
[98] Dans l’arrêt Grismer[60], la Cour suprême précise que dans toute affaire mettant en cause les droits fondamentaux d’une personne, le défendeur doit établir qu’il ne pouvait offrir à cette dernière une mesure d’accommodement « sans qu’il en résulte une contrainte excessive, que cette contrainte revête la forme d’une impossibilité, d’un risque grave ou d’un coût exorbitant »[61].
[99] M. Ducharme témoigne qu’il a proposé à M. R... de s’engager à assumer tous les dommages qu’aurait pu causer le chien d’assistance. En ce cas, il aurait accepté la location du logement. Comme M. Ducharme l’a mentionné à plusieurs reprises dans son témoignage, si les planchers en fin de vie utile devaient être égratignés par le chien d’assistance, cela signifiait que le couple C...-R... devrait payer les frais pour l’installation d’un plancher neuf.
[100] Cette affirmation de M. Ducharme, si elle devait être retenue par le Tribunal, entraînerait l’analyse de cette proposition sous l’angle de l’accommodement raisonnable et de la contrainte excessive.
[101] Or, M. R... nie avoir reçu une telle proposition. Il indique qu’il dispose d’une assurance responsabilité pour les dommages qu’aurait pu causer le chien d’assistance. En outre, Mira est également titulaire d’une assurance responsabilité similaire.
[102] Le Tribunal doit donc évaluer ces témoignages contradictoires. Ce faisant, il doit tenir compte de tous les éléments intrinsèques et extrinsèques aux témoignages de M. R... et de M. Ducharme. Certaines qualités d’un témoignage relèvent du témoin lui-même dans sa façon de témoigner, dans son attitude, sa capacité d’observation et de se rappeler des événements. D’autres apparaissent dans les propos du témoin, ses nuances, ses réticences, son souci de répondre franchement et complètement aux questions, ses contradictions et ses omissions. Enfin, il y a lieu d’examiner les éléments de corroboration et la compatibilité du témoignage en regard de l’ensemble de la preuve.
[103] En l’occurrence, le Tribunal préfère nettement le témoignage de M. R.... Celui-ci a témoigné sobrement, sans vindicte. Il a rendu un témoignage dégageant de la franchise, de la sincérité et de l’honnêteté. Le récit est livré avec clarté, précision et cohésion. Les réponses aux questions sont exprimées sans réticence ni contradiction et dénotent un souci d’y répondre de manière complète. Tous ces éléments contribuent à rendre le témoignage de M. R... digne de foi.
[104] Quant à M. Ducharme, le Tribunal a conclu précédemment qu’il a tenté de dissimuler sa prise en compte de la présence du chien d’assistance dans son refus de louer le logement, ce qui affecte gravement sa crédibilité.
[105] En outre, la crédibilité du témoignage de M. Ducharme a été entachée lorsque le Tribunal a écarté sa version sur les aspects suivants :
Ø Lorsqu’il décrit Mme C... et M. R... comme étant des personnes malhonnêtes qui se seraient présentées à lui uniquement comme un couple à la recherche d’un logement;
Ø Lorsqu’il mentionne avoir été expulsé de leur domicile par Mme C... lorsqu’elle « a pété les plombs ».
[106] Quant au témoignage de la conjointe de M. Ducharme, Mme Jean, visant à corroborer son témoignage sur le contenu de la conversation téléphonique qu’il a eue avec M. R..., le Tribunal ne doute pas de sa sincérité. Il en va toutefois autrement de sa fiabilité :
Ø La conversation du 4 avril 2016 entre M. Ducharme et M. R... se déroule alors que Mme Jean ne peut entendre que les propos tenus par M. Ducharme, ladite conversation n’ayant pas été tenue en mode mains libres;
Ø Mme Jean n’est pas dans la même pièce, mais dans le salon adjacent;
Ø Mme Jean n’a pas indiqué dans son témoignage avoir porté une attention particulière à l’écoute de cette conversation téléphonique ni énoncé un motif qui aurait pu faire en sorte qu’il en soit ainsi;
Ø Mme Jean n’a pas mentionné avoir pris de notes, que ce soit à ce moment ou à compter du moment où elle a été informée qu’une enquête de la Commission était déclenchée;
Ø Mme Jean rapporte de mémoire les propos que pourrait avoir tenus M. Ducharme il y a quatre ans.
[107] En outre, Mme Jean déclare que M. Ducharme s’est enquis auprès de M. R... s’il était titulaire d’une assurance-responsabilité qui aurait pu couvrir les dommages au plancher, ce dont M. Ducharme n’a jamais traité dans son témoignage pourtant fort détaillé sur le contenu de cette conversation.
[108] Pour le Tribunal, sans remettre en question la bonne foi de Mme Jean, les circonstances laissent raisonnablement croire qu’elle fait un amalgame entre les propos tenus par son conjoint lors de cette conversation téléphonique et ceux qu’il lui aurait tenus à divers moments depuis le déclenchement de l’enquête de la Commission jusqu’à ce jour.
[109] Le Tribunal conclut que M. Ducharme n’a jamais proposé à M. R... qu’il s’engage à assumer tous les frais qui auraient découlé des dommages causés par le chien d’assistance.
[110] Conséquemment, M. Ducharme échoue à cette deuxième étape, n’ayant pas ni même tenté de remplir son obligation d’accommodement raisonnable.
[111] Au terme de l’analyse, le Tribunal conclut que Mme C... et M. R... ont été victimes de discrimination fondée sur le moyen de pallier le handicap de leur fils de même que sur l’état civil en tant que parents de X, lui-même victime de discrimination fondée sur la présence du chien d’assistance qui constituait un moyen pour pallier son handicap, en raison du refus de M. Ducharme de conclure un bail de logement, le tout, en contravention avec les articles 10 et 12 de la Charte.
[112] Le fait qu’un refus discriminatoire puisse porter atteinte aux droits fondamentaux de plus d’une personne est notamment reconnu par la Cour d’appel dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté[62].
[113] Dans cette affaire, les propriétaires d’un gîte touristique avaient refusé la location d’une chambre aux parents (incidemment, il s’agissait de Mme C... et de M. R...) d’un enfant (X) atteint d’un trouble envahissant du développement avec traits autistiques au motif que la présence d’animaux était interdite. Profitant d’une période de repos pendant que leur fils séjournait dans un centre spécialisé, la Fondation Mira avait avisé les parents que le chien d’assistance (Z) de leur fils devait absolument demeurer en leur présence. La Cour d’appel a conclu que chacun des parents avait été victime de discrimination fondée sur le moyen de pallier le handicap de leur fils, pour ensuite leur accorder une compensation pour les dommages moraux qu’ils ont subis.
[114] Par ailleurs, bien que seuls Mme C..., M. R... et M. Ducharme seraient intervenus à l’acte juridique si un bail de logement avait été conclu, cette conclusion juridique ne remet nullement en question le statut de victime de X.
[115] Rappelons que la Charte, en raison de son statut de loi quasi constitutionnelle, doit faire l’objet d’une interprétation large et libérale « de manière à réaliser les objets généraux qu’elle sous-tend de même que les buts spécifiques de ses dispositions particulières »[63]. La Charte est donc une loi fondamentale qui « commande une interprétation “généreuse”, “contextuelle”, “téléologique” et “évolutive” »[64].
[116] En outre, l’interprétation des dispositions de la Charte doit s’harmoniser avec « les autres dispositions de la loi, les lois connexes, l’objectif poursuivi par la loi et par la disposition spécifique, ainsi que les circonstances qui ont amené l’énonciation du texte »[65].
[117] Force est de constater que X, plus particulièrement la présence d’un chien d’assistance pour pallier son handicap, est au cœur du refus discriminatoire de M. Ducharme. Bien que n’étant pas une partie contractante au bail, le logement convoité était tout autant pour son bénéfice que pour celui de ses parents. Les droits fondamentaux en cause violés par ce refus discriminatoire sont exactement les mêmes pour X et ses parents et donnent droit à une réparation.
[118] Cette conclusion du Tribunal est conforme à la position énoncée dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Stoneham-et-Tewkesbury (Municipalité de cantons unis)[66]. Dans cette affaire, une municipalité avait refusé l’inscription d’une enfant handicapée dans un camp de jour. Le Tribunal a conclu que le fait que l’interlocutrice de la municipalité sur le plan factuel et juridique ait été la mère de l’enfant et non l’enfant elle-même n’empêchait pas celle-ci de bénéficier de la protection de l’article 12 de la Charte en tant qu’utilisatrice du service offert par la Municipalité.
[119] Dans le même sens, dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dalir et autres) c. Québec (Ville de)[67], le Tribunal a conclu à l’existence d’un refus discriminatoire de la Ville d’inscrire un enfant handicapé au sein de son « programme de soutien à la participation de l’enfant présentant une incapacité ou un trouble du comportement », en violation des droits de l’enfant et de ses parents édictés aux articles 4, 10 et 12 de la Charte.
[120] La Commission allègue également que Mme C..., M. R... et X ont subi une atteinte discriminatoire à leur droit à la sauvegarde de leur dignité.
[121] Cette allégation de la Commission est bien fondée. Tel que nous l’avons vu précédemment, la dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelle qui n’ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites d’une personne. Or, en raison de la présence de Z, qui constituait un moyen pour pallier le handicap de X, les membres de la famille C...-R... ont été privés de la possibilité de louer le logement qui leur convenait et qui répondait à leurs besoins. Il ressort du témoignage de Mme C... et de M. R... que ces derniers ont été peinés et frustrés de cette situation. Ils ont tous les deux exprimé le sentiment d’injustice ainsi que le désarroi qu’ils ont vécus, alors que X a démontré du stress et de l’anxiété à la fin de la visite du défendeur chez lui.
[122] Prenant en considération cette preuve et compte tenu de l’existence d’un lien étroit entre le droit au logement et le respect de la dignité d’une personne, le Tribunal conclut que Mme C..., M. R... et X ont également subi une atteinte discriminatoire à leur droit à la sauvegarde de leur dignité prévu à l’article 4 de la Charte.
2e QUESTION : |
Quelle est la réparation appropriée en vertu de l’article 49 de la Charte? |
[123] La réclamation de la Commission pour les dommages matériels encourus par Mme C... et M. R..., en raison du refus discriminatoire de M. Ducharme de leur louer un logement, est de 840 $ à chacun d’entre eux en compensation des coûts excédentaires du bail du logement de remplacement.
[124] La preuve révèle que Mme C... et M. R... ont signé le 10 avril 2016 un bail pour occuper un logement situé dans le même arrondissement comportant un loyer mensuel de 945 $[68]. Or, le loyer mensuel du logement offert par M. Ducharme était de 825 $[69]. La somme excédentaire assumée par Mme C... et M. R... est donc de 1 440 $ (120 $ par mois X 12 mois).
[125] La réclamation de la Commission en compensation des dommages matériels subis par Mme C... et par M. R... est fondée jusqu’à concurrence de ce dernier montant, ce qui correspond à 720 $ pour Mme C... et 720 $ pour M. R....
B. Les dommages moraux
[126] La Commission réclame que M. Ducharme soit condamné à verser à Mme C..., à M. R... et à X une somme de 4 000 $ respectivement en compensation des dommages moraux qu’ils ont subis.
[127] L’évaluation des dommages moraux constitue un exercice difficile, voire arbitraire dans une large mesure. Néanmoins, d’importants repères ont été établis en jurisprudence afin d’encadrer cette évaluation.
[128] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (X) c. Commission scolaire de Montréal[70], la Cour d’appel écrit :
[63] L’exercice consistant à traduire le préjudice moral en dommages, c’est-à- dire en termes monétaires, est toujours délicat. Comme l’écrit le juge Vézina dans Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, « [m] esurer le dommage moral et l’indemnité conséquente constitue une tâche délicate forcément discrétionnaire », presque arbitraire, serait-on tenté d’ajouter. Or, ce qui est vrai en matière de diffamation fondée sur un motif discriminatoire, comme c’était le cas dans Calego, ne l’est pas moins dans une affaire comme celle de l’espèce, surtout lorsque le préjudice allégué se rattache à la peine, l’angoisse, etc., et qu’il est donc principalement d’ordre affectif. […]
(Références omises)
[129] Dans Bou Malhab c. Métromédia CMR Montréal inc.[71], la Cour d’appel mentionne :
[63] Que le préjudice moral soit plus difficile à cerner ne diminue en rien la blessure qu’il constitue. J’irais même jusqu’à dire que parce qu’il est non apparent, le préjudice moral est d’autant plus pernicieux. Il affecte l’être humain dans son for intérieur, dans les ramifications de sa nature intime et détruit la sérénité à laquelle il aspire, il s’attaque à sa dignité et laisse l’individu ébranlé, seul à combattre les effets d’un mal qu’il porte en lui plutôt que sur sa personne ou sur ses biens.
[130] Mentionnons enfin que les trois décisions les plus récentes du Tribunal en matière de refus discriminatoire de conclure un bail de logement ont octroyé les montants suivants en compensation pour les dommages moraux subis par la victime :
Ø Fornella[72], 5 000 $;
Ø Taoussi c. Taranovskaya Tsarevsky[73], 5 000 $;
Ø Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Pellerin) c. A. Viglione & Frère inc.[74], 3 000 $.
[131] En l’espèce, Mme C... et M. R... ont été blessés et choqués par le refus de M. Ducharme de conclure avec eux un bail de logement pour un motif discriminatoire. Ils ont vécu un sentiment d’injustice et d’incompréhension alors qu’ils avaient bien pris le soin d’expliquer à M. Ducharme la condition particulière de leur fils et la vocation du chien d’assistance pour pallier son handicap.
[132] Ces sentiments ont aussi été accentués par le fait qu’ils ont eu à reprendre les démarches en vue de se procurer un logement avec les difficultés qui en découlent, particulièrement en ce qui concerne le gardiennage de X et la continuité des services spécialisés offerts à leur fils sur un territoire donné et délimité.
[133] Le Tribunal conclut que Mme C... et M. R... ont subi un préjudice moral sérieux justifiant une compensation de 4 000 $ pour chacun d’entre eux.
[134] Qu’en est-il de X maintenant ?
[135] La preuve révèle que X, en raison de son handicap, ne pouvait avoir connaissance du refus discriminatoire de la part de M. Ducharme, ni même de la démarche de ses parents visant le déménagement de la famille. Est-ce pour autant un élément faisant échec à la réclamation?
[136] Dans Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[75], la Cour d’appel indique :
[138] C’est l’article 49 de la Charte qui prévoit l’attribution de dommages matériels, moraux et exemplaires lorsqu’il y a atteinte au droit à l’égalité. Lorsqu’une personne est victime d’une atteinte illicite à un droit ou une liberté fondamentale, elle a droit d’obtenir une compensation monétaire. Toutefois, le préjudice allégué doit être prouvé.
[137] Cet énoncé exigeant dans tous les cas la preuve d’un préjudice semble incomplet en lui-même et doit être nuancé à la lumière des propos tenus par la Cour suprême dans l’arrêt St-Ferdinand[76] :
[67] […] On peut par ailleurs envisager une partie du préjudice extrapatrimonial dans sa matérialité, en insistant sur son caractère visible et tangible. Cette analyse n’exclut pas la notion subjective du préjudice moral. En fait, elle s’y ajoute. Son aspect essentiel, c’est la reconnaissance de l’existence d’un préjudice extrapatrimonial objectif et indépendant de la souffrance ou de la perte de jouissance de la vie ressentie par la victime. Dans cette perspective, le préjudice est constitué non seulement de la perception que la victime a de son état, mais aussi de cet état lui-même. […]
(Soulignements reproduits)
[138] Dans Kerdougli c. La Vie en Rose inc., soit une affaire de processus d’embauche discriminatoire, le Tribunal retient de l’arrêt St-Ferdinand ce qui suit[77] :
[48] Dans l’arrêt St-Ferdinand, la juge L’Heureux-Dubé écrit que l’évaluation des dommages moraux comporte non seulement un volet subjectif, décrit ci-dessus, mais également un volet objectif qui est en quelque sorte indépendant de la souffrance perçue par la victime […].
[139] Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte[78], décision en matière d’exploitation de personnes âgées, le Tribunal, en application de St-Ferdinand, reconnait également l’existence d’un préjudice moral objectif, indépendant de toute autre preuve :
[153] Dans l’arrêt St-Ferdinand, la juge L’Heureux-Dubé reprend un passage de l’article Pretium et précision du professeur Daniel Jutras de la Faculté de droit de l’Université McGill, pour expliciter que l’évaluation des dommages moraux comporte non seulement un volet subjectif, décrit ci-dessus, mais également un volet objectif qui est en quelque sorte indépendant de la souffrance perçue par la victime […].
(Références omises)
(Italiques reproduits)
[140] Conséquemment, selon l’arrêt St-Ferdinand, l’incapacité d’une personne de percevoir ou de comprendre la situation vécue et la violation de ses droits fondamentaux ne peuvent faire échec au droit à la compensation d’un préjudice moral :
[71] Ainsi, aux fins de la caractérisation de la nature du préjudice moral pour fins d’indemnisation, je suis d’avis, comme le juge Nichols, que la conception purement subjective n’a pas sa place en droit civil puisque les dommages sont recouvrables, non pas parce que la victime pourra en bénéficier, mais plutôt en raison même de l’existence d’un préjudice moral. L’état ou la capacité de perception de la victime ne sont donc pas pertinents quant au droit à la compensation du préjudice moral. […]
[141] L’évaluation du préjudice moral s’effectue donc en deux volets. Le premier est une appréciation objective de la gravité de l’atteinte à un droit fondamental garanti par la Charte. S’y ajoute, en un second temps, une évaluation subjective de ce préjudice. Ce n’est qu’à ce deuxième volet que les témoignages et autres éléments de preuve de préjudice sont requis.
[142] Rappelons que la notion de dignité est fondée sur la valeur intrinsèque de chaque personne en tant qu’être humain. Elle constitue une valeur fondamentale, pierre d’assise sous-jacente à l’ensemble des droits et libertés protégés par la Charte. La notion de dignité est si lourde de sens qu’elle ne peut que générer, dans le volet objectif de l’évaluation, des dommages moraux inhérents à l’atteinte de ce droit.
[143] Conséquemment, l’exigence d’une preuve de préjudice préalable à toute compensation pour le préjudice moral subi par la victime ne peut qu’occulter cette dimension. À cet égard, la Cour suprême dans St-Ferdinand invite même à mettre l’emphase sur le premier volet de l’évaluation en ce qu’« en présence d’un document comme la Charte, il est plus important de s’attarder à une appréciation objective de la dignité »[79].
[144] En l’occurrence, les conclusions du Tribunal quant à l’atteinte aux droits fondamentaux et à sa gravité sont de même nature pour X, Mme C..., M. R.... X, tout comme ses parents, est un sujet de droit à part entière, bénéficiant pleinement de la protection de la Charte. Le volet objectif de l’évaluation pour le préjudice moral subi ne peut qu’être identique pour chacun d’entre eux.
[145] À cela s’ajoute le volet subjectif de l’évaluation. Certes, X n’a pas eu conscience des enjeux soulevés par cette affaire. La preuve révèle qu’il a néanmoins été affecté par les événements, bien que dans une moindre mesure que ses parents.
[146] La visite de M. Ducharme au domicile familial et la discussion relative à la présence du chien d’assistance pour pallier le handicap de X a créé une atmosphère lourde. X a alors démontré des signes de stress et d’anxiété. L’intensité de ses émotions ne peut que s’être accrue alors que ses parents, devant l’incompréhension de M. Ducharme, ont éprouvé les sentiments que nous avons précédemment décrits.
[147] La preuve révèle également que X a eu des difficultés de sommeil pendant les deux nuits qui ont suivi.
[148] Cela dit, le Tribunal retient de la preuve que Mme C... et M. R..., en saisissant pleinement l’ampleur des événements qui se sont produits, ont été davantage affectés que leur fils sur le plan psychologique.
[149] Au terme de l’évaluation objective et subjective du préjudice moral subi par X, le Tribunal condamne M. Ducharme au versement à X d’une somme de 3 500 $ à titre de dommages moraux.
C. Les dommages punitifs
[150] La Commission demande au Tribunal de condamner M. Ducharme au paiement d’une somme de 500 $ à chacune des trois victimes à titre de dommages punitifs.
[151] L’article 49 alinéa 2 de la Charte autorise le Tribunal à condamner l’auteur d’une atteinte illicite et intentionnelle au paiement de dommages punitifs. Selon les principes établis par la Cour suprême du Canada, il y a atteinte illicite et intentionnelle lorsque :
[…] l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. […][80]
[152] Dans de Montigny c. Brossard (Succession)[81], la Cour suprême indique que l’octroi de dommages punitifs vise la sanction de l’auteur d’une atteinte illicite et intentionnelle, la dissuasion et la dénonciation de comportements jugés particulièrement répréhensibles. Ils ne visent donc pas la compensation d’un préjudice.
[153] Par ailleurs, l’attribution de dommages punitifs doit respecter les balises établies par l’article 1621 C.c.Q. :
1621. Lorsque la loi prévoit l’attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
Ils s’apprécient en tenant compte de toutes les circonstances appropriées, notamment de la gravité de la faute du débiteur, de sa situation patrimoniale ou de l’étendue de la réparation à laquelle il est déjà tenue envers le créancier, ainsi que, le cas échéant, du fait que la prise en charge du paiement réparateur est, tout ou en partie, assumée par un tiers.
[154] À cet égard, dans Richard c. Time Inc.[82], la Cour suprême limite l’octroi de dommages punitifs à « la somme la moins élevée » permettant d’atteindre la réalisation des objectifs visés par la disposition législative en cause.
[155] M. Ducharme œuvre dans le domaine des logements locatifs depuis une vingtaine d’années. Il jouissait donc d’une importante expérience lors des événements. M. Ducharme ne pouvait qu’avoir connaissance des conséquences que sa conduite engendrerait sur cette famille.
[156] M. R... avait bien pris le soin d’expliquer les circonstances justifiant la présence d’un chien d’assistance pour pallier le handicap de X et ce qu’il adviendrait pour eux si tous les propriétaires de logement avaient la même position.
[157] En ce qui a trait à la situation patrimoniale de M. Ducharme, ses revenus nets annuels provenant de la location de logements sont, somme toute, modestes. Quant à l’étendue de son patrimoine, hormis le fait qu’il est propriétaire de 9 logements à louer, la preuve est muette.
[158] Tenant compte de ces considérations, de la réparation à laquelle il est déjà tenu et des circonstances particulières de l’affaire, le Tribunal condamne M. Ducharme au paiement d’une somme 1 000 $, répartie entre chacune des trois victimes, à titre de dommages punitifs.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[159] ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance;
[160] CONDAMNE M. Jean Ducharme à verser à M. D... R... la somme de 5 053,33 $ répartie comme suit :
- 720 $ à titre de dommages matériels;
- 4 000 $ à titre de dommages moraux;
- 333,33 $ à titre de dommages punitifs.
[161] CONDAMNE M. Jean Ducharme à verser à Mme S... C... la somme de 5 053,33 $ répartie comme suit :
- La somme de 720 $ à titre de dommages matériels […];
- La somme de 4 000 $ à titre de dommages moraux […];
- La somme de 333,33 $ à titre de dommages punitifs […].
[162] CONDAMNE M. Jean Ducharme à verser à M. D... R..., en sa qualité de curateur à la personne et aux biens de son fils, X, la somme de 3 833,34 $ répartie comme suit :
- La somme de 3 500 $ à titre de dommages moraux […];
- La somme de 333,34 $ à titre de dommages punitifs […].
[163] LE TOUT, avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la date de la notification de la proposition de mesures de redressement, soit le 21 mars 2018, pour les dommages matériels et moraux, et à compter de la date du présent jugement pour les dommages punitifs.
[164] LE TOUT, avec frais de justice.
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__________________________________ MARIO GERVAIS, Juge au Tribunal des droits de la personne |
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Me Kathrin Peter |
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Mme Léonore Bergeron, stagiaire BITZAKIDIS CLÉMENT-MAJOR FOURNIER |
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Pour la partie demanderesse |
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M. Jean Ducharme |
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Partie défenderesse |
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Date d’audience : |
1er juin 2020 |
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[1] RLRQ, c. C -12.
[2] Pièce P-2, Jugement de la Cour supérieure rendu le 11 novembre 2014 prononçant l’ouverture d’un régime de protection en faveur de X.
[3] Pièce P-3, Attestation de la Fondation Mira datée du 6 décembre 2010.
[4] M. Champagne est psychologue de formation. Il est chercheur et concepteur des programmes de Mira.
[5] Le Labernois est un croisement entre un Labrador et un Bouvier bernois.
[6] Pièce P-4, Extrait du rôle de l’évaluation foncière daté du 5 avril 2016.
[7] Pièce P-5.
[8] Pièce P-6.
[9] Pièce P-7.
[10] Pièce P-8a.
[11] Pièce D-5.
[12] Desroches c. Québec (Commission des droits de la personne), 1997 CanLII 10586 (QC CA), p. 33 (PDF) ; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Jacques, 2004 CanLII 11304 (QC TDP), par. 33 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Grandmont, 2006 QCTDP 22, par. 42.
[13] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 16 décembre 1966, 993 RTNU 3, art. 11 (1) (entré en vigueur au Canada le 19 août 1976 et ratifié par le Québec le 21 avril 1976).
[14] Id., art. 2 (2).
[15] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bertiboni, 2009 QCTDP 5, par. 32. Voir également : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Beaulé, 2009 QCTDP 25, par. 47.
[16] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Pheneus et une autre) c. Fornella, 2018 QCTDP 3, par. 28 (Fornella).
[17] Id.
[18] Id., par. 27.
[19] Gosselin c. Québec (Procureur général), 2002 CSC 84, par. 430. Voir également Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, par. 54 (Bombardier).
[20] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Landry, 2007 QCTDP 3, par. 30.
[21] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté, 2015 QCCA 1544 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Destination Dollar Plus inc., 2014 QCTDP 15 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Coopérative de taxis de Montréal, 2008 QCTDP 10.
[22] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9107-9194 Québec inc., 2005 CanLII 48891 (QC TDP), par. 16.
[23] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Boismenu et autres) c. 9233-6502 Québec inc. (Le Balthazar Centropolis), 2019 QCTDP 30, par. 72 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dalir et autres) c. Québec (Ville de), 2013 QCTDP 32, par. 263 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Stoneham-et-Tewkesbury (Municipalité de cantons unis), 2011 QCTDP 15, par. 199 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Panacci, 2013 QCTDP 28, par. 85 (Panacci).
[24] Bombardier, préc., note 19, par. 56.
[25] Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 RCS 525, p. 538 ; Bombardier, préc., note 19, par. 35.
[26] Bombardier, id.., par 52.
[27] Id., par. 64.
[28] El Harrad c. Azizi, 2019 QCTDP 27.
[29] Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 RCS 868 (Grismer) ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Centre à la petite enfance Gros Bec, 2008 QCTDP 14. Voir également : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Stoneham-et-Tewkesbury (Municipalité de cantons unis), préc., note 23.
[30] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3 par. 25, 54 (Meiorin) ; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, par. 50 (McGill) ; Gaz métropolitain c. CDPDJ, 2011 QCCA 1201, par. 39-42.
[31] Law c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’immigration), [1999] 1 RCS 497.
[32] Panacci, préc., note 23.
[33] Coutu c. Québec (Commission des droits de la personne), 1995 CanLII 2537 (QC TDP), p. 39.
[34] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 RCS 211, par. 100.
[35] Calego International inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 924, par. 101.
[36] Amselem c. Syndicat Northcrest, 2002 CanLII 41115 (QC CA), inf. pour d’autres motifs par 2004 CSC 47.
[37] Fornella, préc., note 16, par. 30.
[38] Bombardier, préc., note 19, par. 35.
[39] Id.
[40] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté, préc., note 21 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), préc., note 21 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Destination Dollar Plus inc., préc., note 21 ; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Coopérative de taxis de Montréal, préc., note 21.
[41] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté,id..
[42] Enregistrement de l’audience, 15 h 04.
[43] Id., 15 h 05.
[44] Id., 15 h 07.
[45] Id., 15 h 10.
[46] Id., 15 h 16.
[47] Id., 15 h 18.
[48] Id., 16 h 10.
[49] Id., 16 h 28.
[50] Pièce P-8a, 1 min. 20 sec.
[51] Bombardier, préc., note 19, par. 52.
[52] Bombardier, préc., note 19, par. 35.
[53] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Bernucci, 2012 QCTDP 16, par. 93.
[54] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bergeron, 2002 CanLII 38193 (QC TDP), par. 17.
[55] El Harrad c. Azizi, préc., note 28, reprenant les enseignements de la Cour suprême dans Grismer, préc. note 29.
[56] Voir Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 RCS 844, par. 95 : « […] Il me semble toutefois qu’en édictant l’art. 5 en plus de l’article premier, le législateur québécois a expressément considéré l’importance de protéger les domaines de nature fondamentalement privée ou personnelle et a jugé opportun de leur accorder une protection particulière. Par conséquent, j’estime que l’art. 5 sera normalement plus utile pour l’examen des questions relevant de l’autonomie personnelle et de la vie privée, comme le choix d’un lieu pour établir sa demeure. […] ».
[57] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. 9185-2152 Québec inc. (Radio Lounge Brossard), 2015 QCCA 577.
[58] Id., par. 74.
[59] Id., par. 70.
[60] Grismer, préc., note 29.
[61] Id., par. 32.
[62] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté, préc., note 21.
[63] Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés, [1996] 2 RCS 345, par. 42. Voir également Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Côté, préc., note 21, par. 27.
[64] Mélanie SAMSON, « L’interprétation harmonieuse de la Charte québécoise et du Code civil du Québec : un sujet de discorde pour le Tribunal des droits de la personne et les tribunaux de droit commun ? », dans SFCBQ, vol. 405, Le Tribunal des droits de la personne : 25 ans en matière d’égalité, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 183, à la page 201 (références omises).
[65] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27, par. 32.
[66] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Stoneham-et-Tewkesbury (Municipalité de cantons unis), préc., note 23.
[67] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dalir et autres) c. Québec (Ville de), préc., note 23.
[68] Pièce P-10, Bail du logement de remplacement situé au 6814, 36e avenue, Montréal, signé le 10 avril 2016.
[69] Pièce D-5, Bail du logement situé au 5384, avenue Charlemagne, Montréal signé le 4 avril 2016 ; Pièce P-6, Annonce Kijiji offrant au public la location du logement situé au 5384, avenue Charlemagne, Montréal.
[70] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (X) c. Commission scolaire de Montréal, 2017 QCCA 286 (demande pour autorisation d’appeler refusée, 2017 CanLII 53394 (CSC)).
[71] Bou Malhab c. Métromédia CMR Montréal inc., 2003 CanLII 47948 (QC CA).
[72] Fornella, préc., note 17.
[73] Taoussi c. Taranovskaya Tsarevsky, 2020 QCTDP 7.
[74] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Pellerin) c. A. Viglione & Frère inc., 2018 QCTDP 20.
[75] Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 27.
[76] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, préc., note 34.
[77] Kerdougli c. La Vie en Rose inc., 2018 QCTDP 8.
[78] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Succession Hamelin-Piccinin) c. Massicotte, 2018 QCTDP 18. Voir également Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Succession Duhaime) c. Satgé, 2016 QCTDP 12; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Dalir et autres) c. Québec (Ville de), préc., note 23; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Courchesne, 2013 QCTDP 24.
[79] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, préc., note 34, par. 108.
[80] Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, préc., note 34, par. 121.
[81] de Montigny c. Brossard (Succession), 2010 CSC 51, par. 47 et 49.
[82] Richard c. Time Inc., 2012 CSC 8, par. 210.
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