Décision

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S.e.c. Résidence Stella c. Girard

2025 QCTAL 12889

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT

Bureau dE Laval

 

No dossier :

800553 36 20240605 F

No demande :

4355757

 

 

Date :

15 avril 2025

Devant le greffier spécial :

Me Philippe Manuguerra

 

A/S Société de gestion cogir SOCIÉTÉ EN NOM COLLECTIF Société en commandite Résidence Stella

 

Locatrice - Partie demanderesse

c.

Gaétan Girard

 

Locataire - Partie défenderesse

 

D É C I S I O N    I N T E R L O C U T O I R E

 

 

  1.          Le Tribunal est saisi d’une demande de fixation de loyer fondée sur l’article 1947 du Code civil du Québec[1] (C.c.Q).
  2.          Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2023 au 30 juin 2024, à un loyer mensuel de 4 114 $.
  3.          La présente décision interlocutoire fait suite à la conférence de gestion tenue le 29 janvier 2025.
  4.          Plusieurs dossiers visant des logements du même immeuble ou du même ensemble immobilier et concernant la même période de référence ont été entendus en même temps, conformément à l’article 57 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement[2] (LTAL).

CONTEXTE

  1.          Le 29 janvier 2025, étaient réunis devant le Tribunal 47 dossiers de fixation de loyer visant des logements du même immeuble.
  2.          Pour environ 40 de ces dossiers, la partie défenderesse est représentée par Me Charles-Andrew Bessette.
  3.          Les parties défenderesses représentées ainsi que certaines non représentées ont requis un report de l’audience au motif que la partie demanderesse n’a pas donné suite aux demandes[3] qui lui étaient faites par l’une des locataires, madame Turcotte, et Me Bessette, de leur communiquer, avant l’audience, la preuve au soutien des demandes de fixation de loyer.
  4.          Il importe de préciser que ladite preuve est volumineuse[4].
  5.          La demande de remise a été rejetée séance tenante et il a été convenu de tenir une conférence de gestion pour traiter des modalités entourant la divulgation de la preuve.

  1.      Le Tribunal a invité les parties à s’entendre à ce propos, en vain.
  2.      Lesdites modalités seront donc déterminées par la présente décision.
  3.      La partie demanderesse a mis en avant l’absence d’obligation de divulgation de la preuve avant l’audience. Elle semblait néanmoins disposée à permettre à la partie défenderesse de consulter la preuve lors à des occasions prévues à cet effet sur les lieux de l’immeuble concerné.
  4.      Du côté adverse, Me Bessette, invoquant les principes de justice naturelle et les règles habituellement en vigueur pour les autres types de procédures que les fixations de loyer, demande que la partie demanderesse lui communique l’intégralité des éléments de preuve, en version papier ou par voie électronique.

DÉCISION

  1.      D’emblée, le Tribunal précise que la présente décision relève de la gestion de l’instance en fonction des caractéristiques propres au présent dossier. La présente décision n’a donc pas pour effet de créer quelque précédent que ce soit, y compris entre les parties.
  2.      Il découle de l’article 56.3 LTAL qu’en matière de fixation de loyer, la partie demanderesse n’a pas à notifier les pièces au soutien de sa demande.
  3.      Ce qui ne dispense pas le Tribunal de prendre en compte des principes de justice naturelle.
  4.      Néanmoins, d’autres principes doivent également être considérés. Pour illustrer le propos, nous reproduirons les articles 17 à 19 Code de procédure civile[5] :

« CHAPITRE III

LES PRINCIPES DIRECTEURS DE LA PROCÉDURE

 

17. Le tribunal ne peut se prononcer sur une demande ou, s’il agit d’office, prendre une mesure qui touche les droits d’une partie sans que celle-ci ait été entendue ou dûment appelée.

 

Dans toute affaire contentieuse, les tribunaux doivent, même d’office, respecter le principe de la contradiction et veiller à le faire observer jusqu’à jugement et pendant l’exécution. Ils ne peuvent fonder leur décision sur des moyens que les parties n’ont pas été à même de débattre.

 

18. Les parties à une instance doivent respecter le principe de proportionnalité et s’assurer que leurs démarches, les actes de procédure, y compris le choix de contester oralement ou par écrit, et les moyens de preuve choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigé, proportionnés à la nature et à la complexité de l’affaire et à la finalité de la demande.

 

Les juges doivent faire de même dans la gestion de chacune des instances qui leur sont confiées, et ce, quelle que soit l’étape à laquelle ils interviennent. Les mesures et les actes qu’ils ordonnent ou autorisent doivent l’être dans le respect de ce principe, tout en tenant compte de la bonne administration de la justice.

 

19. Les parties à une instance ont, sous réserve du devoir des tribunaux d’assurer la saine gestion des instances et de veiller à leur bon déroulement, la maîtrise de leur dossier dans le respect des principes, des objectifs et des règles de la procédure et des délais établis.

 

Elles doivent veiller à limiter l’affaire à ce qui est nécessaire pour résoudre le litige et elles ne doivent pas agir en vue de nuire à autrui ou d’une manière excessive ou déraisonnable, allant ainsi à l’encontre des exigences de la bonne foi.

 

Elles peuvent, à tout moment de l’instance, sans pour autant qu’il y ait lieu d’en arrêter le cours, choisir de régler leur litige en ayant recours à un mode privé de prévention et de règlement des différends ou à la conciliation judiciaire; elles peuvent aussi mettre autrement fin à l’instance. »

 

Soulignements ajoutés

  1.      Tout est question d’équilibre pour essayer de concilier différents principes qui parfois s’entrechoquent en fonction des circonstances propres à chaque affaire.
  2.      En l’espèce, le Tribunal croit que l’implication d’un avocat comme représentant de la très grande majorité des locataires est de nature à faciliter, outre le déroulement de l’instance, les communications entre les parties en limitant fortement le nombre d’interlocuteurs pour la partie demanderesse.

  1.      Considérant ceci, le Tribunal ordonnera à la partie demanderesse de communiquer des éléments de preuves.
  2.      Toutefois, cette communication ne sera pas totale, compte tenu de la masse documentaire en question.
  3.      Généralement, les pièces justificatives liées aux sections entretien et services du formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer représentent l’essentiel, en quantité, de la documentation au soutien d’une demande en fixation de loyer.
  4.      Pour permettre l’administration de la preuve, elles s’accompagnent souvent de listes, résumés, sommaires ou encore documents comptables recensant les dépenses. 
  5.      Le Tribunal estime que la communication de telle liste suffit et que la nécessité d’imposer à la partie demanderesse que l’entièreté des pièces soient communiquées n’a pas été établie.
  6.      Ainsi, devront être communiquées les pièces visant les sections 3, 4, 5, 6 ,7 ,8, 11, 12, 13 du formulaire ainsi que les listes ou sommaires de dépenses pour les sections 9 et 10. La communication des autres pièces justificatives pour les sections 9 et 10 n’est pas exigée.
  7.      Les pièces non communiquées pourront toujours être consultées si souhaité, suivant les modalités décrites dans les conclusions.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

  1.      ORDONNE à la partie demanderesse de communiquer, par voie électronique, les pièces au soutien de sa demande incluant les listes ou sommaires des dépenses pour les sections entretien et service du formulaire de renseignements nécessaires à la fixation du loyer, mais excluant les autres pièces justificatives pour ces deux sections :

a) à l’avocat de la partie défenderesse dans le mois de la présente décision;

b) à toute partie défenderesse non représentée qui lui en ferait la demande écrite dans le mois de la présente décision;

  1.      ORDONNE à la partie demanderesse de permettre, pendant les quatre mois suivant la date de la présente décision, la consultation de l’entièreté de la preuve à toute partie défenderesse qui lui en ferait la demande :

a) soit selon les modalités convenues entre les parties;

b) soit, à défaut d’entente, sur prise de rendez-vous avec la partie demanderesse à des horaires de bureau, sur les lieux de l’immeuble concerné;

  1.      DEMANDE au Maître des rôles de convoquer de nouveau les parties devant le soussigné pour une journée (deux rôles).

 

 

 

 

 

 

 

 

Me Philippe Manuguerra, greffier spécial

 

Présence(s) :

les mandataires de la locatrice

le locataire

Me Charles-Andrew Bessette, avocat du locataire

Date de l’audience : 

29 janvier 2025

 

 

 


 


[1] Chapitre CCQ-1991.

[3] Pièce L-1.

[4] Peut-être 1500 pages de documentation d’après la mandataire de la locatrice.

[5] Chapitre c-25.01.

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