Paya c. Fontaine | 2025 QCTAL 12137 |
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU LOGEMENT |
Bureau dE Montréal |
|
No dossier : | 845004 31 20250120 G | No demande : | 4592764 |
| |
Date : | 09 avril 2025 |
Devant la juge administrative : | Francine Jodoin |
|
Charles Paya Gabrielle Dupuis | |
Locateurs - Partie demanderesse |
c. |
Delphine Fontaine | |
Locataire - Partie défenderesse |
|
D É C I S I O N
|
| | | | | | |
- Les locateurs demandent l’autorisation de reprendre le logement concerné pour s’y loger à compter du 1er juillet 2025. Ils demandent, également, l’exécution provisoire de la décision et les frais.
LES FAITS
- Lors de l’audience, la locataire est représentée par une amie qui déclare qu’elle consent à quitter les lieux à l’expiration du bail. Elle réclame, toutefois, le versement de trois (3) mois de loyer à titre d’indemnité, soit 3 300 $.
- Sa mandataire précise que la locataire travaille à proximité du logement. Il s’agit d’un 41/2 pièces.
- Les parties sont liées par un bail du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025, au loyer mensuel de 1100 $.
- La locataire aura vécu un an dans le logement. Les locateurs sont de nouveaux acheteurs depuis décembre 2024. Ils comptent se loger dans leur immeuble.
- Le logement choisi est situé à l’étage. Il est plus lumineux, correspond davantage à leurs besoins. Quant au rez-de-chaussée, le revenu de location leur permettra d’assumer les charges financières inhérentes à cet immeuble.
- Ils offrent à la locataire une indemnité de 1 000 $ avec la possibilité de quitter avant l’échéance du bail avec préavis d’un mois ou de prolonger de 15 jours.
ANALYSE
- Vu l’acquiescement de la locataire à quitter le logement, le Tribunal fera droit à la demande des locateurs.
- Il importe de souligner que l'article 1968 du Code civil du Québec permet d'accorder des dommages-intérêts et même des dommages punitifs si la reprise de logement est obtenue de mauvaise foi. De plus, l'article 1970 du Code civil du Québec précise qu'un logement qui fait l'objet d'une reprise ne peut, sans l'autorisation du Tribunal administratif du logement, être reloué ou utilisé pour une autre fin que pour celle pour laquelle le droit a été exercé.
- Quant à l’indemnité, l’article 1967 du Code civil du Québec prévoit :
« 1967. Lorsque le tribunal autorise la reprise ou l’éviction, il peut imposer les conditions qu’il estime justes et raisonnables, y compris, en cas de reprise, le paiement au locataire d’une indemnité équivalente aux frais de déménagement. »
- Cette disposition fait référence à l'imposition de conditions justes et raisonnables et aux frais de déménagement sans toutefois, préciser davantage le sens qu'il convient de donner à ses termes.
- La jurisprudence considère, toutefois, que cela ne vise pas que les frais de transport des biens[1]. Elle accorde ainsi une indemnité pour la cessation du droit au maintien dans les lieux[2] en tenant compte de facteurs tels que l'âge du locataire, son état de santé, la durée d'occupation du logement, l'attachement au logement, le coût du transport des biens, les frais de branchement aux services publics (téléphone, électricité, câblodistribution, etc.).
- Il faut également considérer que les locateurs exercent un droit légitime reconnu par la loi. Il n'y a donc pas lieu de les pénaliser pour l'exercice de ce droit. Aussi, l'indemnité doit donc viser à compenser la locataire adéquatement sans risquer de créer une contrainte financière telle que l'exercice même de ce droit s'en trouverait affecté.
- Il appartient au Tribunal d'évaluer, suivant la preuve soumise, si la somme réclamée est raisonnable, en tenant compte de l'ensemble des facteurs préalablement mentionnés.
- Tel que le mentionne, le juge administratif François Leblanc, dans l'affaire Pace c. Poirier[3] :
« [47] Cependant, il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire qui ne dépend pas automatiquement de ce qui est demandé ou prouvé, mais bien de ce qui apparaît comme juste et raisonnable, à partir de l'analyse que fait le Tribunal de la preuve et de la situation des parties. »
[Notre soulignement]
- Quant aux coûts de transport des biens, le Tribunal n'est pas lié par les soumissions produites. Les frais y étant reliés sont variables et sujets au tarif horaire ou aux services inclus au moment de la conclusion du contrat avec le transporteur.
- Comme le rappelle, également, le juge administratif Jean Bisson, dans l'affaire Bei c. Fuchs[4] :
« L'exercice, par le locateur, de son droit à la reprise du logement ne doit pas constituer une occasion, pour le locataire, de s'enrichir ou de s'offrir un luxe qu'il ne s'offrirait pas dans d'autres circonstances. »
- Dans les circonstances actuelles, le Tribunal est d'avis que la locataire a droit d'être indemnisée pour les dépenses et inconvénients qu’elle subira, en raison du déménagement.
- La recherche d’un logement à un loyer équivalent peut s’avérer difficile dans le même quartier et le déménagement de quartier risque de provoquer un certain déracinement et d’autres contraintes. De plus, diverses dépenses s’ajoutent au coût du transport des biens.
- Considérant la preuve soumise et après analyse, le Tribunal croit qu'un montant de 1 500 $ est raisonnable pour compenser la locataire des frais raisonnables reliés au déménagement, le tout considérant la durée d'occupation et les frais directement reliés au déménagement et la possibilité de quitter avant la fin du bail.
- Cette indemnité est payable dès que la présente décision devient exécutoire[5].
- Il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.
- Considérant que chacune des parties se voit reconnaitre des droits par la présente décision, le locateur devra assumer les frais de sa demande.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
- AUTORISE les locateurs à reprendre le logement pour s’y loger, dès le départ de la locataire et au plus tard, le 15 juillet 2025;
- ORDONNE à la locataire de quitter les lieux au plus tard le 15 juillet 2025;
- PERMET à la locataire de quitter le logement en tout temps avant cette date, sur préavis d’un mois;
- CONDAMNE les locateurs à payer à la locataire la somme de 1 500 $;
- REJETTE la demande quant au surplus.
| | |
| Francine Jodoin |
|
Présence(s) : | les locateurs la mandataire de la locataire |
Date de l’audience : | 18 mars 2025 |
|
|
| | | |
[1] Carlin c. Dec, 500-02-063681-980, 99-03-26, Juge Lucien Dansereau, Boulay c. Tremblay, (1994) J.L. 132,
[2] Op.cit. Voir également : Duchesneau-Bernier c. Beauchemin, 2011 QCRDL 2118 (juge administratif Jocelyne Gravel); Robidoux c. Landry, 2011 QCRDL 47569 (juge administratif Anne Morin); Ménard et Pilon, 31-010112-092G (juge administratif Luce De Palma), le 12 mars 2001; Mill c. Wolf, 31-011031-070G, 7 février 2002, (juge administratif Danielle Dumont); Karasad Sellaoui c. Biggs, C.Q. 500-80001178-038, 19 juin 2003, juge Lucien Dansereau.
[3] Pace c Poirier, 2018 QCRDL 18094, AZ-51499525 (SOQUIJ).
[4] Bei c. Fuchs, [1995] J.L. 266 (R.D.L.)
[5] Articles 82 et 92 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, RLRQ, c. T-15.01.